Le patronat se croit tout permis, Jospin ly encourage, donnons nous les moyens de nous faire entendre
A lissue des élections législatives de mai dernier, Jospin prenant ses fonctions de premier ministre de cohabitation avait promis une grande conférence sur la question des salaires et de lemploi. Initialement prévue pour septembre, elle a été reculée en octobre et plus le gouvernement recule la date, plus il recule sur ce quil avait promis. Pour tout travailleur, il semblait acquis que de cette conférence devait naître une loi sur les 35 heures sans diminution de salaire.
Jospin a pris tout son temps pour faire savoir quil considérait une telle mesure comme antiéconomique, façon de revenir sur ses promesses. Les syndicats ont bredouillé et aujourdhui, le CNPF naccepte de participer à cette conférence quà la condition explicite que le gouvernement ne mette pas en discussion une loi sur les 35 heures. Le patronat a tout ce quil veut, comme il la eu des gouvernements précédents mais ça ne lui suffit pas. La bouche pleine, il réclame toujours plus.
En réalité, ce que veut le patronat et ce sur quoi dune façon ou dune autre le gouvernement Jospin lui cédera, cest la flexibilité du travail, lannualisation du temps de travail. Aujourdhui, les ministres affichent leur désaccord, cest la cacophonie qui accompagne les reniements et précède les capitulations. Jospin trouvera sans doute comme pour la CSG un compromis mais on sait que dans ce genre de compromis, ce sont les plus forts qui imposent dans les faits leur loi, les patrons.
Cette politique de lactuel gouvernement de la gauche dite plurielle, avec la participation du Parti Communiste est lourde, si les travailleurs laissent faire, dune double menace.
La première est de voir la misère et le chômage développer leurs ravages. Bien évidemment que les 35 heures sont aujourdhui une nécessité. En 1936 une loi sur les 40 heures avait été adoptée et quand on considère les progrès accomplis dans la productivité du travail, ce ne sont pas les 35 heures qui sont réellement dactualité mais bien les 32 heures. Ce serait une telle revendication qui permettrait aux travailleurs davoir le temps de participer pleinement à tous les aspects de la vie sociale. Mais pour en finir avec le fléau du chômage et de la misère, cest la répartition du travail entre tous qui est nécessaire, de sorte quil ny ait plus dexclus, de gens mis au ban de la société, condamnés à vivre daides misérables.
Pour imposer ces revendications, il faudrait un gouvernement qui soit vraiment un gouvernement de gauche, un gouvernement des travailleurs qui sappuie sur leurs organisations politiques et syndicales, sur des comités ouverts à tous et démocratiques dans les entreprises, les bureaux, les quartiers pour imposer au patronat les mesures durgence qui exigent de sen prendre directement aux profits des financiers et des privilégiés.
Et parce que les partis qui aujourdhui disent nous représenter, se détournent dune politique de gauche, dune politique au service du monde du travail, pour mener une politique sur le fond entièrement soumise aux intérêts du patronat, un deuxième danger nous menace, cest le danger de lextrême-droite et de Le Pen.
Ce dimanche avait lieu à Mulhouse une élection cantonale partielle qui a vu le candidat du Front National battre nettement le candidat du Parti Socialiste.
Bien sûr, ce canton nétait pas un canton populaire et ouvrier mais il nempêche que cest un avertissement de plus. Les partis de gauche, en tournant le dos aux intérêts du monde du travail, avec le soutien, avoué ou non, des organisations syndicales, nous désarment si nous ne prenons pas en main nous-mêmes nos propres affaires. Ils nous désarment parce que, dans le même temps, à défaut de sen prendre aux intérêts des capitalistes, ils sen prennent sous couvert de justice aux couches sociales qui ont des conditions dexistence supérieures à celles de la majorité des travailleurs. Cette politique soumise aux intérêts du patronat sèmera le mécontentement dont se nourrit la démagogie dextrême-droite, démagogie qui retournera ce mécontentement contre les salariés, contre le Parti Socialiste et le Parti Communiste euxmêmes, contre les syndicats.
Cest pourquoi il nous faut discuter entre nous, simples travailleurs, militants du Parti Communiste, du Parti Socialiste, militants dextrême-gauche, membres de syndicats ou dassociations, des moyens dempêcher ces deux dangers qui se nourrissent lun de lautre, de devenir une réalité. Il y a urgence, cest lavenir qui est en jeu. Nous ne pouvons laisser faire, il faut que tous ensemble, nous rassemblions nos forces, parce que nous navons pas dautre espoir pour éviter le pire que de retrouver en toute lucidité et en toute conscience le chemin de la lutte des classes. Les classes privilégiées mènent consciemment leur combat sans aucune faiblesse, à nous de faire de même du point de vue de lintérêt de lensemble de la société dont nous représentons lavenir.
mercredi 1er octobre 1997
Mesures fiscales : la démagogie de Jospin, une politique qui peut nous coûter cher
Jospin a parlé dans son intervention télévisée sur TF1de " supprimer les privilèges excessifs ". Le travail ne manquerait pas : de la loi Pons qui permet de déduire des " investissements faits dans les DOM TOM " en achetant notamment des yachts et des bateaux de plaisance, au financement en capital duvres cinématographiques, en passant par la détaxation du revenu investi en actions ou dans limmobilier locatif, il y a plusieurs dizaines de milliers de familles qui ont un revenu imposable de plus de 500 000 F par an et qui ne paient pas dimpôts. Mais Jospin na touché à rien de tout cela.
Fausses mesures contre les riches
Deux mesures ont été ainsi présentées comme le symbole de la " justice sociale " selon Jospin. La première vise les ménages qui bénéficiaient de réductions dimpôts pour lemploi de personnel à domicile, femme de ménage ou jardinier. Cette mesure que le gouvernement voulait symbolique nest quen trompe lil. Cette réduction dimpôts était à lorigine une mesure prise par un gouvernement socialiste, mesure démagogique pour plaire à des milieux un peu aisés et dont bénéficiaient des riches. Sa suppression est tout aussi démagogique, une duperie à légard des milieux populaires.
La seconde vise la réduction de charges sociales, lallocation pour la garde denfant à domicile que les plus riches cumulaient avec la réduction dimpôts pour lemploi de personnel de maison. Là encore, il sagit dune mesure démagogique qui nempêche pas les plus aisés de bénéficier de réduction de charges sans résoudre les problèmes de limmense majorité.
Par contre, les véritables mesures de taxation des fortunes ont été soigneusement évitées comme en témoigne limpôt de solidarité sur la fortune qui depuis 92 reste stable autour de 7 milliards de francs annuels alors que le patrimoine taxable est passé de 1589 milliards de francs à 1845 milliards de francs. En 1996, limpôt sur la fortune sest élevé à 8 milliards de francs soit 0,10 % du PIB. Et après avoir multiplié les effets dannonce sur son augmentation, notamment par lélargissement de son assiette, le gouvernement socialiste a battu en retraite et ny a pas touché, même symboliquement.
Vraies mesures de division contre les salariés
Faute de sattaquer aux vrais riches, à ces 174 000 familles qui sont assujetties à limpôt sur la fortune, ce 1 % de bourgeois qui possèdent à eux seuls de 14 à 20 % du patrimoine et dont la fortune moyenne est de plus de 11 millions de francs, ou ces 10 % de ménages qui possèdent la moitié du patrimoine et ne versent au fisc que 13 % de leurs revenus, Jospin invente des faux privilégiés et des faux riches parmi les couches de salariés les moins pauvres.
Cest le sens des mesures prises par Aubry sur la suppression des allocations familiales pour les ménages de deux enfants dont le revenu dépasse 25 000 F par mois ou lassujettissement à la CSG de revenus dépargne comme le plan dépargne logement. Le riche, ce nest plus le bourgeois vivant à Neuilly, avenue Foch ou dans les quartiers de lEst parisien ou dans des lieux de toutes façons inaccessibles ou inconnus des plus pauvres, cest le couple de professeurs, de techniciens ou dingénieurs dont les revenus sont présentés comme exorbitants alors quils sont à peine corrects. Les riches, ce ne sont plus les financiers, les banquiers et les industriels, cest celui qui garde encore assez dargent pour souscrire un plan épargne logement (PEL) et qui devra acquitter la CSG sur ces revenus.
Une politique criminelle
Désigner ainsi comme des privilégiés, les couches moyennes de salariés aux yeux des plus pauvres, les taxer en leur nom, au nom de la " justice sociale ", alors que ni dans le cadre de la CSG, ni dans le cadre de la suppression des allocations familiales, les familles les plus modestes ne toucheront un sou des mesures ainsi prises, cest faire la pire démagogie, cest dresser les salariés les uns contre les autres, les diviser pour quils se trompent de cible et quainsi les vrais parasites de cette société soient préservés. Dresser le chômeur contre le travailleur de la Fonction publique présenté comme un privilégié qui nest jamais au travail - et on voit bien que les déclarations dAllègre ne sont en rien des " bavures " -, le smicard ou le Rmiste contre linfirmière ou lenseignant. Cette politique divise les salariés, la revanche contre le " tous ensemble " de Décembre 95. Cest une politique de pleutre qui se conduit comme un larbin à légard des possédants et se montre dautant plus agressif à légard des salariés. Et cest une politique criminelle parce quelle alimente les préjugés, les aigreurs, les rancurs dont lextrême droite fait son fond de commerce.
Un budget 98 fait sur mesures pour satisfaire les patrons... Et pour duper les travailleurs !
Le gouvernement Jospin a annoncé que le budget 98 serait " propre et sincère ". Bien sûr, comme la dit Jospin " les marges de manuvre ne sont pas considérables " mais il indique selon lui " des orientations en rupture avec celles des gouvernements précédents ". Mais derrière ces déclarations, la réalité est toute autre et pour les patrons, le budget 98 na rien à envier au budget précédent.
Jospin, bon gestionnaire des intérêts du patronat
Jospin a tenu à montrer quil était un bon gestionnaire des affaires de la bourgeoise et quil proposait un " budget économe " :
3 % de déficit, une hausse du budget de 1,36 % soit moins que le taux prévu dinflation (1,4 %), Jospin nest pas dépensier et à la tête de lEtat, il tient à montrer quil est un patron qui défend la même politique que les autres patrons : pas dembauche et augmentation des emplois précaires. Il y aura en tout et pour tout 490 postes en plus pour toute la Fonction publique, tandis que la création de milliers demplois jeunes va accroître le nombre de salariés au statut précaire et rémunérés au SMIC. Et sur le chapitre des rémunérations, Jospin, comme tous les patrons est à fond pour la modération salariale : la hausse de salaires prévue pour les fonctionnaires est de 0,5 % à compter du premier octobre. Aussi généreux que Juppé en mars dernier.
Esbroufe et poudre aux yeux
Jospin a voulu faire de certains choix budgétaires un symbole de ses " préoccupation sociales " : ainsi le budget du ministère de lEmploi augmente-t-il de plus de 3 % ainsi que celui de lEducation nationale tandis que celui de la Défense est révisé à la baisse de 2,1 %.
Mais en les examinant de plus près, ces chiffres indiquent une toute autre réalité que celle décrite par Jospin. Ainsi, le budget de lEducation nationale est augmenté mais pas un poste denseignant ne sera créé ! " Une douche froide " commentent les dirigeants syndicaux pourtant bien modérés à légard du gouvernement socialiste. Dans ces conditions, comment réaliser les objectifs définis par Allègre, laccueil des enfants de deux ans, la revalorisation des ZEP et un enseignement de qualité sans créer un seul des milliers demplois qui seraient nécessaires ?
Quant au budget de lEmploi, il augmente pour financer les milliers demplois précaires et sous payés qui vont être mis en place dans le cadre des " emplois - jeunes ". Et comme Jospin et ses ministres ne veulent pas faire au patronat la peine la plus légère, ils ont maintenu tous les systèmes " daide à lemploi " qui existaient, cest-à-dire les milliards de subventions que les patrons continuent dempocher sans créer le moindre emploi.
Quant au budget de la Défense, sil est en baisse de 3 %, cest surtout dû à la baisse des dépenses de fonctionnement qui est de 8,7%. Les achats des chars Leclerc, des avions Rafale ou la construction du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle ne sont pas remis en cause, leur financement sera seulement étalé dans le temps et les intérêts des marchands de canons sont préservés.
Mais il y a quand même un secteur en hausse dans le budget des armées, cest celui qui sert à payer les militaires. La professionnalisation de larmée saccompagne dincitations au départ dont le montant est tenu soigneusement secret mais qui vont permettre à bon nombre de gradés de partir avec des indemnités rondelettes avant daller pantoufler dans des emplois réservés. Nul doute quils seront mieux traités que les ouvriers des arsenaux ou des usines du GIATT déjà licenciés ou qui sont menacés de lêtre.
Voilà donc un budget " social " qui na rien pour déplaire aux patrons et aux militaires, mais qui ne fera quaccroître les difficultés des salariés et de lensemble de la population dont les besoins vitaux - au premier rang desquels lamélioration et le développement des services publics - ne seront pas pris en compte.