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Succès des fêtes communes

Les deux derniers week-ends de septembre se sont déroulées deux fêtes communes à l'initiative de VOIX DES TRAVAILLEURS à Rouen et à Bordeaux. Ces deux fêtes ont rencontré une nette sympathie puisque près de 700 personnes sont venues à Rouen à la fête commune LCR, ART, GR, VDT et il y a eu 1000 entrées sur deux jours à la fête LCR, VDT sur Bordeaux.

Depuis longtemps les petits calculs et les rivalités faisaient souvent l'essentiel des relations entre les différentes tendances d'extrême gauche. Certes ces deux fêtes ne suffiront pas, même localement, à rompre totalement avec ces mœurs ridicules qui paralysent. Mais elles ont permis de franchir un pas dans le bon sens pour renouer avec des relations franches et de travail commun. Les travailleurs et les jeunes présents ont d'ailleurs apprécié la signification politique que nous voulions donner à ces deux fêtes. Comme nous l'espérions, elles augurent bien de la suite.

Extraits de l’allocution de Gérard Barthélémy à la Fête de Bordeaux :

" Chers amis et camarades,

Bienvenue à tous pour cette première fête commune de la LCR et de Voix des Travailleurs, bienvenue et merci à tous ceux qui nous ont aidés à relever un double défi, d'abord réussir à ce que cette traditionnelle fête de la rentrée ait lieu, ensuite le défi de réussir à ce qu'elle prenne le visage d'une fête commune. [...] Ces deux défis, en réalité n'en font qu'un, le défi de rompre avec le sectarisme, le défi de donner à l'extrême-gauche un visage cohérent, le défi de renouer avec les relations de camaraderie, de respect mutuel et de franchise, de démocratie qui devraient régir normalement les relations non seulement entre militants qui se réclament des mêmes idées du communisme et de la révolution, mais entre tous les militants de la classe ouvrière.

Chacun comprendra que cela constitue pour nous une satisfaction d'autant plus profonde que les camarades qui sont à l'origine de notre tendance ont été exclus de Lutte Ouvrière il y a maintenant 6 mois, parce qu'ils n'acceptaient pas de voir leur organisation mettre en sourdine l'appel d'Arlette Laguiller à la construction d'un parti des travailleurs, de jeunes, de chômeurs et d'exclus pour adopter une attitude sectaire. Nous voudrions espérer que ce mois de septembre 97 restera comme la date où des militants d'ici mais aussi de Rouen et d'autres villes de province ou de Paris, des militants de Voix des Travailleurs, bien sûr, mais de la Ligue Communiste Révolutionnaire ou de Lutte Ouvrière, de la Gauche Révolutionnaire ou de l'Association pour un Rassemblement des Travailleurs et d'autres qui ne m'en voudront pas, je l'espère, si je ne les cite pas, ont pris sur eux de s'engager dans un combat pour que naisse dans les mois qui viennent une organisation unique des révolutionnaires, un Front des révolutionnaires.

C'est une tâche vitale et urgente et de grandes responsabilités pèsent sur nos épaules, mais d'ores et déjà pour ce qui nous appartient, nous pensons que cette fête ne doit pas rester sans suite. Nous devons, pensons-nous, mettre sur pied un bureau de liaison entre nos deux tendances et tenir des assemblées communes afin de confronter nos politiques et perspectives, des assemblées ouvertes à tous les travailleurs, les jeunes, soucieux de comprendre et de se préparer aux luttes politiques et sociales à venir.

Oui, camarades, il y a urgence parce que dans les mois qui viennent, bon nombre de militants de gauche, militants du Parti Communiste ou militants du Parti Socialiste, militants de syndicats ou d'associations, vont être placés devant des choix et de l'issue de ces choix pourrait dépendre l'évolution politique des années qui viennent. En effet, le gouvernement Jospin, le gouvernement de cette gauche dite plurielle tendra de plus en plus à parler d'une seule voix, si tant est qu'il y ait eu des discordances, et beaucoup seront obligés de soutenir le gouvernement ou de se démettre. […] Il y a une autre issue que seuls les révolutionnaires sont capables de représenter et d’exprimer, c'est que se constitue une opposition ouvrière, de gauche, à ce gouvernement pour ne pas laisser la droite réactionnaire et l'extrême-droite recueillir les fruits de la déconsidération du gouvernement. Oui, camarades, se dérober à la tâche cruciale, urgente, de constituer une réelle opposition ouvrière à ce gouvernement serait laisser le terrain à la droite et à l'extrême-droite.

Le Pen a bien compris la logique de la politique de la gauche. […] il attend en embuscade, sûr de son coup parce qu’il sait très bien que la politique de la gauche, à défaut de s'attaquer aux financiers, aux riches, aux véritables privilégiés, désarmera les travailleurs dans le même temps qu'elle mécontentera les milieux populaires. […]

Oui, depuis quatre mois maintenant que ce gouvernement est au pouvoir, il est clair que toute sa politique est au service des classes privilégiées de ce pays, de la minorité qui détient et concentre entre ses mains tous les pouvoirs économiques. […] La conférence sur l’emploi […] ne sera qu’une mascarade dont il ne sortira rien pour les travailleurs et qui servira au patronat à jouer les victimes, donnant au gouvernement tous les prétextes qu‘il cherche pour se défaire de sa promesse. [...]

Alors, camarades, pour les travailleurs, les échéances sont ailleurs parce qu’ils n'ont pas confiance dans leurs organisations tant politiques que syndicales. Oh bien sûr, la direction de la CGT laisse le mécontentement des militants s'exprimer, voire même elle l'encourage dans la mesure où elle sait bien qu'aujourd'hui les travailleurs ne sont pas prêts à se battre […] Comment les travailleurs pourraient-ils entamer des luttes d'importance sachant que ces luttes seront dures alors qu'ils savent parfaitement que les organisations qui sont censées les représenter ne feront rien pour mettre en mauvaise position leurs amis au gouvernement ? Alors oui, il y a des mesures d'urgence à prendre pour enrayer le chômage et la misère. Ces mesures exigent de s'en prendre aux profits, de mettre un frein aux méfaits de la politique de la bourgeoisie qui sacrifie les intérêts de la collectivité à ses propres intérêts privés. Oui, il faut imposer le droit de la population à contrôler la marche des entreprises publiques et privées comme la marche de l’administration et de l'Etat. Ces mesures, seules la mobilisation et l'organisation du monde du travail pourront les imposer et les réaliser. Et c'est à cela que dès aujourd'hui, il faut que les travailleurs les plus conscients comme les jeunes se préparent. […]

Mais pour cela, faut-il que les révolutionnaires se donnent les moyens de gagner la confiance des travailleurs, de leur offrir un cadre militant comme une perspective politique, c'est-à-dire que les révolutionnaires soient véritablement capables de constituer un pôle d'opposition à la politique du gouvernement. Cela exige des révolutionnaires qu'ils rompent avec le passé gauchiste […] que chacun prenne sur lui pour créer des rapports de confiance entre militants, qui tournent le dos à toutes les méthodes d'appareil de la petite-bourgeoise, duplicité, pression ou rapport de forces, chantage, toutes ces méthodes qui rendront impossible toute démocratie ouvrière et que la social-démocratie d'abord, le stalinisme ensuite comme les bureaucraties syndicales ont imposées au sein du mouvement ouvrier. Pour que renaisse réellement le mouvement ouvrier, il nous faut renouer avec les traditions de démocratie ouvrière où tout se discute mais quand la décision est prise, elle s'applique de façon impérative, au nom de la solidarité de classe et de la discipline du combat. Le combat des travailleurs exige la plus large démocratie, la transparence la plus totale, toute la clarté, toute la vérité, et ne peut manifester aucune complaisance avec l'univers moral et politique de la social-démocratie, du stalinisme ou des appareils, c'est-à-dire de tous ceux qui parasitent le dévouement et le travail des militants et la lutte des travailleurs, et sont toujours prêts d'une façon ou d'une autre à marchander leur influence sur les travailleurs à des fins politiciennes, personnelles, arrivistes.

Si nous sommes capables de donner un tel visage à notre combat, il nous sera possible de donner des armes politiques à la nouvelle génération qui n'acceptera pas d'être marginalisée, subordonnée et qui se tournera vers la lutte, cette jeune génération qui ne peut se reconnaître dans tous ces politiciens qu'elle méprise. Les idées révolutionnaires peuvent et doivent trouver la voie vers les jeunes générations mais cela ne se fera pas tout seul, cela dépend largement de nous. Et en s'emparant de la flamme révolutionnaire, en prenant de plain-pied leur place dans la lutte politique et sociale, les jeunes sauront réentraîner leurs aînés. Il y a un milieu riche d'idées, de compétences et d'expériences, dispersé dans différentes organisations, syndicats ou associations qui représente un potentiel militant considérable et partage les inquiétudes de la jeunesse. […] Oui, camarades, c'est tous ensemble, générations confondues que nous construirons la force neuve, vivante, démocratique, ce parti des travailleurs qui donnera un visage honnête et sincère aux idées du socialisme et du communisme, un visage démocratique et révolutionnaire et armera les travailleurs pour en finir avec les méfaits de la propriété privée, des financiers et des privilégiés pour construire un monde nouveau débarrassé de la misère, de l'oppression, du racisme et de la violence.

Journée du 8 octobre à la SNCF : c'est aux cheminots de lui donner un sens

L'appel à une "journée de grèves" à la SNCF lancé pour le 8 octobre par la CGT, la CFDT, FO et la FGAAC suscite de nombreuses questions parmi les cheminots. Pourquoi le 8 et pas le 10, alors que ce jour-là une journée d'action interprofessionnelle est prévue à l'occasion de l'ouverture de la "conférence emploi-salaires" du gouvernement ? Pourquoi un appel qui se veut "unitaire" n'inclut-il pas le syndicat SUD-Rail, scission de la CFDT ?

Les revendications retenues pour cette journée sont d'une part, catégorielles (protection sociale et permis de circulation pour les cheminots) et d'autre part, dans ce qu'elles peuvent avoir de commun à tous les salariés, bien vagues. En effet les cheminots sont appelés à faire grève pour "le niveau des salaires et des retraites", "l'emploi" et "l'exigence" d'une loi-cadre sur la réduction du temps de travail à 35 heures voire 32 heures sans perte de salaire".

Pourquoi, s'il s'agit de lutter pour des points spécifiques aux cheminots, avoir complètement abandonné l'exigence de l'abrogation de la réforme de la SNCF, réforme qui divisera l'entreprise et les travailleurs et est lourde de menaces ? S'il s'agit de l'emploi, il faut être bien plus net : cette année encore la SNCF perd des postes (les annonces de création d'emplois ne compensent pas les départs en retraite). Il manque des milliers d'emplois à la SNCF. Pourquoi enfin ne rien dire de la suite à donner à cette journée ?

En fait, de nombreux cheminots comprennent que les directions syndicales se sentent obligées de se faire l'écho d'un mécontentement manifesté par de récents mouvements de grèves partielles un peu partout dans le pays. Mais ils voient aussi que ces mêmes directions syndicales n'ont pas du tout l'intention de favoriser une réelle mobilisation contre la direction et le gouvernement.

Tout le monde se souvient du rôle joué par les cheminots lors du mouvement de novembre-décembre 1995. Les directions syndicales n'ont visiblement pas envie de risquer de déclencher un tel mouvement contre le gouvernement Jospin. De leur côté beaucoup de cheminots combatifs se disent que s'ils entrent en lutte, il faudra un mouvement de grande ampleur pour gagner. Voyant bien le manque de décision du côté des directions syndicales, ils hésitent et semblent sceptiques à propos de la journée du 8.

Alors, profitons en pour discuter de ce que seront les vrais mouvements de demain, dépassant les limites de 95, parce que c’est bien à de tels mouvements que les cheminots ont à se préparer.

Longwy : la logique du profit

Samedi 27 septembre, 2000 personnes ont manifesté à Longwy (Moselle) pour exprimer leur colère après la fermeture de JVC (235 salariés licenciés en juillet), l'annonce de la fermeture de Panasonic (140 salariés) courant 98, et celle du train à fil d'Unimétal (313 salariés) pour la fin 98.

Depuis la fin des années 60, le bassin de Longwy subit les restructurations dans la sidérurgie : le nombre de sidérurgistes est passé de 25 000 à l'époque à 650 aujourd'hui, et la ville a perdu le quart de sa population depuis 1984. Sur toute la Lorraine, il ne reste que 21 000 sidérurgistes sur près de 100 000 il y a trente ans. La gauche a nationalisé la sidérurgie au début des années 80, alors qu'elle était déficitaire, prenant en charge les dettes et poursuivant les restructurations. Les "plans acier" ont succédé aux "plans acier", avec à chaque fois des milliers de suppressions d'emplois. Redevenue rentable après la saignée, la sidérurgie a été privatisée en 1995. Et le groupe Usinor, dont dépend Unimétal, se porte plutôt bien : 1,5 milliards de bénéfices en 96 (chaque salarié a rapporté 25 000 francs de profit aux actionnaires) et pour 1997, il est prévu que les bénéfices augmentent jusqu'à plus de deux milliards de francs. Cotée en bourse, la valeur de l'action Usinor est en hausse d'environ 40 % depuis le début de l'année. Les affaires marchent, mais la logique du profit n'a pas de limite : la fermeture d'Unimétal Longwy devrait permettre un gain supplémentaire de 70 millions de francs, alors pourquoi s'en priver ?

Quant à JVC et Panasonic, il s'agit d'entreprises qui ont été attirées par les friches industrielles lorraines... et par les aides publiques proposées aux capitalistes désirant investir dans la région. JVC s'est ainsi installé en 1998, touchant 30 millions sur 80 investis, avant de partir s'installer en Ecosse. En dix ans, des milliards ont ainsi été distribués aux patrons (sur la période 94-98, la région y consacre ainsi 2,5 milliards) sous prétexte de "développement" alors que seulement 2200 emplois ont été créés. Et Gérard Longuet, le président du Conseil Régional, a encore le cynisme de revendiquer des sacrifices supplémentaires pour les travailleurs : " nos coûts salariaux sont beaucoup trop élevés par rapport à nos voisins notamment anglais. Le travail est une marchandise comme une autre : si elle est trop chère, on ne l'achète pas. Ce qu'on perd en salaire, il faut le regagner en flexibilité. "

C'est cette logique du profit qui a sinistré toute une région et qui va continuer si nous les laissons faire.