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OPA Promodes-Casino : une famille qui a bien des soucis

Un humoriste disait " ceux qui ont des problèmes d'argent, ce sont ceux qui en ont ". Les 220 membres de la famille Guichard qui possèdent 7,6 % des actions Casino et 14,5 % des droits de vote du groupe, seraient bien d'accord avec cette affirmation car ils sont bien embêtés. Pensez donc, il n'y a pas un mois, Halley, PDG du groupe Promodès, lance une OPA sur Casino et Rallye. Il propose d'acheter les actions Casino à 340 F et il est prêt à mettre 28 milliards sur la table. Alors que faire : vendre les actions ou les garder ?

L'esprit de famille n'étant pas à leurs yeux une garantie suffisante, les Guichard sont liés par un pacte d'actionnaires, s'engageant s'ils vendent des actions à les réserver en priorité aux membres de la famille. Mais cela pourrait s'avérer coûteux et il valait mieux adopter une attitude commune : aussi ont-ils décidé de faire une réunion de famille, à 150, sous la houlette du patriarche Antoine Guichard à l'issue de laquelle ils ont dit qu'ils repoussaient l'offre d'Halley. Une famille unie, en somme.

Halley n'a pas eu d'autre choix que de monter les enchères et de rajouter 2,9 milliards à son offre initiale en proposant d'acheter l'action Casino à 375 F. Pour ceux qui voulaient rester dans le groupe, il proposait l'échange de 7 actions Casino contre une action Promodès, ce qui mettait l'action Casino à 400 F. Et à ceux qui auraient fait la fine bouche devant les deux premières propositions, il proposait un CVG (certificat de valeur garantie) qui leur garantit que leur action Casino leur sera payée 400 F le 1er décembre 99 quoi qu'il arrive, l'échelle mobile des actions en quelque sorte.

Jean Charles Naouri, PDG d'Euris, un club de spéculateurs qui possède 78 % de Rallye et 28,8 % de Casino a dû lui aussi faire des contre-propositions à peu près du même ordre que celles d'Halley. Mais les propositions de Naouri ont un grave défaut : il n'offre pas de payer cash les actions qu'il achèterait. Et évidemment pouvoir toucher son petit pécule en liquide quand on a une famille à entretenir, ce n'est pas négligeable et les Guichard y ont été sensibles. Réunis de nouveau le samedi 4 octobre, ils se sont gardés de prendre position, ce qui est déjà un camouflet pour le patriarche Antoine qui est un partisan déclaré de Naouri. Pire, la fronde couve : Didier Guichard, cousin d'Antoine, a boycotté la réunion et levé l'étendard de la révolte en prenant indirectement parti pour Promodès à qui il suggère quand même de faire un petit effort en montant son offre à 400 F.

Pendant que la famille fait mine de s'interroger et laisse monter les enchères, Naouri et Halley se livrent une vraie guerre de communiqués en achetant des pleines pages de publicité dans les journaux et des spots de publicité dans les radios. L'un et l'autre s'accusent réciproquement de s'endetter pour prendre le contrôle du groupe et d'être par la suite obligés de procéder à des licenciements et à des fermetures de magasins s'ils venaient à gagner pour pouvoir payer leurs dettes.

Et c'est effectivement ce qui risque de se passer. Pendant que la famille Guichard fait monter les enchères et empochera des centaines de millions de centimes, quelle que soit l'option qu'ils choisissent, quel que soit le vainqueur de cette guerre absurde où les milliards volent en tous sens, c'est aux salariés des trois groupes Promodès, Rallye, Casino que ces parasites voudront faire payer la facture.

Rencontre citoyenne du PCF dans le quartier de Bordeaux-docks

Nous étions invités lors de la rencontre citoyenne du mercredi 1er octobre où les militants du PCF du quartier se sont retrouvés à une trentaine environ, pour discuter de revendications à apporter aux élus. Le secrétaire de cellule a ouvert la discussion en disant que le gouvernement avait fait des " avancées ", que " c'était bien parti ", mais qu'il fallait " qu'on le pousse encore ". Plusieurs travailleurs sont intervenus pour dénoncer la précarité de l'emploi et le chômage en racontant leur expérience et leur révolte. Un retraité de l'armement a insisté sur l'argent qui existait et qui devait être utilisé pour créer des emplois, qu'il fallait taxer les grosses fortunes. Une militante du Trésor a dit qu'il y en avait assez de s'entendre dire qu'à 10 %, les militants communistes ne pouvaient rien faire. Un autre a dit que le chômage était un fléau national et que c'était aux habitants des quartiers de recenser les besoins en emplois car ils étaient les mieux placés pour les connaître. Une militante faisait aussi remarquer que chaque fois qu'un petit commerce fermait, une banque ouvrait car l'argent n'était pas perdu pour tout le monde ! Un autre militant a demandé alors à celui qui avait été présenté comme un élu du PCF, sur un ton qui n'était certainement pas naïf, si les élus n'oubliaient pas leurs promesses une fois élus et pourquoi on devait les leur rappeler. Le secrétaire de cellule et ceux qui organisaient la réunion ont fini par dire qu'ils étaient d'accord avec le constat mais qu'il fallait le " dépasser " pour " faire des propositions concrètes. " Ils ont dit que le gouvernement, s'il " avait une oreille un peu à gauche ", subissait cependant la pression de " celui qui avait la plus grande gueule, c'est-à-dire, le patronat " et " c'était à la population de se mobiliser, de faire remonter ses revendications, ce qui avait manqué en 1981 et qui manquait toujours puisque, dans le cas de France Télécoms, les syndicats voulaient se battre contre la privatisation, mais pas les travailleurs, comme le prouvaient les 20 % de participation à la grève ". L'un d'entre eux a dit que les emplois-jeunes d'Aubry étaient une " révolution " car, " enfin, on n'entendait plus parler de licenciements, mais d'embauches ". Cette affirmation a soulevé un tollé dans la salle : non seulement, les emplois-jeunes ne sont pas un moyen de " former les jeunes à la vie professionnelle et politique " comme le prétendait l'élu communiste, mais c'est un moyen de diviser les travailleurs de la Fonction publique tout en faisant pression pour faire baisser leurs salaires. Un des organisateurs de la réunion a dit alors que ceux qui étaient contre les emplois-jeunes n'étaient pas les jeunes, car ils étaient 147 000 à se précipiter dessus, mais ceux qui avaient un boulot !

La discussion a continué autour du buffet qui a suivi le départ des organisateurs de la réunion. Certaines militantes défendaient l'idée que le SMIC à 8500 F c'était possible par la mobilisation des travailleurs, ainsi que les 35 heures sans baisse de salaires, à condition de s'en prendre aux grosses fortunes. Tous ont apprécié la discussion, la possibilité de confronter des points de vue différents entre militants du même camp social.

Calvet : l'homme de main des Peugeot passe... La main

J'aimerais que l'on se souvienne de moi comme d'un patron social " a dit Jacques Calvet en mars 96 lors du salon de Genève. Difficile de dire ce qui relève dans une telle déclaration du cynisme ou de la mégalomanie.

Car l'obsession de Calvet pendant les 15 ans où il fut à la tête du groupe PSA, ce fut de licencier des ouvriers et d'exploiter de la façon la plus brutale ceux qu'il ne mettait pas à la porte. Pour cela, tous les moyens lui furent bons, même les plus abjects. Calvet avait fait du licenciement des malades pour " absences répétées ", une véritable politique dans l'entreprise. Il justifiait ainsi la chasse aux malades qu'il faisait mener dans le groupe par des médecins maison : " il n'y a pas de place aujourd'hui pour les cœurs faibles, les individualistes ou les mous ". Les syndicalistes de Peugeot le poursuivirent de nombreuses fois aux prud'hommes pour licenciement abusif. Selon l'un d'eux " il nous est même arrivé de plaider devant les prud'hommes avec une couronne mortuaire. Le copain viré pour maladie, avait eu la mauvaise idée d'en mourir. Sur la couronne on avait écrit "mort abusivement" ". Calvet s'est aussi attaqué aux travailleurs immigrés notamment chez Citroën en utilisant les préjugés les plus réactionnaires : il appuya notamment la direction de Citroën qui avait demandé en 88 le licenciement de 1500 ouvriers " analphabètes " ou " non formables ".

Résultat de ces pratiques couvertes par tous les gouvernements : l'usine Peugeot de Sochaux est passée de 40 000 à 19 500, le nombre de salariés de Citroën a été divisé par deux, au total 77 900 emplois ont été supprimés. A ceux qui n'ont pas été licenciés, Calvet a imposé une exploitation féroce. L'augmentation de la productivité de 13 à 14 % par an qu'il présente comme un succès de sa politique, c'est avec la santé des ouvriers qu'elle a été payée. Un délégué CGT raconte que " dans certains ateliers, 90 % des ouvriers selon les médecins du travail ont un risque périarticulaire " et il ajoute " les cadences sont telles que les gars en viennent à souhaiter les baisses d'activité ".

Nous allons nous battre comme des brutes " déclarait récemment Calvet pour affirmer sa volonté de continuer à faire des profits. Contre les travailleurs, il n'était même pas utile de l'ajouter. Ainsi en 1989, l'année où le groupe fit des profits records, 10,9 milliards de francs, il mit tout en œuvre pour briser la grève des travailleurs de Peugeot pour une augmentation de salaires, lui qui selon sa déclaration de revenus publiée par le " Canard enchaîné " s'était octroyé une substantielle augmentation.

Calvet justifiait sa politique en prétendant " défendre l'entreprise ", " l'automobile française " et prônait le " patriotisme industriel ". Des mots ronflants pour une réalité plus prosaïque : l'enrichissement de la famille Peugeot, quelques dizaines de parasites, pour lesquels il a fait passer la capitalisation boursière du groupe de 1,25 milliards de francs à 29,2 milliards, multipliant quasiment par six la valeur de l'action PSA.

Mais le " PDG flamboyant " (" Libération " du 30 septembre) dont le bilan " force le respect " (" les Echos " du 29 septembre) n'était qu'un larbin des riches devenu un peu mégalomane. " Mon objectif était d'être président de la république je ne l'ai pas atteint ! ", disait-il. La réalité l'a rattrapé : lui qui se croyait irremplaçable, il s'est fait congédier par les vrais maîtres du groupe, la famille Peugeot.

Gremetz se positionne pour dévoyer le mécontentement des militants du PCF

Dans son numéro de septembre, " l'Egalité ", l'organe mensuel de nos camarades de la " Gauche Révolu-tionnaire " publie une interview de Maxime Gremetz, un des dirigeants du PCF qui a été réélu député de la Somme aux dernières législatives dès le premier tour. La rédaction de " l'Egalité " met en titre à cette interview : " Maxime Gremetz fait entendre sa différence ". En fait, une fois que Gremetz a rappelé qu'il s'est prononcé contre la participation des ministres communistes au gouvernement et qu'il s'est abstenu lors du vote de confiance au gouvernement Jospin, tous ses propos ne se différencient en rien de ceux de Robert Hue ou d'un quelconque ténor du PCF.

A toutes les questions sur la politique du gouvernement, Gremetz dégage en touche sans rien critiquer de précis. Lorsqu'on lui demande : " Compte tenu de la présence du PCF aux côté de Jospin, Aubry et Strauss-Kahn, penses-tu que ton parti puisse être en mesure d'infléchir ou de combattre à terme la politique gouvernementale qui se profile ", Gremetz répond tranquillement : " Le parti communiste français est un parti indépendant du gouvernement et de toutes les institutions ". Pour proférer un tel mensonge avec ce culot-là, il faut avoir derrière soi une longue carrière de politicien stalinien. Là-dessus, Gremetz égraine les banalités qui n'engagent à rien sur la nécessité pour le PCF de faire des propositions et d'être à l'écoute des gens. Mais avant tout, Gremetz parle de " la France ", " des Français ", de " la nation ", de " la monnaie nationale " et de " la souveraineté nationale ". Dans le registre nationaliste, Gremetz est intarissable. Son chauvinisme est en soi suffisant pour considérer que Gremetz n'est pas dans le camp des travailleurs.

Les intérêts de la bourgeoisie française et ceux des travailleurs s'opposent radicalement. Pour faire croire qu'il est du côté du monde du travail, Gremetz (exactement comme Hue) parle de l'argent roi ou du " capitalisme qui domine la planète ". Mais même verbalement, il ne met pas en cause le patronat français et le gouvernement français qui est à son service. Gremetz, qui n'est même pas capable d'égratigner le gouvernement Jospin se permet insidieusement de rendre responsables par avance les travailleurs des conséquences néfastes de la politique du gouvernement : " Si notre peuple s'engage, le changement réussira ". Revenant sur le passé il affirme cyniquement : " L'expérience, depuis 1981, n'a-t-elle pas prouvé que si le peuple reste spectateur des décisions prises dans les ministères et au gouvernement, il n'y aura pas de changement possible ? " Voilà, si le gouvernement de l'Union de la Gauche a eu une politique désastreuse pour les travailleurs, les dirigeants du PCF, dont Gremetz, n'y sont pour rien. C'est toujours la faute du " peuple " et de sa déplorable passivité !

Cette interview est très révélatrice du fait que la petite " différence " affichée par Gremetz est celle d'un démagogue arriviste qui ne remet pas du tout en cause la politique du PCF d'asservissement aux intérêts du gouvernement et de la bourgeoisie. Il en fait le minimum dans sa critique uniquement pour être en mesure de regrouper sur sa personne les mécontentements justifiés qui se développent parmi les militants du PC. Si l'opération prenait de l'ampleur et si Gremetz acquérait du coup une plus grande popularité, il est évident qu'il ne ferait que dévoyer ces mécontentements sur une voie de garage.

Ce n'est donc pas le rôle de militants communistes internationalistes de laisser entendre, même par omission, que Gremetz est à un titre ou un autre un porte-parole des intérêts des travailleurs. Au contraire. C'est pourquoi nous disons à nos camarades de la " Gauche Révolu-tionnaire ", en toute fraternité, qu'ils ont fait fausse route en donnant largement la parole à Gremetz et qui plus est sans même se démarquer. Car au travers de cette interview il est impossible de savoir en quoi ils sont d'accord ou en désaccord avec Gremetz. Le suivisme n'est pas de mise à l'égard de politiciens comme Gremetz qui feront tout à leur niveau pour empêcher que les militants honnêtes se réclamant des idées communistes, au PCF ou à l'extrême gauche, se retrouvent dans un même parti authentiquement communiste.

Une irresponsabilité criminelle

Jusqu'à 4000 personnes ont pu être contaminées par une bactérie lors d'opérations du dos et du genou à la clinique du Sport à Paris. La bactérie qui se développait à cause d'une mauvaise stérilisation des instruments chirurgicaux, a déclenché chez certains patients des tuberculoses osseuses. Cette affaire a été révélée par une plainte déposée en septembre. La direction, au courant depuis 1989 des risques et de la nécessité de mener une enquête pour mettre en garde les éventuelles victimes, n'a pris des mesures qu'à partir de 1993. Elle a déclaré que 600 de ses anciens patients devaient être réexaminés, tous frais payés, mais 1500 personnes au moins seraient concernées par une possible contamination. La mise en place d'un numéro vert ainsi que le contrôle des fichiers de la clinique ont permis d'identifier déjà, plus de 400 patients qui n'avaient pas été informés directement du risque. Dans le même temps, un autre cas de contamination a été révélé à la clinique des Marais qui dépend de la clinique du Sport.

Aujourd'hui, le secrétaire d'Etat à la Santé, Kouchner, menace la clinique de sanctions. Mais combien ont-ils été, entre 1989 et 1993, à faire les frais de l'incurie et de l'irresponsabilité d'une direction qui échappait à tout contrôle et faisait courir des risques à ceux qu'elle était censée soigner parce qu'elle était plus préoccupée de faire des affaires ?