éditorial



Le gouvernement singe la droite et fait le lit de l'extrême-droite
Il faut créer une opposition ouvrière de gauche

Décidément la gauche gouvernementale singe la droite sur toute la ligne. Jospin, Chevènement et Allègre ont pris des airs de matamores pour annoncer des mesures répressives sous prétexte de renforcer la " sécurité urbaine ". Chevènement se fait cyniquement l'apôtre des maisons de correction pour les adolescents.

Mettre plus de flics dans les banlieues pauvres n'améliorera en rien la situation et ne fera qu'entraîner quelques bavures policières de plus. Rien ne peut changer si le chômage et la misère ne régressent pas rapidement et à grande échelle. Ils le savent mais ils s'en moquent. Ils prennent à revers tous les militants et tous les travailleurs de gauche pour flatter les préjugés réactionnaires. A droite, Pasqua applaudit, le Figaro ricane et les encourage à oublier définitivement " leurs fantaisies idéalistes ". Ces messieurs et dames de la gauche plurielle s'y emploient avec beaucoup de zèle. Tous leurs discours et tous leurs actes sont autant de manœuvres pour dérouter et paralyser tous ceux qui leur ont fait confiance dans le monde du travail.

Allègre, le ministre de l'Education fait la morale aux enseignants, aux parents et aux élèves pour cacher les causes de la dégradation des relations sociales, pour que l'attention ne se porte pas sur la situation lamentable de ce service public qui manque de personnel à tous les niveaux. Il avait donné le ton à la rentrée en parlant avec la même bassesse que Juppé de " dégraisser le mammouth ", c'est-à-dire de réduire les effectifs dans l'Education. La campagne démagogique contre les travailleurs du secteur public se poursuit à la satisfaction mal dissimulée du gouvernement. Un inspecteur général des finances a proposé de faire disparaître 500 000 postes dans la fonction publique. Toutes ces déclarations anti-fonctionnaires préparent l'opinion à des attaques plus sévères contre le pouvoir d'achat et contre l'emploi de tous ceux qui ont l'Etat comme patron. Dans l'immédiat, elles visent à diviser les salariés entre eux.

C'est une politique infecte désignant des boucs émissaires. Ils montrent du doigt pêle-mêle les fonctionnaires, les immigrés sans papiers ou les jeunes délinquants. Les seuls qu'ils n'accusent de rien et qu'ils cherchent à amadouer quand ils font semblant de se fâcher, ce sont les patrons, les hommes d'affaires, les gros actionnaires. Pour ces gens-là ils sont aux petits soins. Ils leur offrent des " aides " qui se comptent en milliards. Le gouvernement leur a confectionné un budget qui leur donne entière satisfaction. C'est une politique banalement de droite, parce qu'il n'y en a pas d'autre quand on est valet au service de la bourgeoisie. Jospin marque sa continuité totale avec Juppé en reprenant intégralement son plan de financement de la Sécurité sociale tout en y ajoutant quelques dispositions qui l'aggravent. La droite se bat les flancs pour trouver des arguments contre ce plan Jospin-Juppé.

Quant aux députés du Parti communiste, ils laissent planer le doute sur ce que sera leur vote final à l'Assemblée. Vont-ils dire clairement que c'est au patronat de payer le trou de la Sécurité sociale et notamment aux trusts pharmaceutiques ? Vont-ils déclarer qu'il n'est pas question de demander un centime de plus aux salariés, aux chômeurs et aux retraités ? Dans ce cas, on ne pourrait que les appuyer et descendre dans la rue pour exiger cela avec eux. Mais ils ne vont pas s'aventurer dans cette voie car sinon le PCF risquerait de se faire virer du gouvernement. Ils protestent mollement, ils ont voté contre la CSG et tentent d'obtenir une ou deux concessions de détail probablement prévues à l'avance par Jospin. Mais finalement, qu'ils s'abstiennent ou que certains comme Gremetz votent contre le projet de loi, ils ne feront rien ni au Parlement ni ailleurs pour faire reculer le gouvernement.

Les travailleurs n'ont rien à attendre de bon des politiciens et des notables de la gauche gouvernementale. Les uns mènent une politique de droite, les autres en sont complices. Par leurs discours et leurs manœuvres de diversion, ils s'efforcent d'occuper le terrain fangeux de la droite et de l'extrême-droite. Pour satisfaire la grande bourgeoisie, ils commencent déjà à mécontenter une partie de la petite bourgeoisie. Par les mesures qu'ils prennent contre les classes populaires, ils vont pousser les gens les plus désespérés dans les bras de Le Pen.

Pour peu que la crise économique s'aggrave, cette politique aurait des conséquences dramatiques pour le monde du travail. C'est pourquoi une force politique totalement indépendante du gouvernement doit émerger. Tous les travailleurs et les militants de gauche qui ne veulent pas tomber dans le piège tendu par ce gouvernement faisant le lit du Front National et prêt à nous sacrifier sur l'autel des profits, doivent se rassembler. Ils doivent créer une opposition ouvrière résolue au gouvernement et au patronat. Ils doivent affirmer haut et clair leurs convictions socialistes et communistes que Jospin et Robert Hue veulent leur faire jeter au rebut.

Seule une opposition ouvrière, de gauche, s'appuyant sur les idées socialistes et communistes pourra préparer les luttes contre le patronat et son Etat, et les rendre victorieuses.

A bas les lois Pasqua, Debré, Jospin !

C’est le 31 octobre que se termine le délai pour le dépôt des dossiers de régularisation des sans papiers. Au total, ce sont environ 150 000 dossiers qui auront été déposés en fin de semaine mais jusqu’à maintenant, selon Chevènement, 10 000 seulement ont été régularisés. Et Jospin a tenu à affirmer que les sans papiers qui ne seraient pas régularisés " seraient invités à quitter le territoire ", ce qu’a confirmé Chevènement à l’Assemblée nationale le 28 octobre " à partir du moment où l’examen de leur dossier aura été défavorable, ils ont vocation à retourner dans leur pays ! "

Des projets de loi réactionnaires…

C’est avec la même logique répressive que les deux projets de loi sur le Code de la nationalité et sur l’immigration ont été adoptés quasiment sans retouche au Conseil des ministres du 15 octobre. Les pétitions des artistes et intellectuels déjà signataires de la pétition contre la loi Debré, les manifestations à l’appel des associations n’ont pas fait bouger Jospin d’un cil. Il a tenu au contraire à montrer qu’il ne cédait pas un pouce.

Ces projets de loi sont si réactionnaires que même le Conseil d’Etat les a amendés en imposant de diminuer de deux jours, douze au lieu des quatorze prévus, l’allongement de la rétention administrative portée à dix jours par Pasqua. Quant à la "Commission consultative des droits de l’homme", elle a relevé pas moins de trente points dont elle a jugé le caractère trop répressif. Sur le " droit du sol ", dont Jospin s’était prévalu dans son débat contre Chirac en 95, le gouvernement ne revient même pas à ce qui existait avant les lois Pasqua. Un enfant né en France de parents étrangers aura bien la nationalité française mais seulement à 18 ans. Il ne pourra l’acquérir avant que s’il en fait lui-même la demande entre 16 et 18 ans. La disposition qui existait avant 1993, selon laquelle ses parents pouvaient dès son plus jeune âge demander à ce qu’il soit naturalisé, n’a pas été reprise dans le nouveau projet de loi.

… qui font le jeu de la droite et de l’extrême-droite

En refusant d’abroger les lois Pasqua-Debré, en les aggravant même sur certains points, Jospin a voulu faire des signes à l’électorat de droite et d’extrême-droite. Sur ce terrain là, la droite n’est pas en peine pour faire de la surenchère. Debré, qui dans un premier temps s’était dit prêt à voter les principales dispositions de la loi, tempête contre " le gouvernement incapable de résister aux gauchistes, aux laxistes et aux idéologues ". Pasqua qui s’était prudemment tu, fustige le " laxisme " du gouvernement.

Les raisons de cette surenchère du RPR et d’une partie de l’UDF ne sont pas mystérieuses : les scores du Front national aux élections partielles font craindre à la droite d’être distancée aux prochaines élections régionales. Alors, ses dirigeants en rajoutent dans la xénophobie. Ainsi les uns et les autres, sous prétexte de combattre Le Pen, continuent à reprendre à leur compte tout ce qui fait son fond de commerce. Cela fait des années que cela dure et cette politique ne profite qu’au Front national.

Manifestons contre les lois Pasqua, Debré, Jospin le samedi 1er novembre !

C’est pour combattre cette politique antiouvrière qui fait le jeu de Le Pen, pour demander l’abrogation de toutes les lois anti-immigrés et la régularisation de tous les sans papiers, que les militants de " Voix des Travailleurs " appellent à participer aux manifestations organisées par les collectifs de sans papiers et les organisations de soutien aux travailleurs immigrés le samedi 1er novembre.

Le monde capitaliste craque de partout, la fin de l’euphorie

Hong Kong, présenté à l’occasion de son rattachement à la Chine le 1er juillet dernier comme le phare du capitalisme en Asie, vient brutalement d’être atteint par la crise monétaire et boursière qui secoue les pays du sud-est asiatique. La deuxième place financière d’Asie, sixième du monde, a connu la semaine dernière et surtout lundi une chute brutale des cours en Bourse. Amorcée début octobre, cette chute équivaut à une baisse de plus d’un tiers durant le mois. Le krach a immédiatement contaminé les places financières de la région, Singapour, Tokyo, Kuala Lumpur, Manille, Djakarta. Puis l’onde de choc s’est déplacée sur les places boursières occidentales qui ont enregistré de nets reculs, que les suspensions de séance pour empêcher... les ordinateurs de nuire, sont bien impuissantes à enrayer. Puis les Bourses du Mexique et d’Argentine plongeaient elles aussi. " On va continuer à vendre demain. Cette baisse se nourrit d’elle-même. Les investisseurs prennent leurs bénéfices, tant qu’il en reste. " disait un spéculateur. En milieu de semaine, ce mouvement semble s’être inversé. Les financiers semblent profiter de la baisse pour racheter des actions à moindre prix et provoquent ainsi une nouvelle hausse des cours. Cela ne signifie nullement que l’on soit sorti du krach, c’est même probablement un simple épisode du krach, de cette bataille que se livrent les capitalistes pour tenter de tirer au mieux leur épingle du jeu. Déplaçant, dans une folle course aux profits, des masses considérables de capitaux sur les places financières du monde au gré de leurs calculs, de leurs anticipations ou de leur simple panique, ils font tanguer dangereusement tout le navire. Chaque jour, financiers ou hommes d’Etat affichent leur optimisme et leur confiance, optimisme et confiance de professionnels, là pour duper les gogos et empêcher les millions de petits porteurs de s’affoler. Sinon ce serait la ruine...

Conséquence de " la croissance mal maîtrisée " s’étonne avec une feinte surprise bien des journalistes en parlant de " la tourmente asiatique ", essayant de minimiser l’ampleur de ce qui vient de se passer, de la localiser, comme si ce n’était pas toute la planète qui venait de connaître un séisme financier. Le krach de Hong Kong est un détonateur, il n’est pas la cause. La cause, c’est cette croissance mal maîtrisée qui résulte de la concurrence et de l’anarchie capitaliste qui déchirent la planète toute entière.

Les réajustements nécessaires, pourquoi et à quel prix ?

A en croire les commentaires, le krach ne serait qu’un réajustement indispensable pour un " redémarrage sain ". Simple purge salutaire. Illusion rassurante, mais si la purge était inévitable, elle n’est en rien salutaire.

La purge, ce sont des milliards qui partent en fumée. Ces milliards qui auraient pu être investis, soulager la misère, créer des biens utiles aux populations, sont dilapidés dans les batailles stériles que se livrent les financiers pour s’approprier la plus grande part possible des richesses créées.

Et la purge n’est en rien salutaire, du moins si l’on regarde les choses du point de vue des intérêts de la société. Même si les Bourses récupèrent une part de leur santé factice, maintenues à coups d’anabolisants financiers, cette santé, elles ne la récupéreront qu’au prix d’une exploitation croissante des travailleurs et des peuples. Et elles ne la récupéreront, si elles la récupèrent, que le temps de préparer les conditions d’un nouveau krach, plus profond et plus grave.

Le problème n’est en fait pas tant le krach que ce qu’il révèle, de façon brutale, dans la marche chaotique et aveugle de cette économie capitaliste qui ne connaît qu’un régulateur, la crise. Le krach n’est que le révélateur affolé des ravages plus profonds qui ont lieu dans la marche même de l’économie.

Du miracle à la chute

La crise a commencé en mai en Thaïlande lorsque les financiers devant le ralentissement économique ont commencé à retirer leurs capitaux et donc vendre la devise thaïlandaise, le baht, contre des dollars ou autres monnaies entraînant sa chute. Malgré les interventions de soutien du FMI, la crise monétaire s’est étendue aux Philippines, en Indonésie et en Malaisie, à l’ensemble des pays du sud-est asiatique, les fameux tigres, dont la croissance était présentée comme un exemple de la santé du capitalisme. Ces dévaluations en cascades ont été amplifiées par les manœuvres des vautours de la finance, où l’on retrouve, là encore, Soros, affichant son mépris des peuples, accusant le premier ministre malaisien, au demeurant très réactionnaire, d’être " une menace pour son pays ". Entre juillet et octobre, les monnaies des quatre pays ont perdu entre 30 % et 60 % de leur valeur.

La crise, monétaire au début, s’est déplacée sur les valeurs boursières, surévaluées, sans rapport avec les bénéfices réels. Déjà entre janvier et octobre, jusqu’au début du krach, les Bourses avaient baissé de 40 à 45 %. L’Asie n’est plus la région où il faut placer ses capitaux, mais le retrait n’a pas lieu en bon ordre. C’est la panique. Dans un climat international malsain de spéculations et de bulle financière, le krach se répand, en passant par Hong Kong, sur toutes les places financières.

Après plus d’une décennie de développement accéléré, les pays " émergents " comme les appellent les professeurs d’économie, connaissent depuis douze mois un ralentissement de leur activité, qui résulte d’un développement des capacités de production sans rapport réel avec le marché. Cet emballement de la production s’était accompagné de spéculations boursières ou dans l’immobilier. C’était le boum des affaires drainant des milliards de dollars avides de plus-values et de bons coups financiers.

Ces capitaux, devant le ralentissement de l’activité, ont commencé à se retirer, d’abord prudemment au printemps dernier puis, c’est l’emballement durant l’été et finalement le krach.

Concurrence entre les " tigres ", le Japon et les autres pays capitalistes

Les dévaluations des monnaies de Thaïlande et d’Indonésie, si elles ont correspondu à un recul de ces pays, leur offrent en contrepartie et momentanément un avantage dans la concurrence sur le marché mondial, avantage dont Hong Kong a fait les frais.

Le Japon aurait pu tenter de défendre, face à la guerre financière que se livrent les puissances impérialistes, les pays du Sud-Est asiatique, comme les USA l’ont fait en 1995 lors de la crise du peso mexicain qu’ils ont subventionné en injectant 40 milliards de dollars.

Mais le Japon est lui même trop faible pour renflouer les pays voisins. Il va par contre voir ses exportations baisser du fait de la stagnation économique de ses débouchés asiatiques, en particulier en matière de biens d’équipement. Le Sud Est asiatique absorbe 40 % des exportations de l’archipel. Dans le même temps, il devra affronter la concurrence de pays prêts à tout imposer à leur peuple pour sauver ce qui peut l’être.

La marche vers la récession

Probablement, le recul de la production de ces derniers mois s’aggravera dans toute l’Asie. Ce recul aura inévitablement des conséquences sur le reste du monde capitaliste.

L’Asie ne représente que 6 % des exportations européennes, mais pour certains groupes comme Bouygues, les ciments Lafarge ou les banques, engagés en Asie, les répercussions, même si elles peuvent rester limitées, seront sévères.

Les multinationales américaines seront particulièrement touchées du fait du ralentissement de l’activité au Japon, en conséquence de la faillite des pays du Sud-Est. C’est pourquoi elles ont toutes chuté à la Bourse. 11 % des exportations américaines se font en direction de l’Asie.

Partis d’Asie, ces reculs de la production, même légers au départ, auront des effets cumulatifs. Les Etats Unis, pour compenser leurs pertes, pourraient bien laisser chuter le dollar, au détriment en particulier de l’Europe dont la relative bonne santé ne repose que sur une augmentation forte des exportations, due à la hausse du dollar. C’est toute la production mondiale qui est menacée.

La marche chaotique et cyclique du capitalisme

On ne peut prévoir les rythmes exacts et les formes que prendront les prochaines étapes de la crise. Personne ne peut dire si le krach en cours est fini, ou si les Bourses sont encore soumises à un jeu de yoyo dont personne ne peut prévoir le futur point d’équilibre.

L’ensemble de l’économie mondiale est dans un krach plus ou moins permanent qui touche tantôt les monnaies, tantôt les Bourses ou les deux, paralyse et limite la production. De la marche chaotique du capitalisme se dégage cependant une tendance. Le pire est bien devant nous. Les délais sont imprévisibles, mais chaque étape prépare un recul plus profond tant que les travailleurs et les peuples laissent les mains libres aux capitalistes et à leurs Etats.

Un tournant

Une chose est certaine, les attaques contre la classe ouvrière vont se durcir, se généraliser, n’épargnant personne et, liées à elles, les idées réactionnaires, les préjugés des classes dominantes visant à justifier ces attaques, vont tenter de s’imposer avec agressivité.

A l’opposé, au sein du monde du travail, commencent à s’opérer des évolutions des consciences qui s’émancipent des illusions et des préjugés réformistes, et créent les conditions d’un nouveau regroupement des forces. Cela ne se fera pas spontanément et demandera du temps mais les conditions se créent. Faut-il encore qu’il y ait des militants qui en deviennent les acteurs conscients, qui y consacrent toutes leurs forces, leur énergie, leur enthousiasme. Il y a urgence. Tourner le dos aux tâches immédiates, tourner le dos au regroupement des forces des révolutionnaires, serait renoncer.