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A propos de l'affaire Papon

A l'occasion du procès Papon, nous reproduisons ci-dessous deux extraits de textes écrits en 1940 et 1943 par Barta, militant trotskyste à l'origine de la création d'Union Communiste, courant dont, à " Voix des travailleurs ", nous nous réclamons.

Si le procès Papon a rencontré et rencontre encoreaujourd'hui tant de difficultés à se tenir, c'est qu'il embarrasse tous les politiciens, tellement la personnalité de Papon, comme sa carrière, sont, de façon particulièrement démonstrative, à l'image de celle du monde politique de ce pays. L'arrivisme, la duplicité, le mensonge, sont le lot commun de tous ces gens qui se bousculent pour servir la bourgeoisie et son Etat, tout en servant leurs propres intérêts.

Socialiste sous le Front Populaire, vichyste sous Vichy, gaulliste sous De Gaulle puis giscardien sous Giscard, toute la carrière de Papon ne fut que calculs et manœuvres, pour accéder aux plus hautes marches du pouvoir.

L’arrivisme de Papon le conduisit très tôt dans l’univers des cabinets ministériels, sous le Front Populaire, où il commença sa carrière grâce aux relations de son père, radical-socialiste. En 1940, il rallia la révolution nationale de Pétain, et servit sans états d’âme sous Vichy, signant les ordres de déportation qui envoyèrent des centaines de Juifs à la mort, alors qu’il était secrétaire général de la préfecture de Gironde, reconnu par l’occupant comme un fonctionnaire efficace. Dès 1943, sentant le vent tourner, il prépara sa reconversion en donnant quelques gages tardifs à la résistance, obtenant auprès du commissaire de De Gaulle, Gaston Cusin, un certificat de bonne conduite du nouveau gouvernement, qui lui permit de poursuivre sa carrière, d’abord sous De Gaulle, puis sous le gouvernement socialiste de Guy Mollet qui l’envoya mener la sale guerre d’Algérie.

Il traversa tous les régimes, s'acharnant à réécrire son passé, à se construire un passé de résistant, faisant jouer des relations bien choisies, pour réussir à obtenir en 1958, après six ans d'efforts, une carte de résistant.

De Gaulle le nomma préfet de police de Paris, en pleine guerre d'Algérie, pour maintenir l'ordre dans la capitale. C'est sous ses ordres que, lors de la manifestation du 17 octobre 1961, la police parisienne réprima sauvagement et assassina plus de 200 Algériens, et qu'elle fit 9 morts quelques mois plus tard à Charonne, lors de la manifestation organisée par la CGT contre l'OAS.

Papon, à qui l'arrivisme et la soif de pouvoir donna sans doute plus de talent et de flair politique qu'à d'autres, entre duplicité et mensonges, fut un de ces serviteurs fidèles de l'Etat qui, quels que soient les régimes, assurent la continuité de ses crimes au profit des possédants.

BARTA - extrait de La Lutte contre la deuxième Guerre impérialiste mondiale - novembre 1940

" L'ignoble défaite de juin 1940 révéla la complète pourriture de la bourgeoisie française. Le peuple en exode désignait spontanément, mais d'autant plus sûrement, les responsables du désastre : hommes d'Etat, diplomates, capitaines d'industries, bureaucrates, officiers et gardes mobiles en fuite, c'est-à-dire les classes dirigeantes et leur Etat.

Devant la colère menaçante des masses la bourgeoisie fut prise de peur et annonça elle-même la punition des "responsables". Elle pensait gagner de cette façon du temps et laisser la colère du peuple s'apaiser. Mais on vit bientôt que la bourgeoisie entendait cette justice comme un moyen d'échapper à ses propres responsabilités et comme une occasion de se venger de la classe ouvrière. "

BARTA - extrait de " Lutte de Classe " - janvier 1943

" La bourgeoisie elle, à travers la guerre, n'a pas abandonné ses buts de classe : renforcement de l'exploitation des travailleurs, destruction des organisations ouvrières, réintégration de l'Eglise dans l'Etat, etc. Et cela n'est pas l'œuvre de quelques politiciens isolés de la bourgeoisie française : au service de la France impérialiste, dans toutes ses combinaisons (lutte de "la démocratie contre le fascisme" en 1939, collaboration pour "l'ordre nouveau", ou lutte "pour la libération nationale" depuis juin 1940) nous retrouvons toujours le vieil Etat, utilisant les mêmes hommes et les mêmes instruments : voilà pourquoi Laval, du pacte de "la démocratie contre le fascisme" (accord franco-soviétique 1935) s'est changé en Laval "autoritaire" de Montoire ; voilà pourquoi De Gaulle et Giraud de l'Action Française, luttent aujourd'hui pour le "retour" de la démocratie ; tandis qu'au-dessus d'eux les mêmes Schneider, Gignoux, Renault et les 200 familles exploitent les ouvriers, quel que soit le régime... "

Citation : Leur morale et la nôtre de Léon Trotsky (février 1938) :

" On voit, dans les époques de réaction triomphante, MM. les démocrates, sociaux-démocrates, anarchistes et autres représentants de la gauche, sécréter de la morale en quantité double, de même que les gens transpirent davantage quand ils ont peur. Répétant à leur façon les dix commandements ou le sermon sur la montagne, ces moralistes s'adressent moins à la réaction triomphante qu'aux révolutionnaires traqués, dont les "excès" et les principes "amoraux" "provoquent" la réaction et lui fournissent une justification morale. Il y aurait cependant un moyen élémentaire, mais sûr, d'éviter la réaction : l'effort intérieur, la renaissance morale. Des échantillons de perfection éthique sont distribués gratuitement dans toutes les rédactions intéressées.

Cette prédication aussi ampoulée que fausse a sa base sociale - de classe - dans la petite-bourgeoisie intellectuelle. Sa base politique est dans l'impuissance et le désarroi devant la réaction. Base psychologique : le désir de surmonter sa propre inconsistance en se mettant une fausse barbe de prophète.

(...) Mais que sont tous ces moralistes démocrates ? Les idéologues des couches moyennes tombées, ou qui craignent de tomber, entre deux feux. Les prophètes de ce genre sont surtout caractérisés par leur éloignement des grands mouvements de l'histoire, par le conservatisme rétrograde de leur pensée, par le contentement de leur médiocrité et par la pusillanimité politique la plus primitive. Les moralistes souhaitent par dessus tout que l'histoire les laisse en paix avec leurs bouquins, leurs petites revues, leurs abonnés, leur bon sens et leurs règles. "

Chômeurs trompés et spoliés

Un accord UNEDIC signé en juillet entre le patronat et les syndicats (sauf la CGT) entraîne une forte baisse de l'A.F.R. (allocation formation reclassement). Avant cet " accord ", un chômeur bénéficiant d'un stage était rémunéré sur la base du taux AFR qui représentait au minimum la somme journalière de 148 F, c'est à dire un revenu mensuel déjà bas de 4400 F. Les patrons qui devaient trouver ce revenu encore trop élevé ont décidé de calculer le taux AFR sur la rémunération précédant le chômage. Par exemple pour quelqu'un qui sort d'un CES (contrat emploi solidarité) ou d'un emploi à mi-temps, la rémunération tombe entre 40 F et 80 F par jour, c'est à dire 2000 F par mois. Un jeune terminant un contrat d'apprentissage se retrouve avec 30 F par jour au lieu de 148 F. Il y a des cas de personnes qui ont abandonné leur CES pour suivre une année de formation sur la base d'une promesse de 148 F par jour : elles se retrouvent aujourd'hui avec la somme misérable de 74 F, calculée sur la base de leur CES. Elles sont bloquées sur ce stage, à plein temps, sans avoir la possibilité de rechercher un emploi. Cette nouvelle réglementation ASSEDIC a été appliquée dès juillet, sans prévenir les allocataires qui l'ont découverte sur leur avis de paiement en septembre.

Suite à cette baisse, des chômeurs du Havre se sont mis en colère. Ils ont manifesté et occupé les locaux de l'ANPE. Lors d'une négociation avec le directeur des ASSEDIC, ils ont obtenu que les stagiaires, entrés en formation entre le 1er juillet et le 19 septembre continuent à percevoir le minimum de 148 F, y compris ceux qui n'ont pas reçu de notification écrite. Toutefois, le problème reste entier pour les nouveaux et futurs stagiaires tant que cette mesure reste en application.

Derrière les discours du gouvernement sur la solidarité se cache la poursuite des attaques contre les plus démunis. Fort heureusement, des chômeurs réagissent pour dénoncer des mesures qui, sinon, seraient passées inaperçues, comme cela a souvent été le cas les années passées.

Rencontre citoyenne a l’initiative de la cellule du PC Gan et de Bordeaux centre

Nous étions invités le mardi 14 octobre à " débattre sur les privatisations du GAN-CIC, France Télécom, ...et l’avenir du secteur financier français ". La réunion rassemblait une trentaine de personnes, principalement des salariés du GAN ou du CIC. Outre les camarades du PC, étaient présents des responsables du PS, des Verts et du MDC. Dans son introduction, la responsable du PC a principalement insisté sur la création d’un " pôle financier français " et désigné Maastricht et la monnaie unique comme responsables de la disparition de ces établissements. De suite, un salarié du GAN est intervenu pour souligner que la question des nationalisations ou privatisations était un faux débat car les banques, les assurances et l’Europe fonctionnent de façon capitaliste. Pour lui l’argent des banques " ne sert qu’aux riches et au spéculateurs et pas à la population ". Tous étaient d’accord pour dire que de l’argent il y en a, mais il devrait servir à l’emploi plutôt que partir en fumée à la Bourse. Un camarade du PC a dit qu’au GAN à Bordeaux, où il travaille, plus de 50 % des salariés touchaient moins de 7000 F par mois et qu’il attendait du gouvernement des augmentations de salaire car pour lui les 4 % d’augmentation du SMIC n’en étaient pas une. Pour un autre, employé au CIC : " du travail, il y en a, il suffit de réduire le temps de travail et recenser les besoins ". Il considérait la loi-cadre sur les 35 heures comme une " mesure forte ". Pour lui, ce qui nous attend, c’est s’affronter au patronat qui cherche à nous imposer la flexibilité, avec l’impression que le gouvernement encourage ces attaques. Le responsable du PS lui a répondu que ce n’était pas une loi-cadre mais " une loi d’incitation avec aide financière et date butoir ".

Nous sommes intervenus pour rappeler que nous étions contre les privatisations parce qu’elles s’accompagnent de licenciements et de restructurations, et pour dire que le véritable problème, c’est la logique de ce système où les capitalistes font leurs profits sur le dos de ceux qui travaillent, en Europe comme en France. " Les 35 heures ne sont pas une mesure forte mais des cadeaux à la pelle aux patrons. Stopper la croissance du chômage et de la misère qui fait le jeu de Le Pen devient une urgence. Cela ne pourra se faire que par la lutte de tous les travailleurs contre l’offensive de la bourgeoisie. Ces luttes, il faut les préparer ensemble, en rompant toute solidarité avec ce gouvernement et les directions des partis qui y sont. ". La bureaucrate du PC nous a alors coupé la parole pour la donner au politicien socialiste devant qui elle était mal à l’aise.

Le débat s’est poursuivi avec le responsable des Verts qui nous prêchait plus de " solidarité " et moins de révolte, au nom de la misère qu’on voit dans d’autres pays. Révolté par ce discours, un camarade du PC a répondu : " On ne vit pas dans le même monde, la misère existe aussi ici, alors que la société est riche ".

Dans notre dernière intervention, nous avons souligné que la solidarité est toujours prêchée aux travailleurs, jamais aux patrons. " On a aujourd’hui les moyens techniques pour produire en fonction des besoins. Pour cela, il faudra imposer par la lutte notre contrôle sur cette société. "

Des camarades du PC étaient d’accord avec nos interventions. Nous nous sommes quittés dans une ambiance de camaraderie et nous avons pris rendez-vous pour le mois de décembre.

Apprentissage de l’exploitation

Le ministère de l’Education Nationale veut développer l’apprentissage pour le plus grand avantage des patrons. Sous prétexte de formation, de permettre l’obtention d’une qualification, ou de familiariser les jeunes avec le monde du travail, c’est des cadeaux aux patrons, et la mise à disposition d’une main d’œuvre qui ne coûte rien, et qui est taillable et corvéable. A l’heure actuelle, un contrat d’apprentissage c’est le pactole : pour un CAP ou un BEP, les patrons touchent 26 000 F de prime pour deux ans, 4000 F de plus si le jeune a plus de 18 ans, et 50 000 F pour un BAC Pro. En plus, les patrons ont droit à une exonération totale des charges sociales pour les entreprises de moins de 10 salariés et presque totale pour celles de plus de 10 salariés. Et pour faire le compte, un crédit d’impôt de 5000 F par an. Les apprentis de moins de 18 ans étant payés 25 % du SMIC en première année, et 37 % en deuxième année, les patrons déboursent en tout et pour tout autour de 23 000 F pour 24 mois. Comme il s’agit de contrats de formation, les apprentis n’ont pas le droit de faire des heures supplémentaires. Les patrons ne déclarent donc aucune heure supplémentaire mais ne se privent pas d’en faire faire, car dans certains secteurs comme la restauration ou la vente, les heures supplémentaires sont la règle, c’est à dire que l’Etat fournit de la main d’oeuvre gratuite aux patrons.

CINEMA : " THE FULL MONTY " Le grand jeu... La fin de la respectabilité

Sheffield, il y a 25 ans. Un film vidéo vante le dynamisme de l’acier. Aujourd’hui, les usines ultra-modernes ne sont plus que champs de ruines... Gaz et son copain Dave sont au chômage. Leur vie s’est brisée, la femme du premier est partie avec son fils trouver une meilleure situation, le second se sent fini, ils souffrent au plus profond d’eux-mêmes, ne se sentent plus des hommes... Ils tuent le temps au " job club " continuant de s’engueuler avec Gerald, l’ancien contremaître qui tapote sur l’ordinateur, cherchant " sérieusement " un travail, lui qui, prisonnier de sa honte, n’a pas osé dire à sa femme qu’il était au chômage. Ils sauvent un déprimé du suicide qui devient le troisième de la bande... Fou de voir son fils se détourner de lui, Gaz cherche désespérément quoi faire. Il n’y a que des petits boulots sous-payés et incertains. Et puis un jour, à l’occasion du passage dans le club ouvrier d’un groupe de strip-teaseurs hommes, " Women only ", qui rencontre un large succès, une idée folle vient à Gaz : faire pareil pour ramasser la mise, faire de la bande un groupe de " Chippendales "... Alors commence la folle aventure racontée avec humour, tendresse, pudeur... Gaz regagne son fils, Dave le bon gros oublie ses complexes et redécouvre sa femme, Gerald, se libère de son honorabilité... On rit, on s’émeut jusqu’au succès final de nos amis dans leur unique représentation de strip-tease où, mieux que des professionnels, ils font... le grand jeu. Et on se prend à imaginer que les travailleurs anglais, libérés de la respectabilité bourgeoise, pourraient jouer à leur bourgeoisie décadente le grand jeu...