éditorial



Les patrons veulent la guerre, le gouvernement les protège,
Tous avec les routiers

Le conflit des routiers a démarré dimanche et se renforce dans le pays contrairement à ce que laisse entendre la télévision et la presse. Il a démarré avant l’heure puisque dès la nuit de samedi à dimanche, les routiers avaient commencé leur mouvement, histoire de faire comprendre à leurs organisations syndicales qu’ils n’entendaient pas se plier à l’arrogance et au chantage de la principale organisation des patrons routiers, celle qui est dirigée par les plus gros, l’UFT.

Sous la pression du ministre " communiste " Gayssot, les organisations syndicales étaient prêtes à accepter l’oukase du patronat, la pression de la base, de nos camarades routiers, les a fait basculer du côté de la lutte et c’est tant mieux. Les routiers ne veulent plus être selon l’expression de l’un d’entre eux " les chiens de la route ", nous sommes de tout cœur avec eux.

Il ne restait plus au ministre " communiste " Gayssot qu’à tenter de jouer les Messieurs bons-offices pour essayer de ramener les patrons à la table des négociations en espérant que le conflit avorte ou tenter de prêcher la bonne parole aux routiers. Chacun son rôle. Les routiers ont pour leur part tenu fermement et avec souplesse le volant de leur mouvement. Ils ont dès mercredi obtenu un premier petit succès, la réouverture des négociations, auxquels l’UFT a été obligée de participer. Ce n’est qu’un petit pas en avant dont le gouvernement voudrait s’approprier les mérites. Ce sont les grévistes et eux seuls qui ont imposé ces négociations alors que le gouvernement ne souhaitait qu’une chose, que le mouvement capote.

Le patronat a parfaitement compris que les travailleurs risquaient d’être paralysés par le fait que les organisations politiques et syndicales qui prétendent les représenter sont solidaires du gouvernement. Il entend en profiter pour nous mettre les épaules à terre. Il provoque. Gandois a provoqué à l’issue de la conférence sur les salaires et l’emploi. Aujourd’hui, c’est le syndicat des patrons routiers qui provoque avec le soutien du CNPF. Les gros patrons routiers ont tout le grand patronat derrière eux. Ils veulent briser le mouvement des routiers pour leur imposer leurs conditions. En s’attaquant aux routiers, il est clair qu’ils font un calcul politique et c’est à tous les salariés de ce pays qu’ils s’en prennent. Nous devons tous et sans réserve être pleinement du côté des routiers.

Le gouvernement quant à lui, comme lors de la conférence sur les salaires et l’emploi, joue un double jeu. Il fait semblant de tenir compte des intérêts des salariés, de les prendre en considération, pour mieux nous paralyser, maintenir l’illusion que peut-être il pourrait agir en notre faveur si nous étions raisonnables, compréhensifs à l’égard des " intérêts généraux du pays ".

En fait, il protège le patronat, lui laisse les mains libres, l’arrose de subventions, d’aides de toutes sortes et nous demande d’accepter des salaires nettement insuffisants, des conditions de travail qui se dégradent, et, en cadeau, il n’hésite pas à envoyer ses flics.

La seule idée qu’a eue le premier ministre pour tenter de désamorcer le conflit, a été de proposer une prime aux patrons de 8OO F par camion ! Ces derniers lui ont renvoyé sa prime à la figure. Et quand Jospin prend des grands airs pour dire qu’il fera respecter les accords qui seront signés, il n’y a pas de quoi. Ce serait le minimum, mais même là, il n’est pas crédible. Tous ces politiciens sont toujours prêts à envoyer les CRS contre les travailleurs pour mieux plier l’échine devant le patronat.

Le patronat se sent en position de force, il voudrait nous imposer sa loi, celle du profit, de la concurrence, des spéculations qui ruinent toute la société, et cela, comme le krach de la semaine dernière l’a montré, à l’échelle de la planète.

A en croire certains journalistes, la crise boursière et monétaire qui secoue le monde ne serait rien, par contre la grève des routiers mettrait en péril l’économie nationale. Ils ne manquent pas de culot, ces gens qui défendent le point de vue de ceux qui les payent.

C’est l’inverse qui est vrai.

Oui, c’est leur système qui met toute la société en danger. La bourgeoisie, la propriété privée du capital n’a que trop longtemps nui à la société. Les milliards qui partent en fumée dans les spéculations boursières, financières, dans le monde entier sont produits par l’exploitation de toute la population dans les pays riches comme dans les pays pauvres, en premier lieu celle des travailleurs. Ils se nourrissent de l’exploitation des travailleurs, du chômage, de la misère, voire de la famine. Il faut mettre un coup d’arrêt à cette folle logique.

Il est indispensable de ne pas laisser les financiers et le patronat nuire à la société et pour cela, nous n’avons pas d’autre solution que de nous battre sur le plan social, comme le font les routiers, mais aussi politique.

La tâche de l’heure est de nous en donner les moyens.

Le patronat mène un conflit politique contre nos camarades routiers. Ce conflit, c’est contre l’ensemble des travailleurs qu’il le mène. La victoire des routiers sera notre victoire. Il nous faut tout faire pour les soutenir, les aider. Il faut exiger de nos syndicats qu’ils se mobilisent, l’enjeu est de taille.

L’intérêt général n’est pas du côté du patronat, mais du côté des routiers.

C’est l’occasion pour tous ceux qui veulent que les travailleurs, face au patronat qui commence sa guerre, au gouvernement qui le protège, puissent avoir leur propre politique, faire entendre leur propre voix, de se réunir, de discuter de comment nous pourrions nous donner les moyens d’agir dans le sens de la défense de nos intérêts le plus efficacement possible.

Il y a urgence. Le patronat commence sa guerre, il faut que notre camp, le camp des travailleurs se prépare à répondre.

C’était le sens de la candidature d’Arlette LAGUILLER en 1995 aux élections présidentielles. L’heure est venue de s’unir pour constituer une nouvelle force d’opposition ouvrière, authentiquement socialiste et communiste.

Comment construire l'union pour les luttes des travailleurs socialistes et communistes ?

L'évolution politique et sociale met à rude épreuve tous les militants ouvriers de gauche ou d'extrême-gauche qui voudraient s'accrocher à des positions routinières, sans regarder bien en face ce que sont leurs responsabilités et les tâches concrètes que cela entraîne pour eux.

Car la situation objective dégage des contours beaucoup plus nets entre les classes sociales. La bourgeoisie s'affiche en tant que telle, arrogante, prête à en découdre avec les travailleurs, prête à faire plier constamment dans le sens de ses intérêts un gouvernement de gauche qui a l'échine parfaitement adaptée à cet exercice. Les conditions d'une explosion sociale et d'une crise politique se précisent.

A l'extrême-gauche personne ne va pouvoir se réfugier tranquillement dans une activité purement propagandiste. Toutes les petites " tours d'ivoire " risquent fort de s'écrouler sur la tête de ceux qui voudraient s'y cacher. De même les militants d'extrême-gauche qui seraient tentés de faire pression sur la direction du PS ou celle du PC, pour qu'à leur tour elles fassent pression sur le gouvernement, vont se retrouver Gros Jean comme devant. Les partis gouvernementaux les laisseront les critiquer platoniquement. Chacun sa position. Mais le suivisme critique comme l'attentisme seraient une manière pour les militants d'extrême-gauche d'entrer dans le jeu politique de la gauche gouvernementale, d'en être les otages consentants. C'est ainsi qu'ils seraient amenés à renier leurs idées et leurs engagements à l'égard des travailleurs.

Fort heureusement une toute autre perspective s'offre à la fois aux militants révolutionnaires et aux militants du PC et du PS sincèrement attachés aux intérêts du monde du travail.

UN PROGRAMME POUR UNIR LES REVOLUTIONNAIRES

Deux démarches s'imposent simultanément, celle permettant le regroupement des révolutionnaires dans une organisation unique et celle permettant l'union pour les luttes des travailleurs socialistes et communistes, c'est à dire l'embryon d'un futur parti des travailleurs.

Au sein de l'extrême-gauche, une prise de conscience est en train de naître et de se développer comme l'attestent les rencontres, les discussions et les collaborations de plus en plus nombreuses depuis deux mois entre plusieurs tendances révolutionnaires. Les barrières de l'indifférence et du sectarisme commencent à tomber. Chaque tendance progresse à son rythme ou marque plus ou moins le pas en fonction de sa position et de ses engagements antérieurs. Mais le mouvement général conduisant à l'unification des forces d'extrême-gauche semble irréversible.

Encore une fois c'est l'évolution même des rapports de classe qui y pousse. Bien sûr certains militants s'imaginent encore qu'il n'y a pas urgence pour un regroupement des révolutionnaires, qu'il va falloir discuter encore très longtemps et surmonter les divergences avant d'accomplir des pas concrets. Cette façon artificielle d'envisager l'unité des révolutionnaires dans le long terme ne devrait pas résister longtemps à l'épreuve des faits.

Pour que des progrès s'accomplissent sur des bases solides, il faut que les révolutionnaires interviennent ensemble dès que cela est possible en direction des travailleurs. A titre d'exemple fort modeste mais significatif, trois tendances à Rouen, Voix des Travailleurs, l'Association pour le Rassemblement des Travailleurs et la Gauche Révolutionnaire viennent de diffuser un tract commun sur la grève des routiers en direction des entreprises de l'agglomération.

Il faut d'autre part que les révolutionnaires redéfinissent ensemble les bases d'un programme marxiste révolutionnaire. Car l'unité ne se construira pas sur du vent, simplement sur de la bonne volonté (même s'il en faut) mais sur des idées fortes, clairement exprimées et permettant aux travailleurs de comprendre le monde dans lequel ils vivent pour pouvoir le transformer. C'est pour œuvrer dans ce sens que des militants de Voix des Travailleurs ont rédigé un projet de programme pour une organisation unique des révolutionnaires que notre tendance a commencé à mettre en discussion dans ses rangs et à soumettre à la critique d'autres courants. Nous entendons organiser à la fin de ce mois plusieurs assemblées locales pour que la discussion se poursuive avec tous les militants du mouvement ouvrier qui le souhaitent.

UN PROGRAMME ET UNE ORGANISATION POUR UNIR LES TRAVAILLEURS SOCIALISTES ET COMMUNISTES

Si les révolutionnaires réussissent à s'unir sur la base d'un même programme tout en respectant l'identité de chacun, ils seront en mesure de proposer une politique et un programme à tous les travailleurs du PC et du PS qui sont désorientés voire consternés par la politique de leurs dirigeants. Ils doivent placer toute leur confiance dans ces travailleurs en leur disant toute la vérité sur les ministres, les appareils bureaucratisés qui les paralysent, sur les dangers de la situation si la classe ouvrière ne regroupe pas ses forces autour des idées de la lutte de classe. Ces idées éclaireront les expériences que les travailleurs vont vivre. A partir de là, des liens de confiance pourront se tisser entre les révolutionnaires et les travailleurs socialistes et communistes. A partir de là se construira une force politique cohérente, capable de préparer les luttes et d'y jouer un rôle fondamental en toutes circonstances.

Krachs boursiers, crises monétaires, exploitation, misère, chômage, c’est toute la société qui est malade de la domination des financiers

Après le " mardi noir " de la semaine dernière, les Bourses ont eu un début de semaine morose. Sans que ce soit à nouveau l’affolement, beaucoup de financiers pensent à vendre pour empocher leur bénéfice et réinvestir plus tard. La confiance a cédé la place à l’inquiétude. Pour le moment, sans nouvelle panique bien que la crise ne soit pas jugulée.

Lors de la réunion du G15, le groupe des principaux pays en voie de développement, dont les pays du Sud-Est asiatique, Suharto, le dictateur indonésien déclarait  : " les fortes fluctuations des flux financiers internationaux et des échanges de devises ont anéanti les acquis économiques et sociaux des pays en voie de développement ". Les acquis sociaux dont parle le dictateur n’existent que dans sa tête, mais toujours est-il que les classes dominantes de ces pays, qui avaient bénéficié de larges investissements des puissances impérialistes, se préparent à faire payer l’addition à leur peuple et à une concurrence encore plus acharnée.

La banque mondiale et le FMI viennent de mettre sur pied un plan de sauvetage de l’Indonésie et de la Thaïlande, mais ce plan n’évitera pas une récession pour l’ensemble des pays du Sud-Est, situation qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur l’activité des grandes puissances. Personne ne peut mesurer exactement ces répercussions puisque justement les crises qui se succèdent sont directement le produit de la marche aveugle de l’économie capitaliste. Elles lui sont organiquement liées toujours selon le même mécanisme : période d’emballement, les capitaux attirés par des profits rapides se concentrent sur tel ou tel pays, c’est le boom qui s’accompagne de spéculations dans l’immobilier ou les actions, jusqu’au moment où l’euphorie de la période ascendante laisse la place au pessimisme, au doute. Les gains réalisés ou escomptés diminuent, les capitaux se retirent à la recherche de nouveaux gains plus sûrs. C’est l’effondrement, la crise.

C’est la logique même du capitalisme, sa marche cyclique rythmée par les emballements, puis les crises, les krachs.

Il est de mode de parler d’économie réelle opposée au monde de la finance qui serait déconnecté de cette économie réelle, comme s’il y avait d’un côté les bons capitalistes faisant marcher l’économie réelle et les mauvais spéculateurs qui joueraient au casino des places financières. C’est une pure vue de l’esprit, une construction des laudateurs du capitalisme bien obligés de reconnaître l’évidence, la folie du système financier, mais qui en font, pour les besoins de leur plaidoirie, un simple mauvais côté du système qu’il faudrait mieux contrôler ou sinon " purger " de temps en temps.

Ce système financier non seulement n’est pas déconnecté de l’économie réelle, mais il en est, en système capitaliste, le moteur et la raison d’être. Il est constitué d’un réseau de liens bancaires, boursiers, financiers qui permettent aux capitalistes qui dirigent l’économie de drainer et de s’approprier les richesses produites aux quatre coins de la planète. Et c’est bien toute la marche de l’économie réelle qui est soumise à la " tyrannie " des financiers, sans cesse soumise à leur poussée de fièvre, leur déprime, leur nervosité voire leur panique.

Il n’y a eu que de rares périodes dans l’histoire du capitalisme pendant lesquelles cette marche cyclique a été absorbée en quelque sorte dans un développement global de la production qui n’empêchait pas les oscillations, les crises mais amoindrissait leur impact, leur caractère aigu. C’était le cas au début du XX° siècle en fait durant une courte période, et ce fut surtout le cas après la deuxième guerre mondiale. Les besoins de la reconstruction, les besoins nés de la révolution coloniale, le développement des transports et la révolution informatique ont permis une longue période ascendante au capitalisme contraint aussi de faire face à la pression du mouvement ouvrier, de l’URSS et des révoltes des peuples opprimés.

Cette longue période de développement capitaliste a pris fin au début des années 1970. Depuis les crises se succèdent régulièrement, chaque fois plus aiguës. A chaque étape, la marge de manœuvre de la bourgeoisie financière se rétrécit, les possibilités de reprise diminuent, la croissance se fait plus faible même si la force du capital accumulé dans les décennies précédentes laisse encore à la bourgeoise et à ses Etats les moyens d’amortir les effets des crises. Mais ce capital se dévalorise au fur et à mesure des crises, qui préparent les conditions d’une nouvelle crise bien plus grave.

Il n’y a pas de réforme possible. La seule force capable de faire entendre raison aux capitalistes c’est la pression de la classe ouvrière mobilisée, organisée, consciente de sa place dans la société, de son rôle entraînant avec elle toute la population laborieuse, la petite bourgeoisie démocratique.

Il n’y a pas d’autre issue pour la société que les travailleurs reprennent le flambeau des idées du socialisme et du communisme.