Irak : bruit de bottes et odeur de pétrole
" Il faut tuer Saddam Hussein " sest exclamé un représentant du Congrès américain. " Nous ne mettrons un terme à cette épreuve de force que lorsque Saddam Hussein aura été renversé " a déclaré Clinton, mollement démenti par un porte-parole le lendemain. Cest aussi Clinton qui a annoncé dun ton guerrier quun deuxième porte-avions américain serait envoyé dans le Golfe. Sur la chaîne ABC, dimanche, un autre dirigeant américain, montrant une boîte de sucre expliquait que les armes chimiques détenues par lIrak étaient tellement puissantes quil suffisait dune quantité équivalente à la contenance de cette fameuse boîte pour tuer la moitié de la population de Washington ! Les représentants du monde " moderne " avaient retrouvé ces derniers jours le ton de la guerre du Golfe de 90-91, étalant sans vergogne leurs préjugés.
Depuis le début de la semaine, la recherche dune solution diplomatique est pourtant mise en avant. Tandis que Saddam Hussein renonçait à refuser toute représentation américaine dans la Commission de contrôle de lONU, les diplomates américains évoquaient la possibilité dun assouplissement de lembargo. Sans doute, les Américains tiennent-ils compte des réticences de leurs alliés, la France, la Russie et la Chine qui sont en train de négocier des contrats pétroliers avec lIrak qui est le deuxième pays au monde pour ses réserves de pétrole. Ils tiennent aussi compte de léchec diplomatique de la conférence économique de Doha, au Qatar, placée sous légide des Américains et où la quasi totalité des dirigeants des pays arabes ont refusé de se rendre pour protester contre la politique de Netanyahou. Cette attitude des dirigeants arabes est le reflet du mécontentement des peuples de la région face à la politique des Etats Unis et dIsraël et de leur solidarité avec les souffrances et les humiliations qui sont infligées au peuple irakien.
Le peuple irakien, victime du diktat de limpérialisme américain
Depuis plus de sept années, la population irakienne est privée de nourriture et de médicaments par suite de lembargo. Des organisations humanitaires ont estimé que la consommation calorique a baissé dun tiers, la mortalité infantile a augmenté de 124 %, 600 000 enfants seraient morts par manque de soins ou de malnutrition, lespérance de vie est passée de 65 à 57 ans.
Ces souffrances nont été que très faiblement atténuées par la mise en place depuis décembre 96, dune formule " pétrole contre nourriture " qui permet à lIrak de vendre pour 2 milliards de dollars de pétrole tous les six mois, une production de 700 000 barils/jour alors que la production de lIrak était avant la guerre de 5 millions de barils/jour. Il était alors le deuxième producteur de pétrole de lOPEP.
Toutes ces transactions, vente de pétrole, achat de nourriture et de médicaments, sont soumises au Comité des sanctions des Nations Unies qui peut seul les autoriser. Les tracasseries sont incessantes et les retards dramatiques pour la population : début novembre, 41 % seulement des médicaments achetés étaient arrivés en Irak. Sur les deux milliards perçus par lIrak pour ses ventes de pétrole, plus dun tiers est consacré à payer les frais de fonctionnement de lUNSCOM et à verser des compensations financières à des Koweïtiens.
Saddam Hussein et les dirigeants irakiens ont dénoncé ces conséquences de lembargo, la partialité de la Commission de contrôle, composée à 44 % dexperts américains et dont tous les postes de responsabilité sont détenus par des Américains. Tarek Aziz, vice-premier ministre irakien, a accusé lArabie Saoudite qui a porté sa production journalière de 5 à 8 milliards de barils dès que lIrak a été évincé du marché mondial, et les Etats Unis qui récupèrent une grande partie du pactole sous forme de remboursement des dettes de guerre, dêtre les principaux bénéficiaires de lembargo. Saddam Hussein a soudé ainsi autour de lui le peuple irakien, auquel il impose une dictature féroce mais pour qui il apparaît comme tenant tête à limpérialisme américain.
Vers une intervention militaire ?
Tout en multipliant les manuvres diplomatiques, les Etats Unis maintiennent leur pression militaire en faisant venir des dizaines davions supplémentaires, avions furtifs et bombardiers B 52. La menace dun nouveau massacre du peuple irakien est plus que jamais présente. Mais sils décidaient dintervenir militairement, pour obliger Saddam Hussein à se plier à leur ultimatum, les USA pourraient déclencher des réactions de la population irakienne et celles des masses arabes, dans les territoires palestiniens et dans les autres pays de la région. Plus que les réticences de leurs alliés, qui traînent des pieds mais seraient bien forcés de cautionner une telle intervention à défaut dy participer, cest pour le moment cette menace des réactions populaires qui dissuade les Américains dune intervention immédiate.
Sommet de la francophonie : l'impérialisme français a la nostalgie des colonies
En 1954, limpérialisme français subissait sa première grande défaite face au peuple vietnamien. La sale guerre dIndochine menée depuis 1945 par une bourgeoisie française accrochée à ses colonies tournait à lavantage des nationalistes vietnamiens. Chassée dAsie, la puissance coloniale française allait bientôt lêtre dAfrique noire et dAfrique du Nord, non sans avoir encore une fois mis un pays comme lAlgérie à feu et à sang durant presque huit années. Dans ces années-là, la langue française était dabord pour les peuples de ces pays la langue de loppression, des humiliations, des interrogatoires et des massacres. " La présence française " au Vietnam, comme on appelle pudiquement aujourdhui la période de la colonisation ne soulève sans doute aucune nostalgie parmi limmense majorité de la population du pays. Moins de 1 % des Vietnamiens parlent aujourdhui le français, se désolent les médias... semblant regretter le " bon vieux temps des colonies ", comme si la préoccupation majeure de la puissance coloniale française avait été dalphabétiser et de rendre bilingue les populations quelle tenait sous son joug. A lépoque seules les élites locales, véritables courroies de transmission de la métropole, avaient la possibilité de maîtriser le français...
Aujourdhui, malgré la mise en scène du dernier sommet de la francophonie à Hanoï la semaine dernière, la " défense de la langue française " est bien le cadet des soucis dune bourgeoisie française, en perte de vitesse face à ses concurrents américain ou japonais, notamment en Asie. En réunissant autour de Chirac, son fidèle représentant, une belle brochette de dictateurs, dont les tous nouveaux intronisés Sassou NGuesso, président du Congo, et Hun Sen, dirigeant du Cambodge, la bourgeoisie française tente de conserver quelques prés carrés, comme en Afrique Noire (bien que mis à mal dernièrement, notamment par la victoire de Kabila dans lex-Zaïre). Elle tente aussi de reprendre pied dans certaines anciennes colonies comme le Vietnam. Chirac avait prévu darriver deux jours avant louverture du sommet au Vietnam pour régler les affaires sérieuses, celles des groupes capitalistes français : cela a été payant. Plus de quatre milliards de contrats commerciaux ont été signés entre les deux pays au grand bénéfice notamment de France Télécom pour 2,7 milliards de francs ou du groupe Suez-Lyonnaise des Eaux pour 640 millions de francs. Pour les capitalistes français, il ny a pas de frontières ni de barrières linguistiques, le seul langage quils connaissent cest celui des profits sur le dos des peuples.
Soutien au combat de deux réfugiés politiques iraniens
Depuis des années, deux opposants au régime iranien de Khomeiny, Djaber Kalibi et Azita Monachipour se battent pour faire valoir leurs droits. Réfugiés en France, ils ont obtenu le statut de réfugié politique en 1983. Pourtant, depuis six ans, ils vivent à Rouen dans une situation précaire, privés du droit de travail et de la possibilité de vivre normalement.
Arrêtés le 20 septembre 86, ils ont été condamnés à quatre ans d'emprisonnement pour leur action contre le régime de Khomeiny. A leur libération en décembre 89 pour Djaber, et en février 90 pour Azita, le ministre socialiste de l'intérieur de l'époque, Pierre Joxe prononça à leur encontre des arrêtés d'expulsion et d'assignation à résidence. Depuis, en dépit du jugement du 11 décembre 91 de la Cour de Cassation qui a déclaré les arrêtés d'expulsion illégaux, ces derniers ont été maintenus par les différents ministres de l'Intérieur.
Suite à l'arrivée du gouvernement de gauche, une nouvelle intervention a été faite auprès du ministre de l'Intérieur Chevènement demandant l'abrogation des arrêtés d'expulsion. Mais une lettre de refus émanant d'un conseiller technique du ministère, datant du 11 juillet 97 a été la réponse à cette nouvelle requête. Comme ses prédécesseurs de droite, le ministre de gauche a maintenu les arrêtés qui privent les deux militants de leur titre de séjour et leur interdit de travailler.
Tout récemment le ministère de l'Intérieur s'est retranché derrière un rapport de police considérant qu'ils sont " indésirables " sur le territoire national. En fait, c'est la même politique que celle des gouvernements précédents qui continue : la répression contre des militants communistes et l'appui à la dictature des ayatollahs en Iran au nom des intérêts financiers engagés dans ce pays.
Ces deux militants ont décidé de se faire entendre et de s'adresser à toutes les associations et organisations politiques et syndicales. Celles-ci doivent leur apporter un soutien actif, dénoncer la menace d'expulsion qui pèse toujours sur eux et le caractère scandaleux du refus du gouvernement de leur laisser le droit de vivre normalement.
Les chauffeurs de bus ne veulent pas être roulés
Les chauffeurs de bus de la TCAR (transports en commun de l'agglomération rouennaise) sont en grève depuis jeudi 13 novembre. Ils sont à peu près 500 conducteurs et mécanos. La TCAR est une société privée appartenant à la CGEA, filière transport de la CGE, Compagnie Générale des Eaux.
Ce qui les a mis en colère c'est que l'accord conclu à la fin de leur précédente grève de 17 jours, il y a un an, n'a pas été du tout appliqué. La direction les a menés en bateau leur disant qu'avec les travaux de la station de métro du Palais de Justice, elle n'avait plus assez d'argent ou autres mauvaises raisons. Les chauffeurs ont constaté que la direction avait bel et bien abandonné l'accord. Comme les routiers, ils ont eu le sentiment que la direction s'était payé leur tête et ils ne veulent pas être " roulés " comme ils disent. A l'issue du précédent conflit, il avait été promis aux grévistes une réduction du temps de travail à 34 heures dans le cadre de la loi De Robien avec comme contrepartie la création de quatre vingts emplois et des mesures concernant la sécurité. En ce qui concerne la diminution d'horaires, ils n'ont vu aucun changement. Ils font toujours 38 heures. La direction a même tenté à plusieurs reprises de réduire les temps de pause. Pour la sécurité, une trentaine d'agents d'accompagnement ont été attribués par le district. Des jeunes habitant les quartiers chauds accompagnent les bus surtout aux heures tardives mais ce sont des CDD. Ce n'est pas ce qu'avaient demandé les chauffeurs. Les grévistes demandent des agents d'accompagnement mais aussi des receveurs, en nombre suffisant pour que les conducteurs ne soient pas seuls et ils veulent qu'ils soient embauchés par la TCAR en CDI, non pas des emplois précaires qui peuvent s'arrêter du jour au lendemain. Ils veulent aussi et surtout des emplois de chauffeurs supplémentaires, en résumé, l'application du protocole signé en 96. La direction prétexte, pour ne pas appliquer l'accord, qu'elle n'a pas reçu la totalité de la somme prévue pour le mettre en pratique.
La grève dirigée par le syndicat CGT, majoritaire, a été bien suivie cette première semaine, à 75 % par les chauffeurs et mécanos. Ils sont une centaine au piquet de grève près du dépôt de bus de Darnétal, mais ils ne bloquent pas le dépôt.
Ils ont à faire à une direction de combat. Le directeur a convoqué une réunion des employés où il a qualifié les grévistes de " gangsters et de communistes ". Il maintient sa position d'abandon de l'accord de 96. Et tout ce qu'il propose aux grévistes c'est d'attendre la mise en place de la loi Aubry sur les 35 heures. Le dossier serait d'ailleurs entre les mains du ministère de l'Emploi.
Les grévistes ont manifesté à plusieurs reprises dans la ville, une fois avec les employés du théâtre des Arts, en grève eux aussi. Lors des distributions de tracts en ville ou aux automobilistes sur la voie rapide, ils ont constaté que leur grève était bien perçue par les autres salariés. Ils sont allés voir diverses personnalités locales comme le maire socialiste de Rouen ou Laurent Fabius maire de Grand-Quevilly et dirigeant du district. Mais ces derniers sont étrangement silencieux. Comme l'a dit un gréviste : " Fabius a ouvert son grand parapluie pour ne pas se mouiller ". A qui feront-ils croire qu'ils ne peuvent rien faire ? C'est bien évident que s'ils le voulaient, ils auraient les moyens de faire pression sur la direction de la TCAR.
Les grévistes sont toujours très déterminés au bout d'une semaine de grève. Ils ont déposé un nouveau préavis jusqu'au 27 novembre.