éditorial



La gauche plurielle pratique le double jeu mais ne sert que la bourgeoisie,
Construisons notre propre force, socialiste et communiste

Comme ils sont heureux tous ces ministres et politiciens du Parti socialiste ! Leur congrès de Brest s'est déroulé à merveille. Ils n'avaient pas tout à fait la conscience tranquille en se réunissant dans cette ville qui compte 18 000 chômeurs et où la colère de travailleurs menacés de perdre leur emploi avait éclaté il y a quelques semaines. Et c'est pourquoi Jospin avait déconseillé à ses ministres d'exhiber leurs Safrane de fonction et d'être flanqués de leurs gardes du corps pour se déguiser en militants plein de modestie.

Pour cette fois ils ont pu rester sur leur petit nuage rose sans avoir à essuyer un coup de tempête sociale. Mais ils ne perdent rien pour attendre. Car les paroles mielleuses des gouvernants socialistes et les sondages flatteurs de popularité de Jospin ne peuvent cacher la réalité des faits et en particulier de leurs actes en faveur de la bourgeoisie.

Celle-ci ne peut que se féliciter du comportement du personnel gouvernemental actuellement à son service. Il offre les mêmes prestations que le gouvernement Juppé en continuant à arroser le patronat de subventions de toutes sortes, en s'attaquant aux services publics et en aggravant un système fiscal qui est dirigé avant tout contre le pouvoir d'achat des classes populaires.

Mais la gauche gouvernementale apporte quelque chose de plus par rapport à la droite par sa capacité à pratiquer le double jeu afin de désorienter et de paralyser les travailleurs. Ainsi tandis que la gauche plurielle maintient en place la loi réactionnaire de Pasqua et Debré contre les immigrés, des dirigeants des Verts et du Parti communiste défilaient samedi dernier aux côtés des " sans-papiers ".

On a assisté à la même hypocrisie pendant la grève des routiers. Les ministres et en particulier Gayssot faisaient mine d'être préoccupés par les revendications des routiers mais en réalité ils agissaient pour sauver la mise aux patrons. Et c'est pourquoi ils ont envoyé les CRS pour lever des barrages ; et ils ont joué de leurs bonnes relations avec les dirigeants syndicaux pour que la grève des routiers reçoive le moins de soutien possible de la part d'autres secteurs de la classe ouvrière et pour qu'elle se termine le plus tôt possible. L'opinion bourgeoise a décerné à Jospin et Gayssot un certificat de bonne conduite gouvernementale pour avoir bien manœuvré contre les routiers et réussi à ce que la grève ne dure que six jours, moitié moins que du temps de Juppé.

Dans ces conditions Jospin se devait de renvoyer l'ascenseur à Robert Hue qui a été accueilli triomphalement par les congressistes du Parti socialiste.

Sur quoi repose cette belle entente entre les dirigeants du Parti communiste et du Parti socialiste ? Ils sont unis pour nous tromper, pour nous lanterner, pour nous démoraliser afin qu'on encaisse les mauvais coups du patronat sans réagir. Le Parti socialiste ne parviendrait pas tout seul à mener efficacement cette politique contre le monde du travail. Le concours du Parti communiste lui est particulièrement précieux pour anesthésier les militants de ce parti et au-delà pour tenter d'empêcher la classe ouvrière de se redresser et de défendre ses intérêts.

Les dirigeants du Parti communiste montrent sans retenue leur contentement d'être associés à la gestion des affaires de la bourgeoisie. Ils se croient " modernes " et " réalistes " en se prosternant devant un système économique archaïque, le capitalisme, qui conduit toute la société à sa perte.

Tout cela ne peut qu'éclairer les travailleurs sur tous ces politiciens imposteurs qui se disent encore " socialistes " ou " communistes ". L'euphorie des sondages en faveur de Jospin et de la gauche plurielle n'aura qu'un temps, tout comme l'euphorie boursière a laissé la place à l'inquiétude dans les milieux d'affaires depuis le krach de Hong-Kong. Les krachs sociaux se préparent. Jospin et Robert Hue le savent et se rangeront comme maintenant du côté de leurs maîtres, les patrons et les banquiers, quoi qu'il arrive.

Il est donc temps pour nous travailleurs, de nous affranchir de tout lien avec les dirigeants des partis gouvernementaux. Ils agissent pour le compte de ceux qui nous exploitent. Aujourd'hui ils sont unis pour nous tromper, demain ils le seront pour nous trahir. A nous de construire une force ouvrière indépendante de tous ces gens-là. Pour cela il nous faut participer activement à la vie des organisations syndicales, en leur redonnant un caractère pleinement démocratique et combatif. En même temps il nous faut construire une force politique, un parti regroupant tous les travailleurs qui ne veulent pas baisser les bras devant les dérobades, les reniements et les manœuvres de la gauche gouvernementale. Regroupons-nous, discutons ensemble pour construire l'union pour les luttes de tous les travailleurs socialistes et communistes.

La violence urbaine, produit d’une dégradation de la situation sociale lourde de dangers

A Mulhouse, les chauffeurs de bus ont fait grève pour protester contre des agressions et demander que des mesures soient prises pour assurer leur sécurité. Le même type de mouvement s’est produit la semaine passée à Lille et à Nancy où les chauffeurs ont également fait grève pour protester contre des actes de violence. Au delà de la protestation, faute de perspective politique, ces mouvements se trouvent dans la situation de limiter leur objectif à revendiquer plus de protection.

Et la seule réponse des pouvoirs publics ne peut être qu’un renforcement policier dont le résultat aboutira à l’inverse de ce que souhaitent les travailleurs.

La violence, produit de la dégradation de la situation sociale

Cette violence est le fait de bandes de jeunes de quartiers populaires, de cités dont le chômage a fait des ghettos de misère. Des taux de chômage élevés, des cités laissées à l’abandon, des services publics réduits au minimum provoquent une détérioration des rapports sociaux, créant des situations matérielles insupportables, provoquant détresse et désespoir. La lutte quotidienne pour faire face aux besoins les plus vitaux use les énergies, démoralise et décourage. Les jeunes sont évidemment les plus sensibles à cette situation. Beaucoup d’entre eux, livrés à eux-mêmes, se sentent rejetés d’une société qui ne leur offre aucun avenir. Et une minorité rejette cette société par la violence. Cette violence du désespoir ne fait qu’aggraver les choses. En s’en prenant aux habitants de leur quartier ou à d’autres jeunes qui partagent le même sort qu’eux, en dégradant les rares installations qui existent, en s’attaquant à des salariés, ils ne font qu’aggraver les conditions de leur oppression.

Des flics et de la morale, une politique réactionnaire

Face à cette situation, le gouvernement réagit par la répression. Mettre des flics partout devient la solution à tous les problèmes. A Mulhouse, des policiers vont circuler dans les bus tandis qu’une compagnie de CRS quadrillera certains quartiers populaires. A Lille, une police des transports de 150 agents sera créée. Dans un premier temps de telles mesures permettront peut être de faire diminuer le nombre d’agressions, ce qui est encore à démontrer, mais elles ne feront que créer un fossé supplémentaire et prépareront de nouvelles explosions encore plus violentes.

Aux flics, le gouvernement ajoute les couplets de morale. Il prétend transformer les enseignants en curés laïques pour expliquer aux jeunes des milieux populaires comment ils doivent accepter " civilement " un avenir qui leur donne le choix entre la délinquance, le chômage ou la galère des petits boulots. Le député -maire socialiste de Mulhouse, Bockel, propose même de rendre les parents responsables du comportement de leurs enfants et de les sanctionner en cas de récidive, mesures déjà mises en œuvre en Angleterre par le socialiste Tony Blair.

Pour que l’extrême droite ne tire pas les marrons du feu, il faut que le monde du travail offre une perspective de changement social

Cette dégradation de la situation sociale, cette politique répressive sont lourdes de dangers car elles peuvent profiter à l’extrême droite. Le gouvernement et le parti socialiste affirment qu’ils coupent l’herbe sous les pieds du Front National en reprenant sa démagogie sécuritaire mais en fait ils lui ouvrent un boulevard.

Faute de perspective, certains salariés peuvent retourner leur mécontentement contre les jeunes et se faire abuser par des démagogues. Déjà dans certains des quartiers les plus pauvres où le chômage et la misère engendrent désespoir et sentiment d’impuissance, les scores du Front National sont souvent très élevés.

Quant aux jeunes de ces cités, ils risquent aussi de devenir une masse de manœuvre pour l’extrême droite qui peut dévoyer leur révolte, détourner leur colère contre les militants de gauche, car ce sont les partis de gauche au gouvernement qui apparaissent aujourd’hui comme les responsables du chômage et de la misère, du recours systématique à la police ; et les villes où se produisent ces incidents ont souvent des maires socialistes ou communistes.

Cette situation n’a rien d’inéluctable. Ni les jeunes, ni la population des quartiers populaires ne sont destinés à servir de masse de manœuvre aux démagogues d’extrême droite. A condition qu’une force politique donne une perspective à leur révolte, leur offre l’espoir d’un changement radical de la situation, que le monde du travail montre par ses luttes qu’il a la force et la volonté de changer l’ordre social.

Dans les années 60 et 70, le mouvement noir américain avait su donner à des jeunes désespérés, souvent tombés dans la délinquance, la perspective d’un combat pour changer la société. Le plus radical de leurs porte parole, Malcom X, et des milliers de jeunes noirs américains étaient passés de la délinquance à la lutte politique. Les mêmes mécanismes peuvent jouer aujourd’hui. La jeunesse des quartiers populaires a peu d’illusions sur le sort qui l’attend, elle ne peut qu’espérer un changement radical de cette société. Encore faut-il que des militants ouvriers lui en donnent la perspective. Encore faut-il qu’il existe une force politique qui en fasse son objectif et s’en donne les moyens.

De krach en krach, la marche vers la récession

Tout devait rapidement rentrer dans le calme, et pourtant chaque semaine apporte un nouvel épisode dans la crise financière qui secoue l’Asie et menace l’économie mondiale. Le bluff ne peut plus masquer une crise qui de proche en proche touche tous les pays.

Lundi, au Japon, la maison de titres Yamaichi Securities a été mise en faillite. Elle est la troisième institution financière à disparaître au Japon en l'espace de trois semaines, après le courtier Sanyo Securities et la grande banque commerciale Hokkaido Takushoku Bank. Ses pertes sont évaluées à plus de 3000 milliards de yens (25 milliards de dollars), probablement 6700 milliards de yens (53 milliards de dollars), avec ses filiales. Et c’est tout le système financier japonais qui est menacé de faillites en chaîne, et, au delà, tout le système financier mondial. Celui-ci repose sur un échafaudage de dettes qui ne tient que tant que les débiteurs, ceux qui prêtent leur argent, ont confiance dans les usuriers, les banquiers et autres financiers. Que cette confiance cède le pas à la crainte de perdre et tout peut s’effondrer.

Ces séries de faillites au Japon ont été provoquées par un début de perte de confiance devant la stagnation de l’économie, le krach des pays du Sud-Est asiatique et la crainte de ses répercussions sur la deuxième puissance mondiale. Engagée dans toutes sortes d’investissements spéculatifs, où les emprunts garantissent les emprunts, cette société boursière n’a pu payer ses dettes à ceux qui demandaient leur argent. Le gouffre des créances douteuses, c’est à dire irrécupérables, l’escroquerie généralisée s’est alors révélée.

Le gouverneur de la Banque du Japon a assuré lundi que la banque centrale allait mettre à la disposition du courtier Yamaichi Securities des " moyens exceptionnels " pour lui permettre de liquider en douceur ses opérations. Le ministre japonais des Finances Hiroshi Mitsuzuka indiquait de son côté que, " pour faire face à d'éventuelles turbulences sur les marchés financiers ici et à l'étranger ", les autorités nipponnes injecteront dans le marché " toute la liquidité nécessaire ". C’est tout ce que peut faire l’Etat, injecter des milliards pour compenser les pertes, payer les créances douteuses, financer sur les fonds publics les escroqueries des financiers.

Il leur faut faire vite car, pour citer un financier, la crise asiatique est " une bombe à retardement… qui se traduirait par un rapatriement précipité des capitaux japonais investis aux Etats Unis et en Europe ".

Cela pourrait priver les banques américaines des liquidités dont elles ont elles-mêmes besoin et provoquer des faillites ou gravement creuser le déficit de l’Etat américain. Ou pire, qu’ils retirent leur capitaux investis dans les pays du Sud-est asiatique au moment où la crise boursière vient de toucher la Corée et, malgré les milliards injectés par le FMI, ce serait la banqueroute de ces pays.

En effet, en début de semaine, la Bourse de Séoul a chuté de plus de 7 %, dans le même temps que celle de Tokyo, entraînant une baisse de toutes les places boursières. La Corée du Sud, onzième puissance économique mondiale au PIB excédant ceux de la Malaisie, de l'Indonésie et de la Thaïlande réunis, n’a pas eu d’autre choix que de faire appel, à son tour, au FMI pour éviter la banqueroute afin d’obtenir des prêts qui varient entre 40 et 60 milliards de dollars, certains avancent même le chiffre de 100 milliards.

" Je pense que l’heure est à la confiance en l’avenir de l’Asie " a déclaré Bill Clinton au moment où le président sud-coréen précisait pour sa part " il est temps de nous serrer la ceinture ". L’un comme l’autre sont cyniques, comme si les travailleurs et les masses paysannes d’Asie n’avaient jamais connu autre chose que des conditions de vie misérables, comme si le développement anarchique et fou des dernières années leur avait jamais profité, comme s’il y avait un avenir pour les populations d’Asie dans les aventures financières de leurs classes dirigeantes dont l’impérialisme ramasse les bénéfices.

C’est la folie de la marche de ce système qui ignore toute planification, tout contrôle et régulation hors des crises. Attirés par la perspective de profits juteux, les capitaux s’investissent dans l’industrie, l’immobilier, sans rapport avec les besoins réels, poussés par la concurrence qui oppose les capitalistes entre eux. Tout est fait pour obtenir les profits espérés, rien pour satisfaire les besoins des populations, jusqu’au moment où tout bascule, c’est le krach. Dans le contexte de surproduction latente (du point de vue capitaliste) dans lequel est l’économie mondiale, inévitablement, d’une façon ou d’une autre, la crise de l’Asie atteindra toute la planète. Même si les puissances impérialistes ont encore assez de capitaux pour colmater les brèches, ce qui est le plus probable, un pas de plus est fait vers la récession. Tous les milliards partis en fumée, les financiers tenteront de les récupérer sur le dos des peuples et des travailleurs, au prix d’une diminution de la consommation, de l’exacerbation de la concurrence, préparant les conditions d’une nouvelle crise.

L’avenir de l’Asie comme du reste de la planète ne peut être dans ce système où la course au profit dilapide les richesses produites par le travail.