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Sommet européen sur l'emploi : morne plaine

Le sommet européen de Luxembourg était censé prendre à bras le corps la question de l'emploi dans l'Europe des quinze où il y a dix-huit millions de chômeurs et cinquante millions de pauvres.

Dans le texte final, les gouvernements des quinze pays européens s'engagent à offrir, d'ici cinq ans, des formations, des stages de reconversion ou même une proposition d'emploi aux chômeurs, au bout de 6 ou 12 mois. Comme on le voit, c'est d'une audacieuse nouveauté. Par ailleurs les gouvernements en question promettent de " développer l'esprit d'entreprise " et de " faciliter la création d'entreprises ". Encore des aides en perspective pour les patrons. Ensuite ils se déclarent partisans d'une " politique d'indemnisation du chômage " qui incite plus les chômeurs à chercher un emploi. Tout chômeur peut traduire : moins d'indemnités pour nous faire accepter n'importe quoi. Enfin le texte des quinze se déclare partisan de mesures, négociées par les entreprises, visant à faciliter l'annualisation du temps de travail, la flexibilité et le travail à temps partiel. Il signale que dans ce cadre on peut même envisager des réductions du temps de travail et la diminution des heures supplémentaires. Pour que les choses soient absolument claires le texte ajoute bien que toutes ces mesures ont un but : " rendre les entreprises plus productives et plus compétitives ".

Au lendemain du sommet, " l’Humanité " , le journal du Parti Communiste, voyait dans tout ça " des mesures concrètes " qui " sont à prendre en considération ".

En effet, le " volet social " en faveur des patrons est tout à fait concret. Chaque gouvernement avait déjà pris le même type de mesures allant dans un sens identique, celui de mener une guerre impitoyable au monde du travail. Sur ce terrain, l'harmonisation entre les quinze se réalise sans problème. Mais pour faire diversion et cacher le fait que ces messieurs défendent exclusivement leurs intérêts de classe égoïstes, ils se déguisent de temps à autre en " Européens " se rencontrant au cours d'un " sommet ".

La baisse des investissements : le plus court chemin vers la récession.

L'INSEE vient d'annoncer pour l'année 1997 une stagnation des investissements productifs et une baisse de l'investissement dans l'industrie de consommation. Malgré les déclarations optimistes des ministres et de la presse, qui nous annoncent régulièrement la reprise de la croissance, les chiffres sont là pour démentir ces mensonges. Ils n'ont eux-mêmes aucune confiance dans leur propre système, et refusent de prendre le risque d'investissements productifs à long terme, d'augmenter la production de richesses, alors que les marchés stagnent ou reculent, contraints de se mener une concurrence acharnée pour le contrôle des marchés existants, pour maintenir et augmenter leurs profits. En France, l'investissement productif a diminué de 37 % en valeur, entre 1992 et 1996, l'investissement industriel étant lui, inférieur de 20 % à son niveau de la fin des années 80. Les investissements réalisés cette année ont été, selon l'INSEE, " sélectifs ", " totalement axés sur les gains de productivité ", c'est-à-dire que les capitalistes investissent avant tout pour augmenter la productivité et rentabiliser le travail, en faisant payer la concurrence acharnée qu'ils se livrent entre eux aux travailleurs, par les licenciements et le chômage d'un côté, l'aggravation des conditions de travail de l'autre.

Le PDG du Crédit Lyonnais, Peyrelevade, a expliqué dans la presse que " la reprise n'est pas aussi assurée que l'on voudrait le penser. Nombre d'entreprises sont extrêmement attentives dans leurs efforts d'investissements et, plus encore, les grandes décident de délocaliser leurs investissements d'extension pour profiter de coûts salariaux plus faibles ". Ces " gains de rentabilité ", que les capitalistes réalisent en abaissant le coût du travail, aggravent le chômage et la misère, en abaissant le pouvoir d'achat des travailleurs, réduisent d'autant les marchés que se disputent les trusts, et préparent la récession. A moins que les travailleurs n'inversent cette logique.

La morale civique à l'école...

Le gouvernement vient d'envoyer dans toutes les écoles, signée de Ségolène Royal, une circulaire pour expliquer aux professeurs ce qu'est la morale civique.

La première maxime, c’est le travail : " apprendre la citoyenneté, c’est apprendre que la vie nécessite des efforts et du travail... "

Ensuite on a : " les institutions, (les pompiers, la police, la justice) qui œuvrent à la paix civile ".

Comme elle n'est pas certaine que les enseignants soient tous au garde-à-vous, elle leur suggère pour illustrer le propos de " faire appel à des intervenants extérieurs de Ministères par exemple le Ministère de l’Intérieur ".

On a ensuite les travaux pratiques, c'est-à-dire des " actions concrètes pour combattre la violence " : " visites à des personnes âgées seules, participation à une campagne organisée par une association caritative, action en direction de personnes handicapées ". Transformer les jeunes en scouts, ça c’est une idée de ministre ! Et peut-être qu’à force de faire du bénévolat ils s’habitueront aux CES qui leurs sont proposés à la sortie de l’école ?

Imperturbable, la ministre déléguée conclut sur l’idée que ces actions associant les élèves développeront en eux le " sens critique ", ça c’est pour la note comique, mais aussi " l’adhésion à un ensemble de valeurs et à la loi, qui sont garants de la formation de citoyens responsables et intégrés à la société "... Les jeunes devraient donc s’intégrer à une société qui ne leur offre aucune place et aucun avenir. " L’intégration " que leur propose S. Royal c’est la soumission, la résignation : le respect des lois et de l’appareil d’Etat, avec l’idée que la pitié ou l’aumône doivent remplacer la solidarité et la lutte. Une morale de curés. Mais les élèves ne prennent pas au sérieux les sermons de morale civique quand ils sont prêchés par ceux qui dirigent une société où celui qui travaille ne gagne rien tandis que le parasite s’enrichit.

Hôpital Saint-André : trois semaines de débrayages au laboratoire de biochimie

Le 20 octobre 1997, les techniciens du laboratoire de biochimie de l’hôpital Saint-André à Bordeaux commençaient un mouvement de grève qui allait durer plus de trois semaines.

Nous sommes une petite équipe de 10 personnes qui a déjà subi une première extension d’horaire il y a trois ans, nous faisant débaucher à 21 h au lieu de 18 h, puis une diminution d’effectif un an plus tard. Cette fois la direction a décidé, sans concertation et sans augmentation de personnel, de nous rajouter de nouvelles gardes la nuit et le dimanche ainsi que de nouvelles amplitudes horaires.

A quelques semaines de leur mise en application, nous avons décidé de protester contre ces nouvelles dispositions en débrayant une heure par jour.

Depuis plusieurs mois déjà nous faisions part des difficultés qui allaient naître de ces nouvelles amplitudes de travail, en particulier pour les roulements et pour le respect des repos réglementaires. Et le nombre de personnel disponible diminuant, nous posions la question de comment assurer le travail quotidiennement.

Après plus de trois semaines de lutte, nous avons obtenu un roulement nous garantissant les repos hebdomadaires tels qu’ils sont prévus dans les textes. Mais rien du côté de l’embauche. Et nous avons dû nous résoudre à accepter une période " d’évaluation de la nécessité et de la faisabilité " de ces nouvelles amplitudes horaires.

Au cours de ces derniers mois nous avons bien senti les menaces qui planent sur les personnels au CHU à travers des tentatives de déréglementation : repos hebdomadaires fractionnés, propositions de journées de 9 h de travail, proposition de séquence de 10 jours de travail consécutifs, etc. Nous étions trop peu nombreux pour nous attaquer à d’autres sujets graves qui se mettent en place insidieusement comme l’annualisation du temps de travail pour certains de nos collègues, la polyvalence, la flexibilité, la précarité... Mais durant ces trois semaines, nous avons essayé de faire connaître notre mouvement par des tracts dans l’hôpital et par un article dans la presse locale. Et durant une journée, les techniciens du laboratoire de biologie se sont joints à notre grève.

PTT Val d'Oise : formation ou bourrage de crâne ?

Depuis que les directeurs de la Poste se sont mis dans l’idée de transformer tous les agents en ardents défenseurs de " notre entreprise ", soi-disant en péril, aucun moyen n’est négligé pour faire rentrer le message.

Ainsi, lors d’une formation de trois jours sur le fonctionnement technique d’une nouvelle machine de tri, une bonne demi-journée est consacrée à vanter les mérites de la politique de la boîte, et surtout à tenter de démontrer par tous les moyens l’inconscience de ceux qui ne rentrent pas dans son jeu.

On peut s’entendre dire par exemple à propos de l’avancement : " qu’un jeune qui se défonce pour la Poste ait droit à l’avancement, je suis pour. Mais, par contre, qu’un guignol qui s’amuse pendant trente ans sur son vélo sans faire d’efforts change de grade à l’ancienneté, pas d’accord ! " . Quand on sait qu’après 37,5 ans de carrière, un facteur part aujourd’hui avec 8000 F par mois, on voit la considération qu’on a pour nous.

Ou à propos de la qualité de service : " si les lettres ne sont pas distribuées à temps, c’est parce que les facteurs sont trop souvent absents ". La réalité, c’est que beaucoup de postiers en arrivent à avoir peur d’aller chez le médecin, tant la pression est forte pour nous dissuader de nous absenter (reproches verbaux, coups de téléphone au domicile, baisse de notation, entrave à la mutation…).

Dans le même style, on a aussi appris que si les postiers ne " mouillaient pas leur chemise, la Poste pouvait disparaître d’ici 2005 "…

Tout ce bourrage de crâne ne prend pas. Leur baratin ne pèse pas lourd face au constat journalier de la dégradation de nos conditions de vie et de travail, de nos salaires, de la qualité du service rendu, de l’ambiance dans le travail… Le sens du service public, c’est la direction de la Poste qui devrait l’apprendre !