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Crise financière en Asie, les faillites s'enchaînent, on rachète à la baisse

Le 6 décembre, un des plus importants conglomérats sud-coréens, Halla, un des " chaebols ", s’est déclaré en faillite. Ses dettes seraient vingt fois supérieures à son capital. Cette faillite vient après celle du huitième groupe financier du pays et a entraîné la suspension de l’activité de neuf banques. En Thaïlande, la quasi totalité des 58 sociétés financières ont été fermées. Dans tous ces pays des plans d’austérité se mettent en place. La direction d’un des " chaebols " sud-coréens, Daewoo, résume la philosophie des financiers : " dépenser moins et travailler plus ". En Malaisie plus de 200 000 licenciements sont prévus, des réductions de salaires de 10 à 15% sont annoncées.

Après avoir pendant la décennie passée investi des milliards dans l’économie, dans l’immobilier comme dans toutes sortes de spéculation, les financiers occidentaux retirent leurs capitaux au moment où le boom laisse la place à la récession. Ils mettent ces pays qu’ils ont exploités et pillés, en faillite. Mais ils ne les lâchent pas pour autant. Ils en profitent au contraire pour resserrer la corde qui les étrangle. Ils rachètent à la baisse et, en bons usuriers, dictent leurs conditions.

Pour cela, ils ont un fondé de pouvoir, le FMI qui achète en échange de plan de sauvetage, c’est à dire de millions de dollars, le droit pour les grandes puissances de continuer de piller ceux qu’elles ont ruinés.

Le directeur du FMI, très lucide, disait lui-même à propos de la Corée que l’intervention du FMI était ressentie comme " une honte nationale ", " une violation de la souveraineté nationale ". Lucide, mais défenseur des intérêts des riches, il oublie de parler des sacrifices imposés aux travailleurs. La honte nationale, c’est peut-être le sentiment de la bourgeoisie, pour les travailleurs, ce sera la colère, la révolte qui ne manquera pas de déboucher sur des progrès du mouvement ouvrier qui n’en est pas à ses premiers pas.

En pliant les pays du sud-est asiatique à leurs conditions, les banquiers occidentaux en profitent pour affaiblir les positions d’un concurrent de taille le Japon. Il ne manque pas de prétendants pour faire là aussi de bonnes affaires comme la Société Générale qui se porte acquéreur de Yamaichi, la société financière japonaise qui vient de faire faillite. Surtout à côté de ces petits requins, il y a les USA qui veulent affaiblir les positions de leur concurrent et néanmoins allié. Ils entendent profiter de la situation pour gagner des positions surtout financières en Asie et si c’était possible, de liquider quelques dettes qu’ils ont vis à vis de la finance japonaise. Derrière les discours officiels, les dirigeants américains ne sont pas gênés de voir le Japon en difficulté, et sans autre issue que de laisser s’affaiblir ses positions.

" L’économie se ralentit en raison de la rigueur budgétaire. Dans les prochains mois nous ressentirons probablement aussi les effets du ralentissement de la croissance en Asie, qui pèsera vraiment sur les exportations " décrit lucidement un banquier japonais. Or toute l’économie comme les finances japonaises sont tournées vers l’extérieur. Leur prospérité dépend en fait pour une large part du bon vouloir des Etats-Unis.

L’économie japonaise s’est développée grâce à une surexploitation des masses donc avec un marché intérieur limité en se tournant vers l’exportation. Exportation des marchandises, mais aussi exportation des capitaux. Les bénéfices réalisés sur le marché mondial ne trouvant que peu à s’investir au Japon, les financiers sont devenus les principaux prêteurs du monde capitaliste. Mais quand on prête aux USA, le créancier est pour beaucoup dépendant de son débiteur, qui voudrait bien garder ses bénéfices en liquidant sa dette.

En bon diplomate, Clinton affirme sa pleine solidarité avec le Japon et lui donne de sages conseils pour qu’il développe sa consommation intérieure et joue son rôle de puissance régionale. Conseils amicaux qui sont en réalité une franche menace. En clair, si le Japon n’est pas capable de compenser son affaiblissement sur le marché mondial, la baisse de ses exportations, il n’aura qu’à s’en prendre à lui-même…

A travers la crise, le Japon pourrait bien être contraint de se replier sur lui-même, non pour développer la consommation de sa population, mais pour mener une guerre économique de plus en plus aiguë qui tendra à opposer l’Asie au reste du monde occidental.

  

La fermeture des houillères de Lorraine : un pacte contre les travailleurs

Le 5 décembre, l'extraction de charbon a été arrêtée au puits Simon à Forbach en Lorraine. Cette décision s'inscrit dans le projet de l'Etat défini en 1983, de cesser toute exploitation charbonnière en France d'ici à 2005.

50 000 emplois ont déjà été supprimés en une vingtaine d'années. Les mines, monopole d'Etat, étant jugées non rentables, l'Etat les liquide, alors que les capitalistes préfèrent investir dans des concessions charbonnières en Colombie, en Inde ou en Chine, où la surexploitation des mineurs et le travail des enfants sont la règle.

Alors qu'ils étaient 25 000 en 1983, les salariés des Houillères sont moins de 10 000 actuellement. L'un après l'autre, les puits du bassin houiller sont fermés.

En 1994, sous le gouvernement Balladur, un " pacte charbonnier " a été signé avec Charbonnages de France, approuvé par les syndicats à l'exception de la CGT, pour soi-disant planifier " en douceur " la fermeture des mines, sans licenciements secs. Appliqué depuis deux ans, il inclut une mesure exceptionnelle, le "congé charbonnier de fin de carrière" : à partir de 1999, les salariés de 25 ans d'ancienneté et 45 ans d'âge pourront partir en pré-retraite payée à 80 % du salaire, jusqu'à la date de leur retraite normale. Mais en 2005, 2500 à 3000 mineurs n'auront ni l'âge ni l'ancienneté pour pouvoir bénéficier de la retraite prévue par le pacte. D'autres mesures sont prévues, dont une prime de départ de 500 000 F, pour devenir de futurs chômeurs, qui trouve peu de preneurs.

Car si personne ne peut regretter la fermeture de ces mines, dont le dernier coup de grisou au puits Simon avait fait 22 morts en 1985, ce que veulent les mineurs, c'est la garantie d’un emploi, de meilleurs salaires et plus de congés, et ils n'ont pas fini de faire parler d'eux. Ils refusent d’être condamnés à survivre dans des régions sinistrées.

  

Sogerma : les 35 heures, ça intéresse le patron !

Le groupe SOGERMA est une entreprise de maintenance aéronautique, filiale de l'Aérospatiale, dont l'usine de Mérignac dans la banlieue bordelaise compte plus d'un millier de salariés. La direction de la SOGERMA a été une des pionnières dans l'application de la flexibilité. En effet dans la maintenance aéronautique, l'activité est très fluctuante : des périodes de charges de travail très lourdes alternent avec des périodes plus calmes. La direction de l'entreprise faisait ainsi appel à de nombreux salariés sous traitants et intérimaires pour faire face à des hausses de charges de travail. Et le contingent d'heures supplémentaires était très élevé car si l'avion n'est pas livré dans les délais fixés, l'entreprise paie d'importantes amendes.

Le premier accord de flexibilité dit de " modulation des horaires " a représenté un recul important pour les salariés. Il donnait à l'entreprise la possibilité d'instaurer des " semaines hautes " de 42 heures et des " semaines basses " de 32 heures. Pour nous, cela voulait dire être à la disposition du patron. Pour la direction, cela représentait la possibilité de ne plus payer les heures supplémentaires et de limiter le recours aux intérimaires puisque les salariés en CDI de l'entreprise étaient désormais soumis à la flexibilité .

Le second accord de flexibilité a représenté un nouveau recul : la semaine basse passait à 0 heure. Le patron avait donc la possibilité de nous imposer de rester chez nous à son gré et de nous imposer des " semaines hautes " de 42 heures.

Aujourd'hui, c'est dans la loi des 35 heures que le patron voit une bonne aubaine. Il a annoncé que dès que les décrets d'application de la loi seraient pris, l'horaire à la SOGERMA passerait à 34 h 20 et que 6 % de salariés supplémentaires seraient embauchés. C'est que le patron a fait ses comptes : il toucherait ainsi les subventions prévues par la loi Aubry : 9000 F de charges sociales la première année, 8000 F la seconde et cela non seulement pour les nouveaux embauchés mais pour l'ensemble des salariés touchés par la réduction d'horaires. Le jackpot ! D'autant plus que si les subventions sont prévues sur cinq ans, l'obligation pour les patrons de maintenir les effectifs n'est valable que deux ans.

Les 35 heures avec le maintien de la flexibilité et les subventions, c'est une bonne affaire pour les patrons !

  

Question exploitation on est au parfum

A M.F Production (la Maine, Maromme), on fabrique et on conditionne les parfums de différentes marques. A l’approche des fêtes de Noël, l’entreprise qui compte seulement une soixantaine d’ouvriers " en fixe " fait appel à de nombreux intérimaires. L’été c’est la même chose, et les effectifs peuvent monter jusqu’à 250 personnes. A M.F Production tout est régi selon le vieux principe " diviser pour régner ". Et dans ce registre, la direction est inépuisable. Ainsi régulièrement on découvre celle qui, parmi toutes les ouvrières, a été choisie par la direction pour être " chef de ligne "... c’est-à-dire chargée de faire appliquer aux autres les cadences sur la chaîne. Ca ne facilite pas les relations de camaraderie. On a connu des idées encore plus tordues, par exemple le système des " chaises musicales " : des pauses de seulement cinq minutes, et à la sonnerie (un hurlement strident), chacun doit se précipiter à son poste. Mais il manque sur la chaîne... trois chaises, ce qui fait que celles qui courent vite trouvent une place assise tandis que les autres doivent travailler debout.

Dans le même état d’esprit, la direction cherche en distribuant brimades mesquines et faux privilèges à opposer les intérimaires à celles qui sont " employées en fixe ". Elle interdit par exemple aux intérimaires de se garer sur le parking de l’entreprise, strictement réservé aux embauchées ! Il n’y a pas de machine pour positionner, en bout de chaîne, les cartons pleins sur les palettes. On s’abîme très vite le dos à porter à bout de bras des cartons qui contiennent 50 bouteilles de 50 millilitres. Evidemment la direction met à ce poste les dernières arrivées pour les " dresser ", et les " mal vues ". Mais les bonnes grosses ficelles de la division ne sont pas si efficaces. Quand on organise nous-mêmes le travail sur la chaîne, les plus jeunes se mettent spontanément à ce poste " cartons " pour l’éviter aux ouvrières les plus âgées... et la solidarité fait échec aux petites manœuvres de la direction.

Lycée professionnel Blanquefort : "du pognon pour la rénovation ! "

Vétustes, insalubres et dangereux, tel est l'état des ateliers et des internats du lycée professionnel de Blanquefort, près de Bordeaux. Le comble c'est que ce lycée qui tombe en ruines est un lycée du Bâtiment !

C'est donc pour exiger que des crédits soient accordés par le Conseil Régional pour la rénovation du lycée qu'élèves, parents et enseignants se sont mis en grève le 9 décembre et ont manifesté à 150 dans les rues de Blanquefort et de Bordeaux en réclamant " du pognon pour la rénovation " et crié que " lycée taudis, internats pourris, y'en a marre ". Si pour beaucoup d'enseignants ce n'était pas la première manifestation ( cela fait sept ans que des mouvements ont lieu sur ce problème) la centaine de jeunes qui a fait grève et manifesté a fait l'expérience que c'est en luttant que l'on se fait entendre. Ils ont aussi pu juger de près quelques spécimens de politiciens, maire, conseillers régionaux à qui ils ont dit quelques vérités qui n'avaient pas toujours l'heur de leur plaire. Ils ont été révoltés par le mépris social de ce conseiller régional chargé de l'Education qui après les avoir entendus dénoncer leurs conditions de vie au lycée, s'est exclamé " ça m'emmerderait que mes enfants fréquentent un lycée pareil ". Et ils ont su le remettre à sa place lorsqu'un jeune après son discours de politicien démagogue lui a dit tout de go " finalement tout ça ce ne sont que de belles paroles ". Une expérience que ces jeunes, futurs salariés ne sont pas près d'oublier de sitôt !

  

SED-Cordier : transaction entre capitalistes = danger pour les travailleurs

SED-Cordier est une usine d'embouteillage de 180 personnes dans la banlieue bordelaise. Le 24 novembre, la CGT nous distribuait un article de la presse vinicole confirmant la rumeur qui circulait depuis quelques temps : le propriétaire, Suez, était en pleine transaction avec la société le Val d'Orbieu, au sujet de l'entreprise.

Nous avons tous débrayé pour nous retrouver en assemblée générale à l'appel de la CGT, car ce n'est pas la première fois que des " transactions " de nos patrons se traduisent par des mauvais coups contre nous, des licenciements, des baisses de salaires. Il y a un an le patron licenciait 50 d'entre nous et nous imposait la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi de Robien, avec une perte de salaire de 2,5 %.

Ce débrayage a fait se déplacer de Paris une grosse huile de Suez. Ce monsieur nous a parlé de " transparence ", nous a dit qu'il était content de nous rencontrer, et qu'il avait besoin de nous et de nos idées... Par contre, il n'a pas répondu précisément aux questions qui nous intéressent tous : notre avenir de travailleurs.

Nous ne savons toujours rien, sinon que nous aurions un nouveau " signe " au plus tard le 23 décembre, c'est-à-dire à la veille des congés.

Tout le monde est conscient que le patron nous lanterne.

Alors, mardi 9, sans attendre le Père Noël, au cours d'une nouvelle assemblée générale, ouvriers et employés, nous avons voté la grève.

 

Comment le socialiste Guy Mollet inventa la vignette auto

La vignette est un impôt qui pèse de plus en plus dans les budgets populaires. Tout le monde a en mémoire le prétexte invoqué pour imposer cette taxe : venir en aide aux personnes âgées à faible revenu. En réalité, c’est en juin 1956 que le gouvernement socialiste de Guy Mollet l’a créée de façon soi-disant provisoire (du provisoire qui dure depuis plus de quarante ans !) pour un tout autre motif. Les dépenses de l’Etat étaient accrues par l’intensification de la guerre en Algérie. Le gouvernement socialiste cherchait donc des centaines de milliards de francs (anciens) pour renflouer les finances de l’Etat. Les députés du Parti Communiste votèrent pour la vignette auto à la suite d’un discours enflammé de Waldeck-Rochet sur le sort des vieux alors que celle-ci a servi essentiellement à financer les dépenses militaires...

L’Etat l’a empochée jusqu’en 1984. Depuis ce sont les collectivités locales qui utilisent cet argent à des fins qui n’ont rien à voir avec le but avoué. Que ce soit la vignette auto ou la CSG, quand un gouvernement de gauche prend une mesure contre la population, les gouvernements de droite ou de gauche qui suivent les reprennent à leur compte. L’escroquerie temporaire devient permanente.