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Le gouvernement russe réduit à faire la manche auprès du FMI

Eltsine s’est félicité d’avoir fait voter une première lecture du projet de budget 98 par les députés de la Douma qui s’y opposaient jusque là. " Il n’existe pas de question plus importante que le budget ", leur a-t-il dit, " aujourd’hui, le monde entier regarde ce que va décider la Douma parce que le système financier mondial a la fièvre ". Pour Eltsine, il était vital de montrer aux Occidentaux qu’il était capable d’éviter - très momentanément - la crise politique, afin de pouvoir obtenir, sous peine de banqueroute de l’Etat russe, d’autres prêts du FMI.

5 milliards de capitaux investis sur le marché financier russe ont été retirés depuis le début de la tourmente financière en Asie.

Depuis 1996, les financiers occidentaux s’étaient précipités sur le marché financier russe, rassurés par la réélection de Eltsine. En 95 des grèves et manifestations ouvrières avaient éclaté pour réclamer les arriérés de salaires, la population exprimait sa haine de Eltsine et " du gang du Kremlin ", et aux élections législatives de décembre 95, le parti de Eltsine n’avait eu que 10 % des voix. Les Occidentaux craignaient qu’une défaite de Eltsine aux présidentielles ne remette en cause les réformes engagées mais Eltsine a été réélu grâce à une campagne qui a coûté des millions de dollars, et une presse et une télévision entièrement à son service.

Des perspectives de profits juteux ont attiré les capitaux étrangers en majorité sur le marché de la dette russe ou à la Bourse de Moscou. A la Bourse les fonds d’investissements étrangers ont acheté en 96 pour 3 milliards de dollars d’actions émises par les entreprises russes, dont ils ont retiré en moyenne 80 à 100 % de revenus sur un an. Il y a eu même pour certains plus de 300 % de bénéfices sur ces opérations. L’Etat fédéral, les gouvernements régionaux et les municipalités ont tous émis des titres sur leur dette, des " Eurobonds " qui, parce qu’ils rapportaient plus que les bons du Trésor américain, leurs équivalents, ont connu un véritable boom. Il en a été émis pour 6 milliards de dollars depuis novembre 96.

Aujourd’hui les financiers occidentaux ont commencé à vendre ces titres, ramassant leur pactole pour aller le placer ailleurs. Le gouvernement, grisé par les 7 milliards de dollars d’investissements étrangers réalisés dans les 6 premiers mois de l’année, s’était laissé aller à rêver de 20 milliards par an, mais aujourd’hui, c’est à l’obligation de rembourser ces titres de la dette, souvent contractée à très court terme, qu’il doit faire face.

Il n’a plus de crédits pour payer ses dépenses et il n’arrive pas à se faire payer les impôts. Des millions de salariés ne sont plus payés depuis des mois, car le gouvernement comme les directions d’entreprises ne paient les arriérés que lorsqu’ils se sentent le couteau sous la gorge, le mécontentement prêt à exploser. Ainsi, après que 1,2 à 1,8 million de manifestants soient descendus dans les rues en mars dernier, le gouvernement en a payés une partie, les pensions des retraités en juillet, les soldes des militaires en septembre, mais il n’a plus de quoi payer les salaires des fonctionnaires qu’il s’est engagé à payer au 1er janvier 98. Car malgré ses menaces les directions des entreprises ne payent toujours pas les taxes qu’elles doivent à l’Etat. Gazprom, par exemple, dont on évalue le montant des exportations à 8,4 milliards de dollars, lui devait en avril 2,6 milliards de dollars, plus que tous les arriérés de salaires dus aux médecins et aux enseignants. Les gouvernements régionaux doivent aussi 13 milliards de dollars au gouvernement central.

Voilà pourquoi aujourd’hui Eltsine en est réduit à faire la manche auprès du FMI et de la Banque Mondiale, lesquels sont prêts à débloquer des crédits pour assurer la continuation de leurs profits aux capitalistes occidentaux, en permettant à Eltsine d’éviter l’explosion sociale. Mais c’est autant de prêts qui ne seront payés que par la population, le monde du travail, à travers la réduction des dépenses publiques ou des quelques subventions qui restent encore au logement, aux transports, à l’agriculture.

Eltsine et ses nouveaux riches, dont la plupart sont les anciens bureaucrates soviétiques ont dilapidé le crédit représenté par l’accumulation du travail dans une économie qui ne pouvait fonctionner que dans un système planifié. Ils ont pillé et continuent à le faire toutes les richesses créées par ce travail collectif, ramenant l’économie russe à celle d’un pays sous-développé soumis au bon vouloir des financiers occidentaux.

 

" Pétrole contre nourriture " ou la guerre du pétrole contre les peuples

Contrairement à ce que prétendaient les médias au service des puissances impérialistes, la guerre contre l’Irak n’était en rien une opération de défense de la démocratie. C’était une opération de police des Etats-Unis contre un pays qui prétendait, certes sous la férule d’un dictateur, monnayer mieux ses richesses pétrolières. Depuis, ce pays vit étouffé par l’embargo que lui imposent les grandes puissances, embargo impuissant à briser et le régime et le peuple. L’Irak ne vit que de ses ressources pétrolières, contraint de se plier à un accord humiliant " pétrole contre nourriture " qui définit les quantités de pétrole qu’il peut vendre pour faire face aux besoins des populations, du moins tels que l'ONU les évalue. Les grandes puissances affament un peuple pour préserver leur droit à piller les richesses des pays pauvres.

Cet accord vient d’être renégocié et renouvelé le 4 décembre malgré la menace qui planait de le remettre en question. Il est renouvelé pour six mois tel quel, bien qu’il soit tout à fait insuffisant pour faire face ne serait-ce qu’aux besoins élémentaires de la population irakienne. L’Irak est autorisé à vendre pour deux milliards de dollars de pétrole, pas un dollar de plus.

Par contre, les onze Etats membres de l’OPEP (organisation des pays producteurs de pétrole) viennent de décider d’augmenter leur plafond de production fixé pour chacun par des quotas. Et cela à l’initiative de l’Arabie Saoudite, le plus fidèle soutien des Etats-Unis. Cette dernière obtient une augmentation de son quota bien supérieure à celle obtenue par les autres pays, les plus avantagés étant le Koweït et l’Algérie. Le principal effet de ces augmentations de quotas alors que la demande n’augmente pas du fait de la crise sera une baisse des prix dont l’Irak sera le premier à souffrir. Pour les deux milliards de dollars, l’impérialisme lui volera encore plus de richesses tout en affamant le peuple.

 

Contestation étudiante en Allemagne contre la misère des universités

En Allemagne depuis plusieurs semaines des manifestations de la jeunesse étudiante et lycéenne rassemblent dans les principales villes des centaines de milliers de jeunes. On n’avait pas vu cela depuis 68. Le mouvement touche plus d’une centaine d’universités unissant professeurs et élèves. Dans certaines villes les jeunes ont commencé à hausser le ton : à Francfort et Mayence les étudiants et écoliers ont lancé des œufs sur les policiers qui protégeaient le bâtiment de la Deutsche Bank. Les étudiants allemands réclament des crédits pour pouvoir étudier correctement, la construction de locaux pour qu'ils ne s'entassent plus à des centaines dans les mêmes salles ou les mêmes amphis, la restauration des bâtiments vétustes hors norme, des professeurs et des bibliothèques en nombre suffisant. Ils refusent de payer des droits d'inscription de plus en plus cher d'autant plus que les droits d'inscription prélevés par exemple à Berlin n'ont pas été utilisés pour les universités mais ont servi à éponger une partie des dettes de la ville. Alors qu'on assiste à un délabrement des universités, dans le même temps, les bourses ont diminué de près de moitié en cinq ans. La proportion de boursiers à l'Ouest est passée en deux ans de 24,2 % à 16,9 % et à l'Est de 54,8 % à 32,6 %. Cela pénalise les étudiants d'origine modeste qui sont de plus en plus nombreux à devoir travailler pour financer leurs études.

De nombreux dirigeants politiques ont déclaré hypocritement qu'ils comprenaient les étudiants. Il faut dire que l'Allemagne est en période électorale. Les chrétiens démocrates du gouvernement fédéral et les sociaux démocrates majoritaires dans les " länder " régionaux se rejettent donc les responsabilités. Jürgen Ruttgers, ministre de l'Education Nationale se félicitait dans une interview au journal " Le Monde " du 28/11/97 que " les manifestants ne veulent pas la révolution mondiale ". Il se rassure comme il peut.

En tout cas, la jeunesse étudiante ne fait pas confiance aux politiciens et préfère à juste titre compter sur elle-même et ses luttes pour assurer son avenir. Elle n'accepte pas que l'Etat privilégie l'armée au détriment de l'école.

Mais comme ici l’Etat dilapide l'argent de la collectivité pour satisfaire les intérêts d'une poignée de profiteurs.

Cadeau de Noël aux patrons de cliniques

Plusieurs cliniques privées de Rouen qui avaient mis en place des lits de chirurgie ambulatoire s’étaient vu notifier un refus d’agrément par la CRAM (Caisse Régionale d’Assurance Maladie), refus cassé par le ministère en 1994. Mais le tribunal administratif a donné récemment raison à la Sécurité Sociale. Du coup, les cliniques devraient rembourser les sommes indûment perçues au titre de remboursements de soins par la Caisse Primaire.

C’était sans compter avec l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (issue du plan Juppé) dont le directeur, Bernard Gaisset, est un ancien dirigeant de la Générale des Eaux et des cliniques privées dépendant du groupe Suez (Clinivest). Ce dernier a proposé un règlement à l’amiable contre des promesses de respecter les textes, " amabilité " qui annule purement et simplement la dette soit : 23 708 581 francs pour une seule clinique, l’équivalent de deux mois de salaires des 1200 employés de la CRAM. C’est ce que ces gens-là appellent : " la maîtrise des dépenses de santé " .

 

Au CHU de Bordeaux, les directeurs boivent, les personnels trinquent

Le tout nouveau Directeur de l'Agence Régionale, " super préfet " mis en place pour appliquer la nouvelle réforme hospitalière, est venu vendredi dernier assister au congrès de l'Union Hospitalière du Sud-ouest à l'Hôpital-sud.

Plus de 300 responsables d'hôpitaux, venus de toute l'Aquitaine, étaient invités à débattre de cette réforme hospitalière préparée sous le gouvernement Juppé et appliquée sous celui de Jospin.

Avant de passer à table, le " super préfet " a usé de tout son savoir pour convaincre d'éventuels récalcitrants.

Personne n'a été dupe, il s'agit pour lui de continuer la même politique menée depuis des années, quel que soit le gouvernement en place, c'est-à-dire fermer des lits et supprimer du personnel.

D'ailleurs, les responsables du CHU de Bordeaux n'ont pas attendu le congrès. Dès fin octobre ce sont 24 lits qui ont été fermés dans des services de neurologie et gastrologie à l'Hôpital-sud, alors que ces lits sont nécessaires sur le plan régional. Et 71 lits de personnes âgées devraient être fermés courant 1998. Toutes ces suppressions de lits entraînent des dizaines de suppressions de postes et au bout du compte des licenciements de camarades en contrats précaires.

Kouchner était annoncé... il a fait faux bond. Toujours est-il que le Directeur de l'Agence Régionale avait bien fait les choses. Sans doute pour amadouer tout ce beau monde, un banquet avait été prévu. Petits plats dans les grands, fauteuils dorés, tout cela arrosé de bons vins.

A l'appel des syndicats nous étions venus à environ 60 pour dire notre ras-le-bol de voir nos conditions de travail se dégrader chaque jour davantage.

Devant les vitrines du self où les tables avaient été dressées, des pancartes rappelaient nos revendications : " Non aux fermetures de lits, Non aux licenciements, Embauchez " ou encore " De l'argent pour la Santé, pas pour les gueuletons ".

Lors de l'assemblée impromptue de grévistes, certains d'entre nous ont émis l'idée de réunions de tous les personnels pour préparer ensemble une véritable riposte contre les attaques que nous préparent ces messieurs... L'idée fait son chemin.

A voir : " Marius et Jeannette "

Ce film se passe à l’Estaque, l’un des quartiers ouvriers de Marseille. Ses personnages - principalement des voisins se connaissant les uns les autres - font face à des problèmes sentimentaux et professionnels. Jeannette va ainsi perdre son emploi de caissière dans un supermarché pour avoir refusé les perpétuelles brimades de son " supérieur hiérarchique " (qui se retrouvera lui-même au chômage un peu plus tard). L’entraide et la joie de vivre des personnages du film leur permettent de " tenir " face aux idées réactionnaires qui se développent lentement dans le quartier. R. Guédiguian, le réalisateur, se revendique d’une tradition cinématographique proche des travailleurs et de leurs combats : " Faire un film politique aujourd’hui, c’est ne pas hésiter à affirmer certaines choses et en même temps, donner à réfléchir. Il faut encourager à la vitalité, inciter les gens à entrer dans le débat, ne pas laisser la politique dans les mains d’une élite. Le but ultime de la politique c’est gérer au mieux l’humanité, pour qu’on vive bien ensemble. Tout le monde est concerné ". Les personnages du film sont tous plus ou moins conscients d’appartenir à une même classe, une classe opprimée par cette société qui ne les satisfait pas. " Le monde peut être beau à condition qu’on se batte ", affirme Guédiguian. Cette idée transmise par le film ne peut que donner envie d’aller le voir bien que le réalisateur fasse preuve d’une grande indulgence à l’égard de la politique du Parti Communiste.