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Le krach chronique, la faillite de la Corée dont profitent les capitalistes occidentaux

Tous les dirigeants de ce monde, hommes politiques, banquiers ou autres affichaient un magnifique optimisme à l’annonce de la signature de l’accord de la Corée du Sud avec le FMI. Le bluff est pour ces joueurs de poker une habitude dont ils ont une longue pratique, mais elle ne suffit pas à masquer la réalité de la crise financière internationale. Plus les semaines passent et plus se révèle l’ampleur de la dette sud-coréenne au point que malgré le prêt de 55 milliards de dollars, l’Etat et les banques s’avèrent incapables d’honorer leurs créances. Bilan, les financiers fuyant le risque retirent leurs capitaux, et la Bourse de Séoul a connu un nouvel effondrement, la monnaie, le won, une nouvelle dévaluation.

La Corée entraîne dans sa chute les autres Bourses et les autres monnaies d’Asie, y compris le Japon. Cette dévaluation des monnaies a pour conséquence immédiate d’aggraver la dette, dont le paiement s’effectue en dollars. Au point qu’il semble difficile d’imaginer comment la Corée pourrait échapper à la banqueroute, d’autant que si le FMI essaye d’éviter une chute trop brutale, il n’a, semble-t-il, pas l’intention d’empêcher une faillite dont les Américains entendent tirer profit.

Cette semaine, vient d’être décidée une plus grande ouverture des marchés financiers en particulier en Asie, mettant fin à des mesures protectionnistes par lesquelles les pays les plus faibles se défendaient de la main mise des grandes puissances. Par ces décisions, les Etats-Unis veulent imposer aux pays d’Asie de s’ouvrir " librement ", liberté toute capitaliste, aux financiers américains qui veulent racheter banques, assurances, entreprises à la baisse. Sorte de privatisation à l’échelle internationale où sont bradés services financiers et entreprises.

Certes, l’inquiétude des milieux financiers s’est répercutée à Wall Street comme à Londres ou Paris, d’autant que l’effondrement financier et économique des pays du Sud-Est asiatique pourrait entraîner des crises non seulement politiques mais sociales. Les exigences économiques du FMI suscitent un mécontentement que les politiciens, comme en Malaisie le premier ministre en place, n’hésitent pas à flatter en cultivant l’anti américanisme au nom du nationalisme et de l’Islam, pour combattre les prétentions américaines à imposer l’intégration plus complète des pays du Sud-Est dans le marché mondial de la finance. Mais au-delà des humeurs de la Bourse, la crise asiatique renforce les positions américaines et, dans une moindre mesure, européennes, tant que l’effondrement n’est pas trop brutal et n’a pas des répercussions sur la production. Là est le problème. Dans le contexte de relative stagnation de l’économie mondiale, la récession en Asie aura inévitablement des répercussions en Occident. L’optimisme que chacun s’évertue d’afficher à l’image du président philippin qui déclarait sans crainte du ridicule " la situation va empirer avant de s’améliorer " est impuissant à enrayer l’enchaînement qui conduit à la récession.

La bulle financière, expression d’un gonflement constant de la masse de capitaux, avides de drainer de nouvelles richesses, de nouveaux profits, alors que la masse des richesses réelles produites stagne, se regonfle à chaque étape de la crise, les Etats n’ayant pas d’autre politique que d’injecter de nouveaux capitaux, d’émettre de nouveaux emprunts pour payer les dettes. Il se crée ainsi les conditions d’un nouvel approfondissement de la crise.

Ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’une étape de la crise générale, historique, du capitalisme arrivé à un stade ultime. Le spectre de 1929 resurgit inévitablement. Il est vrai que les mécanismes fondamentaux demeurent de même nature, euphorie financière, boom sans rapport avec la production réelle, qui conduisent à un effondrement de la Bourse qui n’échappe pas à cette loi fondamentale qui veut que toute richesse soit en dernier ressort le produit matériel et concret du travail humain. Mais aujourd’hui, les richesses et les capitaux accumulés depuis les dernières décennies permettent au FMI et aux Etats des grandes puissances de faire face, d’éviter, peut-être, l’effondrement brutal, mais au prix d’un appauvrissement généralisé qu’ils font payer aux peuples et aux travailleurs. Les rythmes seront différents, l’ampleur n’en sera que plus grande et si les travailleurs ne s’en mêlent pas, le pire ne sera pas évité. Le pire, nous y sommes, la ruine de pays entiers, des souffrances sans nom imposées aux peuples, la montée des nationalismes et peut-être demain, les menaces de guerres.

La montée des tensions économiques, le caractère plus aigu de la concurrence se traduisent par une exacerbation croissante des rapports de classes et des rapports politiques avec, dans un premier temps, une montée des nationalismes et des intégrismes. Seule la classe ouvrière, alliée à la petite bourgeoisie pauvre et démocratique, peut empêcher la société de connaître un terrible recul en défendant ses propres intérêts jusqu’au bout, c’est à dire la suppression de la propriété capitaliste et de la domination du capital financier.

Petite Europe capitaliste

D'après le journal " Le Monde ", " les livres d'histoire retiendront le sommet européen de Luxembourg ", qui s'est tenu la semaine dernière, parce qu'il aura marqué " le début du processus d’intégration à l'Union Européenne " de 10 nouveaux pays. C'est aller bien vite, beaucoup plus vite que le " processus " en question. La plupart de ces pays ont en fait manifesté leur demande d'intégration dès la chute du mur de Berlin, il y a plus de 8 ans.

Pour 6 d'entre eux, l'Estonie, la Pologne, la République Tchèque, la Hongrie, la Slovénie et... Chypre, des négociations vont s'ouvrir au printemps 98. Prudemment, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union Européenne n'ont fixé aucune date pour l'aboutissement de ces négociations. On parle de 2002, 2003...

Pour les autres, admis seulement en second cours préparatoire à l'adhésion, ce sera sans doute beaucoup plus long. Quand au dernier, la Turquie qui, elle, a manifesté son intention d'adhérer depuis 1963, on lui a fait comprendre qu'elle était jugée indésirable.

Tout cela est bien dans la nature de " l'Europe " capitaliste. L'Union Européenne est une tentative des dirigeants capitalistes de surmonter leurs contradictions pour constituer un marché plus vaste, plus ouvert et plus fructueux pour les capitalistes des Etats membres, et en même temps plus fermé et plus solide face aux concurrents, japonais et américains notamment. Tentative laborieuse puisque les " 15 " ont mis plus de trente ans pour parvenir à la simple suppression des barrières douanières entre eux. C'est que les capitalistes de chaque Etat voudraient bien disposer des avantages d'un marché européen sans perdre ceux offerts par la protection de leur Etat national.

De même les capitalistes des " 15 " souhaitent pouvoir bénéficier d’un accès totalement libre au marché des pays d’Europe centrale. Cela leur permettrait d’élargir encore leur sphère d’activité, de gagner un poids supplémentaire face à leurs concurrents non-européens. Mais d’un autre côté, ils ne veulent pas que les conditions salariales et sociales nettement inférieures dans ces pays, créent sur leurs propres marchés une concurrence débridée. D’où la hiérarchie qu’ils ont établie entre les pays candidats. Les moins pauvres sont considérés comme les plus fiables et les plus pauvres sont renvoyés à la fin de la liste d’attente. La Turquie n’a pas été écartée à cause de son manque de respect des " droits de l’Homme ". C’est le niveau des salaires, les conditions d’exploitation des travailleurs, qui présentent trop d’écart avec ceux des pays riches d’Europe. Cet écart pourrait devenir la source d’une concurrence incontrôlée de produits fabriqués à moindre coût sur les marchés d’Europe occidentale.

Derrière les leçons de bonne gestion économique ou de stabilité politique que le club de pays riches qu’est l’Union Européenne distille aux pays candidats, il n'y a que les sordides calculs économiques habituels : dans quelle mesure l'intégration de pays plus pauvres sera-t-elle profitable aux capitalistes des pays les plus riches d’Europe ? Visiblement ils ne sont pas encore sûrs de la réponse, et préfèrent se hâter lentement.

L’impôt saigne le " malheureux "...

Selon le " Canard Enchaîné " des 3 et 10 décembre 1997, François Pinault, 9eme fortune de France, dont le patrimoine avoisine les 15 milliards, n’aurait pas payé l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) en 1997. En cumulant toutes les exonérations (sur l’outil de travail, les objets d’art...) permises par la loi sur l’ISF, et en déduisant un prêt de 140 millions, contracté pour acquérir de nouvelles actions de ses propres sociétés, de ce qui reste de son patrimoine personnel encore imposable...

Pinault a depuis une dizaine d’années, grâce aux subventions de l’État, racheté, restructuré (on sait ce que cela veut dire pour les emplois...) puis revendu avec d’importants bénéfices de nombreuses entreprises. Grâce à ses " amitiés " dans le milieu bancaire et politique, et notamment son poste stratégique au Conseil d’administration du Crédit Lyonnais, Pinault a multiplié les " bonnes affaires ". En 86-87, par exemple, il reprend les Papeteries Chapelle-Darblay, implantées entre autre à Grand-Couronne dans l’agglomération rouennaise, pour une bouchée de pain ; elles lui rapporteront plus de 500 millions à la revente. Parmi les entreprises qui lui ont fourni de substantiels bénéfices figurent aussi Conforama, la Fnac, le Printemps, La Redoute...

Surnommé " le pirate des affaires " par ses collègues du CNPF aussi requins que lui, Pinault est propriétaire entre autres d’un château dans les Yvelines, d’un des plus grands crus du Médoc et d’une importante collection d’art contemporain. Un haut fonctionnaire de la Direction des Impôts a laissé entendre au " Canard " que Pinault ne serait pas le seul parmi les plus riches à ne pas payer l’impôt sur la fortune (il y en aurait une trentaine). Lui et ses semblables font de toute façon ce qu’ils veulent avec le peu que leur impose la législation fiscale et cela, quel que soit le gouvernement. Et si on s’en occupait, nous, les travailleurs, de leur comptabilité et de leur déclaration ?

A Cléon, une supercherie de la direction démasquée

Depuis 1984, l’usine de Renault-Cléon a réduit ses effectifs par le biais des licenciements financés par le FNE (Fonds National pour l’Emploi) principalement. C’est ainsi que les effectifs sont passés de 9400 en 1984 à 5400 en 1997. L’Etat finance les allocations de préretraite de 57 ans 2 mois jusqu’à 60 ans.

Depuis 5 ans, l’Etat rechigne de plus en plus à financer ces départs dont ne profitent que Renault et Peugeot. Ils ont donc été incités à mettre en place les PRP (préretraite progressive). Cela consiste à proposer aux salariés âgés de 55 ans d’opter pour un mi-temps d’une durée de deux ans payé 80 % de leur salaire. En échange, Renault s’engage à embaucher un jeune pour deux salariés optant pour le PRP. Cette mesure, sans être obligatoire pour le salarié, est cependant le passage obligé pour être prioritaire pour le FNE.

A Cléon, la direction en a profité pour tenter de rogner sur le montant de la prime de licenciement que touchent les salariés qui viennent de quitter l’usine dans le cadre du FNE. Comme ces camarades étaient en PRP, donc à mi-temps, ils ne percevaient que la moitié des primes trimestrielles et d’intéressement. La direction a donc calculé le montant de l’indemnité en se basant sur le salaire des douze derniers mois, primes comprises. Or ce calcul est contraire aux textes en vigueur et le subterfuge a été découvert par les premiers allocataires FNE qui sont partis début novembre dernier.

Après 25 ou 30 ans passés à l’atelier, l’immense majorité des travailleurs aspire à quitter l’usine. Mais ayant vécu pendant deux ans en PRP avec 80 % de leur salaire, ils ont appris à compter. La petite supercherie de la direction a été dévoilée au grand jour. Et elle est contrainte de reverser des sommes allant de 3 800 à 4 500 francs à tous les travailleurs concernés !

Crompton-Oissel (76) : grève réussie

Dans cette usine chimique de la banlieue rouennaise, un premier coup de colère avait éclaté en septembre sur les salaires et les conditions de travail. L’octroi d’une prime de 1 500 francs et un calendrier de promesses avaient en partie donné satisfaction. Mais les ouvriers se tenaient prêts pour l’avenir. Aussi le 9 décembre, quand le patron a annoncé 1,6 % d’augmentation générale plus 2 % au mérite pour 80 % des salariés en 1998, l’effervescence est repartie et plusieurs assemblées se sont tenues, toutes réclamant 3,6 % pour tous. Comme le patron faisait la sourde oreille et gémissait même dans un communiqué qu’une grève ferait mal dans le paysage, il a eu la grève. Elle a commencé le dimanche 14 à 20 heures malgré l’avis des cadres CGT qui estimaient que la grève ne servirait à rien ! Le patron réquisitionnait les ouvriers sans réussir à entamer la détermination des grévistes d’autant que dès lundi, l’Inspection du travail déclarait la réquisition illégale. Après pas mal de discussions, la direction proposait 3,6 % seulement pour le personnel de la production, ce qui était refusé. Mais lundi en fin de journée, il finissait par accepter les 3,6 % pour toute l’usine. Alors, mardi 16 au matin, la revendication étant totalement satisfaite, la grève s’est arrêtée.

A Rouen, les musiciens dans la rue

En novembre, les salariés du Théâtre des Arts de Rouen se sont mobilisés contre la mairie (socialiste) qui remettait en cause les subventions accordées au Théâtre et menaçait de supprimer de nombreux emplois. Vendredi 12 décembre, la municipalité a confirmé la fermeture du Théâtre lyrique pour le 31 décembre. Le dimanche suivant, plus d’une centaine de musiciens et choristes sont venus de différentes villes (Paris, Marseille, Nancy, Avignon, Toulouse, Bordeaux), prêter main forte à leurs collègues rouennais. C’est tous ensemble qu’ils ont bloqué un train Paris – Le Havre pendant une quinzaine de minutes, improvisant un petit concert sur les voies.

Ils sont ensuite allés se faire entendre auprès d’un représentant de la mairie. Ils ont continué par un concert de soutien aux musiciens, choristes, et personnel du Théâtre de Rouen, qui s’est terminé sous des applaudissements chaleureux... par le chœur des esclaves du Nabucco de Verdi !