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Un pas dans le regroupement des révolutionnaires

Voix des Travailleurs et la Ligue Socialiste des Travailleurs viennent de décider de regrouper leurs forces et d’aborder toutes les tâches militantes dans un même cadre organisationnel. Nos deux courants ont leur propre histoire avec des positions et des pratiques différentes dans plusieurs domaines. Tous les points de vue de nos militants continueront à pouvoir s’exprimer en toute liberté comme c’était déjà le cas au sein de nos courants respectifs. Mais si des désaccords subsistent ou se révèlent entre nous, nous savons que ce qui nous unit est infiniment plus fort. L’unité entre nous repose sur un accord sur les idées fondamentales, celles du marxisme révolutionnaire. Ces idées sont les seules armes permettant dès aujourd’hui aux travailleurs de disposer d’un programme conforme à leurs intérêts de classe et de construire un parti ouvrant des perspectives à la classe ouvrière et à toute la société.

Nous avons vérifié notre accord sur l’essentiel notamment au cours de la discussion sur le " Projet de programme pour une organisation unique des révolutionnaires " rédigé par des militants de " Voix des Travailleurs ". D’autres tendances révolutionnaires participent à la discussion de ce projet de programme dans un esprit très constructif, notamment les camarades de la Gauche Révolutionnaire. La contribution de la LST à la critique de ce projet de programme révèle un accord général avec VDT sur la conception du programme, sur l’analyse de la situation actuelle et sur les perspectives des révolutionnaires.

A aucun niveau, le regroupement des militants de la LST et de VDT ne peut être considéré comme superficiel ou fortuit ; en particulier lorsque l’on considère les itinéraires politiques des uns et des autres. Au milieu des années quatre-vingt, nous adhérions tous avec enthousiasme à l’expérience de rapprochement et de collaboration fraternelle entre LUTTE OUVRIERE et la Ligue Internationale des Travailleurs (L.I.T) dont la LST est la section française. Cette expérience qui s’était traduite par l’envoi de militants dans d’autres pays, participant à la vie de l’autre tendance, avaient élargi notre horizon et avait permis de bien connaître les positions des uns et des autres et leur traduction concrète sur le terrain. Ce n’est pas ici le lieu de tirer un bilan détaillé de ce rapprochement et des raisons de son échec. Disons simplement que les militants de la LST et ceux de VDT qui à l’époque militaient à LUTTE OUVRIERE sont unis par la solide conviction que toutes les formes de sectarisme sont à rejeter comme contraires aux intérêts du mouvement révolutionnaire, de même que tous les calculs boutiquiers et les petites manœuvres diplomatiques entre groupes sur lesquels on ne peut rien construire.

De ce fait, nous voulons engager ensemble avec le plus grand sérieux tous les débats d’idées qui nous semblent vitaux et qui doivent toujours trouver dans la mesure du possible leur vérification concrète dans l’activité militante. C’est ainsi que nous combattrons en toute franchise, par le débat démocratique, toutes les formes d’opportunisme et de renoncements aux principes révolutionnaires et aux tâches qui en découlent.

Nous avons eu une illustration concrète de cela après les élections présidentielles de 1995. Les camarades de la LST avaient fait campagne pour la candidature d’Arlette Laguiller et s’étaient adressés à la direction de LUTTE OUVRIERE pour s’inscrire dans la démarche de la construction du parti des travailleurs auquel Arlette Laguiller avait appelé publiquement. Ils ont reçu une fin de non recevoir polie. De leur côté et indépendamment de la LST, des militants de LUTTE OUVRIERE qui aspiraient à donner un contenu réel et vivant à cet appel ont été exclus ultérieurement par la direction de cette organisation et sont à l’origine de Voix des Travailleurs. Notre attente et notre objectif étaient de fait communs, ce qui se traduit aujourd’hui par notre regroupement.

Il est bien évident que ce premier pas dans l’unification des révolutionnaires dans le respect de l’identité de chacun n’a aucun caractère hostile ou concurrentiel à l’égard d’aucune tendance. Il s’agit d’un premier regroupement plausible qui en prépare d’autres. Des activités communes et des discussions fructueuses sont en cours avec la Gauche Révolutionnaire. Les rapprochements n’ont aucun caractère exclusif et les discussions préparant l’avenir se poursuivent avec d’autres tendances, notamment avec la fraction de LUTTE OUVRIERE, la tendance R ! de la LCR et Pouvoir Ouvrier.

Enfin nous espérons que le regroupement de la LST et de VDT aura des conséquences positives par rapport aux diverses organisations internationales qui se réclament du trotskisme puisque les camarades de la LST sont liés à deux d’entre elles et resteront évidemment liés à elles, à savoir la L.I.T et l’Internationale Ouvrière.

Du fait de la fusion de VDT et de la LST, notre hebdomadaire commun s’il gardera son nom " Voix des Travailleurs ", abandonnera très logiquement son sous-titre " tendance issue de Lutte Ouvrière ".

Nous serions heureux de contribuer ainsi à une dynamique de regroupement des révolutionnaires à tous les niveaux, dynamique qui ne pourra que redonner courage à bien des militants et susciter des vocations militantes enthousiastes parmi les travailleurs et parmi les jeunes.

Les révolutionnaires et l'échéance des élections régionales

A moins de trois mois des élections régionales il devient urgent que les diverses tendances révolutionnaires se rencontrent pour envisager la constitution de listes communes ouvertes à des militants se situant sur le terrain de la lutte de classe. Seules, de telles listes permettraient aux travailleurs et aux jeunes en rupture avec tous les politiciens qui servent les intérêts des capitalistes, de faire entendre leur voix. Les partis gouvernementaux n’auront qu’un argument pour appeler à voter pour les listes de la gauche plurielle, celui de faire barrage au Front National. Cet argument est totalement faux car à l’inverse, la gauche gouvernementale contribue à la progression du FN en prenant sa part de responsabilité dans la dégradation de la situation sociale et par ses reniements dans tous les domaines où les intérêts des travailleurs sont en jeu.

Les militants d’extrême gauche qui seraient tentés de voter pour la gauche plurielle ou d’être présents sur ses listes ne feraient que cautionner le gouvernement et tourner le dos aux intérêts du monde du travail. Mais ceux de telle ou telle organisation qui choisiraient de faire cavaliers seuls, sans mettre en commun leurs forces avec d’autres révolutionnaires, ne feraient que manifester leur sectarisme et leur indifférence aux intérêts du mouvement révolutionnaire. Or ce mouvement doit impérativement se renforcer et se développer pour jouer un rôle dans la période qui vient. Comment cela pourrait-il se réaliser si les révolutionnaires refusent de collaborer entre eux dès que cela est possible ?

C’est pour toutes ces raisons que Voix des Travailleurs avait adressé une lettre à la LCR et une lettre à Lutte Ouvrière le 10 octobre dernier pour leur proposer de les rencontrer afin de discuter des élections régionales. A ce jour ni la direction de la LCR ni celle de Lutte Ouvrière ne nous ont répondu. Afin de préciser sur quelles bases politiques il nous semble possible de constituer des listes communes, au moins dans certains départements, nous venons d’adresser la lettre suivante à Lutte Ouvrière :

" Camarades,

Nous vous avons adressé une lettre le 10 octobre dernier où nous écrivions en conclusion : " Nous souhaitons discuter avec vous des tâches et perspectives des révolutionnaires ainsi que de l’échéance proche des élections régionales, comme nous le proposons aux camarades de la Ligue Communiste Révolutionnaire. " Vous n’avez pas jugé bon de nous répondre. Dont acte. La nécessité pour tous les révolutionnaires d’aborder les questions soulevées par la situation actuelle sous l’angle exclusivement politique n’en demeure pas moins.

Ils doivent en particulier aborder l’échéance des élections régionales de façon responsable. Pour notre part, nous pensons que ces élections pourraient être l’occasion d’affirmer en toute indépendance des partis actuellement au gouvernement, une opposition ouvrière à la politique que mène ce gouvernement, politique anti-ouvrière qui prépare le terrain à de nouveaux progrès de l’extrême droite.

Au moment où le Parti Communiste s’engage derrière le Parti Socialiste pour gérer les affaires de la bourgeoisie, il est vital qu’un regroupement des révolutionnaires s’affirme en reprenant l’essentiel des axes politiques qui avaient été ceux de la campagne menée par Arlette Laguiller lors des élections présidentielles de 1995, en reliant cet axe à ce qui avait été son appel à la construction d’un parti au lendemain de ces élections. Il nous semble en effet qu’aujourd’hui, la nécessité de ce parti commence à être perçue par des militants qui jusqu’à présent plaçaient leur confiance dans les partis de gauche.

Nous reprenons pour notre part, ce qu’écrivait Lutte Ouvrière en juillet 1995, à propos de cet appel : " il n’y a nul miracle à attendre d’un appel. Mais il fixe un objectif militant, un objectif politique. Ce qui est certain, c’est qu’un parti politique pour la classe ouvrière n’est pas seulement une nécessité historique –elle l’est depuis des décennies !- mais une nécessité à court terme pour faire face aux menaces qui pèsent sur les travailleurs. " (Lutte de Classes n° 14). Nous pensons ces idées plus justes que jamais.

Nous avons l’intention de nous présenter à ces élections dans des départements où nous avons les forces pour le faire, en Aquitaine et en Normandie, sur ces bases. Pour autant nous ne souhaitons pas nous présenter seuls. Nous pensons nécessaire que se constituent des listes ouvertes à tous les révolutionnaires et à tous les travailleurs pour affirmer qu’il faut jeter les bases d’un nouveau parti des travailleurs, en s’appuyant sur un programme de dénonciation du capitalisme et de la politique du gouvernement. Il s’agirait d’affirmer à nouveau la nécessité d’un plan de défense des travailleurs, lié à la nécessité de l’organisation politique du monde du travail, et fondé sur les idées du socialisme et du communisme.

Si l’ensemble des militants révolutionnaires, dont à l’évidence ceux de Lutte Ouvrière, se présentaient ensemble sur ces axes communs dans ces deux régions, cela contribuerait à donner une autre image de l’extrême gauche que celle de militants toujours en train de donner des conseils aux autres, de leur faire la leçon ou la morale, mais qui ne sont pas capables de sortir de cette division qui dessert l’ensemble du mouvement. Si, comme nous le pensons, les révolutionnaires des divers courants existants ne s’obnubilent pas sur leurs différends actuels ou passés et font de toute façon passer en priorité les intérêts généraux des travailleurs, la constitution de listes communes avec notamment des militants de Lutte Ouvrière et de Voix des Travailleurs peut se concrétiser sans difficultés majeures. Pour notre part, nous y sommes prêts sans réserve.

Nous espérons que vous ne prendrez pas, après nous avoir exclus, une responsabilité supplémentaire dans la division, non seulement de l’extrême gauche mais de notre propre courant.

En attendant la réponse de vos camarades de Bordeaux et de Rouen, recevez camarades, notre salut communiste et révolutionnaire. "