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La méthode de Le Pen : des manœuvres à usage interne et politicien d’un apprenti chef fasciste

Il y a une dizaine de jours, Le Pen a réitéré ses odieux propos antisémites sur les chambres à gaz, " détail de l’histoire ", en leur assurant le maximum de publicité, puisqu’après avoir déclaré lors d’une conférence de presse en Allemagne aux côtés d’un ancien chef SS : " J’ai dit et je redis, au risque d’être sacrilège, que les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale ", il a fait paraître dès le lendemain un communiqué de presse répondant aux réactions qu’il avait délibérément suscitées en dénonçant une " nouvelle campagne de diabolisation menée à son encontre par le lobby pro-immigré et les socialo-communistes ".

On reconnaît là le fond de commerce de Le Pen, antisémitisme, racisme, haine de la gauche et mépris du monde du travail, mais au delà de la démagogie irresponsable et cynique, ces provocations ont une fonction et un sens politique bien précis et calculés.

Souder les troupes derrière le chef

C’est d’abord une façon d’obliger ses partisans à assumer les propos du chef ou à se démettre. Soit ils acceptent ces petites phrases, ces injures, que le chef a lancées en public, les défendent donc et les justifient, soit ils se démettent. C’est un résumé de la méthode de l’extrême-droite comme de tous les chefs d’appareil totalitaire, pour cimenter un mouvement qui ne repose que sur des haines et des préjugés à peine masqués par les plus vulgaires ambitions personnelles. Un tel mouvement peut d’autant moins se permettre la moindre démocratie qu’il est contraint de participer à la vie publique, elle encore heureusement régie par la démocratie parlementaire, quelles qu’en soient les limites. A la veille d’élections, Le Pen a besoin de souder ses troupes et surtout ses petits officiers pour lesquels il sait bien que l’arrivisme tient lieu de pensée et pourrait rendre plus d’un sensible aux appels du pied de la droite. Pour pouvoir négocier avec les partis de droite, faire pression sur eux, sans y perdre des plumes, Le Pen a besoin de gens prêts à tout et entièrement dévoués à sa personne, de domestiquer, de dresser l’arrivisme de ses petits chefs. Pour tenir les petits chefs, il faut imposer l’autorité sans partage du chef. C’est une des fonctions des petits phrases injurieuses ou odieuses.

Et postuler au rôle de chef fasciste

Au-delà de ces effets immédiats, Le Pen en se revendiquant presque ouvertement du parti de Hitler, fait savoir qu’il est prêt à postuler au rôle de chef d’un parti fasciste. Il tient à se faire condamner par la plupart des politiciens pour apparaître différent d’eux, ou bien à entraîner certains dirigeants de la droite sur son terrain. Il y a réussi d’une certaine manière si on en croit les propos de Séguin qui s’est attaqué violemment samedi dernier à l’alliance entre le parti socialiste et le parti communiste.

Le Pen se positionne dans la perspective d’une aggravation de la crise sociale et politique actuelle, sachant que face à l’exacerbation de la concurrence, la bourgeoisie française, comme toutes les autres, est déterminée à aggraver l’exploitation et le chômage. Si aujourd’hui le patronat prend des allures de va-t-en-guerre contre une loi sur les 35 heures qui le comble de cadeaux, c’est encore plus violemment qu’il s’attaquera demain à la classe ouvrière, dans des délais qui dépendront du rythme d’aggravation de la crise et de la récession.

Vendredi dernier, trois membres du Front National de Vitrolles dont le maire adjoint, et un employé de la municipalité, ancien responsable du service d’ordre du FN, ont été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur l’agression par un commando contre les grévistes de l’entreprise de transports TFE lors de la grève des routiers. L’utilisation de ce commando par un patron de combat pourrait bien se répéter à l’avenir, avec l’utilisation plus systématique de troupes de choc contre des grévistes, voire contre des manifestants ou simplement des militants ouvriers, dans le but de désorganiser et de démoraliser les travailleurs.

Bien sûr le patronat peut faire intervenir les CRS et les gardes mobiles, voire même demain l’armée, mais il aura besoin d’enfreindre la légalité avant de pouvoir durcir les lois, avant de faire donner ouvertement son appareil répressif. Il aura besoin aussi de troupes plus nombreuses que celles de l’Etat , et peut-être plus motivées, pour venir à bout du monde du travail, détruire ses organisations politiques et syndicales, étouffer toute vie démocratique. C’est ce rôle qu’a joué en Allemagne le parti nazi, qui a embrigadé des millions de petits bourgeois ruinés par la crise, de chômeurs, derrière une politique aux allures radicales, destinée à détourner des capitalistes la révolte et l’exaspération par une démagogie reposant essentiellement sur les préjugés moyenâgeux qui faisaient des Juifs de riches profiteurs.

Un seul rempart, le monde du travail et ses organisations

Nous n’en sommes bien sûr pas encore là, et rien ne dit d’ailleurs que Le Pen, qui a approuvé les propos de Séguin critiquant la cohabitation, rejette les alliances avec la droite pour gagner sinécures et positions dans les prochaines élections. Mais il entend que ces éventuelles alliances se fassent avec ceux qui auront " osé dédiaboliser le Front National ", comme il l’a déclaré dimanche à la télévision.

L’un n’exclut de toute façon pas l’autre. L’ensemble des politiciens tient des propos de plus en plus réactionnaires, pour justifier une politique servant les intérêts rétrogrades de la bourgeoisie, et certains politiciens de droite, dans leur concurrence avec le Front National, n’ont pas hésité à maintes reprises à s’engager dans la surenchère avec Le Pen.

Tous les militants, les travailleurs socialistes et communistes, qui se contenteraient de soutenir la gauche en voyant en elle le seul rempart contre Le Pen, se tromperaient gravement. En attaquant la gauche " socialo-communiste ", c’est le monde du travail que Le Pen attaque, ses organisations bien plus que les ministres, c’est à lui de se défendre, avec ses propres armes, sans faire confiance à des politiciens prisonniers des intérêts qu’ils servent.

L’Etat espagnol et E.T.A : les mêmes méthodes et le même mépris de la population

La condamnation et l’emprisonnement des dirigeants d’Herri Batasuna, la branche politique de l’ETA, ont provoqué au Pays basque une révolte légitime. Cette protestation aurait pu s’exprimer dans un cadre démocratique lors de la manifestation convoquée à Bilbao par Herri Batasuna et d’autres organisations de la mouvance nationaliste. Mais ETA a choisi de commettre un nouvel assassinat politique, celui d’un militant du Parti populaire, conseiller municipal d’une petite ville basque, peu de temps avant la manifestation.

Un temps mis en difficulté par les réactions qu’a suscitées sa nouvelle provocation contre les nationalistes basques, le gouvernement espagnol a pu reprendre l’initiative et isoler les nationalistes en orchestrant une nouvelle campagne de protestation contre cet assassinat. La tactique du gouvernement reste la même depuis des mois : il provoque délibérément le mouvement nationaliste et capitalise politiquement l’indignation que provoquent les attentats d’ETA dans l’opinion publique. Par cette politique aveugle, les nationalistes donnent des armes à leurs propres ennemis.

ETA, le même mépris de la population et la prise en otage des militants nationalistes

En procédant systématiquement à ces attentats, ETA obéit à la logique d’un appareil militaire nationaliste qui défie l’Etat espagnol sur son propre terrain, sans chercher à s’appuyer sur la population. Ils contribuent eux-mêmes à leur propre isolement.

Les dirigeants d’ETA savaient que le gouvernement profiterait de cet attentat pour organiser une nouvelle campagne contre leurs méthodes terroristes. Et les manifestations pro-gouvernementales ont permis d’isoler encore plus Herri Batasuna en l’enfermant dans son propre piège. Les syndicats et associations politiques qui devaient participer à la manifestation de Bilbao ont retiré leur soutien. Herri Batasuna a dû décommander la manifestation qui avait été interdite par le gouvernement espagnol.

Cette stratégie est délibérée et fait partie intégrante de la politique des dirigeants d’ETA. Elle vise à contraindre la population à se solidariser de ses méthodes en la mettant au pied du mur, l’obligeant à les suivre coûte que coûte ou à capituler devant l’Etat espagnol. Ce sont des méthodes d’appareil profondément antidémocratiques et qui reflètent les aspirations bourgeoises des dirigeants d’ETA et leur volonté de mettre en place un Etat qui soit tout autant que l’Etat espagnol un instrument d’oppression des masses. Qui plus est, c’est une politique suicidaire.

Une politique qui renforce le gouvernement et les idées réactionnaires qu’il défend

Cette politique affaiblit gravement le mouvement nationaliste et cela ne peut nous laisser indifférent. Car si bien sûr nous ne partageons ni les objectifs, ni les méthodes du mouvement nationaliste basque – et si nous sommes en désaccord avec les organisations d’extrême-gauche qui depuis des années pratiquent dans toute l’Espagne le suivisme politique à l’égard des nationalistes – Herri Batasuna n’en regroupe pas moins les fractions les plus révoltées et les plus combatives de la population vivant au Pays basque.

C’est son opposition à l’Etat espagnol, à la politique des gouvernements de gauche ou de droite et à tous les partis politiques qui se sont faits les défenseurs de l’Etat espagnol et de ses forces de répression, qui a donné à Herri Batasuna une assise populaire qui lui permet d’obtenir des scores supérieurs à 10 % dans les élections. Elle lui donne aussi le soutien de jeunes, de travailleurs et de chômeurs des quartiers industriels dévastés par le chômage dans les banlieues de Saint Sébastien ou de Bilbao.

Cette révolte est dévoyée par la politique des nationalistes et par les méthodes qu’ils emploient. Mais elle n’a trouvé à s’exprimer que dans le cadre que lui offrait la petite bourgeoisie basque nationaliste. Beaucoup de jeunes et une fraction des travailleurs -qui sont souvent des émigrés venant d’Andalousie ou d’Extremadure-, ont plus été attirés par le caractère radical du mouvement que par son caractère nationaliste. Ce qui a facilité la tâche d’Herri Batasuna pour les attirer dans ses rangs, c’est qu’il n’avait aucun concurrent qui pouvait offrir une alternative en situant sa lutte sur un terrain de classe.

La politique des dirigeants nationalistes enferme les jeunes et les travailleurs qui les soutiennent dans une impasse où ils ne peuvent que subir des défaites en se battant sur un terrain qui n’est pas celui de leur camp social. Cette politique isole et démoralise les fractions les plus combatives de la population au Pays basque. Et elle fait le jeu, dans tout le pays, de l’Etat et du gouvernement espagnol et des idées réactionnaires qu’il défend avec l’appui de tous les partis " démocratiques ".

Dentressangle : des licenciements qui ont pour " motif économique " le profit

Norbert Dentressangle est une des 10 plus grosses boîtes de transport et d’entreposage dont les profits ne cessent d’augmenter. Ainsi le prix de ses actions a augmenté de 107 francs en une semaine et il est prévu qu’elles atteignent 900 à 1000 francs dans les semaines à venir. D’autre part Dentressangle vient de racheter 100 % d’UTL, n°2 des transports routiers français, pour plusieurs milliards de francs.

Dentressangle possède 4 dépôts implantés autour de Bordeaux, dont 2 à Blanquefort. Un de ces dépôts ne travaille que pour Auchan, mais celui-ci vient de racheter les Docks de France pour avoir ses propres dépôts et a décidé de se passer des services de Dentressangle.

La direction a le culot et le cynisme de se servir de cela pour annoncer un plan de licenciements économiques sur un des dépôts de Blanquefort. 30 licenciements sont prévus, sans compter l’arrêt de tous les contrats intérim et des CDD. Elle a vaguement promis 10 reclassements dans le dépôt d’UTL sur Bordeaux et devrait faire des propositions de mutations sur d’autres sites. Quant à ceux qui resteront, ils passeront à temps partiel annualisé.

Ainsi, une entreprise dont les profits sont en hausse, qui vient de débourser des milliards pour s’agrandir en rachetant un de ses concurrents, prévoit de licencier pour " motif économique "… tout en maintenant les heures supplémentaires dans les autres dépôts.

Dentressangle aurait de quoi maintenir les salaires et les emplois de tout le monde s’il prenait ne serait-ce qu’une infime partie de ses profits, ne serait-ce que ces milliards qui vont servir au rachat d’UTL. Alors, le seul " motif économique " que les patrons connaissent, c’est la course effrénée aux profits. Pour pouvoir en engranger toujours plus, à moindre coût, pour que les revenus des actionnaires grimpent, pour nous, ce sont les heures supplémentaires d’un côté, les licenciements et le temps partiel de l’autre.

SED-Cordier : reprise du travail, la tête haute

SED-Cordier est une entreprise de 180 personnes de la banlieue bordelaise. Elle est constituée d’une usine d’embouteillage de vin, avec environ 120 salariés, et d’un service de " négoce " chargé de la commercialisation des vins des vignobles Cordier. Nous avions arrêté le travail le mardi 9 décembre, suite à la confirmation de rumeurs concernant un changement d’actionnaire majoritaire, et d’une division de l’entreprise en deux : la partie embouteillage d’une part (SED), la partie " négoce " d’autre part. Il faut dire que nous avons l’expérience de ce type d’événement, qui a toujours été accompagné dans le passé par des licenciements et des dégradations de nos conditions de travail. De plus, les conditions de travail qui nous sont imposées font que tout le monde ressent un profond ras-le-bol.

Alors, cette information a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Et toutes les commandes, d’autant plus urgentes pour le patron que nous sommes à la veille des fêtes de fin d’année, se sont trouvées totalement bloquées pendant cinq jours. La presque totalité des ouvriers de l’embouteillage était en grève, ainsi qu’un quart environ des employés du Négoce.

Notre objectif, au début de la grève, était de forcer les PDG – l’ancien et le nouveau – à s’engager sur le maintien de nos conditions actuelles : salaires, horaires de travail, etc. Ils ont refusé de s’engager, mais chacun d’entre nous a bien pris conscience que ce qui était important, ça n’était pas d’obtenir leur signature au bas d’un papier – tout le monde sait comment ils s’assoient dessus quand ça les arrange – mais le fait que nous leurs disions en face, tous ensemble, que nous étions prêts à nous battre, et pour quoi.

Le message a été bien reçu, et le souci de la production aidant, alors que lundi, au cours d’un CE, le PDG actuel n’acceptait de payer que 50 % des heures de grève, le reste pouvant être " compensé " sous forme de jours de congés, devant notre détermination, mardi matin, il reculait et, au final, nous ne perdrons qu’un jour de salaire.

Nous avons repris le travail avec le sentiment que, si nous n’en avons pas fini avec les attaques du patron, en attendant, il a compris qu’il faudra qu’il compte avec nous.