éditorial



Tout comme les flics, les dames patronnesses protègent les riches, seule notre union pourra les faire payer pour mettre fin au chômage et à la violence

Les travailleurs sans emploi continuent leur lutte malgré les menaces et les interventions policières. Après la journée d’action de mercredi, le mouvement semble même s’étendre. C’est tant mieux. Leur revendication principale est une prime de fin d’année de 3 000 F, un minimum qui pour la grande majorité d’entre eux leur permettrait juste de faire face à des dépenses vitales. A cette revendication s’ajoutent celles de l’arrêt de la dégressivité de l’allocation chômage, une hausse de 1 500 F des allocations sociales minimum comme le RMI, dont ils réclament l’extension aux moins de 25 ans. Ces revendications sont légitimes, le minimum que ce gouvernement qui se prétend moderne et de gauche devrait satisfaire. Les chômeurs et les organisations qui les soutiennent ne demandent pas la charité contrairement à ce que croit comprendre Madelin qui ne peut cacher son mépris de tous les travailleurs. Ces revendications sont un dû pour tous ceux qui, pendant des années, ont cotisé en prenant sur leur salaire.

Face à ce mouvement, Martine Aubry voudrait jouer les dames patronnesses, pleine de sollicitude à l’égard, non pas de l’ensemble des chômeurs, mais à l’égard des " cas de détresse sociale ". Elle a adressé circulaire sur circulaire aux préfets, sans débloquer les fonds nécessaires, déclarant : " au-delà de la revendication générale à laquelle nul n’est en mesure d’apporter de réponse positive, l’existence de cas de détresse sociale doit nous amener à réagir ". Quelle hypocrite ! Les revendications générales des chômeurs sont parfaitement possibles à satisfaire, il suffirait pour cela de prendre sur les profits réalisés dans l’année 97 à la Bourse de Paris, profits en hausse de 29,5 %, au lieu de faire l’aumône.

Seulement voilà, ces bonnes âmes qui se disent socialistes et font semblant de s’émouvoir de la détresse matérielle et morale de millions d’hommes et de femmes, seraient profondément scandalisées à l’idée de porter la moindre atteinte au droit à la propriété privée des bourgeois, des privilégiés, des riches dont ils font partie. Robert Hue leur apporte sa solidarité en déclarant à propos des mesures Aubry, " ça va dans le bon sens ". Formule passe partout pour quelqu’un qui n’a rien à dire.

Quant au Front National, il affiche son mépris des chômeurs en écrivant " les gens qui s’échinent à travailler aimeraient que ceux qui profitent des indemnités du chômage dont ils supportent la charge fassent preuve d’un peu de décence et de sens du ridicule. ". Mépris des chômeurs, mais aussi mépris de tous les travailleurs que le Front National prend pour des imbéciles, grossière démagogie pour essayer de nous diviser, d’opposer ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas. A cette démagogie il nous appartient de répondre en affirmant notre solidarité avec les chômeurs, en leur apportant notre soutien partout où c’est possible.

Il est d’autant plus important d’être au côté des chômeurs et de leur lutte que les dirigeants de la CFDT et de FO qui prétendent parler au nom des travailleurs, se sont abaissés, toute honte bue, à se désolidariser d’eux, tout en en profitant au passage pour attaquer les militants du parti communiste. Dans leur démagogie, ils trouvent les mêmes cibles que l’extrême-droite. Et tout ça parce que la bourgeoisie leur a confié la gestion des caisses de chômage. Ils ne réagissent pas en syndicalistes mais en petits patrons qui se sentent agressés. Notat a dénoncé les prétendues " manipulations " dont les chômeurs seraient l’objet, quant à Blondel, réconcilié pour la circonstance avec sa rivale, il a condamné les revendications des chômeurs déclarant qu’il ne s’agissait pas d’entériner " l’état de chômeur ". Quelle belle excuse hypocrite !

Cette lutte des chômeurs contribue à éclairer tous les travailleurs sur le vrai visage tant du gouvernement et de tous les ministres que des dirigeants de FO et de la CFDT. C’est des leçons qu’il nous faut retenir pour préparer la suite. Bon nombre de travailleurs socialistes et communistes qui n’acceptent pas de voir la situation se dégrader pour les travailleurs comme pour les jeunes, ouvrent aujourd’hui les yeux sur ceux en qui ils avaient jusqu’alors confiance et c’est tant mieux.

Le chômage, la progression de la misère sont responsables des révoltes aveugles et désespérées des jeunes des banlieues qui se livrent à des actes de violence sans perspectives. Face à cette révolte désespérée, les dames patronnesses ou leurs amis qui voudraient faire la charité aux chômeurs, prônent la fermeté contre les jeunes, tout en leur faisant la morale. Ce faisant, ils n’ont qu’un souci, protéger cet ordre social injuste où d’un côté s’accumulent des fortunes sans limite, alors que de l’autre se développe une détresse matérielle et morale inacceptable.

Les ministres gèrent et protègent les affaires des riches, c’est à nous les travailleurs et à nos organisations d’apporter les solutions aux méfaits de ce système social où la loi est celle des patrons, des financiers et de tous les privilégiés, une loi sans pitié pour les faibles, les exclus, les jeunes, pour tous les travailleurs.

La violence c’est l’exploitation et la misère qui en sont responsables, pas les jeunes

Incendies de dizaines de voitures dans une cité ouvrière de la banlieue de Strasbourg, agressions violentes contre des chauffeurs de bus, entre autres à Saint-Etienne : la violence des jeunes a fait irruption en pleine période de fêtes, cette soi-disant trêve, mais qui n’est une trêve ni pour la misère ni pour le chômage, où au contraire la conscience de n’avoir aucun avenir, d’être rejeté, s’impose douloureusement. C’est cette situation qui pousse au désespoir les plus faibles, les plus désarmés des jeunes, qui se sentent à ce point rejetés par la société qu’ils se retranchent derrière une agressivité à l’égard de tous. Leurs flambées de colère violente et sporadique atteignent bien sûr ce qui se trouve dans leur environnement, les cités ouvrières, les quartiers pauvres et délaissés, les quelques installations collectives dérisoires, les voitures de leurs voisins ou le salarié de la compagnie locale de bus.

La révolte de ces jeunes, leur hargne et leur désespoir, nous ne pouvons que les comprendre sans excuser pour autant leur violence aveugle. Rares sont les travailleurs qui s’en prennent à eux, car combien de familles ouvrières n’ont pas un ou plusieurs jeunes au chômage, qui ne vivent que grâce à la solidarité de leurs parents.

Mais la réponse des autorités a été unanime : alors que la police arrêtait à Strasbourg des dizaines de ces jeunes, le procureur de la ville a condamné " l’inefficacité " des forces de l’ordre, trop laxistes et indulgentes à son goût, et ce haut fonctionnaire réactionnaire qui a profité de l’occasion pour faire sa propagande, qui ne connaît pas ce qu’on appelle hypocritement le devoir de réserve, toujours à sens unique, s’est vu inviter par le garde des Sceaux Élisabeth Guigou, à venir discuter en tête à tête. Rien n’a filtré de l’entretien, mais il n’y a eu aucune prise de position de la part du gouvernement condamnant ses propos.

Et la justice ? Déférés devant le tribunal correctionnel dans la semaine qui suivait, grâce à une procédure exceptionnelle, les jeunes de Strasbourg ont été condamnés à de lourdes peines. " Une peine exemplaire ", a réclamé pour le premier procès le procureur : les magistrats ont suivi, condamnant une jeune apprentie à 18 mois de prison, dont 8 ferme, pour avoir seulement tenté d’incendier une voiture. Et pour les comparutions suivantes, les magistrats ont été plus loin que ce que demandait l’accusation, distribuant à tour de bras les peines de prison ferme. De même pour un jeune homme qui avait agressé un conducteur de bus à Saint-Etienne.

Les politiciens et les autorités en général font mine de " comprendre " le " mal des banlieues ", indissociable du chômage. Une table ronde est organisée, les bons sentiments et les discours sur la " lutte contre le chômage " côtoient ainsi la brutalité de la police et de la justice et tout cela ne peut que susciter davantage de dégoût, et de mépris chez les jeunes. A juste titre.

Pour autant il est vital de ne pas laisser s’enfermer leur révolte dans cette violence sans issue, asociale, dont le Front National peut s’emparer de deux manières : immédiatement parce que c’est à lui que profitent les discours sécuritaires de tous les bords, et demain aussi peut-être, en embrigadant une partie de ces jeunes, désespérés, les plus faibles d’entre eux.

Spontanément ces jeunes ne peuvent trouver un moyen d’atteindre les véritables responsables de leur situation, qui sont les possédants et ceux qui protègent leur ordre social, le patronat et son Etat. C’est au mouvement ouvrier qu’il revient de leur donner une perspective, comme l’ont fait dans le passé bien des militants des organisations ouvrières, politiques et syndicales. Il est certain que les discours les plus justes ne suffiront pas à entraîner les jeunes des cités. Il faudra gagner leur confiance, leur redonner la fierté d’appartenir à la classe ouvrière et être capable d’exercer les pressions nécessaires pour imposer le respect de la collectivité.

Le terrorisme des intégristes ne dessert pas le pouvoir algérien

En six jours, près de 1000 personnes ont été assassinées en Algérie. Dans trois villages de la région de Relizane, plus de 400 personnes, femmes et enfants, ont été massacrées. Le pouvoir algérien a maintenu contre toute évidence qu’il y avait eu 73 morts, preuve de son mépris des victimes et de sa volonté de minimiser ces tueries.

C’est la responsabilité du GIA qui est le plus souvent mise en avant. Ses commandos auraient agi pour desserrer la pression de l’armée dans l’Algérois. D’autres avancent l’hypothèse que des groupes paramilitaires auraient provoqué ces massacres parce que les habitants de ces villages avaient refusé de s’intégrer dans les " milices patriotiques ". Qu’une nouvelle fois, même si le GIA est le plus souvent cité comme responsable de ces tueries, l’intervention de groupes liés au pouvoir ne soit pas écartée, témoigne du fait que les uns comme les autres ont le même intérêt à ce que la population soit terrorisée et soumise. Dirigeants islamistes et généraux partagent la même peur d’une révolte de tous ceux qui ne veulent pas de leur dictature. Ils sont hantés par le souvenir de la révolte d’Octobre 88 où le pouvoir avait fait tirer à la mitrailleuse lourde sur les jeunes des quartiers populaires d’Alger. Cette bourgeoisie algérienne, étroitement liée au pouvoir, qui s’enrichit de la rente pétrolière, pille ce qui reste de secteur public et fait sa fortune dans l’import-export, est prête à tout pour défendre ses richesses. Si les islamistes et l’armée se disputent le pouvoir, c’est pour défendre les intérêts de ces privilégiés et de l’impérialisme qui, par le biais des banques et des accords sur le pétrole et le gaz, continuent de saigner le pays.

Depuis 92, la guerre civile a fait plus de 100 000 morts en Algérie Sous couvert de " guerre sainte " d’un côté, " d’opérations de maintien de l’ordre" de l’autre, c’est une véritable guerre qui est menée par le pouvoir et par les islamistes contre les couches populaires algériennes pour les soumettre. A la suite des derniers massacres, divers gouvernements européens ont fait connaître leur position. Le ministère des Affaires étrangères français a fait part de son " émotion ", condamné " sans réserve " les attentats et rappelé le droit de la population à être protégée face aux massacres. Cela lui a valu une réponse cinglante du gouvernement algérien, affirmant que le gouvernement français n’avait " aucun titre ni aucune qualité à rappeler le gouvernement algérien à ses devoirs ". Le gouvernement d’un pays qui a infligé à l’Algérie près d’un siècle et demi de domination coloniale et six ans d’une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts, est effectivement assez mal placé pour se poser en donneur de leçons.

De ces jérémiades hypocrites des " démocraties " européennes, le peuple algérien n’a rien à attendre. Pour lui, il n’y a qu’une seule issue, l’armement des travailleurs, des femmes, des jeunes, des paysans pauvres. S’armer pour se défendre, c’est bien sûr une tâche difficile, mais il ne manquerait pas d’hommes et de femmes prêts à le faire. S’armer pour lutter contre l’oppression, des milliers de femmes et d’hommes en Algérie en ont fait l’expérience car les armes, beaucoup les ont déjà prises par le passé pour chasser l’impérialisme français. La difficulté n’est pas tant technique que politique.

Prendre sa défense en main signifie ne plus faire confiance à personne pour le faire à sa place. Cela suppose s’être émancipé politiquement du pouvoir et de l’armée comme des partis " d’opposition  démocratique", le FFS et le RCD en tout premier lieu. Ces derniers craignent eux aussi que la population n’aille trop loin, leur demande des comptes sur le passé et surtout remette en cause tous les privilèges.

Le drame des travailleurs algériens et des couches populaires algériennes aujourd’hui, c’est de ne pas avoir un parti et des organisations qui puissent leur donner la confiance et les perspectives politiques qui pourraient mettre fin à l’effroyable guerre civile qu’ils subissent. Un tel parti véritablement démocratique, profondément lié à eux et pleinement engagé dans leurs luttes, les aiderait à s’organiser et les armerait politiquement et militairement donnant à leur résistance acharnée la force de vaincre.