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La LCR à la croisée des chemins : construire un parti ouvrier révolutionnaire ou reconstruire le PSU ?

Une trentaine d’intellectuels ont fait connaître leur intention de rejoindre la Ligue Communiste Révolutionnaire en publiant un manifeste intitulé " Pourquoi nous nous liguons ". A priori on ne pourrait que se réjouir que de jeunes intellectuels prenant conscience des enjeux politiques de notre époque évoluent vers l’extrême-gauche et rejoignent une organisation se réclamant dans son appellation même du communisme révolutionnaire. Malheureusement les choses ne se présentent pas ainsi. Que certains d’entre eux qui militent chez les Verts veuillent rejoindre la Ligue, c’est incontestablement une évolution à gauche pour eux. Mais justement, de quelle Ligue s’agit-il et dans quel sens évolue-t-elle ? Un débat se déroule au sein de la LCR en vue de statuer à son prochain congrès qui se tiendra à la fin du mois, sur le changement de nom de cette organisation. La majorité semble vouloir renoncer au mot " communiste " comme étant dépassé et trop lourd à assumer avec le discrédit et la chute du stalinisme. En tous cas les intellectuels venant des Verts ou du club Merleau-Ponty ont anticipé les conclusions du congrès. Ils veulent rejoindre la Ligue parce qu’elle va changer de nom, " se moderniser ", c’est-à-dire être accueillante pour eux qui se disent à la fois écologistes, libertaires dans le mode de fonctionnement politique et enfin " sociaux-démocrates radicaux ".

Entrisme au sein de la Gauche pour recomposer la Gauche

Le fait de renoncer à son identité communiste et trotskyste pour la majorité des militants de la LCR serait l’aboutissement logique de sa politique de " recomposition " d’une Gauche " vraiment à gauche ", " 100 % à gauche " en tentant de réaliser le regroupement de courants critiques au sein ou issus du Parti socialiste, du Parti communiste ou des Verts. Depuis belle lurette la majorité de la LCR considère que l’unité des révolutionnaires, si tant est qu’elle soit possible, n’est porteuse d’aucun succès politique. C’est pourquoi elle a préféré tourner tous ses espoirs vers les groupes ou mouvements animés par Juquin, Chevènement, Fiterman ou Voynet. Elle n’a jusqu’alors connu que des déconvenues en recherchant ce type d’alliances. Mais elle a bien l’intention de s’obstiner dans cette voie car elle est persuadée que l’accentuation d’une telle " stratégie " risque de réussir avec le retour au gouvernement de la gauche. Pour elle tout ce qui est essentiel politiquement va se jouer au sein des partis de la gauche plurielle. Pour ne pas rater la radicalisation qui risque fort d’affecter les partis de gauche et les Verts, elle pratique donc en quelque sorte l’entrisme dans la gauche. Pour ne pas se couper des gens de gauche susceptibles de se détacher des directions réformistes, elle renonce à tout un vocabulaire mais aussi malheureusement à des idées propres au mouvement révolutionnaire et au mouvement ouvrier. Et c’est pourquoi pour ceux qui sont attachés avant tout aux distinctions de classe et non aux distinctions parlementaires entre gauche et droite, la lecture des éditoriaux de " Rouge " se contentant de donner des conseils ou de déplorer le manque de fermeté du gouvernement Jospin " qui ne tient pas ses promesses " procure un certain malaise. Il en a été de même quand Alain Krivine a tenté d’avoir l’approbation des militants de la LCR de Seine Saint Denis pour être présent sur la liste de la gauche gouvernementale aux prochaines élections régionales.

Il y a bien sûr des nuances au sein de la majorité de la Ligue entre ceux qui seraient plutôt pour un " soutien critique " et d’autres pour une " indépendance critique " à l’égard des gouvernants de gauche. Mais ils tournent tous le dos à la seule position conforme aux intérêts des travailleurs consistant à s’opposer fermement à un gouvernement servant du mieux qu’il peut les intérêts de la bourgeoisie.

Le choix politique fondamental de la majorité de la LCR aboutit donc à adopter une attitude suiviste à l’égard de la gauche plurielle et à cautionner qu’elle le veuille ou non ses agissements au gouvernement. Dans cette voie qui conduit à une impasse, la Ligue en quelque sorte refondée après son congrès, sera peut-être en mesure de reconstruire un nouveau PSU, un petit parti social-démocrate de gauche, " un laboratoire " pour les " expériences plurielles " du club Merleau-Ponty. Les militants de la LCR sincèrement révolutionnaires auront tout à y perdre et les travailleurs n’auront rien à y gagner.

Une évolution à rebours du tournant politique et social

Comme bien d’autres directions de groupes d’extrême-gauche, la direction de la LCR qui croit se transformer positivement est en fait prisonnière de ses choix et de ses raisonnements traditionnels. Elle croit pouvoir intervenir dans la cour des grands partis de gauche et jouer un rôle, sans se regrouper avec l’ensemble des révolutionnaires et sans gagner directement la confiance de travailleurs du rang au travers des idées de la lutte de classe. Oh, elle ne serait pas contre que les militants d’extrême-gauche servent de force d’appoint pour " recomposer une vraie gauche ". Mais finalement elle se détourne d’eux et de ses origines révolutionnaires pour s’ouvrir vers les partis de gauche qui gèrent les affaires de la bourgeoisie.

Le tournant politique et social qui s’est amorcé en 1995 exige une orientation toute autre. La génération de travailleurs qui a été écoeurée par les différents gouvernements de gauche ne porte pas d’avantage dans son cœur le gouvernement de gauche actuel. La jeune génération découvre des partis de gauche qui servent les nantis et sont bien incapables de s’opposer à la montée des idées réactionnaires et au danger du Front National. Les militants qui veulent défendre uniquement les intérêts du monde du travail et de toute la société ne doivent en aucune manière cautionner, se confondre ou se commettre avec les partis gouvernementaux qui s’attaquent aux travailleurs et aux chômeurs et font de la démagogie réactionnaire contre les jeunes et contre les immigrés.

La seule perspective sérieuse pour tous les militants révolutionnaires est de regrouper leurs forces pour créer un pôle susceptible d’offrir un espoir à tous les jeunes et à tous les travailleurs qui veulent se battre contre les injustices sociales et contre le système capitaliste. Nous sommes persuadés que la plupart des militants de la LCR sauront s’engager à nouveau dans cette voie sous la pression des luttes et des prises de conscience que va engendrer l’accentuation des contradictions sociales.

Léon Trotsky, Programme de Transition, 1938

" Les défaites tragiques du prolétariat mondial depuis une longue série d’années ont poussé les organisations officielles dans un conservatisme encore plus grand et ont conduit en même temps les " révolutionnaires " petits-bourgeois déçus à rechercher des " voies nouvelles ". Comme toujours, dans les époques de réaction et de déclin, apparaissent de toutes parts les magiciens et les charlatans. Ils veulent réviser toute la marche de la pensée révolutionnaire. Au lieu d’apprendre du passé, ils le " corrigent ". Les uns découvrent l’inconsistance du marxisme, les autres proclament la faillite du bolchévisme. Les uns font retomber sur la doctrine révolutionnaire la responsabilité pour les erreurs et les crimes de ceux qui l’ont trahie ; les autres maudissent la médecine parce qu’elle n’assure pas une guérison immédiate et miraculeuse. Les plus audacieux promettent de découvrir une panacée et, en attendant, recommandent d’arrêter la lutte des classes. De nombreux prophètes de la nouvelle morale se disposent à régénérer le mouvement ouvrier à l’aide d’une homéopathie éthique. La majorité de ces apôtres sont devenus eux-mêmes des invalides moraux sans jamais avoir été sur le champ de la bataille. Ainsi, sous l’apparence de révélations nouvelles, on ne propose au prolétariat que de vieilles recettes, enterrées depuis longtemps, dans les archives du socialisme d’avant Marx. "

La direction du PCF repart en guerre contre l’Euro : de la démagogie nationaliste comme dérivatif au mécontentement des militants

Le Conseil constitutionnel est composé d’un groupe de juristes et de politiciens que toute la grande presse, y compris " l’Humanité ", appelle complaisamment " les neuf sages ". Ces messieurs viennent de faire savoir que le traité d’Amsterdam sur la construction de l’Europe approuvé par Chirac et Jospin n’était pas tout à fait conforme à la Constitution de l’Etat français. Les dirigeants du Parti communiste en ont tout de suite profité pour relancer leur campagne en faveur d’un référendum sur l’euro, la future monnaie unique. Robert Hue a adressé une lettre à Chirac pour réclamer ce référendum. Il met en avant dans toutes ses déclarations les atteintes intolérables à " la souveraineté nationale " que constituerait le traité d’Amsterdam.

" Tout ce qui touche la souveraineté nationale ne peut être décidé que par le peuple lui-même ". Hue aurait pu le dire, mais c’est en fait Pasqua qui l’a affirmé le 2 janvier sur Europe 1. Car sur ce terrain de la démagogie nationaliste, Robert Hue se retrouve comme d’habitude en compagnie de Pasqua et de Le Pen qui clament leur indignation contre les empiétements dans les prérogatives de l’Etat français. Ils réclament eux aussi un référendum.

Cette-fois le PCF ne se contente pas de demander à ses militants de faire signer une pétition pour exiger un référendum et une " réorientation " de l’Europe. Il organise un rassemblement à Paris le 18 janvier en affrétant des trains spéciaux dans plusieurs villes de province. Cela permet de mobiliser les militants sur un sujet où ils ne risquent pas de s’en prendre au patronat français ni au gouvernement. Jospin sera compréhensif : que le PC réaffirme modérément son identité sur un terrain occupé également par une partie du personnel politique de droite ou d’extrême-droite ne devrait pas mettre à mal sa solidarité gouvernementale qu’il réaffirme d’ailleurs à jet continu.

Comme les militants du Parti communiste ne sont peut-être pas tous très emballés de se retrouver en si fâcheuse compagnie, Robert Hue s’est senti obligé d’argumenter ainsi dans le " Parisien " : " C’est au nom des valeurs de la gauche et, plus généralement, de celles de la République que je n’entends pas abandonner le terrain de la souveraineté nationale à la démagogie d’un Le Pen ou d’un Mégret ". Mais le terrain du nationalisme est un terrain pourri que seuls des politiciens au service de la bourgeoisie peuvent occuper. Les militants du PCF doivent leur abandonner ce créneau pour lutter pour une Europe des travailleurs, sans frontières, sans exploitation et sans Etats, avec leur " souveraineté nationale " qui n’est que le masque de la domination de chaque bourgeoisie. Et il serait aussi grand temps que tous les militants révolutionnaires abandonnent sans remords le terrain de la lutte anti-Maastricht ou anti-Amsterdam à Robert Hue et à Chevènement. Ils doivent affirmer sans ambiguïté une politique internationaliste. Cela signifie ne pas céder à la pression du PCF et du MDC pour dire clairement aux travailleurs que toutes les bourgeoisies sont leurs ennemies, et au premier chef celle qui est dans leur propre pays, la bourgeoisie française.

" La révolution prolétarienne implique l’unification de l’Europe. Maintenant, les économistes, les pacifistes, les hommes d’affaires, et même les braillards bourgeois parlent volontiers des Etats-Unis d’Europe. Mais cette tâche est au-dessus des forces de la bourgeoisie européenne, rongée par ses antagonismes. Seul le prolétariat victorieux pourra réaliser l’union de l’Europe. "

Léon Trotsky, Europe et Amérique, 1926

 

Reprise du procès Papon : apprendre à connaître la psychologie de nos ennemis

" Virulent ", " combatif ", " pugnace ", a dit la presse à l’encontre de Papon réapparu lundi dernier à son procès, après 15 jours passés dans le confort de sa propriété. Alors qu’est examinée sa responsabilité, qui ne fait aucun doute, dans la déportation du convoi de 444 juifs, dont 81 enfants, parti de Bordeaux pour Drancy le 26 août 1942, Papon a fait étalage de sa bassesse et de sa morgue.

Mensonge cynique lorsqu’une fois de plus il joue les subalternes abusés, feignant de n’avoir pas su que les juifs déportés étaient destinés à la mort : " Nous avons été roulés, trompés par les Allemands. Tous les rapports avec les Allemands étaient entachés de l'hypocrisie propre à la race germanique... Si vous retenez cette espèce de naïveté comme un crime, alors j'ai commis le crime de naïveté... On ne pensait pas les Allemands capables de faire ce qu'ils ont fait. Condamnez-moi pour optimisme inconsidéré ". Ou lorsqu’il joue les résistants empêchés de l’être par l’occupation allemande : " Il y avait des risques considérables. On ne pouvait pas faire dix mètres sur un trottoir sans rencontrer un uniforme gris de fer. Y avait des Boches partout, j'ai vécu, je le sais, je peux déposer là-dessus ". Lui, un des plus hauts responsables de la dictature exercée par l’Etat français, qui a appliqué avec zèle les ordres de Bousquet et de la Gestapo.

Prêt à toutes les indignités pour sauver, même pas sa vie, mais sa position et la jouissance de ce que son arrivisme lui a acquis (" Moi, je joue, je joue mon destin, je joue ma fin de vie ici "), Papon révèle sa véritable personnalité, masquée ailleurs par le décorum et la flagornerie qui entourent les hommes qui jouissent dans l’Etat d’un pouvoir illimité et sans contrôle : indifférent à tout ce qui n’est pas lui, imbu de préjugés racistes, antisémites, nationalistes, qui ne sont que l’expression du mépris à l’égard de tous ceux qui ne jouissent pas d’une position sociale, plein de cette morgue que donne l’assurance du pouvoir, et prêt à tout pour sauvegarder ses privilèges.

" Hausses de janvier "... L'Etat taxe les plus pauvres

Le gouvernement a annoncé ce qui nous est présenté comme les "traditionnelles" hausses de janvier. L'augmentation des prestations sociales est dérisoire pour tous ceux pour qui elles représentent un minimum vital : 1,1 % d'augmentation pour les prestations familiales, le RMI, l'allocation de solidarité spécifique (ASS), les pensions et le minimum vieillesse, et les prestations sociales comme l'allocation aux adultes handicapés, les indemnités journalières maladie et accident du travail...

Mais les "traditionnelles hausses", ce sont surtout l'augmentation des taxes de l'Etat qui portent sur les produits de consommation courante et qui touchent plus durement les petits revenus : la redevance télé passe de 700 F à 735 F, l'essence augmente de 9,65 centimes à la pompe, le tabac en moyenne de 3,7 %... La carte de séjour des travailleurs étrangers passe de 200 F à 220 F, et la pénalité pour les chèques impayés augmente de 120 à 150 F.

Le gouvernement, sous prétexte de renflouer les caisses sociales, fait peser sur les plus pauvres l'augmentation des taxes de l'Etat, d'autant plus dur vis-à-vis des plus pauvres qu'il est généreux vis-à-vis des plus riches et des patrons.