éditorial



Bras de fer des USA contre l'Irak : la bourgeoisie américaine contre les peuples et sa propre classe ouvrière

Il paraîtrait que Clinton aurait réussi à faire oublier le scandale Lewinski en faisant l’unanimité sur sa politique guerrière contre l’Irak.

On nous parle de ballet diplomatique, les émissaires russe et français tentent de trouver une solution pacifique au conflit, mais pendant ce temps les représentants des USA font quasiment le tour du monde pour tenter de faire signer tous les chefs d’Etat pour une nouvelle expédition guerrière contre l’Irak : seuls, pour l’instant, ont répondu présents la Grande Bretagne et le Koweit. Tous les autres disent préférer une solution diplomatique, tandis que la Russie s’est déclarée opposée à cette guerre. Mais il y a fort à parier que ces réticences ne feraient pas long feu si, comme ils ont déclaré y être prêts, les Etats-Unis prenaient l’initiative de déclencher l’attaque, tous ces Etats ayant fait savoir qu’ils condamnaient le refus de Saddam Hussein de se plier aux résolutions de l’ONU.

Dans le Golfe, tout est prêt pour l’intervention : 17 navires de guerre dont 3 porte-avions géants, 234 avions de combat et 8 bombardiers B 52 auxquels Tony Blair vient d’ajouter un porte-avion, 14 avions de combat et 2 frégates lance-missiles de l’armée anglaise. Les autorités militaires américaines ont fait état de nouvelles bombes armées de têtes d’obus capables de pénétrer dans le sol en profondeur et d’y exploser, trouvaille destinée à réduire à néant les abris souterrains construits par l’Irak.

Après avoir écrasé la population irakienne sous les bombes en 90, puis l’avoir réduite par l’embargo à une famine qui a déjà fait de 600 000 à un million de morts, l’Etat américain se dit prêt aujourd’hui à frapper l’Irak à nouveau. Officiellement, pour empêcher Saddam Hussein de nuire, pour détruire les armes chimiques et bactériologiques que son armée détiendrait, et qui menaceraient sinon le monde comme on nous l’avait répété en 90, du moins la région et en particulier Israël. Le dictateur irakien, dont l’Etat est étranglé par les sanctions internationales, l’embargo et les réparations à payer au Koweit qui absorbent 1/3 de ses revenus pétroliers, en a revendiqué la fin et engagé l’épreuve de force en refusant aux inspecteurs de l’ONU de pénétrer dans certains sites stratégiques irakiens.

Le danger constitué par l’Irak est évidemment une fable.

La bourgeoisie américaine s’est saisie de l’occasion pour rappeler au monde et aux peuples qu’elle en est le premier gendarme et ce qui leur en coûterait de remettre en cause l’ordre " international ", c’est-à-dire l’ordre établi qui garantit la poursuite de l’exploitation des richesses et des populations par une poignée d’Etats des pays riches dominés par leurs propres trusts capitalistes.

Saddam Hussein, lui, se sert de cette épreuve, qu’il n’a pas hésité à provoquer pour ressouder les rangs de la population derrière lui, en dévoyant sa haine légitime de l’impérialisme, en manifestations de nationalisme arabe contre " l’Occident aux mœurs dépravées " et contre la population israélienne qu’il présente comme responsable des visées sionistes de son Etat.

La bourgeoisie américaine et son Etat ont eux aussi des préoccupations de politique intérieure. On nous parle d’une opération de Clinton pour faire diversion du scandale dans lequel il est empêtré, et dont il ne sortira probablement pas indemne, d’autant plus qu’une nouvelle affaire de financement illégal de sa campagne électorale vient d’éclater : il compte exhiber à son allocution télévisée de samedi le premier ministre anglais Tony Blair, et jouer avec lui les va-t-en guerre, rappelant ainsi le couple très réactionnaire des années 80, Reagan-Thatcher, mais il est bien possible que ses concurrents républicains ne désespèrent pas de l’écarter en s’appuyant sur l’opinion réactionnaire hostile au droit à l’avortement, favorable à la peine de mort et à la répression accrue contre la délinquance née de la misère.

Mais au-delà de cette lutte pour le pouvoir, entre politiciens, il y a les visées à plus long terme de la bourgeoisie américaine dont Clinton défend les intérêts. Il y a la croissance de ses profits qui se nourrissent du chômage et des salaires, littéralement de misère, puisque, aujourd’hui, aux Etats-Unis, plus d’un tiers des pauvres réduits à demander l’aide alimentaire d’urgence ont un emploi, sont des salariés, mais à temps partiel et sans couverture sociale. Les restrictions des budgets d’aide sociale ont offert au patronat une main d’œuvre sous payée et permettent aujourd’hui à l’Etat américain d’avoir pour la première fois un budget en excédent. Les financiers, le directeur de la banque fédérale américaine comme les Républicains exigent que cet argent soit consacré au remboursement de la dette et à la diminution des impôts pour les plus riches.

Les dirigeants de l’impérialisme préparent l’avenir et anticipent sur les conséquences de la crise économique.

Une guerre intérieure se mène contre la classe ouvrière et la majorité de la population, dont la bourgeoisie sait bien qu’il faudra l’appauvrir encore pour augmenter ses profits. Elle sait également que cette exploitation accrue suscitera la révolte, comme les conséquences catastrophiques de la crise en susciteront à travers le monde, des révoltes de millions d’hommes, que ne pourront mater seuls les Etats nationaux des pays pauvres. La tension des rapports entre les Etats s’accroît parallèlement à la tension entre la bourgeoisie et le monde du travail.

En brandissant aujourd’hui le bâton du gendarme contre l’Irak, l’Etat américain menace de son terrorisme tous les peuples, et prépare les conditions pour tenter de faire de la population américaine, comme celle des autres pays impérialistes, la chair à canon de futures guerres contre les populations exploitées du monde entier.

La peine de mort, le Moyen-Age à l'époque de la télévision par satellite

Karla Tucker a finalement été exécutée dans la nuit de mardi à mercredi. Cette Américaine blanche de 38 ans avait été condamnée à mort il y a quatorze ans pour avoir assassiné deux personnes sous l’emprise de la drogue. La mobilisation contre son exécution a été inhabituelle : aux opposants à la peine de mort se sont ajoutés des réactionnaires les plus farouches, religieux et même intégristes, adversaires de l’avortement, et partisans le reste du temps de ce châtiment barbare, mais qui voulaient que Karla Tucker fasse exception parce qu’elle s’était dite " visitée par Dieu ", repentie, et avait épousé le pasteur de sa prison.

Bush junior, qui est gouverneur du Texas, a refusé sa grâce. Il s’est fait le champion de toutes les causes réactionnaires, dont la peine de mort, son Etat détenant de très loin le record des exécutions : 37 l’an dernier, la moitié de celles qui ont eu lieu aux Etats-Unis. Clinton, aussi, lorsqu’il était gouverneur de l’Arkansas, avait refusé de gracier plusieurs condamnés, pour ne pas mettre en cause sa carrière politique.

Mais l’application de la peine de mort ne vise pas seulement à satisfaire l’opinion réactionnaire et à assurer l’élection ou la réélection de ces politiciens arrivistes. Elle n’est pas non plus seulement une expression barbare de l’impuissance d’une société à résoudre les problèmes engendrés par la misère qu’elle secrète, la montée de la délinquance et de la criminalité. Sa fonction va au-delà, elle consiste à offrir des boucs-émissaires aux craintes suscitées par cet accroissement de la violence, à souder la fraction la plus réactionnaire de la population derrière l’Etat, l’ordre établi, contre ceux dont on veut lui faire croire qu’ils menaceraient leur sécurité et leur bien-être, les pauvres, les Noirs.

Depuis 1976, année où la peine de mort a été rétablie aux USA, 415 condamnés à mort ont été exécutées : 225 Blancs, 152 Noirs, 24 Hispaniques, et la majorité dans les Etats du Sud, traditionnellement les plus racistes et réactionnaires. Et le nombre des condamnations et exécutions ne fait que croître, loin encore, mais de moins en moins, du record des exécutions qui avait été atteint au moment des années de la crise des années 30, 150.

Les télévisions américaines, relayées dans le monde entier, ont retransmis quasi en direct la mort de Karla Tucker. Au Moyen-Age, les exécutions se produisaient sur la place publique afin de terroriser les pauvres, et de leur montrer la toute puissance des autorités. Les moyens de communication comme la technique, ont fait des bonds prodigieux, la société produit toujours la même barbarie.

Derrière " l'amélioration " des chiffres du chômage, la dégradation de la situation sociale, résultat de la guerre de classe menée par les capitalistes

Les derniers chiffres officiels du chômage en France ont enregistré une diminution de 86 000 chômeurs. C’est le deuxième mois consécutif que les chiffres sont en baisse : le taux de chômage est passé de 12,4 % à 12,2 % et sur un an, le chômage a diminué de 1,7 %. Mais les responsables gouvernementaux se gardent bien de pavoiser. D’une part, ce chiffre est dérisoire par rapport à l’ampleur du chômage et d’autre part, il s’explique par des phénomènes conjoncturels comme le nombre important de contrats temporaires. Mais les dirigeants politiques voudraient quand même donner l’impression que le léger recul du chômage est le signe d’une amélioration de la situation sociale et qu’il légitime la poursuite de leur politique.

En réalité, derrière ces chiffres se cache une dégradation de la situation sociale, produit de la véritable guerre sociale que les capitalistes mènent contre les travailleurs, en " abaissant le coût du travail ", en baissant les salaires, en diminuant les horaires ou en les allongeant à leur gré. C’est cette aggravation de l’exploitation qui est la principale source de leurs profits.

Depuis des années, les patrons se servent du chômage pour exercer une pression sur les salaires, pour imposer des emploi précaires et à temps partiel. C’est ainsi qu’en décembre, 476 200 chômeurs ont travaillé plus de 78 heures dans le mois soit 34,4 % de plus en un an. Ce sous-emploi s’accompagne de sous salaires. Cette politique des patrons touche toutes les branches d’activité et se traduit par une dégradation croissante des conditions de travail des salariés. Un nombre de plus en plus grand de salariés doit travailler aujourd’hui pour des revenus proches des minima sociaux : 2,8 millions de salariés ont un revenu de moins de 3650 F par mois .

Lorsque Jospin avait déclaré à l’Assemblée qu’il était opposé à la hausse des minima sociaux et qu’il n’était pas favorable à une " société d’assistance " mais " à une société de travail et de production ", les réactions favorables des patrons ne s’expliquaient pas uniquement par l’aspect réactionnaire et anti-ouvrier de ces propos. En refusant la hausse des minima sociaux, Jospin s’engageait à maintenir la pression qu’exerce la misère engendrée par le chômage et qui oblige les salariés à accepter des conditions de travail dégradées. Le geste de Jospin ne s’explique pas seulement par des considérations budgétaires, il est l’affirmation de la continuité d’une politique qui permet aux patrons d’imposer l’aggravation des conditions de travail.

Cette politique, les patrons la justifient en disant qu’elle est nécessaire pour assurer la croissance, condition du plein emploi qui mettrait fin à la crise sociale. A des pays comme la France, l’Espagne, l’Allemagne où les chiffres du chômage sont très importants, les tenants du libéralisme opposent l’exemple des USA, de la Grande Bretagne ou plus récemment de la Hollande où le taux de chômage a spectaculairement baissé.

Mais partout, cette baisse du chômage s’est accompagnée d’une augmentation de la pauvreté, d’une baisse des salaires et d’une aggravation des conditions de travail. Pour que continue à s’exercer une pression qui contraigne les travailleurs à subir les conditions imposées par les patrons, les gouvernements de ces pays, quelle que soit leur couleur politique, ont mené des politiques sociales très brutales, remettant en cause l’ensemble des droits des salariés, réduisant les aides aux couches les plus pauvres de la population, contraignant les chômeurs à accepter n’importe quel type de travail sous peine d’être privés de toute ressource. Les capitalistes imposent aux travailleurs des pays riches des conditions de salaires et de travail qui se rapprochent de plus en plus de celles des travailleurs des pays pauvres, en se servant de cette concurrence qu’ils entretiennent à l’échelle de la planète. Aussi, dans aucun des pays où le taux de chômage a baissé de façon importante, les conditions de vie des travailleurs ne se sont améliorées. Le retour à l’emploi n’a pas freiné, tout au contraire, l’aggravation des inégalités sociales : il y a aux USA, 4,7 % de chômeurs mais aussi 13,7 % de pauvres dont les conditions de vie empirent.

Cette guerre sociale permet aux plus riches de s’approprier une part toujours plus grande des richesses créées par les travailleurs. En Hollande, la part des profits dans les richesses produites est passée de 29,5 % en 1979 à 39 % en 1996 tandis que dans la même période, les coûts salariaux ont baissé de 20 %. Aux USA, les 20 % les plus démunis percevaient 4,4 % des revenus en 1976, vingt ans plus tard, ils n’en perçoivent plus que 3,7 % tandis que la part des 20 % les plus riches est passée de 43,3 % à 49 %. En France, la part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de près de 68 % en 82 à 60 % en 1996 et celle des capitalistes a augmenté d’autant. Ces chiffres mesurent le résultat des batailles gagnées par la bourgeoisie pour accaparer une part toujours plus grande des richesses produites.

Ces batailles, la bourgeoise est contrainte de les mener par la logique même de son système. Incapable d’augmenter la production, incapable d’investir pour augmenter de façon sensible la productivité, il ne lui reste plus qu’à aggraver l’exploitation des travailleurs pour accroître ses profits. Tout son fonctionnement est basé sur cette nécessité.

Aussi, nous n’avons pas le choix : si nous voulons enrayer cette dégradation, il nous faut faire face à la guerre sociale menée par la bourgeoise. Et ce que montre l’évolution sociale de ces dernières années dans tous les pays, quel que soit leur taux de chômage, c’est que pour satisfaire nos revendications les plus urgentes, il nous faudra remettre en cause le contrôle des capitalistes sur l’économie et sur la société.