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Quelles perspectives pour les militants d'extrême-gauche ?

La LCR, une des principales organisations d’extrême-gauche vient de tenir son congrès. " Le Monde " et " Libération ", de même que des responsables de la gauche plurielle ont salué son évolution dans le sens de la " rénovation ", de " l’ouverture " et de la " modernisation ", tout en déplorant avec un zeste d’ironie que la LCR n’ait pas changé de nom comme le souhaitait ardemment sa direction. En effet il lui aurait fallu pour cela obtenir, selon les statuts de cette organisation, une majorité de 66 %. Il s’en est fallu de peu, puisque 64,8 % des délégués souhaitaient que le mot " communiste " disparaisse du nom de leur organisation. La direction de la LCR n’a pas caché son intention d’obtenir gain de cause en organisant un congrès exceptionnel sur le changement de nom.

Tout cela confirme l’évolution de la LCR vers les partis de la gauche gouvernementale, c’est-à-dire vers la droite.

Sa direction veut constituer un pôle de gauche au sein de la gauche, ce qui l’amène à vouloir modifier son image de marque en se débarrassant de références qui l’ancrent encore trop à l’extrême-gauche.

Créer un pôle social-démocrate de gauche : une façon de tourner le dos aux intérêts des travailleurs

Ce congrès a confirmé l’évolution de la direction de la LCR qui ambitionne de créer un nouveau PSU, un regroupement de tous les social-démocrates de gauche, qu’ils soient au PCF comme les rénovateurs autour de Guy Hermier, qu’ils soient au Parti socialiste comme " la Gauche socialiste " ou qu’ils soient dans la mouvance des Verts. Dans le numéro 9 du 4 septembre dernier de VDT, nous relevions que cette orientation ne ferait que " transformer les militants révolutionnaires en caution de gauche du PS et du PCF, en supplétifs de la gauche gouvernementale gérant les affaires de la bourgeoisie. " Tel est le contenu réel de la " modernisation " et de " l’ouverture " de la Ligue. Il n’est pas impossible que ce projet prenne corps, même si la LCR n’en sera pas forcément la cheville ouvrière. Il donnerait l’illusion à un certain nombre de militants de sortir enfin de la marginalité pour peser sur la vie politique. Mais dans quel sens ? Certainement pas dans celui des intérêts des travailleurs et en particulier de ceux qui sont de plus en plus conscients du rôle joué par les partis de la gauche gouvernementale pour sauver la mise au patronat et aux financiers. En quoi Marceau Pivert et ses amis ont-ils pesé sur la politique de Blum ? En quoi en Italie " Refondation communiste " pèse-t-elle sur la politique de Prodi au service de la bourgeoisie ? On pourrait multiplier les exemples de ces formations critiquant la gauche sur sa gauche mais créant la confusion et empêchant de fait les travailleurs de se regrouper en toute indépendance, en ne comptant que sur eux-mêmes.

Aujourd’hui, en France, tandis qu’une fraction de la classe ouvrière et une fraction de la jeunesse commencent à se radicaliser, à prendre conscience de leurs capacités et des enjeux de classe, des militants de la LCR, qui ont défendu des idées communistes révolutionnaires toute leur vie, accomplissent le chemin inverse et commencent à y renoncer. La recherche éternelle du raccourci des dirigeants de la Ligue a fini par déboucher sur une impasse du point de vue des intérêts du monde du travail.

Deux orientations stériles

Le gauchisme sous toutes ses formes se craquèle et va révéler toutes ses faiblesses, toute son inadaptation à la situation nouvelle. Il n’est plus possible à aucune tendance révolutionnaire de vivre isolément et de rester révolutionnaire en étant à la fois coupée des autres tendances révolutionnaires et des forces vives de la classe ouvrière. Tandis que la majorité de la LCR tente de faire bande à part de l’extrême-gauche, en se faisant accepter par le milieu des politiciens et notables de la gauche plurielle, Lutte Ouvrière fait également bande à part en croyant pouvoir vivre uniquement sur son propre capital politique et humain qui ne peut que se dégrader à la longue. Elle s’essaie timidement au suivisme à l’égard du PC, tout en traitant par le mépris les autres tendances révolutionnaires. Le parallèle que nous faisions en juillet dernier (VDT n°7) entre la LCR et LO s’est trouvé entièrement confirmé jusqu'à ce jour : " La direction de la LCR a fini par se détourner de plus en plus du reste du mouvement révolutionnaire pour courtiser des organisations réformistes ou étrangères à la classe ouvrière comme les Verts. La direction de Lutte Ouvrière s’est détournée du reste du mouvement révolutionnaire par sectarisme, par repli sur soi et crainte d’assumer pleinement les responsabilités qui découlaient du petit succès de la campagne des présidentielles en 1995. "

Quelle que soit leur appartenance organisationnelle, les militants révolutionnaires ne peuvent se reconnaître dans les orientations de LO et de la LCR qui sont véritablement deux lignes de faiblesse, l’une servant de repoussoir à l’autre pour persuader les militants qu’il n’y a pas d’autre choix que celui de la direction de LO ou de la LCR. Fort heureusement les militants d’extrême-gauche n’ont pas que le choix entre la dérive social-démocrate ou la sclérose sectaire stérilisant, l’une comme l’autre, tous leurs efforts. La situation objective leur indique la seule voie qui soit conforme à leurs aspirations, la construction d’un pôle regroupant tous les révolutionnaires.

Construire un pôle regroupant tous les révolutionnaires

Regrouper les forces des révolutionnaires est une tâche urgente s’ils veulent se donner une chance d’intervenir dans la lutte de classe qui va s’intensifier. La réalisation de cette tâche va leur demander des efforts très importants et une capacité à dépasser toutes les routines intellectuelles héritées de la période antérieure. Pendant longtemps, les groupes d’extrême-gauche ont organisé leur vie interne autour d’un seul dirigeant et leurs relations entre eux étaient dominées par la concurrence. Chaque groupe était persuadé de détenir la méthode, la recette qui finirait par faire la différence et provoquer un regroupement autour de lui. Il faut rompre avec cette étroitesse de vue. La politique et les militants dont la classe ouvrière a besoin ne se formeront que dans un cadre suffisamment large et démocratique où les confrontations d’idées et les vérifications pratiques seront possibles. Tout cela ne peut se réaliser sans que les militants révolutionnaires ne tissent ensemble des liens solides avec les travailleurs, les autres militants du mouvement ouvrier et les jeunes. L’évolution politique et sociale, en particulier depuis le retour de la gauche au gouvernement, ouvre de grandes possibilités dans ce sens. Il appartient à tous les révolutionnaires d’en prendre conscience et de prendre toutes les initiatives qui en découlent.

Interview de Christophe Aguiton, dirigeant de AC!, dans " le nouvel obs ", en deçà du réformisme le plus mièvre…

Le " Nouvel Observateur " de la semaine dernière se félicite d’avoir réalisé l’interview conjoint d’un patron, " leader européen de logiciels de communication " et du " fondateur et principal animateur de Sud-PTT ", " le cri des chômeurs et la voie libérale "… A la lecture on est surpris des propos tenus par Christophe AGUITON, qui est un des principaux animateurs de AC ! et a été, à ce titre, au premier rang de la lutte des chômeurs, on est surpris quand on sait qu’il est aussi membre de la LCR. Il faut lui reconnaître cette honnêteté de ne pas trop s’étendre sur ses amitiés politiques dont il ne dit mot.

" Le mouvement social n’a jamais été aussi déconnecté de la politique qu’aujourd’hui " affirme-t-il pour se dédouaner des accusations formulées par son interlocuteur selon lequel " quelques groupes d’extrême-gauche essaient d’obtenir, dans la rue, des droits que ne leur donnent pas les urnes. " Et de continuer de se justifier : " Vous présentez notre position de façon caricaturale. Ce n’est pas tout ou rien. Jusqu’au début des années 80, les pays européens ont réussi à préserver un modèle de société assez égalitaire. C’est cela qu’il faut défendre aujourd’hui ". Plus loin, toujours sur le même ton et pour conclure " Qui parle de société égalitaire ? Vous ne diriez quand même pas que les pays européens au début des années 80 étaient collectivistes. Pourtant la norme sociale fixait encore des règles qui permettaient de contenir les inégalités. Il est temps que l’on s’interroge sur la société que l’on veut construire et que nous redéfinissions ensemble les droits et les règles communes dont notre société a besoin ". Ah, le gentil syndicaliste responsable et plein de cette touchante nostalgie du capitalisme des années 80 !

Le communisme, la révolution, allons, tout cela est dépassé, soyons résolument modernes, renions tout !

Le gauchisme est à la croisée des chemins, s’installer dans quelque petit appareil syndical ou associatif pour faire son trou, en justifiant ses renoncements par de mièvres considérations humanitaires, ou s’engager pleinement dans le combat social et politique, au cœur de la classe ouvrière en pleine fidélité aux idées de la lutte de classe, du communisme et de la révolution. Aguiton a choisi.

Conspiration discrète

Un forum des métiers de la Sécurité Sociale s’est tenu à Nancy en décembre dernier. La presse patronale interne n’a pas cru bon de nous en faire un compte-rendu, et pour cause ! Un des points abordés a été celui de l’application des 35 heures dans les Caisses Primaires. Les patrons de la Sécurité Sociale ont levé un peu le voile sur ce qu’ils nous mijotent. Ecoutez donc : "  Les 35 heures payées 39 ? Personne n’y pense ! " s’est écriée Martine Fontaine, directrice de l’UCANSS. " Si le passage aux 35 heures s’accompagne d’une politique d’embauche, cela posera des problèmes à l’Assurance Maladie qui a programmé 8750 suppressions d’emploi dans les années à venir ", a déclaré un directeur de la CNAMTS. Et tous d’être d’accord pour dire que les 35 heures (si 35 heures il y a) cela voudra dire la flexibilité des horaires, avec allongement des heures d’ouverture, travail le samedi, et moins de personnel.

Une chose inquiète tout de même ce beau monde : les réactions des agents. On comprend mieux pourquoi ces propos restent dans la presse spécialisée...

Fonderie de Leroy-Somer Angoulême : le patron licencie dix travailleurs intérimaires

Dix travailleurs intérimaires ont été licenciés vendredi dernier à la fonderie. Bien entendu, la direction ne s’est pas vantée de son mauvais coup à l’avance et ces camarades n’ont su qu’ils partaient que le vendredi à midi, au changement de faction quand ils n’ont pas vu leurs noms sur les feuilles de présence des équipes. Ils travaillaient à la fonderie depuis 5, 6 ou 9 mois et aucune explication sur leur " fin de mission " ne leur a été donnée bien que certains d’entre eux aient demandé des comptes aux chefs.

En fait, depuis des mois, la production sort grâce à la présence de 39 intérimaires, soit le quart de l’effectif productif. Aujourd’hui, le patron prétend qu’il y a moins de travail et qu’il faut vite " réduire les coûts de main d’œuvre " pour rester compétitif. Un baratin qu’on connaît et que personne ne peut croire car, dans les ateliers, il y a toujours autant de boulot et il manque du monde partout. D’autant plus qu’on voit les effectifs baisser sans cesse. Les retraités ne sont pas remplacés par des embauches : nous étions 228 à la production en 1993 et nous ne sommes plus que 169 aujourd’hui ! Pendant toute une période, le patron a résolu ses problèmes de production en faisant travailler le samedi. Des milliers d’heures supplémentaires déguisées en " heures à récupérer " ont été faites, mais depuis la rentrée des vacances, cela n’y suffisait plus et il a utilisé massivement le travail précaire.

Le licenciement des camarades intérimaires est un mauvais coup du patron contre tous les travailleurs de la fonderie. Ce sont des embauches au contraire que nous réclamons. Moins nous sommes nombreux, et plus nous nous crevons à sortir la production et plus les risques d’accidents augmentent. Plus les profits rentrent aussi dans la poche des patrons : LS a distribué 200 millions de francs de dividendes aux actionnaires l’an dernier. De quoi, avec cet argent, embaucher tous nos camarades intérimaires !

 

Négociations salariales à Sextant : la direction lâche le moins possible, les syndicats s'en contentent, pas les travailleurs

Sextant Avionique est une entreprise d'électronique de l'aéronautique qui regroupe environ 4000 personnes sur 7 sites en France. La loi Robien y est appliquée depuis juillet 97 : 10 % d'embauche soit 385 au total, et 10 % de réduction du temps de travail sous la forme de 22,5 jours de congés supplémentaires par an.

Sur le site du Haillan, nous serons 840 après les 74 embauches prévues. Sextant a été cité par la presse locale comme un exemple de réussite de la réduction du temps de travail. Réussite pour le patron en effet qui a pu embaucher " du sang neuf ", comme il dit, à bon marché grâce aux exonérations de cotisations sociales pendant 7 ans. Et pour des salaires mensuels brut de 7100 F à 7500 F (" une coquette somme " comme nous en plaisantons souvent entre nous) c'est en fait plusieurs ouvriers en un seul qu'il embauche, puisque maintenant la polyvalence est de règle. Afin d'assurer les remplacements lors des congés supplémentaires, nous devons être capables d'occuper au pied levé des postes très différents !

Les heures supplémentaires ne sont plus payées car la direction peut jouer sur des " périodes hautes " et des " périodes basses " pour nous imposer davantage de flexibilité.

En 1997 les salaires n'ont pas augmenté puisque les augmentations individuelles ont tout juste compensé les 3 % de baisse de salaire imposés par les accords de réduction du temps de travail. Les cadres ont perdu 1,8 %.

La dernière augmentation de salaire notable a eu lieu en janvier 95 après une semaine de grève, où la direction a lâché 300 F pour tous, dans une période de plan social où elle venait de licencier. Cette année, elle a eu le culot de proposer 1 % d'augmentation générale avec un plancher de 100 F pour les plus bas salaires, alors que les affaires sont florissantes et qu'elle vient de bénéficier des aides de l'Etat. Le mécontentement s'est exprimé lors d'un débrayage d'une demi-heure à l'appel des 5 syndicats. Nous nous sommes retrouvés à plus de 130 sous les fenêtres de la direction pour lui apporter la pétition, sur l'initiative de tous les syndicats, dont la revendication de 2,5 % d'augmentation générale avec un plancher de 500 F a recueilli 341 signatures au Haillan (1600 sur l'ensemble des sites).

Dans l'après-midi la direction cédait 2 % d'augmentation générale et un plancher de 300 F. Cette rapidité à lâcher du lest faisait dire à beaucoup que la direction craint un conflit au moment où nous sommes tous surchargés de travail pour assurer des commandes urgentes, et qu'elle a largement les moyens d'aller jusqu'aux 500 F.

Le lendemain matin, les chefs ont défilé dans les ateliers pour prendre la température et nous expliquer que 300 F, c'est bien. Ce à quoi nous leur avons répondu : " 500 F, c'est mieux ".

Entre nous les discussions sont allées bon train. La lutte des chômeurs est dans les esprits, les manœuvres du gouvernement pour opposer les chômeurs aux salariés afin de ne rien donner à personne, sauf aux patrons, aussi. Certains se disaient que c'est le moment de se battre pour des augmentations de salaires, seul moyen de ne pas se laisser diviser.

Lors d'une réunion, appelée par la CFDT, à laquelle ont participé 130 personnes, la CFDT s'est félicitée du pas en avant de la direction, se dérobant sur ses propres engagements : les revendications approuvées par les 341 signataires de la pétition au Haillan. Ce qui a abouti à un vote : 80 satisfaits des propositions de la direction et 43 non satisfaits, plus quelques abstentions.

Les syndicats sont prêts à entériner les propositions de la direction. Mais personne n'est dupe ni de l'attitude de la direction ni de la dérobade des syndicats. Beaucoup comprennent que nous ne ferons pas l'économie de la lutte, tout en ayant conscience qu'aujourd'hui nous ne sommes pas encore prêts.

 

Echos d’entreprises

ECHO DU BULLETIN VOIX DES TRAVAILLEURS RENAULT-CLEON (76)

PRETE A TOUT POUR NE PAS EMBAUCHER

Au service Qualité, près des Tabliers du E, un technicien a appris la semaine dernière qu’il devait aller trouver du travail à la chaîne ou à l’usinage en équipe.

Ce camarade, âgé de 57 ans, est gravement malade avec un horaire en normale compatible avec son état. L’an dernier il avait obtenu le report de son départ en FNE d’un an. La direction veut maintenant se débarrasser de lui par tous les moyens, mêmes les plus abjects.

Ce cas n’est pas le seul à l’usine. Dans tous les services, c’est la chasse aux suppressions de postes et les mutations de force vers les ateliers. La direction ne veut pas embaucher pour faire face à la hausse de programmes.

Ne nous laissons pas faire : imposons plutôt des embauches extérieures à la place de ce " jeu de massacre " de l’emploi.

ECHO DU BULLETIN VOIX DES TRAVAILLEURS CROMPTON-OISSEL (76)

SECURITE DEBROUILLE

Il y a une semaine, au bât.14, un ouvrier intérimaire a été victime de brûlures au visage en chargeant du sel dans une cave de colorants. La cuve était trop pleine, il y a eu un remous avec de grosses éclaboussures qui ont atteint notre collègue. Il a du être arrêté plusieurs jours.

Ce n’est pas la première fois qu’une cuve déborde car il n’y a aucun système permettant de l’éviter. Alors, en cas de problèmes, la seule solution c’est le système " débrouilles-toi et prends tes jambes à ton cou pour arrêter la vanne ".

Les ouvriers habitués connaissent les " ruses " et ont les " réflexes ", ce qui n’est pas le cas pour les intérimaires. Alors quand un incident arrive (remous ou débordement) c’est l’accident comme dans ce cas. La fatalité n’a rien à voir.

Echo du bulletin Lutte des Travailleurs de Ralston Caudebec (76), édité par des militants de Voix des Travailleurs et de la Ligue Communiste Révolutionnaire

ELLES ONT GAGNE

Finalement le patron de l’entreprise de nettoyage ISOR est revenu sur la baisse des horaires et des salaires qu’il voulait imposer aux femmes de ménage. Elles refont le même horaire qu’avant. C’est parce que celles-ci ne se sont pas laissées faire, qu’elles se sont adressées aux syndicats de l’entreprise, à la direction Ralston, qu’elles en ont parlé autour d’elles, que nous, travailleurs de Ralston, trouvions cela révoltant, non seulement pour elles mais aussi pour nous, qu’elles ont gagné. Une leçon à retenir : ce n’est qu’en nous mobilisant tous ensemble que nous pouvons faire reculer les patrons.