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L’euphorie financière se dope du chômage et de la misère préparant un nouveau krach

La montée des places boursières tant occidentales qu’asiatiques de ces derniers jours peut surprendre si on prête aux financiers des comportements, sinon conscients, du moins proches de la raison. Ce serait surtout l’effet d’une illusion que de croire que cette nouvelle hausse a quoi que ce soit de rassurant, bien au contraire. La course au profit ignore la prudence ou la maîtrise de soi, elle ne connaît que la fuite en avant. Il faut effacer les pertes par de nouveaux profits, se refaire, bluffer pour maintenir la confiance, éviter les paniques. La finance trompe son monde en se dopant en permanence d’une euphorie artificielle, dont le décalage avec la réalité exprime non seulement l’irresponsabilité sociale du monde bourgeois, mais l’imminence d’une nouvelle crise.

Les entreprises annoncent aussi des résultats records, certes, mais ces résultats ce sont des profits passés alors que la hausse des actions en bourse anticipe des profits futurs. Si ces profits ne sont pas suffisants, les capitaux se retireront à la recherche de nouvelles affaires, provoquant un nouveau krach. Ce qui implique que les profits tirés de la production qui alimentent les opérations boursières doivent sans cesse s’accroître. Sinon, rien ne va plus. C’est cette folle spirale ascendante des profits qui ruine l’économie, détournant les capitaux des investissements directement productifs, et surtout limitant la consommation de toute la population.

En effet, si la production stagne, la seule façon de réaliser des profits qui permette de satisfaire les besoins des placements en bourse, est d’accroître la plus-value tirée de l’exploitation en augmentant l’intensité du travail et en diminuant les salaires. Le chômage concourt aux deux. La principale conséquence est une diminution de la consommation, qui ne peut offrir les débouchés à la croissance de la production.

Les USA se vantent d’avoir atteint la plus forte croissance depuis dix ans. C’est de cette forte croissance même que naîtra la prochaine étape de la crise car cette croissance se nourrit d’un appauvrissement général de la grande majorité de la population, tant aux USA que dans le reste du monde. La croissance crée le chômage et la misère.

La crise qui se déroule en Asie contribue à accélérer cette évolution.

Ses conséquences sociales seront d’après la Banque Mondiale elle-même " aussi cruelles que la guerre, peut-être même plus qu’une guerre ". En Indonésie, la hausse des prix prive la population des biens les plus élémentaires provoquant de véritables émeutes, les licenciements se multiplient comme en Corée ou en Thaïlande, dans des pays où la grande majorité de la population connaît des conditions d’existence extrêmement difficiles. 350 millions de personnes y vivaient, avant le krach, en dessous du seuil de pauvreté.

Outre les pertes financières, la diminution de la consommation, la crise aura pour effet une exacerbation de la concurrence. Chaque bourgeoisie essayera de se refaire en développant les exportations, en diminuant pour cela les coûts de production au détriment de la classe ouvrière. Inévitablement, il en résultera de nouvelles tensions dans le commerce international.

D’ores et déjà, les USA veulent s’en protéger en faisant pression sur le Japon. " En tant que deuxième économie mondiale, le Japon doit jouer un rôle plus actif pour aider l’Asie à sortir de la crise qu’elle traverse... Le Japon doit stimuler la demande intérieure. Il doit déréguler son économie. Il doit ouvrir son marché pour offrir un débouché immédiat à l’énorme capacité de production de la région ". Autant de bons conseils sans portée, comme si les dirigeants capitalistes agissaient en fonction d’autres considérations que leurs intérêts à court terme.

Le président de la banque centrale américaine, Greenspan, qui affichait au début de la crise en Asie un optimisme aveugle, déclare aujourd’hui : " à ce jour nous n’avons senti que les vents périphériques de la crise asiatique, mais d’ici la fin du printemps " elle se traduira, selon lui, " par une réduction de la demande de nos exportations et une intensification de la concurrence des importations... "

La seule perspective de l’économie mondiale est un ralentissement de l’activité alors que les spéculations financières s’enflent sans cesse. Dans la logique de cette contradiction est inscrit inévitablement un nouveau krach.

Le plus sûr indice de la proximité de cette nouvelle étape de la crise est la chute du prix du pétrole - en un an il a perdu 40 % de sa valeur - qui exprime une chute globale de la consommation, donc de l’activité économique, de la production.

Ce qui se passe aujourd’hui en Asie préfigure ce qui se passera demain dans d’autres pays jusqu’à ce que soient atteintes de plein fouet les grandes puissances impérialistes. Quels que soient les rythmes de cette évolution, les travailleurs n’ont aucune illusion à se faire, eux seuls sont capables d’enrayer cette folle logique qui conduit toute la société à la catastrophe. Ils doivent s’y préparer consciemment en rompant avec tous les faiseurs de boniments et les marchands d’illusions.

Profits records : leurs affaires vont bien parce que les nôtres vont mal !

Salve de records à la Bourse de Paris et profits en forte hausse pour 1997, le monde patronal pavoise. Record absolu des profits pour Total (le dernier avait été battu pendant la guerre du Golfe) avec 7,6 milliards de bénéfices ; 70 % d’augmentation des bénéfices pour Alcatel-Alsthom avec 4,6 milliards de profits ; 30 % et 6 milliards pour Saint Gobain et pour Péchiney, le bénéfice net est de 1,8 milliard de francs, le meilleur chiffre depuis sept ans. Même dans le Bâtiment, ça va : Colas, leader mondial de la construction de routes, a fait 450 millions de profits. Seul mauvais élève de la classe, Rhône Poulenc. L’entreprise affiche près de 5 milliards de pertes mais 9,7 milliards de francs ont été provisionnés en vue de restructurations, 2 milliards de provision supplémentaires sont prévus pour 98 et les actionnaires n’ont pas à s’inquiéter puisque le PDG, Jean René Fourtou, a annoncé 20 % de hausse du bénéfice net par action pour l’année qui vient. Enfin, symbole de ces hausses, le groupe de luxe, LVMH, doit prochainement publier ses profits mais il a d’ores et déjà annoncé que son chiffre d’affaires avait augmenté de 54 % : c’est que les riches sont de plus en plus riches et qu’eux, ils consomment de plus en plus.

Alors d’où tombe cette manne ? De la hausse du dollar s’empressent-ils de dire, qui a permis d’avoir des rentrées plus importantes que prévu. Mais il y a d’autres raisons sur lesquelles ils s’attardent moins : réduction des effectifs, salaires gelés ou en baisse, précarité accrue, appel de plus en plus fréquent à la sous traitance : tout cela permet aux grandes entreprises de faire des profits records. Pour les salariés cela se traduit par des chiffres moins florissants et un bilan inversement proportionnel à celui des capitalistes : 7 millions de travailleurs touchés par la précarité et le chômage, 6 millions tentant de vivre avec les minima sociaux, l’augmentation du travail à temps partiel et 37 % d’augmentation du nombre de salariés intérimaires en un an, dont 25 % dans l’industrie.

Leurs profits, c’est à nos dépens qu’ils les font.

Répression contre le mouvement ouvrier argentin

Désavoué lors des dernières élections, le gouvernement Menem n’en poursuit pas moins une politique qui s’attaque aux acquis sociaux des travailleurs et aux intérêts des secteurs les plus pauvres de la population. Licenciements, salaires bloqués, remise en cause de la protection sociale et des retraites, coupes sombres dans les budgets sociaux : animés par la même recherche du profit maximum, les capitalistes et les hommes politiques de tous les pays utilisent les mêmes recettes.

Mais le mouvement ouvrier ne reste pas inactif. Et ces deux dernières années, malgré le rôle néfaste de la bureaucratie syndicale péroniste, l’Argentine a connu de fortes mobilisations. A cette résistance ouvrière, Menem répond par la matraque : plusieurs manifestations ont été durement réprimées et plus de 500 militants et responsables syndicaux et associatifs sont actuellement inculpés. Oscar Martinez, métallurgiste, dirigeant syndical de Rio Grande, dans la Terre de Feu, et militant du MAS, organisation trotskyste argentine, est l’objet d’une véritable persécution judiciaire. Condamné à deux reprises depuis mars 1995 et sous le coup d’une lourde peine de prison avec sursis, il se retrouve de nouveau devant le tribunal depuis ce jeudi 5 février. Oscar Martinez est accusé d’être l’instigateur d’une manifestation organisée le 12 avril 1995 à Ushuaia pour protester contre l’évacuation brutale par la police des grévistes qui occupaient une entreprise. Au cours de cette manifestation, violemment réprimée sur l’ordre du gouverneur, un ouvrier du bâtiment, Victor Choque, avait été tué. Pour l’accusation, le responsable de cette mort, c’est Oscar Martinez puisqu’il a appelé à la manifestation !

Une manifestation de justice de classe d’autant plus flagrante que dans le même temps le capitaine Astiz, qui se vante de sa participation directe à l’élimination de centaines d’opposants sous la dictature militaire, est toujours en liberté. Pour la levée de l’inculpation d’Oscar Martinez, multiplions les protestations en direction du gouvernement argentin.

Ambassade d’Argentine

6 rue Cimarosa

75016 PARIS

Fax : 01 45 53 46 33

Recrudescence des tentatives de suicide : une condamnation sans appel de ce système

Une enquête vient d’être publiée constatant " l’élévation forte du taux de suicide masculin de la classe d’âge 35-40 ans " et mettant cette évolution directement en relation avec la courbe croissante du chômage. Déjà en 1997, un rapport du très officiel Commissariat général du Plan, notait " la vulnérabilité croissante de la population en âge de travailler ". Cette vulnérabilité n’a fait que s’aggraver. " Le suicide est l’expression, note la récente enquête, d’une détresse sociale, pas seulement personnelle et relationnelle. " Elle précise : " Contrairement aux plus jeunes qui peuvent garder l’espoir, ces hommes dressent parfois un premier bilan d’échec. Ils sont conscients, comme le traduit le soutien au mouvement actuel des chômeurs, que l’on ne peut jamais ressortir du chômage. " Elle parle de " période de forte incertitude ", du " vide d’avenir, voire de sens " qui brise chez les plus isolés, les plus faibles, les ressorts de la vie au point de les conduire à l’idée d’en finir avec eux-mêmes, voire à l’acte. Un constat qui est une mise en accusation.