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Les " démocrates " européens aux petits soins pour les généraux algériens

Quinze jours après la visite de la " troïka " européenne, ce sont neuf députés européens qui sont venus passer cinq jours à Alger. Le pouvoir algérien est ravi de cette visite : les neuf députés se sont montrés très compréhensifs à l’égard du régime des généraux. Oh bien sûr, ils ont fait quelques déclarations sur la nécessité du respect des droits de l'homme. Une des membres de la délégation a même voulu faire parvenir une liste de 3100 prisonniers politiques dont on est sans nouvelle. Il lui a été rétorqué qu’il n’y avait officiellement que 31 personnes dans ce cas et qu’il fallait faire passer la liste par son gouvernement. La référence rituelle aux droits de l’homme ayant été faite, la délégation est passée aux choses qu’elle considère comme sérieuses : ainsi elle a proposé que des mesures soient prises contre les réseaux islamistes en Europe, l’un des députés a demandé que soit levé l’embargo sur les livraisons de matériel militaire et pour montrer sa bonne volonté à l’égard du pouvoir, le chef de la délégation, le député UDF Soulier, a publiquement déchiré devant deux journalistes une enveloppe contenant un document du FIS proposant une rencontre dont le gouvernement algérien ne voulait pas entendre parler.

Il n’y a guère pour troubler cette bonne entente que les foucades de Cohn-Bendit qui pour occuper le devant de la scène multiplie les déclarations présentées comme anticonformistes et qui sont surtout réactionnaires : après une série de déclarations douteuses sur la " violence inhérente à la nature des Algériens " et quelques réflexions anticommunistes sur Castro et l’armée soviétique, il s’est posé en champion de la négociation avec le FIS proposant même une rencontre entre un des leaders les plus réactionnaires de ce parti aujourd’hui dissous, Ali Belhadj et… le pape. C’est dit-il le moyen de mettre fin au terrorisme…

Les " démocrates " européens ont depuis plusieurs semaines les yeux de Chimène pour le pouvoir algérien. Toute une campagne a été orchestrée notamment en France sur le thème : " il est odieux de faire l’amalgame entre le pouvoir algérien et les intégristes qui se livrent à des massacres " ; bien commode de disculper ainsi le régime des généraux dont le rôle est au moins clair sur deux points : la dictature féroce qu’il impose au peuple algérien, dont la liberté d’expression, de manifestation, d’organisation est rigoureusement contrôlée et l’impunité avec laquelle il commet les exactions que dénoncent plusieurs rapports d’organisations internationales des droits de l’homme consignés dans un " Livre noir sur l’Algérie ", jugeant et emprisonnant des milliers d’hommes présentés comme des partisans de l’ex-FIS sans rendre aucun compte sur les procédures expéditives qu’il emploie.

Mais l’odeur des pétrodollars, la perspective de pouvoir s’emparer de secteurs entiers de l’économie algérienne dont l’accès dépend de ceux qui exercent le pouvoir, obscurcissent bien des consciences et facilitent bien des veuleries. D’autant que la concurrence est féroce et que si la France demeure le premier partenaire de l’Algérie, d’autres dont les USA aspirent à prendre le relais. Cela vaut bien quelques déclarations complaisantes.

Crompton - Oissel (76) : vétusté dangereuse

Mercredi 4 février au matin le feu s’est déclaré dans un bâtiment où sont broyés des colorants organiques pour les rendre homogènes.

La phase finale de la fabrication d’un colorant consiste après séchage à le passer dans un broyeur pour améliorer ses propriétés de dispersion. Devenu poussière le colorant présente des risques entre autres d’inflammation au contact d’autres matières. Pour éviter l’inflammation, l’atmosphère du broyeur est rendue inerte avec de l’azote. Un voyant lumineux signale le manque d’azote.

Ce jour là, le seul ouvrier affecté à ce travail en apercevant le signal lumineux n’a eu que le temps de vérifier le niveau d’azote et en remontant pour arrêter le broyeur, ce dernier s’est enflammé ainsi que le silo au-dessus.

Les pompiers de l’usine sont arrivés rapidement mais ont du déclarer forfait : la motopompe ancienne a rendu l’âme au moment critique.

Les pompiers de Rouen sont venus avec quinze véhicules pour maîtriser le feu. Ils ont pris soin, sachant qu’il n’y avait pas de vie humaine en danger de se renseigner sur le type de produit présent dans le bâtiment au grand désespoir du patron qui trouvait qu’ils n’allaient pas assez vite pour sauver son matériel.

Les médias ont insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas de risque pour l’environnement, ce qui reste à prouver. Il faut savoir que les plafonds de cet atelier sont recouverts d’amiante.

Les circonstances de l’incendie ne sont pas très claires, mais une chose est certaine : la vétusté de ce matériel qui a plusieurs dizaines d’années d’existence. L’arrêt du broyeur n’était pas asservi au débit d’azote, il n’existe pas de " noyage " à l’eau automatique en cas de début de combustion. De plus cet atelier tourne depuis de nombreuses années avec seulement deux personnes à la journée.

Comme dans l’explosion du silo à grains de Bordeaux en 1997, les installations ne sont pas conformes aux réglementations en vigueur concernant les poussières inflammables. Mais CROMPTON préfère licencier et augmenter la production plutôt que d’investir dans la sécurité.

Solectron : un exemple d'exploitation

Solectron est numéro 2 de la sous-traitance électronique au niveau mondial. Cette multinationale possède des usines aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Asie, en Europe dont une à Canéjan, près de Bordeaux.

Cette usine existe depuis cinq ans sur un site racheté à IBM, soi-disant en difficulté. En réalité, IBM a réalisé une bonne opération financière en vendant ses locaux et une partie de son personnel à Solectron. Ainsi, après avoir licencié des centaines de travailleurs, IBM a continué à faire produire ses cartes électroniques à moindre coût par la sous-traitance dont Solectron. Les premiers embauchés gardaient leurs salaires d’IBM, et les autres ont été embauchés au SMIC. Solectron emploie ainsi du personnel qualifié -800 personnes en fixe et environ 300 intérimaires…en permanence- dont la majorité à la production est aujourd’hui payée au SMIC ou juste au-dessus.

Depuis cinq ans, les conditions de travail se sont beaucoup dégradées. De mois en mois, on voit les cadences augmenter rendant le travail de plus en plus pénible. Sur certains postes, une personne fait maintenant le travail de deux et parfois de trois. Pour gagner encore 30 % en productivité, depuis quelques mois, la direction fait appel à une société spécialisée dans la recherche de la rentabilité maximum. Et elle fait aussi toute une propagande visant à nous rendre solidaires de ses objectifs en menaçant d'envoyer certaines productions sur les autres sites si nous ne sommes pas suffisamment compétitifs. Pour les intérimaires, il y a en plus le chantage à l'embauche. Embauches qui se font au compte-gouttes, contrairement à ce que la direction dit dans la presse locale et nationale où elle se vante d'embaucher.

Car les affaires vont très bien. Sur les douze derniers mois, la multinationale a réalisé un bénéfice net de 1,43 milliard de francs, en augmentation de 38 %. Et sous prétexte que l’usine de Canéjan n’a fait " que " 1,2 milliard de chiffre d’affaires au lieu de 1,38 milliard, l’année d’avant, la prime de participation aux bénéfices vient d’être réduite à… zéro !

Renault Cléon : résistance aux sales coups de la direction

A Renault Cléon, près de Rouen, nous sommes 5300 pour produire des moteurs et boîtes de vitesse. En ce début d’année, les programmes de fabrication sont en hausse dans la plupart des secteurs. Pour y faire face, la direction emploie tous les moyens pour ne pas embaucher.

Par exemple, au moteur F, la cadence journalière va passer de 2300 moteurs en décembre à 2700 en mars et sans doute 3000 moteurs par jour d’ici quelques mois. La direction a déjà mis en place des horaires réduits de fin de semaine et recourt aux heures supplémentaires dans le but de faire tourner les installations 7 jours sur 7. Des salariés ont été sollicités, y compris par les menaces et le chantage, pour faire les VSD (vendredi, samedi, dimanche), une semaine en équipe du matin et la suivante de nuit. A raison de 28 heures en trois jours, ces horaires de fin de semaine permettent à la direction d’arriver à ses objectifs immédiats mais à condition de " boucher les trous " dans les équipes en 2X8.

C’est ainsi que dans les cellules de maintenance plusieurs professionnels mécaniciens et électriciens P2 et P3 ont déjà été mutés en production. La direction fait aussi la chasse dans les " structures " (services Méthode, Contrôle, logistique) pour pouvoir déplacer des techniciens ou du personnel administratif vers des postes en atelier. Dernièrement une secrétaire a été mise en chaîne de montage après avoir passé 15 ans dans les bureaux. La direction avait essayé de lui forcer la main pour qu’elle " accepte " un temps partiel à 50 % payé 80 % du salaire. Devant le refus de la secrétaire elle a été invitée à quitter son service. Son poste a été attribué à une autre personne sous prétexte d’en élargir les compétences. Fin janvier, c’était au tour d’un technicien du Contrôle âgé de 57 ans et atteint d’une maladie grave, à qui la direction proposait de " chercher du travail " dans un atelier d’usinage ou sur la chaîne de montage. Aussitôt la nouvelle a été connue dans les ateliers et services. La plupart des travailleurs étaient choqués et révoltés. Un " danger grave et imminent " a été déposé en CHS par des syndicalistes CGT en raison de l’état de santé du collègue incompatible avec un poste en atelier. La direction a préféré reculer et le laisser dans son service pour les dix mois de travail qu’il lui reste à faire.

La semaine dernière, nous apprenions qu’un jeune embauché de 27 ans qui s’était arrêté deux mois pour se soigner, a été convoqué pour être licencié le jour où il devait reprendre le travail sur un poste aménagé. Plusieurs débrayages massifs ont déjà eu lieu dans son secteur, chaîne de montage, moteur G. La direction cherche à intimider tous les travailleurs qui veulent se soigner correctement. Elle veut les obliger à travailler même malades pour boucler les programmes à tout prix.

Le 18 février un débrayage est prévu à l’appel de la CGT. Les associations de chômeurs d’Elbeuf et de l’agglomération rouennaise doivent venir le même jour à Cléon pour y déposer des demandes d’embauche. Le mouvement des chômeurs est vu avec sympathie par la plupart des travailleurs de l’usine. En 1997 il y a eu officiellement 150 000 heures supplémentaires (sans doute plus) et la direction a déjà annoncé son intention de ne pas embaucher à la mise en place des 35 heures. Les chômeurs et les travailleurs de Cléon savent eux qu’il y a du travail chez Renault. Seule l’union de toutes les forces de la classe ouvrière pourra faire reculer le patronat et imposer les embauches nécessaires.

Centre de Tri Bordeaux-Bègles : la grève pose le problème d’une lutte d’ensemble contre les suppressions d’emplois à la Poste

Depuis le lundi 2 février, nos camarades du Centre de Tri de Bordeaux-Bègles sont en grève contre les suppressions d’emplois. Pour la direction, la nouvelle trieuse plus perfectionnée (la TOP) entraîne un gain de productivité qui justifierait 55 emplois en moins (40 postes de titulaires et 15 de précaires).

Les grévistes voient cela tout autrement, car depuis des années la direction réduit les effectifs tout en généralisant la précarité. Les grévistes disent qu’il faut embaucher, à commencer par leurs camarades en situation précaire, car il faut être plus nombreux pour faire face à la quantité de travail.

Au troisième jour de grève, la direction commençait à reculer, promettant de renoncer au licenciement de six camarades sous contrat. Les contrats de 14 autres collègues seraient maintenus à 30 heures par semaine alors qu’elle voulait les baisser à 14 h 30. Mais elle maintient toujours les suppressions de postes de titulaires.

Depuis le début de la grève, à la Recette Principale (service général et distribution), on discutait de faire une AG pour information sur la lutte de nos camarades du CT. Cette AG a finalement eu lieu le jeudi 5 avec la CGT. Nous étions plus d’une cinquantaine sur les 130 travaillant à la RP. Grâce à la grève, nous avons pu discuter des mensonges de la direction qui répète vouloir " embaucher des emplois-jeunes ", alors qu’elle ne cesse de supprimer des dizaines de postes de titulaires dans tous les départements.

Nous avons aussi discuté de raconter la grève aux usagers car la direction dénigre cette lutte qui " entraverait le service public ". Mais la grève du CT suscite la sympathie. On s’en est aperçu pendant nos tournées où les réactions de solidarité s’exprimaient. Certains avaient entendu parler de la grève et demandaient où elle en était, nous souhaitant " bon courage pour la suite ". Comme la lutte des chômeurs, celle de nos camarades du CT permet de discuter très largement de nos problèmes de travailleurs. Et déjà, il y a trois semaines, la grève de la RP de Pau avait été l’expression du ras-le-bol contre les suppressions d’emplois. La totalité des facteurs, entraînant dans leurs luttes une partie de leurs camarades des guichets, avait fait reculer la direction qui suspendait alors son plan de restructuration.

Lors d’une deuxième AG le mardi 10, où nous étions à nouveau une cinquantaine, un de nos camarades nous disait que cela lui rappelait les bons moments de la grève de 95 et il racontait la manifestation de la veille des grévistes du CT : 130 postiers, auxquels s’étaient joints des chômeurs et leurs associations, ont manifesté devant le siège de la direction. Lors de l’AG, la CGT s’est jointe à FO pour appeler à une grève sur l’ensemble de la Gironde pour le jeudi 12.

Lundi soir, une télé locale a annoncé 150 suppressions de postes sur le département en 1998. Les chiffres ne sont pas officiels, car la direction essaie de masquer l’attaque en annonçant les coups petit à petit. Mais personne n’est dupe, et ne veut laisser isoler le CT dans sa lutte. Nous serons en grève le jeudi 12 avec dans la tête le " Tous ensemble " de décembre 95.