éditorial



Elections régionales : pour que se fasse entendre une opposition ouvrière à la politique du gouvernement qui protège patrons et financiers

Dans quatre semaines, nous serons à nouveau appelés aux urnes à l’occasion des élections régionales. Ces élections ont pour but de désigner les politiciens qui géreront le pactole que représentent les budgets régionaux. Une telle perspective suscite bien des appétits et tout le monde politicien s’agite autour des places dans l’indifférence générale, tant il est vrai qu’il n’y a là rien de démocratique au sens où il n’y a là rien qui permette à la population, aux travailleurs d’exercer le moindre contrôle sur l’utilisation des fonds que l’Etat laisse entre les mains des régions.

Dans cette course démagogique aux électeurs, on assiste à des spectacles étonnants comme celui auquel a donné lieu samedi dernier la manifestation des chasseurs. La démagogie des manifestants rivalisait avec la démagogie de leurs soutiens politiques qui se disputaient leurs faveurs, le Front National et le Parti Communiste.

Au nom de l’hostilité à l’Europe, les deux partis se sont retrouvés, de fait, au coude à coude pour flatter les préjugés réactionnaires et chauvins que véhiculent les organisations de chasseurs. Que le Parti Communiste mêle ainsi sa voix à cette cacophonie est bien l’expression de dirigeants sans principes, cyniques, qui tournent le dos aux intérêts des travailleurs, et prêts à tout pour défendre leurs propres intérêts.

Ce cynisme est à l’image du cynisme de l’ensemble des politiciens de droite comme de gauche, dont le seul mobile est l’arrivisme, la course aux postes et aux places, le clientélisme.

Le même Parti Communiste, qui laisse insulter les ministres de son propre gouvernement, n’a aucun problème à leur apporter son soutien contre les chauffeurs routiers et les chômeurs ou pour se partager les places dans les futures assemblées régionales.

Le Front National quant à lui, tend brusquement la main à ses ennemis d’hier, l’UDF et le RPR, la droite de cohabitation effondrée et sans ressort, pour obtenir un peu plus de places pour ses propres partisans.

Quand ces gens-là cherchent à exprimer le mécontentement populaire, ils n’ont d’autre but que de le dévoyer derrière les idées réactionnaires, contre le monde du travail, pour assurer leur propre promotion.

Le PS, pour sa part, veut obtenir des électeurs leur approbation pour une politique qui est défavorable à la collectivité au nom d’un seul argument, cela pourrait être pire.

Alors, il faut qu’une autre voix se fasse entendre, celle du monde du travail.

Ces élections doivent être pour nous l’occasion de dénoncer et de condamner sans ambiguïté la politique du patronat et des groupes financiers dont la fuite en avant, pour s’approprier toujours plus de richesses, produit le chômage et la misère, la dégradation des conditions de travail et de vie de tous les salariés, des petites gens et conduit toute la société à une véritable catastrophe.

La gauche " plurielle " voudrait notre approbation, eh bien, nous lui dirons notre mécontentement et notre désaveu. Face à ces politiciens qui gèrent au gouvernement les affaires de la bourgeoisie, nous affirmerons que nous entendons faire entendre nos propres intérêts et nous donner les moyens d’agir pour les défendre.

Si la droite de cohabitation espère pouvoir bénéficier du mécontentement des salariés et des petites gens, eh bien elle se trompe. Cette droite et cette gauche se succèdent depuis plus de quinze ans au gouvernement ou à la présidence de la République sans que rien ne change dans un sens favorable aux travailleurs, bien au contraire. Tous ont contribué à l’aggravation du chômage comme de la misère parce que tous protègent et servent le patronat et les groupes financiers. Le Front National, quant à lui, entend servir exactement les mêmes intérêts, tout simplement il n’est qu’un ramassis des ratés et des éconduits des grands partis de droite, ils ont les mêmes idées réactionnaires avec plus d’aigreur, de haine, de violence. Nous leur dirons que nous ne sommes pas dupes et qu’ils sont nos pires ennemis.

C’est pour que les travailleurs puissent dire cela sans la moindre ambiguïté, comme exprimer leur solidarité, leur volonté d’agir dans le sens de regrouper leurs forces pour se préparer à imposer leurs revendications, que " Voix des Travailleurs " a milité pour que tous ceux qui veulent défendre les intérêts du monde du travail, en toute indépendance du gouvernement, se regroupent et constituent un pôle d’opposition. C’est pour cela que nous avons, là où nous pouvions nous présenter par nos propres moyens, proposé à Lutte Ouvrière comme à la Ligue Communiste Révolutionnaire de constituer des listes communes. Lutte Ouvrière se drape dans sa suffisance sectaire, et ce n’est que sur la Seine-Maritime qu’a pu se constituer une liste d’union, avec les camarades de la Gauche Révolutionnaire, de l’Association pour un Regroupement des Travailleurs et de la LCR. Là où cette union n’a pas été possible, soit nous présenterons nos propres listes, comme en Gironde, en Charente, dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, soit nous appelons à voter pour les listes de Lutte Ouvrière soutenues par Arlette Laguiller.

Le sectarisme des uns ne doit pas être prétexte et justification au sectarisme des autres. Ces élections ne sont qu’une péripétie, si une entente n’a pas été possible, elle recouvre inévitablement des différences d’appréciation. Que ces différences s’expriment, personne ne le regrettera, c’est d’un certain point de vue une preuve de dynamisme. A condition bien sûr de ne pas en rester là et que par la suite, les confrontations et les discussions nécessaires aient lieu. C’est ce que nous souhaitons pour notre part.

En attendant, l’essentiel est que le plus de voix possibles se portent sur l’ensemble des candidatures d’extrême-gauche autour desquelles, demain, à travers discussions, débats et confrontations se constituera un pôle des révolutionnaires.

A.M.I. : c’est le capitalisme qui est notre ennemi

L’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement) a fait la une de la presse grâce à l’initiative d’une avocate, Lori Wallach, et d’un groupe d’associations américaines qui ont rendu public et accessible à tous sur Internet ce document, concocté depuis 95 dans des réunions confidentielles de l’OCDE. " L’AMI est comme Dracula, a-t-elle déclaré, il ne peut pas supporter la lumière du jour ".

Et il est vrai qu’à la lumière du jour, ce projet d’accord montre le visage du capitalisme dans toute sa brutalité. Au nom de la " liberté " et de " l’égalité " de traitement entre les investisseurs nationaux et étrangers, il donne aux pays les plus riches le droit d’exploiter sans limite les pays les plus pauvres, comme nous en avons eu l’exemple avec les mesures prises, sous couvert de la crise asiatique, pour faciliter la pénétration des capitaux occidentaux et notamment américains en Corée ou en Indonésie, en levant les quelques barrières qui pouvaient les limiter. C’est cette liberté de piller, d’exploiter sans limites que revendique l’AMI.

Les auteurs du projet voudraient également que les Etats dédommagent les financiers pour leur manque à gagner en cas de " troubles de l’ordre public ", c’est-à-dire de grève ou de mouvement social, ou " d’expropriation sans dédommagement " ou de mesures qui entraînent pour eux un manque à gagner. Lori Wallach cite l’exemple d‘une entreprise américaine, Ethyl, qui a réclamé des dommages et intérêts au gouvernement canadien pour l’interdiction de la fabrication d’un additif à l’essence, le MTT, qui endommageait les dispositifs antipollution des automobiles. Ethyl ayant le monopole de la fabrication du MTT, a estimé qu’une telle mesure équivalait à une expropriation des avoirs de la compagnie et a demandé 251 millions de dollars au gouvernement canadien. Au nom de la même logique, les entreprises qui fabriquaient de l’amiante et sont responsables de centaines de morts, pourraient demander que l’Etat leur rembourse le manque à gagner résultant de l’interdiction de la fabrication de l’amiante !

Ces mesures, dès qu’elles ont été rendues publiques, ont soulevé un tollé. En France, ce sont de nouveau les cinéastes qui ont pris l’initiative de la protestation, dénonçant la mainmise du capitalisme et des multinationales sur la culture et, plus largement, l’aggravation de la situation sociale que la généralisation de telles mesures entraînerait dans le monde.

Bien sûr, il n’est pas besoin d’attendre la mise en place de l’AMI pour condamner le fait que la culture et l’ensemble des activités sociales est déjà sous la coupe des capitalistes et des financiers, et la dénonciation des cinéastes et des artistes ne devrait pas valoir que pour le futur. Mais que l’AMI provoque des protestations, tant mieux ! Car il est l’expression la plus brutale de ce qu’est le capitalisme et, comme l’ont dit certains artistes, de ce " meilleur des mondes " où le " Big Brother " des capitalistes et des financiers imposerait sa loi sans résistance.

Cependant, il est un terrain sur lequel la critique de l’AMI ne peut qu’être dévoyée, c’est celui du nationalisme. C’est sur ce terrain de la " souveraineté nationale bafouée " que sont intervenus plusieurs dirigeants socialistes, dont Jack Lang et Catherine Trautmann. Les dirigeants du PC ont évidemment repris cette antienne qui revient à défendre les capitalistes et les financiers français. Dans une lettre à Jospin, Robert Hue dénonce les conséquences de l’AMI " pour les entreprises nationales, pour les PME et PMI, pour des secteurs aussi essentiels que l’agro-alimentaire, l’audiovisuel, l’hôtellerie ou la construction… ". C’est se placer sur un terrain qui ouvre la porte aux pires démagogies et qui bafoue les intérêts des travailleurs.

Il y a quelques jours, on pouvait pourtant lire dans " l’Humanité " cette critique virulente : " par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l’industrie sa base nationale ". Et on pouvait lire aussi à propos de ce qui distinguait les communistes des autres partis ouvriers : " dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat " ; " les prolétaires n’ont pas de patrie " ou encore " Que les classe dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! ". Décidément, les responsables de " l’Huma " devraient plus souvent publier Marx et Engels dans leur journal, comme ils l’ont fait pour le cent cinquantième anniversaire du " Manifeste du Parti communiste " !

Si nous avons une " souveraineté " à défendre, c’est celle des travailleurs et de la population, leur droit à contrôler directement et par eux-mêmes la marche de toute la société, d’en finir avec " l’exception culturelle " permanente qui fait de la culture un droit réservé à une minorité. Mais pour cela, il faudra s’en prendre à la " souveraineté nationale " des Etats qui sont ici comme ailleurs au service des financiers.

Irak : la diplomatie du porte-avions conduit tôt ou tard à la guerre

Mardi soir, un conseil restreint de l’ONU a donné l’autorisation à son secrétaire général, Kofi Annan, de tenter une nouvelle démarche diplomatique auprès de Saddam Hussein afin d’obtenir l’ouverture de 8 sites présidentiels aux inspecteurs de l’ONU.

Cette démarche se veut l’aboutissement des " efforts diplomatiques " des Etats pour l’instant hostiles à une intervention militaire, comme la France, la Russie ou la Chine. Saddam Hussein aurait fait une concession, l’Etat américain aussi, et les chances de la " paix " pourraient être conservées, puisque même les va-t-en-guerre Clinton et Blair ne se disent pas opposés à une solution diplomatique.

Mais, ajoute Blair, " l’expérience du passé nous montre que la diplomatie sans la menace de la force ne vaut rien " et pendant ces tractations diplomatiques, les Etats américain et anglais renforcent leur armada dans le Golfe : il y a maintenant là-bas 3 porte-avions, 16 navires de guerre, environ 400 avions de combat, plus de 150 blindés, et plus de 25 000 soldats. Clinton et Blair redoublent leur propagande guerrière et mensongère, qui est relayée abondamment par la presse. Les 8 sites présidentiels seraient immenses, de la taille du " centre de Paris ", pour Blair, et pour Clinton, de celle de " la Maison Blanche "... ou de " Washington ". La presse anglaise a même évoqué l’hypothèse fantasmagorique que l’Irak lance une attaque contre l’Angleterre...

La démarche diplomatique de Kofi Annan, loin de " sauver la paix ", ne fait que préparer et justifier l’agression, d’autant plus qu’elle est devenue une démarche du Conseil de Sécurité de l’ONU, alors que jusqu’ici les tentatives diplomatiques étaient à l’initiative de l’un ou l’autre des Etats seulement. Si elle échoue, elle mène directement à une décision de l’ONU, qui permettrait à l’Etat américain de couvrir sa politique guerrière. Comme le dit la presse, " c’est la dernière chance ", et Chirac affirme : " le temps presse ". Eltsine, lui, se prépare à changer de position, déclarant que " le recours à la force est le moyen ultime et le plus dangereux " alors qu’il avait dit le 5 février " on ne doit en aucun cas admettre une frappe américaine et nous n'allons pas l'admettre ".

Mais de toute façon, l’Etat américain se réserve la latitude la plus large. Quelles que soient les concessions faites par Saddam Hussein, elles peuvent être jugées insuffisantes. Clinton et Blair ont déjà indiqué qu’ils ne se plieraient pas à cette solution diplomatique si elle leur apparaissait comme un compromis seulement, et auparavant ils avaient fait savoir qu’ils étaient prêts à assumer seuls la responsabilité d’une intervention.

Personne, ceci dit, ne peut savoir s’ils utiliseront cette fois et contre l’Irak l’intervention militaire, même si des généraux américains la datent, si elle a lieu, vers la fin février.

L’Irak est un prétexte, ce qui compte pour eux, c’est de préparer la guerre contre les peuples, où qu’ils choisissent de frapper ensuite, de préparer l’opinion publique, et de laisser et maintenir le plus longtemps possible des troupes sur le pied de guerre dans cette région du monde. Mardi, Clinton a déclaré à la télévision, comme l’avait fait Albright la semaine dernière devant les députés, qu'une attaque " ne pourrait pas détruire toutes les capacités de Bagdad " et que les Etats-Unis n'hésiteraient pas à " frapper à nouveau " si l'Irak cherche à reconstituer son arsenal après une première attaque. Et voulant faire accepter l’idée que des soldats américains devraient mourir pour cette guerre, ou une autre, il a ajouté : " Aucune action militaire n'est exempte de risque ".