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Débat : antilibéral ou anticapitaliste ?

Une des conséquences la plus handicapante pour la classe ouvrière de la confusion idéologique actuelle est le manque de clarté quant à la nature de l’ennemi. Qui doit-on combattre, le libéralisme, le soi-disant “ modèle américain ” ou le capitalisme, dont le libéralisme serait tout simplement la forme actuelle ?

Ces deux conceptions ont chacune leur propre logique, si c’est le libéralisme qui est en cause, alors il faut se battre pour le retour au capitalisme “ du bon vieux temps ”. Les tenants de cette orientation comprennent la “ gauche officielle et raisonnable ” mais aussi, malheureusement, une partie de l’extrême gauche, qui veut être “ l’aiguillon ” du gouvernement bourgeois de la “ gauche plurielle ”.

Ce débat s’est notamment exprimé lors du dernier congrès national de SUD-PTT, au cours duquel un amendement définissant correctement le syndicat comme anticapitaliste est demeuré minoritaire face à l’orientation de la direction qui a imposé une définition du syndicat comme étant seulement “ antilibéral ” (position que Christophe Aguiton avait d’ailleurs, à l’époque, défendue dans une interview au Monde).

L’autre camp est celui de ceux qui désignent le capitalisme et les rapports d’exploitation et d’oppression qui lui sont propres comme l’ennemi des travailleurs, et tentent d’orienter les luttes contre l’Etat, les patrons et contre le gouvernement au service des patrons. Ce camp n’est pas uniforme, il est traversé par de multiples courants.... et confusions, à l’instar de la confusion idéologique actuelle. Nous avons là des camarades qui se déclarent anticapitalistes, agissent en tant que tels, c’est-à-dire qui, dans chaque lutte, petite et grande, mettent en cause le système, s’opposent à toute concession au gouvernement capitaliste (même quand ils sont de “ gauche ”). Mais les uns, parce que la trahison du stalinisme agit comme un repoussoir pour les idées révolutionnaires, les autres, pour des raisons tactiques, ne désignent pas la révolution socialiste comme le seul moyen pour en finir avec le capitalisme. Sont-ils des anticapitalistes conséquents ? A notre avis non, néanmoins ils sont dans le même camp que ceux qui se battent pour ouvrir une alternative politique au capitalisme, pour former un nouveau parti marxiste-révolutionnaire. Et notre devoir est de convaincre dans les combats communs le maximum d’entre eux de faire un pas de plus ensemble.

Dans le camp anticapitaliste il y aussi un troisième courant qui est opposé au regroupement politique des travailleurs, et prêche sous diverses formes l’idée du “ syndicat-parti ”, qui prétend que les syndicats doivent avoir le programme de la révolution socialiste. Sur cette idée se retrouvent des syndicalistes révolutionnaires, mais aussi des militants qui sont écœurés par les capitulations successives des directions des organisations se réclamant du trotskisme.

Nous ne partageons pas leurs vues, car un “ syndicat-parti ” n’est ni un véritable syndicat digne de ce nom, c’est-à-dire de classe et de masse, ni un parti révolutionnaire pluraliste et marxiste révolutionnaire. Or la classe ouvrière a besoin des deux.

Les structures, comités, associations, oppositions syndicales, ou de nouveaux syndicats qui regroupent les plus combatifs des travailleurs dans les entreprises, dans la lutte des sans-papiers, des chômeurs, des sans-logis... expriment le combat, certes vacillant et avançant par tâtonnement, de la classe ouvrière visant à réorganiser ses rangs face à l’offensive du capitalisme mondialisé. Ce sont des luttes qui peuvent paraître parfois déroutantes par leur formes, mais elles sont réelles et exemplaires, et dans ces luttes la conscience peut évoluer très vite. Dans cette situation le devoir de tous les révolutionnaires est de tout faire pour y renforcer le camp anticapitaliste contre les semeurs d’illusions et de contribuer à féconder ces luttes avec les idéaux et le programme du socialisme véritable... En un mot renouveler la perspective socialiste sur les ruines laissées par l’écroulement de sa caricature sanglante stalinienne.

Rhône Poulenc Biochimie Elbeuf (76) : “ Nous voulons trois personnes par équipe ! ”

 Depuis le mardi 10 mars, les travailleurs de la station d’épuration débrayent quotidiennement deux heures par quart pour obtenir trois personnes par équipe. Actuellement, nous sommes deux ouvriers par quart pour faire tourner 24h/24 et 7j/7j une station d’épuration équivalente au besoin d’une ville de 150 000 habitants. Comme l’effectif est à flux tendus, il suffit d’un malade à la dernière minute, pour qu’on se retrouve tout seul un week-end avec tous les problèmes de sécurité que cela pose. Il y a en plus deux remplaçants mais ils ne peuvent pas boucher tous les trous. Nous nous sommes adressés par tract au reste de l’usine pour expliquer la raison de notre mécontentement, c’est-à-dire nos problèmes d’effectif. Cette action est ressentie par les autres travailleurs de l’usine comme une fronde qui est suivie attentivement et cela d’autant plus que le conflit dure.

Si nos patrons ont accepté rapidement le principe d’une troisième personne par équipe ainsi que le paiement (intégral) des heures de grève, ils continuent à faire durer le plaisir en prenant leur temps. Durant le deuxième week-end, lassés d’attendre qu’on nous convoque, nous avons décidé de reprendre l’initiative en décorant les murs des bâtiments de slogans sur la grève et en bloquant les accès à la station empêchant ainsi tout mouvement de véhicule. Du coup la réaction de la direction ne s’est pas fait attendre : elle a dépêché le sous-directeur et notre chef de service. Ils nous ont dit qu’ils ne comprenaient pas notre action, que le protocole d’accord devait nous être proposé cette semaine et que nous ne devions pas être pressés, nos heures de grève devant être payées. Il faut croire que notre action a payé, car le chef du personnel nous a informés dans la demi-heure la remise d’un projet d’accord pour mercredi. En attendant de voir concrètement le contenu et rendus méfiants par un patron pas pressé de voir les ouvriers reprendre le travail, on a donc décidé de continuer les débrayages (payés) en attendant mercredi pour juger sur pièce.

Harcèlement patronal sur la loi des 35 heures

 C’est mardi dernier qu’a commencé à l’Assemblée nationale l’examen en deuxième lecture de la loi sur les 35 heures. Le patronat qui la refusait en bloc pour faire monter les enchères, a changé de tactique en proposant des amendements pour la rendre “ moins inacceptable ”.

Le CNPF bataille pour que la loi reprenne toutes les mesures souhaitées par les patrons. Et il rencontre beaucoup de compréhension du côté des députés et du gouvernement.

Ainsi, Seillière demande que la mise en œuvre des 35 heures soit repoussée en 2002 pour toutes les entreprises comme cela est prévu pour les entreprises de moins de 20 salariés. Il demande également que les transports, l’hôtellerie et la restauration soient exclus de l’application de la loi. Le Garrec, rapporteur de la loi, a fait un premier geste en s’empressant d’annoncer que les entreprises qui franchissent le seuil des 20 salariés en 2000 et 2001 ne seront pas tenues d’appliquer les 35 heures avant 2002 et il a d’ores et déjà exclu les transports routiers de la loi des 35 heures en se référant à une directive de 1993.

Le patronat s’est également inquiété de “ l’amendement Cochet ” voté à l’initiative des Verts qui donnait la possibilité d’inclure dans le temps de travail effectif sur lequel seraient calculées les trente-cinq heures, les heures d’astreinte, le temps de trajet, les pauses casse-croûte, le temps passé en formation syndicale. Aussitôt, la Commission des Affaires sociales dirigée par le socialiste Bartolone, a donné satisfaction aux patrons en modifiant la notion de “ durée de travail effectif ”, dorénavant définie comme “ temps de travail pendant lequel le salarié est en permanence à la disposition de l’employeur ”, ce qui exclurait repas, pauses et temps de trajet.

Et ce ne sont là que des escarmouches car comme l’écrit “La Tribune” : “ dans les milieux patronaux, on sait que la première loi Aubry, qui n’est qu’un dispositif incitatif proche de la loi Robien, n’est pas vraiment dangereuse. ”

Les responsables de la Chambre de commerce de Paris ont donné un aperçu de ce que les patrons voudraient voir adopter dans la loi de 1999. La “ modération salariale ” qui doit selon le gouvernement accompagner la loi sur les 35 heures, pour eux, c’est la possibilité d’inclure les primes dans le SMIC, l’annualisation du paiement du SMIC et des exonérations supplémentaires de charges sur les bas salaires. Ils demandent également une augmentation du contingent d’heures supplémentaires, la généralisation de l’annualisation du temps de travail, la réduction de la majoration de 25 à 10 % de la trente-sixième à la trente-neuvième heure.

Diminuer les salaires des travailleurs à qui ils imposeraient la flexibilité, voilà ce que se proposent de mettre en œuvre les patrons sous couvert de la loi sur les 35 heures. Et ce n’est pas le gouvernement qui y fera obstacle.

Alors donner l’objectif d’essayer de transformer une telle loi en loi favorable aux salariés, comme le disent les dirigeants de la gauche plurielle et des syndicats, cela relève de l’escroquerie et du mensonge !

 GEC Alsthom : Des mensonges gros comme leurs profits

 A l’usine GEC Alsthom de Petit-Quevilly, en Seine-Maritime, cela fait des mois que la direction joue la guerre des nerfs en faisant planer la menace d’un nouveau plan de licenciements tout en ne dévoilant pas ses intentions. Récemment, après avoir joué la grande muette, elle a fait au personnel le chantage suivant : ou elle parvient à réduire les coûts de 67 millions et réalise vingt millions de bénéfices ou ce sera des emplois supprimés.

Mais nous savons bien que ce n’est pas en acceptant toujours plus de reculades sur nos salaires, sur nos acquis, sur les conditions de travail que cela garantit l’avenir bien au contraire. Partout nous voyons que plus les travailleurs font des sacrifices, plus les patrons font des bénéfices et plus ils licencient.

Cela apparaît d’autant plus comme une provocation que, quelques jours après, une pleine page du journal “ Le Monde ” annonçait aux actionnaires les bons résultats du groupe Alcatel Alsthom. “ Résultat net ” : 4,7 milliards de francs en 1997 contre 2,7 l’année précédente. Le compte-rendu de ce même conseil d’administration donnait également un bulletin de santé financière satisfaisant pour GEC Alsthom en annonçant son entrée en Bourse au cours du premier semestre, et l’adjonction des activités du secteur Ingénierie et Systèmes, principalement Cegelec.

Ford Blanquefort : Négociations salariales : le patron se moque de nous

 La Direction de Ford vient de faire connaître ses propositions salariales pour l’année 98 : 1,7 % d’augmentation générale, à peine plus que l’inflation prévue en 98. L’an dernier, l’augmentation générale avait été de 2,3 %. Nous toucherions donc 0,9 % en avril et 0,8 % en octobre. Cela représenterait en moyenne une augmentation de 60 à 80 F par mois pour les plus bas salaires.

“ Chaque année, c’est toujours moins ”, “ ils se moquent du monde ”, étaient les commentaires les plus souvent entendus dans les ateliers. Ces propositions de la direction ont été d’autant plus mal accueillies que la presse patronale ne cesse d’aligner et de vanter les profits réalisés par Ford.

A cela s’ajoute la dégradation des conditions de travail. Ces dernières semaines, 170 intérimaires ont été licenciés mais il faut sortir la même production. Alors les mutations sont incessantes, des travailleurs de 50 ans sont renvoyés sur les chaînes de production.

Le mécontentement est réel mais les pressions de la direction sont fortes. Elle avait d’ailleurs essayé de créer un climat de crainte à l’approche des négociations salariales en les repoussant sans explication et en laissant courir le bruit que la prime de fin d’année pourrait être supprimée. En faisant planer une menace qui ne se réaliserait pas, ils pensaient sans doute nous faire mieux avaler la pilule de ces augmentations dérisoires.

De ce point de vue là, la manœuvre du patron n’a pas marché et ses simagrées n’ont trompé personne.

Echo du bulletin commun LCR/VDT “ Front des Travailleurs ” de l’usine Grande Paroisse de Grand-Quevilly :

Poisson pourri

 Lundi dernier, tous ceux qui prennent l’astreinte mécanique ont été réunis. Le responsable méthodes centrales mécanique a présenté les modifications prévues de l’astreinte suite à la mise en place des contrats de sous-traitance : il n’y aura plus du tout d’interventions des exécutants dans le secteur Ouest de l’usine à partir du premier avril et le renfort d’astreinte sera supprimé à partir du premier juillet.

En mettant en place les contrats de sous-traitance, les patrons de la chimie cherchent à faire diminuer le nombre de travailleurs bénéficiant des conventions collectives. A terme, ils comptent bien payer moins cher le dépannage de nuit ou de week-end au mépris de la sécurité et des conditions de travail. Quant à nous, cela veut dire une baisse de revenus.

La direction, dans cette opération, veut gagner sur tous les tableaux et espère nous diviser entre travailleurs de G. P. et ceux des entreprises sous-traitantes. Nous devrons imposer ensemble des conditions de travail satisfaisantes et des salaires suffisants.

 

Hôpital Jasques Monod : Hall de gare et salle des pas perdus

L'hôpital Jacques Monod au Havre, paraît-il, continue de se tourner vers l'avenir ! Les conditions de travail, elles, régressent à chaque ouverture de locaux labellisés “ Monod 2000 ”.

Un nouveau pas vient d'être franchi vers le troisième millénaire : en plus d'être regroupé en une seule pièce, le personnel du labo de biochimie doit subir le passage continuel d'agents qui ne peuvent pas faire autrement pour porter des examens en hémato, il doit supporter le bruit des travaux et la poussière des mêmes travaux qui plane au-dessus des éprouvettes !

Depuis l'ouverture du DATU (les Urgences), les brancardiers, quant à eux, ne sont guère mieux lotis. Ils ont vu leur charge de travail considérablement augmenter au point qu'à l'aide d'un podomètre, ils ont mesuré qu'ils effectuent presque 20 kilomètres par quart ! A cela s'ajoutent bien entendu la manutention et les travaux d'entretien de leur matériel. Des tendinites et des dorsalgies commencent à se déclarer chez les brancardiers : un travail de forçats ! Ils sont tellement débordés qu'on a vu des chirurgiens qui, las d'attendre leurs patients, sont allés les brancarder eux-mêmes !

La direction a trouvé une solution pour faire face aux moments de presse : prendre du personnel sur d'autres services ; mais où donc sommes-nous en surnombre ?

De la fatigue, des incidents physiques, beaucoup d'énergie dépensée inutilement du fait d'une conception aberrante, il n'y a vraiment pas de quoi se vanter d'arriver à l'an 2000 !