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Nouvelle -Calédonie : le gouvernement français à l’œuvre contre une centaine de boat people chinois

Début novembre, au terme d’un voyage de 8000 km sur des bateaux de pêche 110 boat people chinois accostaient en Nouvelle-Calédonie. Ils n’y sont restés qu’après avoir obtenu la garantie de l’administration ne pas être renvoyés en Chine, sinon ils étaient prêts à reprendre leur errance.

L’administration française faisait mine de les accepter mais les parquait dans des baraquements entourés de barbelés et gardés par des gendarmes mobiles près de l’aéroport de Nouméa.

Dès leur arrivée, les réfugiés chinois étaient indésirables pour tout le monde. Le FLNKS (organisation nationaliste kanak) prenait position contre l’accueil des réfugiés, demandant qu’ils soient envoyés en métropole... Ils ne souhaitaient pas (logique nationaliste oblige) " que les kanaks soient minoritaires dans leur pays ". Un conseiller de Jospin déclarait " il n’y a pas de raison que l’on traite différemment les boat people qui arrivent en Nouvelle-Calédonie que ceux qui arrivent en France. On expulse 200 à 300 Chinois par an ". Et les autorités françaises, menant la même politique qu’en métropole, tentaient d’organiser discrètement l’expulsion des réfugiés chinois. Une centaine de gendarmes, envoyés de métropole, devaient " régler " le problème dimanche 22 mars en trois minutes, à coups de balles en caoutchouc pour déloger les réfugiés repliés sur le toit des baraquements. Bilan de l’opération : six blessés dont deux gravement parmi les réfugiés. La presse internationale s’est faite l’écho de cette intervention scandaleuse.

Du coup l’administration a décidé alors de retarder le vol vers la Chine, ordonnant que femmes et enfants soient démenottés et ramenés aux baraquements. Elle a ouvert alors certains dossiers d’autant plus que quelques calédoniens sont solidaires des réfugiés et ont manifesté à leurs côtés contre les gendarmes.

Le gouvernement, les politiciens de droite et les dirigeants nationalistes kanaks sont tous d’accord pour expulser les réfugiés chinois. Ils aimeraient bien le faire dans la discrétion. A Nouméa comme à Paris, la solidarité active contre les expulsions est le seul moyen efficace de faire reculer le gouvernement et empêcher le renvoi des sans-papiers.

Comment la " gauche " gouvernementale expulse

La loi Chevènement sur l’immigration, non seulement n’a pas abrogé les lois Pasqua-Debré, mais rend plus difficile l’obtention d’une carte de séjour. Un certain nombre de sans-papiers sont désormais fichés et menacés d’expulsion. Pour dénoncer cette situation un certain nombre d’entre eux ont engagé des actions comme l’occupation d’églises à Paris ou au Havre. Ils doivent affronter la répression policière.

Suite à l’occupation de l’Eglise de Notre Dame de la Gare (13ème arrondissement de Paris), dimanche 15 mars, une cinquantaine de personnes ont été arrêtées. Un Sénégalais a été arrêté mercredi à sa sortie du tribunal administratif et immédiatement amené à l’aéroport à destination de Dakar. Il n’a même pas été présenté au juge délégué. Il a été menotté et mis dans l’avion sans avoir pu passer chez lui pour chercher ses affaires. Quatre autres sans-papiers expulsés vers Bamako le 22 mars ont été ligotés avec des cordes, la bouche scotchée et portés par la police jusqu'à l’avion. Là les policiers leur ont passé des blousons pour cacher les cordes. Devant le refus des passagers de s’embarquer dans ces conditions trois des quatre ont été débarqués. Ensuite ils ont reçu des coups, a raconté l’un d’entre eux, qui a finalement été libéré par le juge.

Après l’évacuation de cette église dans le 13ème, des sans-papiers viennent à nouveau de se faire embarquer par la police lundi 23 mars, alors qu’ils occupaient depuis le matin l’église Saint-Jean-de-Montmartre dans le 18ème arrondissement. Tous les rassemblements organisés par les sans-papiers et leurs soutiens ont été interdits et brutalement réprimés par la police. Une vingtaine de sans-papiers interpellés dans le 13ème sont traduits devant la justice. Trois d’entre eux ont été condamnés à des peines de trois ans d’interdiction du territoire français et placés en rétention administrative en attendant leur expulsion. Les autres devaient passer à partir du 23 mars devant le tribunal administratif de Paris.

De nombreux travailleurs étrangers sont organisés. Le gouvernement veut briser leur résistance en accentuant la répression, organisant de véritables rafles pour les expulser brutalement. Face aux méthodes policières de la gauche plurielle tous les travailleurs sans-papiers doivent trouver notre soutien.

Russie : Eltsine limoge son " fidèle allié " Tchernomyrdine et promotionne de jeunes réformateurs zélés à servir le F.M.I.

Coup de théâtre lundi à Moscou : Eltsine qui n’était pas apparu en public depuis plusieurs semaines, parce qu’il était malade, a annoncé dans une allocution à la télévision qu’il limogeait le gouvernement et son premier ministre Tchernomyrdine, en poste depuis 92. Peut-être Eltsine a-t-il voulu se débarrasser d’un rival devenu trop encombrant, en particulier depuis qu’il était pressenti comme son successeur, et assurait l’intérim pendant sa maladie. Un limogeage comme au temps de la bureaucratie, mais nouvelle manière cette fois, puisque Tchernomyrdine a eu droit aux éloges et même à une décoration de l’ordre des " Services à la Mère patrie ", et qu’il a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il en a " appelé tout particulièrement au secteur des entreprises, à nos banquiers russes ", déclarant : " Il ne faut pas paniquer. Le cours des réformes est irréversible en Russie ", et ajoutant, lucide, " j’ai accompli le travail le plus dur, le plus sale, le plus vil de la période de transition ". Eltsine donc l’a remercié, à sa manière, en indiquant qu’il était maintenant libre de se préparer entièrement à l’élection présidentielle de l’an 2000 à laquelle lui-même n’a pas renoncé à se représenter, ne voulant en somme que son bien.

Le nouveau premier ministre, Sergueï Kirienko, est un " jeune " de 35 ans, proche de Nemtsov, un des favoris du FMI dans l’ancien gouvernement. Il a été directeur de banque et d’une société pétrolière, et a participé à la privatisation de la compagnie pétrolière Rosneft. Eltsine a promu avec lui d’autres politiciens aux dents longues de la même génération qui se sont dits prêts à appliquer le programme défini par Eltsine lundi, " donner aux réformes économiques plus d’énergie et d’efficacité ", et assurer " un gouvernement nouveau et fort ".

Les dirigeants des Etats occidentaux et du FMI, après quelques courts instants d’hésitation dus à la surprise, ont applaudi à ces nominations, devenues simple " remaniement gouvernemental " à l’occidentale, et dit leur confiance dans la poursuite des réformes en cours. Pendant qu’ils attribuaient ce nouveau brevet de démocrate à Eltsine, celui-ci affirmait devant ses ministres : " Vous devez créer une situation telle que chacun sache et sente que la non application d’un décret, c’est la même chose que la mort, c’est tout. "

Samedi dernier, Eltsine avait joué une fois encore le mécontentement devant l’ancien gouvernement toujours en retard pour payer les salaires des employés de la Fonction Publique. Lundi, à la télévision, il avait déclaré que " les gens ne sentent pas d’amélioration ". Mais cette comédie a peu de chances de tromper la population. Le nouveau gouvernement mènera, comme l’ancien, une politique destinée à enrichir entrepreneurs capitalistes et financiers, comme à complaire à ses maîtres du FMI, qui exigent la réalisation des réformes destinées à éliminer toutes les dépenses publiques qu’ils jugent inutiles, et qui rendront la vie encore plus difficile à des millions de travailleurs déjà réduits à la misère. Eltsine se dit prêt à employer la manière forte pour y parvenir.

Un bouc émissaire, des profiteurs

Un camion sans freins avait dévalé une rue d'Andorre, faisant plusieurs victimes. Le chauffeur a été condamné il y a quelque temps à huit mois de prison avec sursis. Le camion en mauvais état ne lui appartenait pas, c'était celui de son patron. Le routier n'a pas supporté cette horreur, il s'est suicidé la semaine dernière. Au dernières nouvelles son patron, lui, va bien. Il continue probablement à faire des profits sur le dos de ses employés.

Lors de leur mouvement de décembre 97, les routiers dénonçaient les conditions de travail que leur faisaient subir leurs patrons avec la complicité plus ou moins grande de la législation. Ce drame en est une illustration : celui qui risque sa vie tous les jours au volant de son instrument de travail risque aussi celle des autres, mais c'est bien parce que des patrons sans scrupule les y contraignent. Camions mal entretenus, dépassements d'horaires, manque de temps de récupération, tous ces éléments sont le fait des profiteurs pour qui une vie ou même plusieurs ne pèsent pas bien lourd au regard des profits.

La justice, même en condamnant " seulement " à une peine de prison avec sursis s'est située dans le camp du patronat en laissant à ce routier une part de responsabilité. Son suicide est le drame humain imposé à un travailleur par toute une société inhumaine.

Le prix du pétrole chute, les profits flambent ou comment se créent les conditions d’une récession

Le prix du baril de pétrole a atteint son niveau le plus bas depuis plus de neuf ans, à 12,05 dollars, c’est-à-dire le prix qu’il avait lors de la crise de 86. En monnaie constante, c’est son plus bas niveau depuis 25 ans. Dans les seuls cinq derniers mois, il a chuté de 40 %.

La crise en Asie, la stagnation globale de l’activité économique comme la décision des pays de l’OPEP, en novembre dernier, d’augmenter leurs quotas de production pour tenter de pallier à la chute de leur revenu, c’est-à-dire une baisse de la demande parallèle à une augmentation de la production, concourent à faire chuter les prix pour le plus grand profit des grandes compagnies pétrolières.

Ces dernières n’ont bien sûr pas baissé le prix de l’essence, pas plus en France que dans aucun des pays riches. Les trusts empochent la différence pendant que les pays producteurs entièrement dépendants d’eux se débattent pour défendre leur revenu.

Ils n’ont en fait pas d’autre choix que de s’adapter au marché, c’est-à-dire aux besoins des grandes puissances, en baissant la production. Devant une telle décision les pays de l’OPEP ont hésité, reculé avant de s’y résigner. Un représentant du Venezuela déclarait : " Nous ne pouvons réduire notre production parce que mon pays a besoin de revenus et doit protéger sa part de marché ", avant que son pays ne se rallie à l’Arabie Saoudite et au Mexique dimanche 22 mars pour décider de réduire la production. L’Iran, puis l’Algérie ont suivi. Finalement onze pays producteurs se sont ralliés à cet accord. Ils prétendent ainsi faire remonter les prix en diminuant l’offre. C’est une illusion ou plutôt une justification pour ne pas avoir l’air de se plier aux intérêts des grandes compagnies. Au rythme de la production actuelle, les capacités de stockage n’auraient pas tardé à être dépassées, et rien ne dit que les prix vont monter.

En réalité tout laisse à penser que les cours continueront de chuter, moins vite peut-être, comme chute l’ensemble des prix des matières premières. Simplement les pays producteurs n’ont pas d’autre choix que de limiter une production qu’ils ne pourraient vendre. Incapables de faire pression sur les grandes puissances et sur les trusts pétroliers, les trois pays qui ont décidé la baisse se contentent de mettre en garde contre les conséquences de la situation qui se crée en affirmant dans un communiqué leur crainte que cette baisse " ne conduise à une réduction des investissements nécessaires pour garantir l’approvisionnement mondial et n’ébranle la stabilité économique mondiale à moyen terme ".

" La baisse des prix pétroliers met les finances publiques des pays du Golfe sous pression, provoquant une compression des dépenses et des salaires, une diminution des contrats, une réduction de l’embauche, donc une hausse du chômage, des tensions sociales et peut-être des problèmes politiques " déclarait un dirigeant koweïtien. Le Mexique comme l’Algérie ont déjà annoncé des mesures d’austérité pour faire face à cette diminution de leurs rentrées en faisant payer la population.

L’année 97 a été pour les compagnies pétrolières une année excellente. Tant aux Etats-Unis qu’en Europe, leurs profits sont en hausse mais cela ne les empêche pas de réduire leurs investissements pour prévenir un ralentissement plus important de l’activité économique. C’est ainsi que Shell a annoncé qu’elle reportait des projets d’exploration en mer du Nord. Ces profits se réalisent sur le dos des peuples et des populations dont elles diminuent sans cesse les revenus comme elles diminuent leurs propres investissements.

Ainsi se créent les conditions d’une récession généralisée voire d’un krach.