Face à tous les mauvais coups du patronat et du gouvernement, face à la menace de lextrême droite, préparons loffensive du monde du travail
Les chefs des armées et les gros industriels de larmement sont à la fête. En plein accord avec Chirac, Jospin a confirmé que le budget déquipement des armées sera relevé et maintenu à un haut niveau, 85 milliards par an pour les quatre années à venir. Jospin veille au grain, cest-à-dire aux profits de la bourgeoisie française. Il a expliqué que la croissance actuelle permettait de remonter les dépenses darmement de lEtat dont Dassault et compagnie vont profiter. Mais aux chômeurs en lutte pour le relèvement des minima sociaux, Jospin a répondu que la croissance nest pas suffisante pour satisfaire leurs revendications jugées par lui exorbitantes...
Ce gouvernement est au garde-à-vous devant le grand patronat qui lui dicte ses décisions. Le baron Seillière qui dirige le CNPF a révélé la semaine dernière le fond de sa pensée qui est celle de tous les gens de sa classe, celle des gens fortunés : On nous doit tout. Nous navons rien à donner.
Jospin et ses ministres sexécutent. Ils disent amen à tous les plans de licenciements qui touchent à nouveau brutalement une série dentreprises. Ils prennent un ton de commandement patronal pour attaquer tous ceux qui nacceptent pas leur politique servile à légard des riches. Le ministre de lEducation nationale Allègre a reproché aux enseignants de Seine-Saint-Denis de manifester. En fidèle larbin des intérêts de lEtat, il ne veut pas lâcher les postes et les crédits qui permettraient daméliorer la situation dans une banlieue de Paris frappée par le chômage et la misère.
De son côté le ministre de lIntérieur sen est pris à tous ceux qui protestent contre lexpulsion des immigrés sans-papiers vers des pays où règnent le plus souvent une misère effroyable et une dictature sanglante. Et Jospin la soutenu. En des termes dignes de Pasqua ou de Debré, Chevènement a mis en cause les militants dextrême gauche solidaires des sans-papiers, en laissant entendre quils étaient manipulés de létranger. Il a envoyé la police contre eux et contre les passagers qui protestaient contre ces expulsions scandaleuses.
A chaque fois Chevènement et son compère Allègre ont eu le culot daffirmer que ceux qui luttent font le jeu du Front national. Mais ce sont eux, ces ministres sans vergogne, qui font le lit du Front national en tenant des propos réactionnaires et en sen prenant à ceux qui luttent contre les injustices. Ils ne sont pas les seuls. Tout ce gouvernement et tous les politiciens qui le soutiennent contribuent en agissant en faveur des nantis à démoraliser une partie de la population et à dégager un espace de plus en plus grand à lextrême droite.
Il est vrai que depuis quelques jours certains responsables des Verts et du Parti communiste commencent à sinquiéter de la désaffection des travailleurs à légard de la gauche plurielle. Ils ont murmuré contre les propos de Chevènement sans se permettre pour autant de critiquer Jospin qui le soutient. Ces gens-là craignent que la sourde protestation des travailleurs qui sexprime déjà dans divers mouvements et qui sest exprimée à la fois dans labstention et dans le vote pour les listes dextrême gauche, ne finisse par échapper à leur contrôle. Ils craignent à juste titre que lindignation des salariés, des chômeurs et des jeunes ne finisse par aboutir à une mobilisation massive et déterminée, à la fois contre le patronat et contre le gouvernement auquel ils collaborent.
Il serait vain de compter sur aucun dirigeant des partis de gauche pour préparer une telle mobilisation. Ils sont tous trop attachés à leur participation gouvernementale et aux avantages quelle leur procure. Ils sont trop soucieux dapparaître comme des gouvernants sérieux et responsables aux yeux des capitalistes. Même le danger grandissant de lextrême droite ne leur fera pas changer de cap. Ce danger nest pour eux quune occasion pour redorer leur blason auprès de leurs électeurs avec des discours moralisants et des manuvres politiciennes qui ne portent pas à conséquence contre le Front national.
Nous sommes des millions et des millions à être pris dans le carcan du chômage ou dun travail au-dessus de nos forces que nous ne sommes pas sûrs de garder. Le grand patronat dispose aujourdhui des partis de gauche au gouvernement pour nous faire prendre notre sort en patience et pour détourner notre attention de nos intérêts collectifs. Mais il a sous le coude le Front national quil utilisera dans lavenir sans hésitation pour briser tous les moyens de nous défendre dont nous disposons.
Les mesures réelles pour supprimer le danger de lextrême droite et pour supprimer lexploitation et le chômage, seront prises par en bas. Elles seront imposées par le monde du travail déployant toutes ses forces dans les entreprises, dans les quartiers et dans la rue. Mais pour préparer cette offensive, nous devons en discuter et nous unir dans un front des travailleurs socialistes, communistes et révolutionnaires.
Crise
de la droite : Jospin et Chirac rivaux pour jouer les arbitres sur une
scène politique dont le centre de gravité se déplace
vers lextrême droite
La gauche avait annoncé sa victoire aux élections régionales, mais finalement elle ne remporte que 8 régions sur 22. A lissue de ces élections comme de celles des présidents et vice-présidents des conseils régionaux, cest le Front national qui apparaît en position de force, ayant réussi à se faire admettre comme un allié possible par une grande partie des politiciens de droite. Quatre notables de lUDF, élus présidents de région grâce aux voix du Front national, ont refusé de démissionner, comme le leur demandaient les dirigeants de lUDF, et en Haute Normandie, un conseiller régional du Front national a été élu vice-président avec les voix de 18 sur 20 des conseillers régionaux de droite.
Le déplacement à droite de toutes les forces politiques qui défendent lordre établi
Alors que la politique du patronat se fait plus offensive contre les travailleurs, et plus réactionnaire, les appareils de tous les partis politiques qui défendent lordre établi sont amenés à donner un cours plus droitier à leur politique. A gauche, après plus de dix ans dun premier passage au gouvernement dans les années 80, le Parti socialiste a depuis longtemps renoncé à défendre lidée dune transformation de la société qui, aussi timorée fût-elle, figurait dans ses promesses électorales avant 1981. Son langage maintenant na plus rien à envier à celui de la droite. Quant au Parti communiste, engagé dans la mutation prônée par Hue, il ressemble de plus en plus au Parti socialiste.
A droite, si Bayrou et Douste Blazy affirment vouloir créer un parti de centre droit, à la Tony Blair, cest vers lextrême droite que regardent bon nombre de ses dirigeants, qui affirment la nécessité de créer un parti vraiment de droite , capable de concurrencer le Front national sur son terrain, tout en gardant une image respectable. Ce qua aussi affirmé, de son côté, vouloir Mégret qui a déclaré la semaine dernière : Une des voies possibles pour porter le FN au gouvernement est une alliance avec un RPR et UDF rénovés, comme cela sest produit en Italie , où le MSI qui se revendiquait ouvertement du fascisme sest fondu dans lAlliance Nationale avec la droite de Berlusconi.
Le prélude dune crise politique générale, celle de la démocratie parlementaire
Le patronat, les financiers, dont les intérêts seuls déterminent les actes des gouvernements, peuvent de moins en moins saccommoder dune politique fondée sur une collaboration avec les organisations syndicales, qui, aussi respectueuses soient-elles de lordre établi, ont besoin de recevoir de temps à autre du grain à moudre comme disait lancien dirigeant de FO, Bergeron. Ils peuvent de moins en moins tolérer la contestation ouvrière, parce que la marge de manuvre de la bourgeoisie est de plus en plus étroite. Jamais elle na fait autant de profits, jamais les actions nont eu un cours aussi élevé, mais il lui en faut faire davantage sous peine deffondrement de ses spéculations financières et boursières. Il lui faut à toute force aggraver lexploitation, tirer toujours plus de profit du travail des salariés, en licencier encore et augmenter la charge de travail de ceux quelle continue à exploiter. Cette situation entraîne une modification des conditions à travers lesquelles la bourgeoisie peut exercer sa domination. Elle la fait jusquici à travers un régime relativement démocratique, mais il lui faut maintenant un gouvernement fort pesant de tout son poids contre la contestation sociale, contre la pression que peut exercer à travers ses organisations et ses luttes, le monde du travail. Aujourdhui la bourgeoisie peut encore saccommoder de cette gauche plurielle -dautant plus que ses composantes rentrent dans le rang chaque fois quelles font mine de faire quelque incartade par rapport au gouvernement- tant que celle-ci peut encore lui servir à tromper et désarmer les travailleurs. Mais elle préférera un jour sappuyer sur cette droite musclée que veut Mégret, tout en gardant la possibilité dutiliser les commandos anti-ouvriers que lextrême droite mettra à sa disposition.
Chirac et Jospin rivaux pour jouer les arbitres dans un gouvernement fort
Pour lheure, Chirac comme Jospin saffairent autour des institutions, Chirac saisissant loccasion pour tenter de grandir son rôle de président, tandis que Jospin, tout en essayant de garder linitiative, en profite lui, pour chanter la chanson de lunion sacrée autour des valeurs de la République , celles de la bourgeoisie, des patrons. La modernisation de la vie politique quils envisagent, cest, avec entre autres labandon de la proportionnelle dans les rares élections où elle figurait, et un mandat présidentiel de cinq ans, un régime plus présidentiel, où les pouvoirs seront concentrés dans les mains dune solide majorité. Lun et lautre se préparent à être les arbitres des conflits parlementaires, pour tenter de préserver, chacun pour le compte de son propre camp, une stabilité politique contre le monde du travail et ses organisations. Ils prétendront à limpartialité, à la modération, mais leur politique déterminée par la seule rapacité du patronat et des possédants, sera, plus ouvertement encore quaujourdhui, anti-ouvrière, anti-communiste, et ils feront porter les coups non contre lextrême droite mais contre tous les militants, et en particulier ceux dextrême gauche, du monde du travail. Ce régime ne peut faire que le lit du Front national.
Pour la renaissance dun mouvement ouvrier réellement socialiste et communiste
Tandis que tous les appareils politiques glissent vers la droite, le mécontentement samplifie et une contestation sociale et politique commence à se manifester, aussi bien dans les mouvements comme celui des chômeurs, des sans-papiers ou de la Seine-Saint-Denis que dans les résultats obtenus par lextrême gauche. La possibilité de la renaissance dun mouvement ouvrier sattaquant de façon résolue et radicale au capitalisme prend corps. Quil prenne conscience de lui-même et affirme son indépendance à légard du gouvernement et des partis qui le soutiennent, cest le seul rempart contre lextrême droite.
Protestations contre les expulsions des sans-papiers : Chevènement, ta république, elle a surtout la gueule des flics !
Alors que la loi sur limmigration doit être votée en seconde lecture, les protestations nont pas cessé contre la politique dexpulsions de Chevènement. Mercredi, 133 cinéastes, parmi lesquels les principaux animateurs du mouvement de protestation contre la loi Debré, ont réaffirmé dans Le Monde leur opposition aux expulsions dans un appel intitulé Pourquoi un tel acharnement répressif ? dans lequel ils demandent la régularisation massive des sans-papiers. Lundi, Alain Krivine, des députés communistes ou Verts comme Mamère et Cochet, sétaient rendus à Roissy pour protester contre les expulsions et les mesures dintimidation policière qui sont allées crescendo durant la semaine.
Furieux de voir sa politique battue en brèche, Chevènement, après sen être pris aux militants de Jeunes contre le Racisme en Europe dans des termes que nauraient pas désavoués Pasqua ou Marcellin, son prédécesseur des années daprès 68, a menacé de répression les voyageurs qui se solidariseraient des expulsés. Menaces aussitôt mises à exécution : mercredi dernier, les militants qui sadressaient aux voyageurs du vol de Bamako ont été interpellés par les flics et gardés à vue pendant plusieurs heures. Le lendemain, parmi la vingtaine de passagers qui étaient descendus de lavion pour Bamako pour protester contre de nouvelles expulsions, neuf passagers ont été placés en garde à vue pendant plus de six heures. Chevènement a menacé de les faire interdire de séjour dans tous les pays de lespace de Schengen. Désormais les vols dAir France à destination de certains pays dAfrique accueillent des stewards dun genre un peu particulier : des CRS qui menacent les passagers de sanctions sils manifestent la moindre solidarité avec les expulsés.
Le visage de la politique menée par Jospin depuis le débat sur les lois sur la nationalité et limmigration apparaît aujourdhui clairement. En refusant dabroger les lois Pasqua-Debré, Jospin affirmait quil entendait mener la même politique queux. Le refus de régularisation de lensemble des 150 000 sans-papiers qui ont déposé un dossier, aboutit aux mêmes iniquités que lapplication des lois Pasqua-Debré. Le plus parfait cynisme des Maliens expulsés au nom daccords franco-algériens le dispute à larbitraire le plus total : un Malien travaillant dans le Bâtiment depuis 1989 et qui avait présenté un dossier de plus de 103 feuilles de contrats et de fiches de paie, sest vu refuser sa demande de régularisation. Il semble que de tels refus soient devenus la norme au nom dun quota quil ne faudrait pas dépasser. Pour appliquer la politique de Pasqua, il faut aussi employer les mêmes méthodes : la brutalité à légard des expulsés - menottés, la bouche scotchée, certains drogués, liés à leurs fauteuils -, les menaces et la répression à légard de ceux qui dénoncent cette politique.
Cette politique révolte de nombreux jeunes et bien des gens dans le milieu de gauche. Les manifs contre les lois Debré en 97 avaient rassemblé près de 80 000 personnes dont beaucoup, sympathisants ou électeurs des partis de la gauche plurielle , ne sont pas prêts à accepter que la politique quils dénonçaient alors, soit mise en uvre par les partis auxquels ils avaient accordé leur confiance.
Le mécontentement est assez perceptible pour que des députés communistes ou Verts manifestent publiquement leur opposition à cette politique, les députés Verts annonçant quils refuseraient de voter la loi. Tant mieux que le maximum de protestation sexprime et que lopposition aux expulsions soit la plus forte possible. Mais il est cependant difficile de manifester contre le gouvernement tout en continuant à le soutenir. Car la politique du gouvernement Jospin à légard des immigrés nest pas différente de celle quil mène à légard de lensemble des travailleurs. Cest la même politique réactionnaire, le même mépris social qui font dire à Jospin parlant du mouvement des chômeurs quil est contre une société dassistance et pour une société de travail , à Allègre, apostrophant les enseignants de Seine-Saint-Denis, quil est plus difficile de retrousser les manches que de manifester et à Chevènement menaçant ceux qui sopposent aux expulsions, quils sont des fauteurs de trouble à lincivisme fondamental. Cest lensemble de cette politique, qui justifie la servilité envers le patronat et la brutalité à légard des travailleurs par les idées les plus réactionnaires, qui ouvre un boulevard à lextrême droite. Et tous ceux qui ont à cur de défendre les intérêts des travailleurs, ne peuvent que la dénoncer et la combattre.