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Quand Robert Hue voudrait mettre ses relations avec l’extrême gauche au service du gouvernement

 A la fin de la semaine dernière les medias ont fait leurs choux gras des déclarations de Robert Hue en direction de l’extrême gauche. Avant même que le Comité national du PCF ne soit terminé, mais par contre seulement après avoir consulté Jospin et le secrétaire du Parti socialiste Hollande, il a voulu annoncer à la presse un tournant présenté comme stratégique sous le label “ dynamique majoritaire pour le changement ”. Ce revirement impliquerait de la part du PCF qu’il tende la main aux trotskystes parce qu’“ il ne faut laisser personne au bord du chemin ”. On ne sait pas encore de quelle façon les dirigeants du Parti communiste ont l’intention de jouer les sirènes pour tenter d’attirer dans leur orbite les militants d’extrême gauche et les animateurs des luttes des chômeurs ou des sans-papiers.

Mais il est clair que, aussi bien Hue, Gremetz que Hermier réagissent au coup de semonce des résultats des régionales qui s’est traduit par de bons résultats pour les listes d’extrême gauche. Ils ont beau nier que ces listes aient mordu sur l’électorat du PCF, c’est un fait incontestable qui ne manque pas de les inquiéter. Il est également clair que le discrédit qu’entraîne la participation du PCF au gouvernement libère un espace politique sur sa gauche qui est susceptible d’être occupé par l’extrême gauche et de la rendre beaucoup trop influente au sein du monde du travail, au goût de Hue, mais aussi de Jospin. En fait le Parti socialiste ne peut que voir d’un bon œil les efforts du Parti communiste pour essayer de domestiquer une partie de l’extrême gauche et d’avoir une influence sur les acteurs des luttes qui ne sont pas intégrés à la gauche plurielle.

Jusqu'à un certain point le Parti socialiste a intérêt à lâcher la bride à ses partenaires des Verts et du PCF pour qu’ils regagnent de l’influence parmi les travailleurs et les jeunes en apparaissant un peu moins comme des godillots du gouvernement. Ils viennent d’ailleurs de passer aux travaux pratiques en se démarquant des propos de Chevènement sur la nécessité d’expulser les sans-papiers et en envoyant quelques-uns des leurs manifester à leurs côtés. Tout cela ne devrait pas aller au-delà de quelques gestes de mauvaise humeur à l’Assemblée de la part des députés Verts et communistes. Car Dominique Voynet et Robert Hue ont réaffirmé avec force leur attachement à la participation gouvernementale.

Cette solidarité gouvernementale est évidemment incompatible avec l’attachement aux intérêts des travailleurs et des chômeurs puisque Jospin et ses ministres servent avant tout consciencieusement les intérêts du patronat et des milieux d’affaires. Aucune manœuvre, aucune astuce ou fausse audace de langage de la part des dirigeants du PC ne pourra masquer ce fait. Si les travailleurs prenaient au mot Robert Hue et se mettaient à “ secouer le cocotier ” et à empêcher la gauche de “ dormir tranquille ”, c’est lui-même qui tomberait de haut et commencerait à faire des cauchemars.

En tout cas les manœuvres politiciennes de Hue montrent qu’il ne veut pas perdre l’initiative au profit de l’extrême gauche. Il est parfaitement conscient du mécontentement profond qui existe au sein du PC et de son électorat et il préférerait engranger de l’influence et du crédit de toute urgence, quitte à se servir de ses éventuelles relations avec l’extrême gauche avant que ce mécontentement ne se traduise par un séisme politique profond.

Bien involontairement Robert Hue indique dans quelle voie les révolutionnaires doivent s’engager. La sympathie qu’ils ont commencée à gagner auprès d’électeurs et de militants du PC, c’est en s’affirmant totalement indépendants du gouvernement, libres d’exprimer toutes les critiques à son égard et libres de jouer leur rôle jusqu’au bout dans les luttes des travailleurs et des chômeurs. C’est dire à quel point ils n’ont pas à prendre la main que leur tend Robert Hue. Ce serait brouiller les cartes, trahir les aspirations du monde du travail et finalement l’attente profonde de nombreux militants communistes.

Il est fondamental que tous les jeunes, les travailleurs et les militants du PC qui commencent à tourner leur regard vers les révolutionnaires découvrent des militants totalement engagés à leur côté dans les luttes et soucieux de les préparer avec eux dans les meilleures conditions. S’ils ne percevaient qu’un ensemble de groupes dispersés et incapables de s’unir, ne serait-ce que pour engager tous les débats et toutes les collaborations qui sont actuellement possibles, l’extrême gauche se retrouverait dans l’avenir encore plus émiettée, divisée et inopérante. Fort heureusement si les révolutionnaires prennent pleinement conscience des possibilités de la situation actuelle, ils prendront toutes les initiatives nécessaires pour constituer un pôle regroupant non seulement tous les révolutionnaires mais aussi tous les travailleurs socialistes et communistes qui veulent préparer un autre avenir pour le monde du travail et pour toute la société.

Papon condamné n'ira jamais en prison, l'état ne réprime pas les siens même “ criminels de carrière ”

Après six mois d'audience, des milliers de documents étudiés et des centaines de témoignages, le procès Papon s'est conclu par une condamnation pour la forme de l'ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde, condamné pour “ complicité de crimes contre l'humanité ” : dix ans de réclusion criminelle (la moitié de la peine requise) et de privation des droits civiques. Papon sort lavé de “ complicité  d'assassinats ” qui lui étaient reprochés, la justice ne lui reconnaissant pas, - pas plus qu'à Vichy -, de responsabilité directe dans la persécution des juifs et la mise en place de la “ solution finale ”. Pour les parties civiles, dont la détermination et l'obstination ont imposé, après quinze ans de lutte acharnée, ce procès que personne ne voulait, la condamnation de Papon est une victoire, mais pour elles “ la victoire n'est pas complète ” et elles ont d'ores et déjà annoncé que le combat continuait contre un Papon arrogant et méprisant qui, depuis le début du procès, a cherché à échapper à la justice, jouant la provocation en paradant dans les hôtels de luxe de la région en même temps qu'il jouait officiellement les malades pour obtenir sa mise en liberté ; ce qui lui a permis, après le verdict et sa condamnation, de quitter libre le palais de justice et de rentrer chez lui.

Tout au long du procès, Papon a cherché à masquer ses responsabilités par le cynisme et les mensonges, dénonçant “ le faux crime, le faux procès ”. Selon une des parties civiles, il fut“ un homme méprisant, plein de morgue, qui n'a jamais daigné nous regarder une seule seconde ”, ce qui n'est en rien contradictoire avec le fait qu'il soit comme son avocat n'a pas manqué de le présenter, un fonctionnaire “ naturellement gaulliste ”, “ pour qui seul comptait le bien commun ”.

Le fonctionnaire zélé rallié à Vichy et signant sans états d'âme les ordres de déportation, a été transformé, pour les besoins de la défense, en humaniste qui n'aurait eu aucune responsabilité personnelle et n'aurait rien su du sort de ceux qu'il déportait au camp de Drancy, dernière étape avant les camps de la mort ! Son avocat a plaidé pour “ le rouage subalterne dans l'administration vichyste, le fonctionnaire transformé en bouc émissaire des crimes de Vichy ”.

Mais si la responsabilité de Papon est pleinement engagée dans les crimes de Vichy, ce n'est pas parce que Papon était “ un sanguinaire à la volonté haineuse ” mais parce qu'il fut, comme des milliers d'autres fonctionnaires, avec sans doute plus de talent que d'autres, un “ professionnel de l'opportunisme ” selon l'avocat Gérard Boulanger, un carriériste avide de pouvoir. C'est par carriérisme qu'il rallia Vichy en 1940, après avoir commencé sa carrière de haut fonctionnaire d’Etat comme radical-socialiste sous les gouvernements de Front Populaire, puis ensuite toujours par carriérisme et sentant le vent tourner, il donna quelques gages de dernière heure à la résistance, ce qui lui valut d'être le seul préfet ayant servi sous Vichy que De Gaulle maintint à son poste à la Libération, et qu'il servit par la suite les crimes du gaullisme pendant la guerre d’Algérie. Il fut, selon l'avocat Gérard Boulanger, un des innombrables “ meurtriers de cabinet ministériel, tueurs armés de stylos ”, “ complices au travers du crime administratif et du crime de bureau ”. “ Comment des hommes à l'esprit radical-socialiste, ... vont-ils être les fourriers de la déportation ? C'est vrai, il n'y a pas de motivation idéologique. Mais il y a une motivation de carrière, un crime d'intérêt ”, a ajouté Gérard Boulanger.

La soif de pouvoir de Papon et son carriérisme l'ont aidé à traverser tous les régimes, de Vichy à De Gaulle et après, sans états d'âme, au service de l'Etat de la bourgeoisie et de ses crimes contre les travailleurs et les peuples qu'elle exploite et asservit. En menant sa carrière de serviteur zélé de l'Etat, Papon, comme des milliers d'autres hauts fonctionnaires, a participé directement aux crimes d'un Etat de classe qui sert les riches et la propriété privée. C'est pourquoi Papon n'a été condamné que pour la forme, mais c'est l'Etat bourgeois qu'il servait qui est à condamner dans les faits.

Pasqua, Debré, Chevènement, les mêmes préjugés réactionnaires !

 Lors du Conseil des ministres de la semaine dernière, Dominique Voynet a qualifié les déclarations de Chevènement “ d’expressions malheureuses ”. C’est ce qu’on peut appeler un euphémisme ou plus sûrement une fameuse dose d’hypocrisie. Car les propos tenus par Chevènement ne sont pas “ malheureux ”, ils sont franchement réactionnaires. Au point qu’il est bien difficile de les distinguer de ceux de ses prédécesseurs Pasqua et Debré. Jugez-en !

Qui a vitupéré “ les professionnels de la déstabilisation, gauchistes et anarchistes de tout poil et de toutes nationalités ” ? Pasqua en 86 pendant le mouvement lycéen.

Qui s’en est pris “ aux braillards et à la poignée de personnes qui ne peuvent remettre en cause les lois votées par les députés et les sénateurs ” ? Debré en août 86 pendant le mouvement de Saint Bernard.

Qui a vilipendé “ les petits groupes d’extrême gauche, instrumentés par des formations étrangères ” ? Chevènement en avril 98 à propos des protestations contre les expulsions de sans-papiers.

Il y a indiscutablement là une continuité. Sans doute celle de ce que Chevènement et bien d’autres appellent “ les valeurs républicaines ”