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 Carrefour Lormont : toujours en grève et déterminés

 Mardi soir, les 135 grévistes de Carrefour Lormont (banlieue de Bordeaux) en étaient à leur dixième jour de grève pour leurs revendications salariales.

Vendredi dernier, ils ont refusé en bloc la dernière proposition de la direction qui proposait 0,3 % en plus des 0,5 % qui ont déclenché la grève. Quand le patron a voulu quitter les négociations à la DDTE, les grévistes l’en ont empêché. Il est resté sous leur bonne garde plusieurs heures et c’est la police qui est intervenue vers 21 heures.

Samedi, les grévistes ont occupé les deux entrées principales du magasin, faisant signer une pétition aux clients, dont beaucoup manifestaient leur soutien.

Les grilles de salaires et les indices ont été publiés : le salaire d’une caissière à plein temps et avec 24 ans d’ancienneté est de 5700 F nets. Les grévistes exigent leur dû et dénoncent ces salaires minables alors que le groupe a réalisé en 1997, 171 milliards de chiffre d’affaires et un bénéfice net de 3,5 milliards.

Lundi dernier, l’occupation du parking des livraisons a été décidée et des piquets de grève ont été organisés pour empêcher les camions de décharger. Opération réussie car mardi soir, certains rayons (notamment aux produits frais) étaient déjà vides.

La nuit de lundi à mardi a été très éprouvante, sous une pluie battante. Mais les grévistes tiennent bon et la solidarité d’autres travailleurs se manifeste : les chômeurs d’AC ! qui ont retiré la grande tente qu’ils occupaient depuis plus d’une semaine à Bordeaux sont venus l’installer sur le parking, des employés municipaux de Cenon ont amené lundi soir des pizzas, des sandwiches, du café et ont passé une partie de la nuit avec les grévistes.

Sous la tente, on voit aussi passer des syndiqués d’entreprises proches (dont ceux de Flunch Auchan qui avaient fait grève en 95), des travailleurs qui viennent aux nouvelles et apportent un peu d’argent. Des gestes qui font chaud au cœur. Les grévistes se serrent les coudes. Une employée raconte : “ c’est dur, nous sommes fatigués, mais j’ai découvert des solidarités, des amitiés, des liens, que je n’aurais jamais imaginés ”.

De son côté, la direction multiplie les pressions sur eux et sur les non-grévistes. Dix caissières non-grévistes qui ont travaillé dans des conditions impossibles, sont en arrêt maladie cette semaine. Des cadres et des vigiles d’autres Carrefour, comme Toulouse, ont été appelés en renfort. Les délégués du personnel et les délégués syndicaux ont été assignés pour la deuxième fois au Tribunal des Référés, et les piquets de grève sont sous la surveillance de la police. Les grévistes s’apprêtaient mardi soir à passer une deuxième nuit très difficile et étaient vigilants car ils craignaient particulièrement une intervention de la maîtrise pour imposer le passage des camions dans la nuit.

“ C’est le patron qui nous a poussé à faire grève. C’est à cause de lui qu’on en est là. Maintenant c’est lui qui doit payer ” déclarent les grévistes bien décidés à ne pas se laisser intimider.

Leroy-Somer Angoulême : temps de travail effectif et arnaque patronale bien réelle

 Dernièrement, la direction de la fonderie a dû rendre à des travailleurs des repos compensateurs qu’elle leur devait depuis des années. C’était la fin d’une arnaque qui durait depuis 1993 : sous prétexte en effet que la loi Balladur permettait de faire récupérer les heures supplémentaires plutôt que de les payer, la direction, tout à fait illégalement, ne donnait plus les repos compensateurs dus au delà de la 42ème heure par semaine. En 4 ans, elle avait ainsi fait faire des milliers d’heures supplémentaires non payées et “ oublié ” les quelque 3 000 heures de repos compensateurs qu’elle devait !

Ce rattrapage qu’elle a dû faire contrainte et forcée, elle ne le digérait pas et elle a utilisé la loi sur le “ travail effectif ” pour, à partir de maintenant, nous en donner le moins possible. En effet, manifestement, ce rattrapage a été calculé sur la base de 39 heures par semaine. Et c’est ce que ne veut plus la direction.

Ainsi les factionnaires ont eu une grosse surprise lors de la distribution, dans le courant de mars, du relevé individuel de leurs heures de travail de février : alors que nous faisons chaque jour 7 heures 48 minutes, il n’était plus noté que 7 heures 18 minutes. La demi-heure disparue correspondait au temps de repas, payé mais non travaillé. Il s’agissait pour la direction de faire apparaître non plus le temps de travail légalement payé, c’est-à-dire 7 heures 48 minutes par jour et 39 heures par semaine, mais le temps de “ travail effectif ” (la demi-heure de repas en moins, payée mais non travaillée) 7 heures 18 minutes et 36 heures 30 par semaine.

Dans le premier cas, le repos compensateur (50 % du temps au-delà de la 42ème heure) est alors de 2 heures 25 minutes par samedi travaillé. Calculé par contre sur la base du temps de travail effectif (comme le permet d’ailleurs d’ores et déjà la loi) ce repos n’est plus que de... 54 minutes par samedi ! On voit donc tout l’intérêt pour les patrons de faire apparaître le “ temps de travail effectif ” pour le calcul des repos compensateurs et... pour le calcul du temps de travail tout court dans l’avenir immédiat !

Il n’était pas question pour nous travailleurs d’accepter une telle modification dont la direction s’était bien gardée de nous avertir. Devant le mécontentement, elle s’est empressée de parler “ d’erreur ” et a refait les feuilles d’heures comme avant. Nous voilà en tout cas prévenus que le patron ne reculera devant aucune manœuvre pour nous arnaquer !

CHR de Bordeaux : les 35 heures... pas pour demain !

A l’initiative de la CGT, une enquête a été lancée sur l'Hôpital-Sud au sujet de la réduction du temps de travail. Des réunions par bâtiment étaient également organisées.

L'enquête n'a pas rencontré beaucoup de succès, et les réunions, selon les bâtiments, ont réuni entre 2, 10, 28 et 34 employés. Mais le problème qui est vite apparu, c'est que la réduction du temps de travail n'est pas crédible pour la plupart et qu'une réelle méfiance s'exprime vis-à-vis de la loi Aubry et de la politique du gouvernement.

Certains collègues ont rappelé le passage à 39 heures, en 82, qui s'était effectué sans aucune embauche ; ou, plus récemment, pour les filles de nuit, le passage aux 35 heures là encore fait avec très peu de remplaçants.

Mais ce qui ressortait de toutes les discussions, c'est bien la dénonciation de la dégradation des conditions de travail et de soins.

D'un côté la direction ferme des lits partout et les services sont archi-pleins (des malades attendant sur une chaise qu'un lit se libère) de l'autre, des effectifs en nombre de plus en plus réduit, des congés et des absences jamais remplacés.

Pas étonnant dans ces conditions que des collègues, sous la menace disciplinaire d'abandon de poste, se voient obligés de doubler leur journée, c'est-à-dire travaillent jusqu'à 18 heures 15 de rang. On est loin de la réduction du temps de travail !

Ce qui est ressorti également, c'est qu'il va falloir rester en contact, s'organiser pour riposter et, pour cela, en convaincre nos camarades autour de nous.

Cognac Hennessy (groupe LVMH) : les salaires c’est pas du luxe !

 Les “ Cognacs Hennessy ” emploient environ 700 personnes dont 250 travaillent dans les chais et à l’embouteillage à Cognac. Hennessy fait partie du groupe de produits de luxe LVMH (bagages de luxe, champagne, cognac) qui a fait en 1997 4,5 milliards de francs de bénéfices, soit +23 % par rapport à 1996 ! Seule ombre au tableau, les bénéfices liés au “ cognac et spiritueux ” sont en baisse de 13 %, mais représentent quand même la somme confortable de 1,35 milliard de francs. Pas de quoi pleurer misère pour les actionnaires dont les dividendes ont augmenté de 9,94 % en 1996.

Pourtant, au moment des négociations salariales du mois dernier, la direction a proposé une revalorisation pour 1998 de... 1 % au 1er avril. Celle-ci ne sera pas rétroactive au 1er février comme c’était le cas d’habitude, c’est-à-dire que le patron récupère deux mois d’augmentation qu’il ne versera pas. Il y aura aussi 0,5 % pour les augmentations individuelles, soit 0,1 % pour les promotions et 0,4 % pour le “ mérite ”. Autant dire que ça ne fait pas le compte.

Les syndicats se disent en “ désaccord sur l’augmentation et la date d’application ”. La CGT revendique cette année 200 francs de plus pour tous alors que l’an dernier nous avions débrayé contre la remise en cause des primes d’intéressement et de participation, et pour exiger 500 francs d’augmentation.

Mauvais coup supplémentaire, la direction prétend serrer la vis et annonce dans sa revue “ Le flash ” qu’elle fera procéder ponctuellement à des contre-visites médicales pour certains arrêts maladie qu’elle juge “ abusifs ”.

Pour tous les travailleurs, le mécontentement est bien réel et personne ne se sent beaucoup “ motivé ” pour travailler dans ces conditions.

CGT : la loi Aubry a du mal à passer

 Mardi 7 avril, nous étions près de 100 militants le matin et une cinquantaine l'après-midi, de la plupart des syndicats CGT de la Gironde, réunis pour discuter des 35 heures et des problèmes d'organisation.

Les responsables de l'Union départementale, présentant la loi de Martine Aubry, ont tenté de convaincre une salle assez réticente que cette loi de réduction du temps de travail, malgré ses insuffisances, est un cadre positif dont il faut savoir s'emparer.

Mais plusieurs militants ont tenu à exprimer des réserves, et même leur désapprobation, sur un texte qui est, en fait, favorable au patronat. Certains racontant la dégradation des conditions de travail dans leur entreprise.

Les responsables du syndicat, jugeant certaines de ces interventions pas assez positives, ont tenté à plusieurs reprises de ramener la discussion sur les problèmes de l'organisation du syndicat. Mais, en fait, toute la journée les discussions sont restées centrées sur ces problèmes des conditions de travail.

Pour notre part, nous avons rappelé que cette loi est entièrement faite pour les patrons, et donc contre nous. Nous avons aussi montré à quel point ce gouvernement de la “ gauche plurielle ” révèle par tous ses gestes qu'il a choisi son camp : celui des riches et des patrons. Et que, face à cela, il faut donc choisir. Car, pour se préparer à la lutte, il faut clairement savoir où est notre camp.

Ralston-Caudebec : la mobilisation contre les licenciements

 334 licenciements ont été annoncés à Ralston. Selon le plan prévu par la direction, il ne resterait plus, en octobre prochain, que 205 salariés sur les 539 actuels, et en comptant les 40 salariés transférés de Martot dans l’Eure sur le site de Caudebec. Sur les 205 salariés, une cinquantaine seraient “ cédés ” à une entreprise dite de logistique et de ce fait perdraient leur statut Ralston, la convention collective, peut-être avec diminution de salaire. Ralston nous dit à propos de ce plan de 334 licenciements qu’une centaine de salariés bénéficieraient de mesures d’âge. Cela veut dire que les pouvoirs publics, donc les contribuables, financeront une nouvelle fois les profits capitalistes.  Le  patron prétend qu’en nommant ce qu’il appelle une cellule de reclassement, les 230 salariés restants seront recasés. Nous savons tous ce que sont ces officines de reclassement. A Caudebec en 1989, personne n’a été recasé par elles.

Ralston, qui est le premier fabricant de piles électriques au monde, a fermé depuis 1989 (date à laquelle Tapie et Bouygues ont revendu l’usine) : Vernon en 1992 (200 licenciements), Louviers en 1994 (200 licenciements), et aujourd’hui veut liquider Caudebec. Ces fermetures s’ajoutent aux usines rayées de la carte en Espagne, au Portugal, en Turquie, en Angleterre, aux États-Unis, en Australie. Par contre, pour le patron, tout va bien : le P. D. G. de la multinationale Ralston Purina gagne en une année le salaire moyen de 1290 salariés de l’usine de Caudebec.

Mais ça la direction ne s’en vante pas et d’ailleurs elle maquille ou cache tous les résultats de l’entreprise. 100 % de la production de piles électriques faite à Caudebec est vendue au prix coûtant de fabrication à une société suisse qui dépend du groupe et qui, elle, les revend en prenant sa marge au passage, et ce, dans toute l’Europe.

Alors il est normal que nous exigions et obtenions l’ouverture des livres de compte de la société Ralston Europe et la levée des secrets bancaires des comptes de l’entreprise et de nos dirigeants.

Les syndicats ont appelé tous les travailleurs à une manifestation le samedi 4 avril à Elbeuf, par un tract voté en assemblée générale. Cette manifestation a déjà été un premier moment fort. Elle a apporté la preuve qu’en une semaine les salariés ont su se mobiliser.

Il y avait 700 personnes. Les salariés se sont regroupés devant la boite, et sont venus en cortège devant la mairie où les attendait un autre cortège, composé des salariés d’autres entreprises (Conté, Aérazur, ISOR, l'entreprise de nettoyage de Ralston), des chômeurs de l’ADEBE et des élus locaux. C’est sans aucun doute une des plus grosses manifestations qui ait jamais eu lieu à Elbeuf. Les autocollants exigeaient “ l’interdiction des licenciements ”. Sur des pancartes, on lisait “ Exproprions les patrons qui licencient ” et les slogans les plus repris par l’ensemble de la manifestation étaient : “ Energizer, l’usine qui produit des chômeurs ”, “ Licencions les licencieurs ”, “ Actifs-chômeurs même combat ”. “ L’Internationale ” a été chantée plusieurs fois, ce qui a fait fuir un bon nombre d’élus locaux. Tout le monde était d’accord pour dire que cette manifestation était un bon début.

Lundi 6, les syndicats ont été reçus par le député de la circonscription, Fabius. Il a clairement dit qu’il ne pouvait rien faire contre les licenciements et il a essayé de rattraper le coup en ajoutant : “ J’ai bien été contacté par votre patron, mais j’ai refusé de le rencontrer, parce que je ne voulais pas laisser entendre que je négociais quelque chose dans votre dos. ” Mais le plus révoltant a été de l’entendre discuter avec le délégué CFDT sur la nécessité de mettre en place une cellule de crise pour bien réaliser les reclassements. Bref, pour eux, les travailleurs étaient déjà licenciés ! De toute façon il n’y avait pas de quoi être découragés car il n’y avait vraiment pas grand-chose à attendre de Fabius !

Mardi 7, les camarades de l’ADEBE sont venus devant les portes de l’usine pour diffuser un tract de soutien (“ Nous ne voulons pas que les salariés de Ralston viennent grossir nos rangs. ”). Ils étaient accompagnés par le Comité C. G. T. de lutte contre le chômage de Louviers, des salariés d’Aérazur et de Polygram à Louviers. Une ouvrière de Ralston, qui avait déjà connu les licenciements à Louviers, était contente de voir ce soutien extérieur, qu’elle n’avait pas rencontré lors de la fermeture de Ralston-Louviers. Et c’est vrai que c’est ainsi, tous ensemble, que nous trouverons la force pour contraindre les patrons à faire eux-mêmes les sacrifices.