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Derrière la stabilisation du chômage, l’augmentation de la précarité, de l’intérim et de la pauvreté

 Depuis quelques semaines, journaux et médias, ne cessent de claironner que la croissance est revenue, que l’économie est désormais engagée dans un “ cercle vertueux ”. Les prévisions de l’INSEE pour 98 annoncent que la croissance en six mois sera supérieure à ce qu’elle fut pour l’ensemble de l’année 97 et qu’il y aura presque autant d’embauches durant le premier semestre 98 que dans toute l’année passée. On nous refait le sempiternel coup de la “ sortie du tunnel ”. Bien sûr, le “ tunnel ” s’est allongé au fil des années et l’OFCE, un organisme économique officiel, annonce que le taux de chômage passerait sous la barre des 10 % en … 2005. Mais si les prévisions sont prudentes, le message est toujours le même : il ne faut pas “ casser la croissance ” et si les travailleurs prennent leur mal en patience, leur sort s’améliorera…un peu.

Evidemment, pour justifier une telle conclusion, il faut malmener la réalité et les chiffres. Ainsi, les statistiques du chômage pour février annoncent une baisse de 0,2 % des demandeurs d’emploi. Mais ce mode de calcul exclue les chômeurs ayant exercé une activité réduite de plus de 78 heures dans le mois. Si l’on tient compte de ce critère, on ne constate plus une baisse, mais une hausse du nombre de chômeurs de 0,3 %. En fait, non seulement le chômage ne diminue pas, mais il s’aggrave : les chômeurs de longue durée représentent désormais 37,9 % de l’ensemble des chômeurs, soit 5,9 % de plus en un an.

Le chômage baisse veut-on nous faire croire, mais la précarité et la flexibilité se développent. Sur les 140 000 emplois créés l’an dernier, les deux tiers étaient des emplois en intérim. Les missions en intérim occupaient fin février, 409 763 salariés soit 42,8 % de plus en un an. Ce sont les jeunes qui sont les premières victimes de cette dégradation : les formes d’emploi précaires représentent 41 % de l’emploi des jeunes contre 8 % pour l’ensemble des salariés qui ont un travail.

Dans l’industrie automobile, le nombre d’intérimaires a augmenté de 90 % en un an. Le recours à une main d’œuvre précaire, jeune, diplômée, payée au SMIC, est devenu permanent : les équipementiers emploient jusqu’à 50 % d’intérimaires et les constructeurs, 15 %. L’extension de l’intérim, notamment dans l’industrie et le Bâtiment, est telle que Manpower et Adecco sont désormais les premiers employeurs privés en France (400 000 salariés chacun), et emploient plus de personnel que la Poste (310 000 salariés) ou la Compagnie Générale des Eaux (223 000 salariés).

Ce développement de l’intérim se traduit par un renforcement de l’exploitation. Non seulement, les intérimaires sont taillables et corvéables - une mission sur cinq ne dure qu’une journée, 60 % moins d’une semaine - mais il sont contraints de travailler dans des conditions dangereuses. La CNAM fait ainsi du travail intérimaire le deuxième secteur pour les accidents de travail après le Bâtiment : en moyenne, les intérimaires sont deux fois plus accidentés et deux fois plus gravement que les salariés permanents.

Jusqu’alors, c’était le chômage qui était la première cause de pauvreté, mais la dégradation du pouvoir d’achat, conséquence de la précarité, est telle que désormais de plus en plus de salariés sont considérés comme pauvres. Lorsque l’INSEE a publié son dernier rapport sur la pauvreté, beaucoup de salariés se sont fait la réflexion …qu’ils étaient pauvres. Selon les critères de pauvreté définis par l’INSEE, le SMIC permet de dépasser le seuil de pauvreté si l’on est seul, mais un couple dont un des deux conjoints est sans ressource, est au-dessous du seuil de pauvreté. Et pour un couple avec deux enfants, le seuil de pauvreté est de 7900 F par mois. Combien de salariés embauchés en CDI se retrouvent dans ce cas. L’écart entre les chômeurs pauvres et les travailleurs pauvres ne cesse de se réduire.

Ni les mensonges officiels, ni les déclarations gouvernementales ne peuvent cacher cette réalité : la situation du monde de travail se dégrade face aux attaques des patrons qui n’ont d’autre recours dans leur course folle au profit que de renforcer l’exploitation et de semer encore plus de misère..

63 mineurs tués dans un accident en Ukraine : une catastrophe qui a des causes sociales

63 mineurs sont morts dans l’accident survenu dans une mine en Ukraine samedi dernier. 71 autres sont gravement blessés, dont 15 dans un état très critique. L’explosion - un coup de grisou - s’est produite alors que plus de 600 mineurs étaient au fond, au moment du changement d’équipe. Une demi-heure auparavant, l’alarme signalant une trop grande concentration de méthane s’était déclenchée, mais aucun ordre n’a été donné, ni pour faire remonter ceux qui étaient au fond, ni pour retenir ceux qui descendaient relayer leurs camarades. Beaucoup sont morts asphyxiés parce que leurs appareils respiratoires individuels ne fonctionnaient pas.

Depuis 1990, plus de 2500 mineurs sont morts dans les mines ukrainiennes, soit près d’un par jour, et il y a chaque année plusieurs milliers de blessés. Les accidents sont dus la plupart du temps au manque d’entretien des galeries et du matériel, qui provoque éboulements et pannes d’ascenseurs ou de ventilateurs. L’Etat ukrainien, maintenant comme en Russie, au service des entrepreneurs capitalistes, des banquiers et des financiers du FMI, consacre toujours moins de moyens pour cette branche peu rentable de l’économie. “ Le budget 1998 ”, a déclaré le ministre de l’industrie charbonnière, “ ne couvre que 30 % des besoins ”. Les mineurs, qui gagnent 200 dollars par mois, viennent tout juste de toucher une partie de leur paye de novembre, et en décembre dernier, ils étaient plus de 15 000 à faire grève pour réclamer leurs arriérés de salaires.

Craignant une explosion de colère, le gouvernement a décrété un deuil national de deux jours, envoyé plusieurs ministres qui ont répandu des larmes hypocrites, et promis une indemnité de 15 000 à 35 000 dollars aux familles des victimes. Le ministre de l’industrie du charbon s’est même indigné : “C’est scandaleux. Il faut prendre des mesures pour améliorer la sécurité dans les mines ”. Ne pouvant cacher cependant son cynisme, il a déclaré : “ Les mineurs sont courageux”. Certes mais il n’ont surtout pas d’autre choix possible. Les ministres ont été pris à partie par les mineurs et leurs familles. “ Au nom de quoi ces gens périssent-ils, si leur salaire n’a pas été payé depuis sept mois, si je ne peux pas acheter du pain à mon enfant ? ” a lancé au premier ministre une femme qui a perdu son mari dans l’accident. Aux journalistes, ils ont dit leur désespoir et leur révolte : “ Avant 1991, les mineurs emmenaient un véritable repas au travail. Maintenant bien peu peuvent se le payer. Un homme avec une pomme de terre, un oignon et une tranche de pain, est considéré comme riche, et normalement, il partage avec les autres ”, dit un mineur rescapé de la catastrophe, et lorsqu’un camarade de travail déclare : “ c’est tout le système qu’il faut accuser ”, il ajoute : “ le patron n’a pas faim, il a toujours quelque chose à manger. ”

Vivendi… per profitum

 La Compagnie Générale des Eaux a changé de nom la semaine dernière, en annonçant sa fusion avec le groupe de communication et de publicité Havas : CGE-Havas devient donc Vivendi.

Pour faire connaître ce changement et le nouveau logo, dans un environnement capitaliste où chaque jour est marqué par les fusions et les rachats qui concentrent des entreprises de tous secteurs, entre des mains de moins en moins nombreuses, la CGE a commandé une campagne de pub de 400 millions à… Havas. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Parions que la campagne sera diffusée par les moyens de communication de Vivendi. Canal +, la chaîne télé soi-disant impertinente, “ L’Express ”, “ Le Point ”, “ Courrier International ”, “ L’Expansion ” et bien d’autres médias propriétés du groupe ne manqueront pas de flatter l’image de leur véritable patron, tout en se vantant de leur indépendance.

Le secteur de la communication (télé, presse, édition, pub et télécommunications) représente aujourd’hui 25 % du chiffre d’affaires du groupe, le reste étant composé d’entreprises de transports, de BTP, d’énergie, et bien sûr de traitement des eaux, la vache à lait de Vivendi qui en se partageant le marché des villes françaises avec la Lyonnaise et Bouygues, avant de s’attaquer aux marchés du Tiers -Monde, a fait exploser le prix de l’eau.

La fusion en tout cas a produit son effet, pas seulement médiatique, puisque le cours de l’action CGE a monté le jour même de 8,6 %, la plus forte hausse pour ce titre depuis 10 ans. Quelques jours auparavant, le PDG annonçait les profits de 1997 : 5,4 milliards pour la CGE, et 1,4 pour Havas. Les actionnaires peuvent être satisfaits : le dividende versé pour chaque action augmente de 25 %, passant de 12 à 15 F, soit une distribution de 2 milliards de francs… pris évidemment sur le travail des salariés du groupe.

Les arrêtés d’expulsion contre deux réfugiés politiques iraniens sont abrogés

 Ces arrêtés absolument iniques qui privaient depuis sept ans deux militants de la région de Rouen, Djaber Kalibi et Azita Monachipour, du droit à un titre de séjour et par conséquent du droit de travailler, ont enfin été abrogés.

En 1990, à leur libération après la prison pour action contre le régime de Khomeiny, le ministre de l’Intérieur de l’époque, le socialiste Pierre Joxe, avait prononcé des arrêtés d’expulsion à leur encontre. Depuis, en dépit du jugement du 11/12/91 de la Cour de Cassation qui les avait déclarés illégaux, ces arrêtés avaient quand même été maintenus par tous les ministres de l’Intérieur successifs, quelle que soit leur étiquette politique.

Aujourd’hui, au bout de tant d’années, cette injustice prend fin. C’est le résultat de la ténacité, de la combativité de ces deux réfugiés politiques ainsi que celle des militants et associations qui les ont soutenus.

Ils ne sont bien sûr pas au bout de leur peine. Maintenant, il va leur falloir faire toutes les démarches pour obtenir la carte de résident de dix ans. Il faut repartir à zéro : visite médicale, papiers à fournir, passer d’un bureau à l’autre, d’un guichet à l’autre qui ne dit pas la même chose, faire face aux tracasseries d’une administration peu encline en ce moment à faciliter les choses aux étrangers.

Mais pour eux, un grand pas est franchi. Savoir qu’on va pouvoir vivre au grand jour, avec des papiers en poche sans une menace perpétuelle d’expulsion cela change la vie. Bien des travailleurs immigrés qui se battent actuellement pour obtenir ces droits élémentaires savent qu’il s’agit parfois d’une question de vie ou de mort.

Lycée Brémontier : halte à la dégradation de nos conditions d’étude

 Nous sommes élèves du lycée Brémontier, à Bordeaux, qui comprend une partie professionnelle et une partie technique. C’est un établissement en accroissement constant qui compte à l’heure actuelle 1800 élèves, et chaque année, du fait de l’augmentation des effectifs, le manque de personnel se fait sentir plus aigu. Tous les agents ont une charge écrasante de travail, en particulier ceux chargés du nettoyage, et pourtant 5 contrats CES n’ont pas été renouvelés, deux mois après la rentrée. Dans la section scientifique , nous sommes tous gênés par le manque d’hygiène (il y a ainsi une classe qui n’a pas été nettoyée depuis 12 jours), mais aussi le manque de matériel de laboratoire. Ce genre de problème existe aussi pour les classes de compta chez qui les ordinateurs n’arrêtent pas de tomber en panne, ou dans les ateliers d’habillement où il y a eu cinq coupures de courant dans une même journée à cause de la vétusté de l’installation électrique.

Jeudi 26 mars, une délégation composée de professeurs, de parents et d’un élève, tous élus du Conseil d’administration du lycée, menait des négociations avec l’Inspection académique. Le résultat nous a été annoncé le vendredi 27 : promesse d’examen de dossier pour la rentrée 98 et un poste temporaire au secrétariat pour la durée des inscriptions, pendant les mois d’été.

Décidément, on se moquait de nous : la colère a éclaté. Nous nous sommes retrouvés, BEP ICB (viticulture œnologie), CAP ETL (employés de laboratoire) et BAC PRO BIO (bio-industrie), à une soixantaine, sous le préau principal pour soutenir, par notre mobilisation, nos profs qui étaient en train de se réunir. Nous avons écrit une lettre au proviseur, lui demandant de se débrouiller comme il voudrait mais de satisfaire nos revendications d’embauches et de crédits pour le matériel. La lettre a été remise par les délégués de classe qui ont fait le tour du bâtiment science pour en faire constater l’état. Le nettoyage des classes a été promis pour dans les deux semaines à venir mais cela ne veut pas dire leur entretien régulier.

Nous sommes restés à occuper une partie de l’après-midi et pour quelques-uns jusqu’à la fin des cours à 17 heures, pour montrer qu’on n’entendait pas se laisser désarmer par de simples promesses.