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La pilule contre l'impuissance sexuelle : c'est la société qui est malade

Aux Etats-Unis, la commercialisation, depuis le 27 mars, d'un nouveau médicament nommé Viagra - appelé ainsi pour évoquer les mots vigueur et Niagara (fantasme quand tu nous tiens...)- permettant de traiter l'impuissance masculine connaît un très large succès. Délivré sur prescription médicale, ce sont 150 000 ordonnances qui seraient faites chaque jour. Au départ, le laboratoire Pfizer voulait commercialiser un médicament traitant les insuffisances cardiaques. Il s'est avéré que si cette molécule n'était pas très efficace pour cette indication, elle agit par contre en augmentant l'effet d'un médiateur chimique qui provoque une érection une heure après la prise de la “ petite pilule bleue ”, à la condition qu'il y ait une stimulation sexuelle.

Les profits s'annoncent énormes pour l'industrie pharmaceutique car en terme de marché, il y aurait 30 à 50 millions d'Américains qui pourraient être consommateurs. Le cours des actions du laboratoire Pfizer est passé de 30 dollars avant la sortie du Viagra à 113 après. Et des laboratoires pharmaceutiques étudient une nouvelle version qui pourrait provoquer les mêmes effets seulement quelques minutes après la prise du produit. D'ores et déjà, les sociétés d'assurances privées viennent d'arrêter le remboursement de ce médicament. L'une d'elle, la Merck and Co a annoncé que, pour sa part, elle rembourserait 12 pilules de Viagra par mois pour “ éviter les abus d'usage du produit ”. En France, le médicament devrait être disponible à l'automne prochain à un prix élevé, selon l'Agence du médicament, pour dissuader les “ abus ” et il n'est pas tranché encore s'il sera ou pas remboursé.

Le débat qui s'est ouvert sur les possibles dérapages de consommation du Viagra est franchement hypocrite : qui pourrait croire que la vente du produit se limiterait aux seules indications médicales d'impuissance, au demeurant aux contours assez flous et surtout qui pourrait croire que les laboratoires Pfizer espéraient autre chose que des ventes stimulées par les fantasmes sexuels. Les relations sexuelles n'échappent pas à la société d'oppression qui, reposant sur les rapports marchands et de concurrence, pervertit les relations entre hommes et femmes, enfermant les uns et les autres dans des relations de concurrence, voulant leur imposer des rôles de rivalité où les hommes devraient faire des prouesses sexuelles pour impressionner leurs partenaires. La possibilité d'avoir des relations pleinement humaines, c'est-à-dire délivrées de tout sentiment de possession, de propriété, de droit sur l'autre et de tous les fantasmes qui en sont la conséquence, ne pourront s'épanouir que dans une société où chacun sera un être humain à part entière, participant pleinement et consciemment à la vie sociale. Sans panne ni petite pilule bleue...

Citation : Karl Marx, Le dix huit brumaire de Napoléon Bonaparte  

“ Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de leur propre mouvement, ni dans des conditions choisies par eux seuls, mais bien dans les conditions qu'ils trouvent directement et qui leur sont données et transmises. La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c'est précisément à ces époques de crises révolutionnaires qu'ils appellent craintivement les esprits du passé à leur rescousse, qu'ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d'ordre, leurs costumes, pour jouer une nouvelle scène de l'Histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage d'emprunt... C'est ainsi que le débutant, qui a appris une nouvelle langue la retraduit toujours dans sa langue maternelle, mais il ne se sera approprié l'esprit de cette nouvelle langue et ne sera en mesure de s'en servir pour créer librement que lorsqu'il saura se mouvoir dans celle-ci sans réminiscence, en oubliant en elle sa langue d'origine... ”

L’abolition de l’esclavage, ce sont les révoltes et les révolutions qui l’ont imposée

Chirac, Jospin, Fabius et autres politiciens ont voulu utiliser la commémoration de l’abolition de l’esclavage par la France par le décret du 27 avril 1848 pour se donner des allures de combattants de la liberté, ce qui nécessitait de faire de ce combat une bien petite affaire. Pour les besoins de leur cause, ces politiciens en mal de grandeur ont tenté de réduire l’abolition de l’esclavage à un épisode parlementaire, résultat d’une prise de conscience humanitaire des bourgeois républicains de l’époque, dont ils se voudraient les héritiers.

Ils usurpent les luttes victorieuses du passé, et ce faisant, effacent de l’histoire et des combats pour le progrès l’acteur principal, les masses opprimées.

Durant toute la période de l’esclavagisme, les Noirs n’ont jamais cessé de se révolter, sur les bateaux, comme on peut le voir dans le film Amistad, et dans les plantations.

La plus importante de ces révoltes fut celle des esclaves de l’Ile de Saint-Domingue. Dans le climat de la Révolution, en 1791, 600 000 Noirs s’emparaient des idées démocratiques des paysans et des sans-culottes et constituaient une armée révolutionnaire dirigée par Toussaint-Louverture. Ils imposèrent une première abolition de l’esclavage en 1794, pas réellement appliquée. Bonaparte réinstaura officiellement la traite dès 1802, sans réussir à mater les anciens esclaves qui proclamèrent l’indépendance de leur île, Haïti, en 1804.

Par leurs luttes, les esclaves ont suscité la solidarité de la jeune classe salariée qui se développait en Europe. En 1844, des ouvriers parisiens prenaient l’initiative d’une pétition pour l’abolition de l’esclavage et recueillaient 7000 signatures ouvrières et 11 000 en 1847.

De son côté, la jeunesse républicaine avec des hommes comme Schœlcher menait une campagne anti-esclavagiste qui était l’expression des intérêts de la bourgeoisie industrielle. Celle-ci, en concurrence avec l’aristocratie financière et les grands propriétaires terriens, était en train d’imposer sa domination économique… et son besoin irrépressible d’une main d’œuvre libre de vendre sa force de travail ; le salariat devenait le mode d’exploitation dominant de la bourgeoisie moderne. En même temps, cette fraction de la bourgeoisie comprenait que seule l’abolition de l’esclavage pouvait éviter une révolte généralisée des colonies.

Mais elle était bien incapable de mener la lutte pour imposer ses intérêts aux propriétaires fonciers, auxquels elle était unie par la crainte commune de la révolte des opprimés. C’est l’intervention des ouvriers parisiens sur le terrain politique, au cours de la Révolution de 1848, qui a imposé les réformes démocratiques et permis à la bourgeoisie industrielle de se débarrasser de la monarchie, de saper le pouvoir tout-puissant des propriétaires fonciers, et d’éliminer la concurrence du travail servile.

Les craintes de la bourgeoisie s’expliquent du simple fait que les économies capitalistes européennes et américaines se sont construites sur l’accumulation de richesses produites par le travail forcé des Noirs africains.

15 millions d’entre eux ( peut-être bien plus, les chiffres exacts sont impossible à connaître) ont été réduits en esclavage entre le 17ème et le 19ème siècle, dont 1 million 700 000 pour les seules Antilles françaises, et près de 2 millions d’entre eux sont morts durant les traversées. Toutes les fortunes bourgeoises européennes avaient des intérêts placés dans les compagnies maritimes qui pratiquaient le commerce triangulaire. Des villes comme Nantes, La Rochelle, Bordeaux ont fait leur fortune de ce trafic d’hommes. Les rues et les quartiers de Bordeaux portent les noms des plus importants négriers, Saige, Balguerie, Gradis, Féger, Gassies, mais les hôtels particuliers ne laissent pas deviner l’origine de leur richesse.

Suite à l’abolition de l’esclavage, le développement de la colonisation va remplacer le trafic d’esclaves. Après avoir déporté les hommes, désormais la bourgeoisie pille les richesses naturelles, imposant des conditions de travail peu différentes de l’esclavage. C’est la phase de développement impérialiste du capitalisme qui soumettra également l’Asie et l’Amérique du Sud au même régime que l’Afrique.

En soutenant en Afrique des trusts comme Elf, en trempant, aux côtés de dictateurs corrompus dans de véritables génocides, en expulsant les “ sans-papiers ”, les politiciens de la bourgeoisie nous montrent au service de quels “ idéaux ” ils sont vraiment : ceux des parasites du travail humain, dans la lignée des trafiquants d’esclaves. L’esclavage, ou le “ travail forcé ” comme on dit n’a jamais été aboli dans les faits, comme en témoignent les enquêtes récentes sur “ l’esclavage moderne ”. C’est ce que vivent l’immense majorité de la population pauvre des anciennes colonies du Tiers-Monde et les millions de travailleurs immigrés clandestins d’Europe ou des Etats-Unis.

La très réactionnaire Société des Nations définissait ainsi l’esclavage dans sa Convention de 1926 : “L’esclavage est l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux. ” Le capital tout en transformant ce droit de propriété l’a étendu à des masses d’hommes toujours plus nombreuses. Ce sont ces masses opprimées qui bâtiront le progrès comme elles l’ont toujours fait. C’est elles que craignent les politiciens.

Les propositions d’Allègre ne satisfont pas les grévistes de Seine-Saint-Denis

Mardi 5 mai c’est l’ensemble des enseignants d’Ile de France qui étaient appelés à la grève en soutien au mouvement du 93. Selon le SNES il y a eu près de 30 % de grévistes dans la région parisienne, et près de 60 % en Seine-Saint-Denis même. Ces pourcentages sont considérables étant donné le matraquage gouvernemental sur le thème “ la grève est finie, le 93 a gagné ” depuis les mesures annoncées par Allègre, mais aussi le peu d’enthousiasme des organisations syndicales majoritaires qui se sont souvent contentées de signer l’appel à la grève. Dans certains établissements les appels à la grève sont arrivés le matin même ! La manifestation a rassemblé près de 10 000 personnes, beaucoup plus que la dernière manifestation régionale du 3 avril. Allègre n’a pas voulu recevoir la délégation de l’assemblée générale des établissements en lutte du 93 en disant “ qu’il n’y avait plus rien à discuter, il faut voir maintenant la distribution des moyens donnés sur place ”. Du coup, les délégués du 93 ont refusé de rencontrer Geismar, le conseiller d’Allègre.

Le soir deux assemblées générales se sont tenues à la Bourse du travail de Paris, celle du 93 et celle du reste de la région parisienne (43 établissements en grève représentés, du jamais vu), puis elles se sont rejointes. A l’assemblée générale des grévistes le SNES, SUD-Education, FO, CGT étaient présents mais pas le SNUIPP. Beaucoup de débats ont eu lieu sur l’élargissement de la grève, sur l’articulation entre la solidarité avec le 93 et les problèmes locaux, sur la nécessité de s’auto-organiser face aux directions syndicales qui veulent (au mieux) surfer sur le mouvement. L’AG de la région parisienne a rejoint celle du 93 qui a décidé de poursuivre la mobilisation. En effet, si les mesures annoncées par Allègre sont une première victoire, il faut s’assurer d’où vient l’argent, qu’il n’y aura pas de redéploiement mais de vraies créations de postes, que ces postes ne soient pas précaires (notamment par rapport à l'annonce de la création de 5000 emplois-jeunes) et aussi comment va s’effectuer la répartition des postes.

La prochaine échéance est une nouvelle manifestation du Châtelet au ministère jeudi à 14 h30 et si Allègre ne les reçoit pas il y aura une nouvelle occupation symbolique. Même si l’AG du 5 mai de la région parisienne constitue un pas en avant, l’élargissement de la grève n’est pas facile à réaliser, les délais sont courts, le rythme de mobilisation est très différent entre le 93 et le reste de la région parisienne, il faut donc combattre l’inertie des appareils syndicaux, mais rien n’est encore joué.