éditorial



Les politiciens de droite sont aux abois

Mais les politiciens de gauche n’en mènent pas large devant la remontée des luttes ouvrières

Les politiciens de droite sont aux abois, englués plus que jamais dans des affaires de corruption et divisés à l’infini en divers clans qui s’entredéchirent. Nombre d’entre eux sont impliqués dans des affaires où ils ont détourné l’argent de l’Etat, de telle région ou de telle mairie, pour renflouer les caisses de leur parti, pour s’enrichir personnellement ou pour arroser leur famille ou leurs amis.

Ils n’en ont pas le monopole comme l’indique l’affaire Dumas où un ancien ministre socialiste est compromis. La plupart des serviteurs de l’Etat, de droite comme de gauche, ont bénéficié des largesses des grands groupes industriels. Tout cela est dans la nature d’une société où les capitalistes dictent leur volonté au personnel politique et aux média grâce à la puissance que leur donne leur argent.

Mais n’étant plus au gouvernement, les hommes de droite sont un peu moins bien placés à la fois pour étouffer les affaires gênantes et pour huiler les relations entre eux et leur clientèle en distribuant de bonnes places lucratives.

Le problème le plus préoccupant pour le personnel politique de droite est d’éviter l’effondrement total pour se donner les moyens de revenir au pouvoir. Or toutes les manœuvres des leaders de la droite aboutissent systématiquement à un fiasco. Séguin et Léotard ont essayé d’enrayer la déconfiture de la droite en lançant un nouveau label “ l’Alliance ” censé regrouper le RPR et l’UDF. Patatras ! Madelin en a profité avec ses amis pour lâcher l’UDF déjà désertée par Bayrou et Millon. L’Alliance de ces chefs en déroute se présente d’emblée, si elle voit le jour, comme l’addition de plusieurs paniers de crabes.

Chirac qui est de plus en plus cerné par les affaires en cours risque fort de contribuer à aggraver la crise de la droite ; à tel point que certains parlent déjà d’élections présidentielles anticipées.

Du côté du Front national, Mégret attend son heure. Il ironise sur le replâtrage de la droite et espère bien un jour couler toutes ses composantes dans du béton armé pour donner naissance à un grand parti réactionnaire, capable d’accéder au gouvernement et d’employer la manière forte contre le monde du travail. Un tel parti serait tout aussi corrompu que le RPR ou l’UDF si ce n’est plus puisqu’il servirait les intérêts du grand patronat avec un zèle redoublé. Mais il ferait en sorte de bâillonner les juges et les journalistes trop curieux et d’étouffer le peu de contrôle et de démocratie qui existe dans la vie publique actuelle.

Le discrédit profond qui frappe la droite et dont l’extrême droite se nourrit n’épargne pas la gauche gouvernementale. Les travailleurs constatent chaque semaine que toutes les décisions et toutes les déclarations des ministres sont dirigées contre eux. Ces derniers jours le gouvernement a décidé de privatiser le Crédit Lyonnais, ce qui va se traduire par la suppression de très nombreux emplois tandis que le ministre des Transports Gayssot en voyage aux Etats-Unis se lançait dans un éloge vibrant de l’économie de marché et de la compétitivité. Ce ministre du PCF a fait preuve de la bassesse d’un parvenu méprisant le monde du travail dont il est issu. Il est au diapason avec Allègre s’en prenant aux salariés de l’Education nationale et avec Chevènement menant la même politique répressive contre les travailleurs immigrés que Pasqua ou Debré.

Les masques de ces gouvernants prétendument socialistes ou communistes sont en train de tomber. Et c’est le visage de leur peur devant le mécontentement de millions de travailleurs qui va se révéler aux yeux de tout le monde. La peur des luttes des travailleurs, les dirigeants des partis de gauche et des partis de droite la partagent. Même si nous n’en en avons pas encore pleinement conscience, c’est elle qui provoque la crise au sein de la droite et qui va provoquer celle de la gauche. Pour servir tranquillement les intérêts de la bourgeoisie, cela arrangeait bien tous les politiciens qu’il y ait toujours une droite crédible susceptible de tromper une partie de la population et une gauche crédible susceptible de tromper et de paralyser une autre partie, essentiellement les travailleurs. Mais l’alternance ne marche plus. Tout ce petit monde politicien est usé et discrédité. Pour les partis de la gauche plurielle qui vont prendre de plus en plus de mesures contre la classe ouvrière, leur crédit est en voie d’épuisement rapide à mesure que la remontée des luttes se précise.

Les gouvernants de droite et de gauche se sont cru tout permis contre nous mais à présent l’heure des comptes approche et c’est ce qui provoque leur agitation nerveuse. Dans la foulée du mouvement des chômeurs et des enseignants de Seine-Saint-Denis, le mécontentement s’exprime de plus en plus, que ce soit à la SNCF, dans les arsenaux, à Air France ou dans toutes les entreprises où des plans de licenciements ont été annoncés.

L’espoir pour les travailleurs est de ce côté. Ni les directions des partis de gauche, ni celles des syndicats ne sont en mesure de nous freiner et de nous empêcher de reprendre la voie de la lutte collective, du regroupement de tous les travailleurs fidèles aux idées socialistes et communistes pour reprendre en mains les destinées de cette société.

Indonésie : lâchée par l’impérialisme, sa créature sanglante est en sursis face au soulèvement des étudiants et des masses pauvres

Plus de 500 morts, c’est le bilan officiel de la semaine de manifestations, d’émeutes, de pillage réprimés dans le sang par l’armée. Si l’incendie d’un supermarché a fait selon les autorités près de deux cents morts, il ne peut masquer les responsabilités de l’armée qui a tiré à balles réelles sur les manifestants. Plus de 1000 personnes ont été arrêtées. Les chars patrouillent dans la capitale, Djakarta, qui compte plus de dix millions d’habitants, 15 000 soldats essayant de protéger les quartiers riches et les quartiers d’affaires.

Ces derniers sont devenus la cible des insurgés en particulier les immeubles qui symbolisent la collusion du pouvoir et des grandes fortunes privées des “ amis du président ”, banques ou maisons de riches parvenus du régime ont été prises d’assaut et incendiées. La police et l’armée n’ont pu contenir l’émeute hors du centre commercial et financier de Djakarta ni empêcher les étudiants de se regrouper autour du parlement, lundi, au cri de “ liberté ”. La panique s’est emparée des ressortissants des grandes puissances haïes. Plus de 10 000 d’entre eux ont quitté le pays. Le personnel du FMI a été dans les premiers à fuir. La capitale est paralysée, mais ce sont toutes les villes importantes qui sont le lieu de manifestations étudiantes, de scènes d’émeutes ou de pillage. Ce sont à travers tout le pays plus de 500 agences bancaires qui auraient été pillées et saccagées.

Avec cynisme et un profond mépris des peuples, les dirigeants impérialistes se sont distraits de leur garden party de Birminghan pour demander au dictateur “ de répondre aux aspirations du peuple ”, façon claire de lâcher leur propre créature qui, en vieux dictateur paranoïaque, n’a pas su comprendre à temps qu’il fallait faire ce que ses maîtres exigent : ouvrir les frontières aux capitaux occidentaux, appliquer les “ réformes ” du FMI. Clinton a pris ses distances en demandant au dictateur de “ donner au peuple indonésien une véritable liberté d’expression sur la vie politique de son pays... ” ajoutant “ il appartient au peuple indonésien de décider ”.

Le dictateur a fait mine de s’engager dans la voie des concessions en annulant les hausses des prix de l’énergie, des carburants et des transports. Ce sont des mesures hypocrites, limitées puisque la hausse des prix atteint tous les produits et en particulier les produits alimentaires et que de toute façon l’Etat n’a pas les moyens de les financer. Il tente de donner le change en préparant un remaniement ministériel après avoir annoncé qu’il était prêt à se retirer. Ruse grossière pour gagner du temps mais qui ne convainc et ne trompe personne. Il est incapable de recréer la confiance même vis-à-vis des milieux financiers. La roupie, la monnaie indonésienne, a atteint son cours le plus bas alors que les places boursières du Sud-Est asiatique chutent. Les faillites se multiplient et les licenciements se comptent par centaines de milliers.

“ Trop peu, trop tard ” a déclaré un opposant pourtant ancien ministre des finances et membre du parti gouvernemental au sein duquel des voix opposantes commencent à se faire entendre.

Ce mercredi sera une journée probablement charnière. Jour anniversaire du début du soulèvement contre la colonisation hollandaise en 1920, cette journée, dite de l’Eveil national, sera pour les étudiants comme pour les masses populaires l’occasion d’exprimer leur haine et de l’impérialisme et de son sanglant serviteur. Toute l’opposition semble se rallier à ces manifestations à laquelle appellent en particulier le leader du principal parti musulman d’opposition qui vient de constituer un “ conseil du peuple ” ainsi que la fille de Sukarno, le leader nationaliste, fondateur de l’Indonésie après l’indépendance, il y a 54 ans. Celui-ci avait été renversé par l’actuel dictateur en 1965 par un coup d’Etat qui avait fait plus de 500 000 morts,  essentiellement des membres du parti communiste, avec le soutien des grandes puissances occidentales.

L’armée semble encore rester fidèle au dictateur même si à maintes occasions elle est demeurée passive devant des scènes de pillage voire a affiché sa sympathie avec les étudiants. Le haut commandement est entièrement dévoué au dictateur, mais bien des officiers pourraient si l’insurrection se développe et se généralise jouer leur propre carte. La journée de mercredi sera peut-être pour eux l’occasion de dire le camp qu’ils choisissent. Pour les masses et en particulier les travailleurs, elles seront l’occasion de mesurer leur force, de les regrouper pour en finir avec la dictature abjecte. Et peut-être d’ouvrir la voie vers leur propre organisation seul garant pour que puisse dans les combats futurs se construire une véritable démocratie.

Malgré les obstacles, la lutte des sans-papiers continue

Loin des objectifs annoncés par les organisateurs, la “ manifestation nationale de soutien aux sans-papiers ” convoquée samedi 16 mai à Paris, n’a pas réuni plus de deux mille participants. Ceux-ci provenaient, pour l’essentiel, des collectifs de sans-papiers et de soutien aux sans-papiers de la région parisienne. Seuls deux collectifs de province (Lille et Le Havre) avaient fait le déplacement, plusieurs autres ayant préféré organiser des initiatives dans leur région. Et quand bien même la banderole de tête était tenue par une petite brochette d’élus, écharpes tricolores en bandoulière (les représentants des sans-papiers ne venant qu’après), la plupart des organisations politiques et syndicales qui affirment soutenir les sans-papiers, et signaient l’appel à manifester, n’avaient visiblement pas fait des efforts considérables pour mobiliser... Comment expliquer cette situation ?

Alors que la procédure d’examen des demandes de régularisation arrive à son terme, le mouvement des sans-papiers est soumis à de très fortes pressions. Le gouvernement, comme il l’a clairement annoncé, n’a aucunement l’intention de régulariser tous les sans-papiers, pas même “ tous ceux qui en ont fait la demande ” en déposant un dossier en préfecture. Jospin et Chevènement ont au contraire décidé de limiter strictement le nombre de régularisations. Leur politique est de tenter de désamorcer la mobilisation, avec des concessions partielles, tout en maintenant le cap de la fermeture des frontières : d’un côté on accorde des cartes de séjour temporaires d’un an, de l’autre on rejette des travailleurs et leur famille dans la clandestinité, on les expulse.

Pour soutenir efficacement la lutte des sans-papiers, il n’y a donc pas d’autre voie que celle de l’affrontement à la politique du gouvernement. Mais cela, bon nombre de directions de la gauche politique et syndicale, évidemment s’y refusent.

Le fait que les mesures anti-immigrés soient désormais le fait du gouvernement de la gauche plurielle, intégré ou soutenu par les directions traditionnelles du mouvement ouvrier, a également conduit à une division parmi les sans-papiers eux-mêmes. Cédant à la pression, certains de leurs représentants ont choisi le terrain de la “ modération ”, de la négociation des mesures gouvernementales, de la subordination aux accords pouvant être passés avec les organisations françaises dites “ démocratiques ”, en tournant le dos à l’orientation qui avait fait la force du mouvement et permis, notamment, les grandes mobilisations de l’été 96 : auto-organisation et indépendance, défense intransigeante de tous les sans-papiers, appel à les soutenir en tant que travailleurs.

Malgré les obstacles, la manifestation a aussi été porteuse d’espoir, en montrant finalement la voie : au fur et à mesure que l’on avançait, les slogans confus lancés par la sono en tête de cortège (par exemple, “ Jospin, et tes promesses ? ” - comme si la gauche gouvernementale avait promis la régularisation de tous ! ) étaient couverts par ceux, à la fois plus radicaux et plus réalistes, impulsés notamment par les sans-papiers de Saint-Bernard et du 6ème collectif parisien (13ème arrondissement) : “ Debré, Chevénement, mêmes lois, même combat ! ”, “ des papiers pour tous, le cas par cas on n’en veut pas ! ”.

C’est sur cette base que dans nos entreprises, nos syndicats, nos associations, nous devons plus que jamais soutenir la lutte des travailleurs sans-papiers.