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SNCF : quelle suite donner à la journée de grève du 13 mai ?

Sur la région de Rouen, comme dans tout le pays, la journée de grève du 13 mai à la SNCF a été largement suivie. Plus de 50 % au dépôt des mécaniciens, plus de 60 % aux ateliers de Quatre Mares et plus de 45 % dans l’ensemble des secteurs. Ces chiffres sont bons, compte tenu du fait qu’ils sont calculés en incluant toutes les catégories de personnel, y compris la maîtrise et les cadres, ainsi que les postés en repos ou les agents en maladie.

Sur Rouen il faut ajouter que les syndicats Sud-Rail et FGAAC, influents chez les mécanos, n’appelaient pas à la grève. Ce résultat est le signe d’un mécontentement profond. Les salaires à la traîne depuis des années, les effectifs à la baisse et la dégradation constante des conditions de travail, le RFF et toutes les mesures de restructuration et de restriction qu’il ne manquera pas d’entraîner sont des questions sur lesquelles le ras-le-bol s’accumule incontestablement.

 Les réactions et les mouvements d’humeur ne sont pas limités à cette journée. La veille les contrôleurs de la région s’étaient brusquement mis en grève à la suite de la septième agression d’un contrôleur depuis le début de l’année. Cela fait des mois et des mois qu’ils réclament avec insistance des effectifs supplémentaires.

Les discussions étaient nombreuses au lendemain de la grève. Beaucoup de cheminots, à commencer par les militants syndicaux eux-mêmes, étaient surpris que la grève ait aussi bien marché. Du coup l’ambiance se réchauffe et on s’interroge sur la suite. Les avis sont comme d’habitude très partagés, d’autant qu’il y a plusieurs échéances dans les semaines à venir. Mardi 19 mai devaient s’ouvrir les négociations salariales au niveau de toute la SNCF. La direction va-t-elle lâcher quelques miettes au delà des 0,8 % d’augmentation pour 98 qu’elle a annoncé ? Et dans ce cas les fédérations syndicales s’estimeront-elles satisfaites ? La semaine prochaine, un préavis de grève est déposé par les mécaniciens du dépôt. C’est une “ tradition ”, tous les six mois la direction du dépôt établit les nouveaux roulements. A chaque fois le manque de mécanos se fait sentir encore plus nettement et il faut se battre pour forcer la direction à corriger les plus grosses aberrations. Cette fois un certain nombre de mécanos veulent aller au delà du problème des roulements et entamer une vraie bagarre pour l’embauche et la formation de nouveaux agents de conduite, contre les “ transferts de taches ” (la direction confie des opérations de traction à des agents qui n’ont pas la qualification pour boucher les trous grâce à la “ polyvalence ”)… Du coup dans d’autres secteurs, on se dit que cela peut-être l’occasion de se lancer avec les mécanos. Une assemblée générale est ainsi prévue aux ateliers de Quatre Mares pour le 25 mai, le jour même où commence le préavis déposé par les mécanos. Certains cheminots se demandent s’il ne faudrait pas préparer un mouvement juste avant le démarrage de la coupe du monde. On a appris que les routiers discutaient de cette possibilité, et la FGAAC, le syndicat autonome des agents de conduite en a agité l’idée, mais avec des objectifs très corporatistes. Parmi les cheminots qui reprennent cette idée, il y en a qui pensent que ce serait le moyen de gagner vite quelque chose d’assez conséquent.

D’un autre côté il y a encore de très nombreux cheminots qui sont réticents devant l’idée d’une action prolongée, quel qu’en soit le moment. Ce qui arrête beaucoup d’entre eux c’est le sentiment, après la grève de 95, que les cheminots “ ne peuvent pas tout le temps être la locomotive ” et qu’il faudrait “ que d’autres s’y mettent à leur tour ”

Les discussions entre tous les militants sont nombreuses et certains militants du PCF critiques vis à vis du gouvernement affichent ouvertement leur désaccord avec Gayssot et leur volonté d’en découdre avec la direction de la SNCF. Ce qui est sûr, c’est que la journée du 13 ouvre la possibilité de poser les problèmes à l’ensemble des cheminots.

Clinique de la Roseraie : le personnel soignant voit rouge

La clinique de la Roseraie à Sainte Adresse (à côté du Havre), est un établissement qui emploie 49 personnes. Les conditions de travail y sont particulièrement pénibles pour le personnel soignant. Non seulement parce que les infirmières et les aides-soignantes et les ASH sont en nombre insuffisant, mais parce que l’encadrement et la direction affichent le plus grand mépris à leur égard. Fin mars, la direction a décidé de ne plus rendre deux jours, comme elle le faisait jusqu’alors, pour compenser les jours fériés travaillés. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis, le personnel se réunit pour discuter de l’action à mener. Il a élaboré une plate-forme revendicative :

 - la récupération de deux jours pour les jours fériés travaillés, acquis remis en cause illégalement par la direction.

- l’obligation d’entretien de leur blouse de travail par l’établissement, comme c’est noté dans la Convention collective,

- une journée de compensation semestrielle pour le travail posté.

- une mise aux normes de leur salaire et de leurs bulletins de salaire ( qui actuellement ne mentionnent même pas leur grade)

- une salle de pause avec des sièges.

Toutes ces revendications ne font que réclamer la stricte application de la convention collective. Dans un premier temps, le personnel a voulu rencontrer collectivement la direction mais s’est vu opposer une fin de non recevoir.

Puis début mai la direction est passée à l’offensive en envoyant deux lettres de licenciements à deux collègues qui faisaient “ fonction d’aides-soignantes ” dans l’établissement depuis huit ans. Elle a par ailleurs renvoyé chez elle, sans autre forme de procès, une CDD sur un remplacement toujours vacant. Alors le douze mai, lors des entretiens de licenciements, les employées de la Roseraie ont débrayé massivement pour soutenir leurs collègues. Ce qui était une grande première dans la maison. Les patients en convalescence ou en rééducation, habitués à voir le personnel toujours courir pour assumer leur travail, se sont inquiétés de ce qui se passait et une fois au courant, se sont pour la plupart déclarés solidaires. La direction a aussitôt réagi en envoyant un recommandé à toutes les grévistes, des lettres d’intimidation qui leur reprochaient d’avoir fait une grève illicite et d’avoir failli à leur tâche. Mais ces courriers, loin de les décourager, n’ont fait que renforcer la colère. Les employées de la Roseraie, qui depuis le début du mouvement, se sont organisées et ont pris leurs décisions démocratiquement en assemblées générales, comptent bien continuer à se battre.

Hôpital-Sud (Bordeaux) : un premier recul de la direction

Depuis plusieurs semaines, au bâtiment des USN, la colère et le ras le bol gagnent du terrain à la suite de la suppression de 24 lits et des suppressions de postes d’aides soignants, d’ASH et d’infirmières. De plus, la direction voulait imposer au personnel de jour de faire les remplacements de nuit et faire passer de jour pendant un mois toutes celles d’entre nous qui sommes de nuit, sous prétexte de ne pas les couper des équipes de jour.

Après deux réunions du personnel où nous étions plus de 30, la Directrice des ressources humaines s’est enfin déplacée pour nous rencontrer. Certaines organisations syndicales l’avaient entre temps sollicitée pour venir discuter avec nous, lui disant que sinon, elles “ ne répondraient de rien ”...

Lors de sa venue, nous étions 40, environ un quart du personnel des services concernés, pour lui exposer nos revendications, c’est-à-dire le remplacement des maladies, des congés et des formations, le volontariat pour le travail de nuit, la réouverture des lits fermés avec le personnel nécessaire et, enfin, l’arrêt des appels téléphoniques incessants à nos domiciles pour nous demander de changer notre roulement au dernier moment.

Les réponses n’ont surpris personne : “ Je ne peux promettre la lune ”, “ Je ne suis pas le Père Noël ”, “ L’embauche, ce n’est pas possible ”. Et d’après elle, ce qu’il faut c’est revoir l’organisation dans les services avec les médecins.

Face aux protestations de plusieurs d’entre nous racontant les conditions de travail de plus en plus difficiles dans les services, par exemple 30 à 35 malades pour 24 lits avec un personnel réduit à une peau de chagrin, elle était mal à l’aise.

Pour le travail de nuit, elle a finalement reculé en tranchant pour le volontariat. Aussi, dès la fin de la réunion, plusieurs d’entre nous sommes remontés dans les services pour annoncer la nouvelle aux surveillantes.

Nous étions tous d’accord qu’il faudra aller plus loin dans la mobilisation pour faire céder la direction sur notre revendication la plus importante à nos yeux, l’embauche de personnel. Mais malgré tout, le petit recul de la direction sur le travail de nuit a redonné la pêche à bon nombre d’entre nous.

Les salariés de Ralston enracinent leur lutte

Cette semaine une trentaine de salariés de Ralston (usine de piles de la région d’Elbeuf) est intervenue au conseil municipal de Caudebec-les-Elbeuf pour réclamer que le maire et ses conseillers s’opposent clairement au licenciement de 334 d’entre eux (deux sur trois). Dans l’agglomération, il y a plus de 700 licenciements annoncés et le taux de chômage est déjà de 19 %. La semaine précédente, le maire d’Elbeuf (PS) venait déjà d’être interpellé et avait clairement refusé de proposer au vote de son conseil municipal la motion présentée par les travailleurs de Ralston. Cette fois le maire de Caudebec, sans étiquette officielle (mais connu comme étant proche de Chevènement) a fait voter à l’unanimité les quatre points que les grévistes avaient exigés :

- Interdiction des licenciements à Ralston comme ailleurs

- Ouverture des livres de comptes de l’entreprise

- Arrêt des subventions publiques aux patrons qui licencient

- Arrêt des versements des dividendes aux actionnaires des entreprises qui licencient.

Le maire de Caudebec s’est par ailleurs engagé à installer dans la ville deux banderoles qui condamnent les 334 licenciements et a obtenu des commerçants de la ville la promesse de participer à l’opération “ ville morte ” en baissant leur rideau pendant la manifestation des Ralston prévue pour le 13 juin au matin. Quels que soient les calculs de certains élus, les travailleurs de Ralston ont pris acte de ces gestes et sont conscients de commencer à se faire respecter. Ils ont par ailleurs prévu un meeting le 6 juin et souhaitent ainsi pouvoir faire converger les forces des travailleurs, salariés ou non, prêts à se battre contre tous les licenciements.

Amiante : l’irresponsabilité totale du patron d’Everite à Bassens a déjà causé la mort de deux salariés

Vendredi 15 mai, le tribunal des affaires de Sécurité Sociale de Bordeaux examinait la responsabilité de l’entreprise Everite de Bassens, dans la banlieue bordelaise, dans la contamination par l’amiante des salariés. L’entreprise, fermée depuis 1987, produisait des matériaux de construction à base de fibres d’amiante sans avoir jamais donné aux salariés la moindre information sur les dangers de l’amiante et en les ayant contraints à travailler en s’exposant à une insécurité totale. Sur les 28 salariés atteints d’affections pulmonaires ayant une incapacité permanente reconnue de l’ordre de 5 à 70 % qui ont fait la démarche vis-à-vis de la caisse d’Assurance Maladie pour tenter d’obtenir une augmentation du taux d’incapacité et des dommages et intérêts de la part de leur entreprise, deux sont déjà décédés. A la rentrée, la CPAM devra se prononcer sur la contamination de 100 autres salariés qui ont fait la même démarche et 200 salariés sont en train de constituer des dossiers. Selon un des membres de l’ANDEVA (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) présent au procès, 200 personnes seraient déjà décédées sur Bassens, leur mort ayant été mensongèrement attribuée au tabac.

Rhône Poulenc Elbeuf (76) : “ on veut notre part du gâteau ! ”

Vendredi dernier lors du débrayage de deux heures par équipe à l’appel de SUD et de la CGT, nous nous sommes retrouvés à une soixantaine au rassemblement pour aller demander à la direction une augmentation de 500 F pour tous. C’est parmi les postés de production que la grève a été la plus suivie. Si les salaires étaient à l’origine de l’appel, nombreux sont ceux qui disaient avoir débrayé aussi sur d’autres motifs de mécontentement comme les problèmes de sous-effectifs. Dans plusieurs secteurs de fabrication, les techniciens d’ateliers et les agents de maîtrise de quart ont également débrayé. Dès le lendemain certains d’entre-eux ont été convoqués par leurs supérieurs “ qui ne comprenaient pas leur attitude ” et leur rappelant “ qu’ils devaient penser à leur avenir ”

Lors de l’entrevue avec le directeur et le chef du personnel, quelques travailleurs ont interpellé la direction sur sa politique salariale. De son côté, elle a répondu en essayant de nous endormir avec des discours du style “ nous avons fait le maximum car on a été au delà des consignes du groupe ”. Alors le moins que l’on puisse dire c’est que les réponses de nos patrons n’ont convaincu personne. Pour tous les présents qui ont encore à l’esprit la grève victorieuse des 500 F de 95, il ne fait aucun doute que RP pourrait largement doubler les 160 F au 1er mars et 70 F au 1er septembre. Rien que sur l’usine d’Elbeuf, Le bénéfice net par salarié a été multiplié par 3,5 entre 92 et 96. Au niveau du groupe, c’est Byzance pour les actionnaires. Ainsi le 26 mai prochain, lors de l'assemblée générale annuelle du groupe Rhône Poulenc, ces messieurs vont se partager la coquette somme de 1 359 714 446 francs en dividende soit une augmentation de 7 % par rapport à 96. A cette occasion aussi, nous avons appris que les douze administrateurs qui siègent au Conseil d’administration, BNP, Schneider, Crédit Lyonnais, AXA, Cap Géméni pour ne citer qu’eux se sont voté 4 millions de francs sous forme de jetons de présence. Cela représente 333 000 F par administrateur, pour avoir été présent quelques heures aux rares réunions du Conseil d'administration qui se tiennent annuellement.

Alors après ce premier débrayage réussi, nous sommes nombreux à penser qu’il ne faut pas en rester là et l’idée de refaire “ comme en 95 ” se fait de plus en plus entendre.

Papeterie de Croisset : les 175 salariés se défendent

Samedi 16 mai, les 175 salariés des papeteries de Croisset, près de Canteleu (Seine Maritime), menacés de licenciement, ont organisé une porte ouverte toute la journée.

En effet, leur entreprise SCA Paper, qui dépend du groupe suédois Mölnlycke a tout simplement décidé de fermer le site de Canteleu, et peut-être tous ses sites de France. Cette multinationale de 33 000 salariés a pourtant avoué 1,3 milliard de francs de bénéfices l’an passé.

L’usine n’est pas en grève, elle continue de tourner, mais les salariés sont mobilisés. Ils ont fait des démarches officielles, et de nombreuses manifestations, que ce soit devant leur usine, au siège social du Theil dans l’Orne, à Rouen, Barentin, au Ministère de l’industrie à Paris, et massivement dans la manifestation du Premier mai à Rouen. Par ailleurs ils sont allés avec les salariés de Ralston, menacés eux aussi de licenciement, au péage de Louviers dans l’Eure.

Cette journée porte ouverte a été un succès populaire. Entre autres, de nombreux anciens salariés (l’usine a compté jusqu’à 900 travailleurs il y a quelques années) sont venus pour manifester leur solidarité.  La machine qui fabrique le papier a coûté 150 millions de francs (dont une aide régionale, nationale et européenne de 5 millions). Ce qui n’empêche pas les patrons de vouloir fermer le site ! Un tel gâchis ne peut que révolter tous les visiteurs. Personne ne connaît le calcul des actionnaires : vont-ils revendre l’usine ? A qui ? Y aura-t-il des salariés repris ? Et sous quelles conditions ?

Les salariés de Ralston qui sont venus leur rendre visite ont repris contact. Il paraît tout à fait urgent d’unir toutes les forces ouvrières de la région avec l’objectif de créer un réseau solide de travailleurs combatifs.