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Sanctions contre les essais nucléaires indiens : les fauteurs de guerre prônent la fin de l’armement nucléaire pour en garder le monopole

La nouvelle, la semaine dernière, que l’Inde avait procédé à trois essais nucléaires, a été annoncée par les media comme une bombe pouvant remettre en cause la soi-disant “ paix mondiale ”. Ce sont les dirigeants américains qui ont donné le ton, Clinton annonçant immédiatement des sanctions contre cet acte qui “ non seulement, a-t-il déclaré, menace la stabilité de la région, mais constitue également un défi au ferme consensus international en faveur de la non-prolifération nucléaire ”. Clinton, qui n’a pas fait l’unanimité sur cette position au G8 en a depuis rabaissé d’un ton. Mais, ici, le journal “ le Monde ” a fait de la surenchère, jugeant “ l’ambiguïté de Washington, qui “ déplore ”, mais n’annonce pas fermement des sanctions... préoccupante ”. Et tout récemment, le Parti Socialiste, se saisissant d’une nouvelle occasion d’attaquer Chirac, a fait entendre son indignation : “ aujourd'hui, la voix de la France et la position de la France sur la scène internationale, en particulier sur le dossier de l'Inde et des essais nucléaires indiens, est une voix étouffée et discréditée à cause de la reprise des essais nucléaires décidée par Jacques Chirac en 1995 […]. […] dans la protestation internationale contre les essais nucléaires indiens, la voix de la France est étouffée ”.

Beau concert d’hypocrisie ! L’Inde a toujours refusé de signer le traité interdisant les essais atomiques, traité qu’elle juge discriminatoire, à l’égard des pays pauvres, puisque, interdisant les essais nucléaires, il ne reconnaît de fait le droit d’être des puissances nucléaires qu’aux Etats qui ont déjà mis au point la bombe, à savoir les USA, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et la Chine. C’est d’ailleurs seulement une fois qu’elles avaient procédé à tous les essais qu’elles jugeaient nécessaires, que la France et la Chine, ont signé, en septembre 96, ce traité, qui empêche d’autres Etats qualifiés “ du seuil ”, c’est-à-dire, possédant les capacités de fabriquer la bombe, comme Israël, le Pakistan et l’Inde, de la mettre au point en procédant aux expérimentations nécessaires.

Pour justifier son acte, le gouvernement indien a mis en avant la “ sécurité ” de l’Inde, menacée par la Chine et le Pakistan, reprenant à son compte la fable de la “ dissuasion nucléaire, garante de la paix ”, que les puissances impérialistes avaient autrefois utilisée du temps de l’URSS et de la guerre froide pour justifier la course aux armements. Et  le Pakistan voisin, avec qui l’Inde est entrée en guerre à trois reprises depuis l’indépendance, a menacé à son tour de procéder à des essais, seulement dissuadé de le faire, semble-t-il, par la promesse des USA d’honorer une commande déjà payée de 28 avions chasseurs F16, qu’ils avaient bloquée par mesure de rétorsion. Si la “ dissuasion nucléaire ” est bien un mythe, rien n’empêchant un jour les Etats qui disposent de la bombe de l’utiliser, comme l’ont déjà fait les Etats-Unis au Japon en 1945, l’idée que le traité de non prolifération des armes nucléaires serait, comme avait déclaré Clinton lors de sa signature en 96, “ un  pas de géant pour rendre notre monde plus sûr ”, en est un autre.

Les rivalités entre Etats, simple prolongement des rapports de concurrence et de violence qui règnent dans l’économie, sont  exacerbées par l’aggravation de la crise économique. La loi, le droit international, c’est celui du plus fort, des puissances impérialistes, avec en tête l’impérialisme américain, qui s’arrogent la plus grande part de ces richesses. Un pillage mis au point par des siècles de domination coloniale, et sauvegardé, malgré la révolte des peuples au lendemain de la deuxième guerre mondiale, par l’intérêt commun qu’avaient les puissances impérialistes et les bourgeoisies nationalistes à empêcher la révolte sociale, contre l’exploitation. C’est cette préoccupation qui a conduit les dirigeants de la bourgeoisie indienne, après la deuxième guerre mondiale, comme bien d’autres dirigeants nationalistes à accepter une indépendance dans le cadre créé par l’impérialisme, à entériner les divisions qu’il a suscitées ou avivées pour maintenir sa domination, comme la division entre Musulmans et Hindous à l’origine de la création de l’Etat pakistanais, autant de bombes à retardement, et de causes de guerres.

Dans ce monde ensanglanté par des guerres incessantes, qui ne sont que le produit des rivalités inter-impérialistes passées ou actuelles, il nous faut combattre la fable du désarmement, qui n’est qu’une justification de la suprématie militaire des plus forts, et une préparation des opinions publiques pour justifier la guerre des puissances impérialistes contre les peuples des pays pauvres. Les dirigeants de la bourgeoisie indienne défendent leur droit à disputer à leurs bourgeoisies rivales les fruits de l’exploitation des peuples de la région, mais les dirigeants des grandes puissances qui s’en indignent, et essaient de dresser les opinions publiques contre eux, ne veulent que sauvegarder le monopole de cette exploitation.

“ Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage ”, disait Jaurès. Si tu veux la paix, prépare la révolution.

Kabila, anti-impérialiste de pacotille et vrai dictateur

Au Congo-Kinshasa, l’ex-Zaïre de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila vient de célébrer le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir. Après une dictature effroyable qui aura duré trente-deux ans, le pays était dans un état désastreux. A l’exploitation des richesses par les trusts impérialistes s’ajoutaient les pillages et les exactions de Mobutu et de ses bandes armées. Aujourd’hui la situation des populations n’a fait qu’empirer. 80 % des Congolais sont en dessous de ce que l’ONU appelle “ le seuil de pauvreté ”, à savoir un revenu maximum de un dollar par jour. La hantise quotidienne pour les gens est de trouver de quoi acheter un peu de riz pour survivre. La situation sanitaire est particulièrement grave avec notamment la réapparition du choléra, de la lèpre et de la malaria. Ce sont fondamentalement les puissances impérialistes, et en premier chef la France qui a apporté un soutien sans faille à Mobutu, qui sont responsables de cette situation dramatique. Mais depuis un an, le régime de Kabila n’a rien arrangé.

Kabila qui s’était présenté en libérateur et qui avait suscité bien des espoirs parmi la population n’a eu pour seul souci que de consolider son pouvoir et satisfaire les appétits des bandes armées et de tout l’appareil répressif à son service.

De longue date, Kabila était un chef de bande sans scrupules avide de s’en mettre pleins les poches. C’est la piètre opinion que Che Guevara en avait dans les années soixante et depuis rien n’est venu démentir cette appréciation. Le fait que Kabila ait refusé que l’ONU n’enquête sur les massacres perpétrés par ses troupes contre les populations hutu réfugiées au Zaïre n’en font pas un combattant anti-impérialiste. Evidemment les grandes puissances qui, au travers de l’ONU, veulent mettre Kabila sur la sellette pour ses attaques contre les “ droits de l’homme ” font preuve d’une hypocrisie totale, puisqu’elles ont été des complices parfois très actifs de tous les massacres que ce soit au Zaïre, au Rwanda ou au Burundi. Elles veulent simplement avoir barre sur Kabila et exercer leur chantage pour concéder une aide financière plus importante. Du côté des grandes firmes occidentales, on se moque bien que le dictateur procède à des exécutions capitales par dizaines depuis plusieurs mois et que les opposants à son régime soient emprisonnés. Ce qu’elles reprochent à son régime, ce n’est pas seulement d’avoir à payer des pots de vin encore plus importants à ses ministres que du temps de Mobutu, mais surtout que sa dictature ne soit pas assez stable pour qu’elles puissent se lancer dans des investissements sans risques. Du coup, Clinton ainsi que les chefs d’Etat de l’Ouganda et du Rwanda qui avaient aidé Kabila à prendre le pouvoir préfèrent le battre froid pour l’instant.

Le G7 devenant G8, la Russie enfin admise au sein des puissances impérialistes décidées à aider Eltsine à imposer à la population les plans du FMI

“ C'est le premier sommet où j'ai participé à TOUTES les réunions, où je suis intervenu sur TOUTES les questions ”, n'a pas cessé de se vanter Eltsine. Pour la première fois depuis le G7 de Munich en 1992, où la Russie n'était qu'invitée, le sommet de Birmingham, le week-end dernier, s'est appelé officiellement G8, succédant au “ G7 plus un ”, puis au “ sommet des huit ”, formule intermédiaire inventée l'an dernier à Denver par les USA. Eltsine a participé à toutes les réunions officielles, mais pas à celle qu'ont tenue les dirigeants du G7 pour discuter de la crise asiatique et du rôle du FMI, avant l'ouverture officielle du sommet, histoire de ne pas froisser sa susceptibilité. Ce qui a permis à un de ses conseillers économique de se réjouir : “ Le progrès, c'est que l'on ne parle plus de nous lors du sommet, ce qui prouve que nous sommes devenus un pays normal ”. Non les dirigeants impérialistes ne doutent pas de l'irréversibilité des transformations qui ont conduit au rétablissement du capitalisme en Russie, mais ils s'inquiètent de la capacité des dirigeants russes, comme de celles d'autres Etats de pays pauvres, à imposer à la population les sacrifices nécessaires pour que les groupes financiers et capitalistes des pays impérialistes puissent à loisir y faire fructifier leurs capitaux. De ce point de vue, c'est un sérieux coup de main qu'ils donnent à Elstine que de l'admettre enfin au G8.

Car c'est bien à l'épreuve de force avec la population que se prépare le nouveau gouvernement Kirienko, que Elstine a fait introniser le mois dernier par la douma, en menaçant les députés d'une dissolution de l'assemblée, s'ils ne votaient pas pour son investiture. Les dirigeants russes se sont engagés à la mi-avril à mettre en œuvre un programme concocté avec les représentants du FMI dont l'application conditionne la poursuite des prêts de celui-ci.

Kirienko avait annoncé, avant même la formation de son gouvernement son intention d'augmenter les prix de l'électricité, et dans la plupart des grandes villes, du gaz et du téléphone.

La semaine dernière, il a joué le jeu de la vérité : “ Nous devons vivre selon nos moyens... Nous devons dire honnêtement que nous sommes assez pauvres à l'heure actuelle. Et nous n'en sortirons jamais si nous continuons à faire comme auparavant. ” Et Kirienko d'annoncer que les dépenses publiques seraient réduites de 12,5 %, et non plus seulement de 7 % comme il était prévu. Le service de la dette ne fait qu'augmenter, remplissant les poches des hommes d'affaires russes et occidentaux, et c'est à la population que le gouvernement entend le faire payer. A une réunion de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, la BERD, le vice ministre russe des Finances a indiqué que le gouvernement s'apprêtait à supprimer 200 000 emplois de fonctionnaires.

Mais il n'est pas sûr que le gouvernement arrive à ses fins, tellement ses ministres, tous connus comme “ réformateurs ” partisans de telles mesures, sont haïs par la population.

C'est ainsi que le général Lebed, un ancien allié d'Eltsine, devenu son rival, s'est fait élire gouverneur de Sibérie, en axant sa campagne sur la dénonciation du gouvernement central, et de l'ancien gouverneur, soutenu par Eltsine. Pour cet apprenti dictateur, la Sibérie est un tremplin pour la future élection présidentielle, et il ne fait qu'imiter ce qu'avait fait Eltsine lui-même. Comme lui d'ailleurs, il est en train de recevoir un brevet de démocrate, par la grâce des millions de dollars dépensés pour sa campagne par le milliardaire russe, Bérézovski, et des milieux d'affaires et politiques occidentaux qui cherchent un successeur à Eltsine.

Lebed a profité du mécontentement, et son élection a été commentée abondamment par la presse occidentale, mais ce mécontentement s'exprime aussi dans des luttes, moins médiatisées comme celle des mineurs sibériens qui n'ont pas touché leur salaire depuis plusieurs mois, et qui ont bloqué le Transsibérien, la principale ligne de chemin de fer de Russie, pendant plusieurs jours. Le conflit s'étendant à l'ensemble du pays et menaçant de s'étendre à d'autres catégories de travailleurs, le gouvernement a aussitôt annoncé qu'il allait débloquer quelques millions de roubles. Mais cela fait des mois qu'il lâche, au coup par coup, de quoi juste éviter une explosion sociale qu'Eltsine, aussi dupe soit-il de son “ succès ” au G8, craint bien de ne pouvoir empêcher.