éditorial



Les patrons et le gouvernement prennent nos salaires et nos emplois en otage.
Comme les pilotes, luttons sans céder à leur chantage et à leurs calomnies

Les 3200 pilotes d’Air France ont osé se mettre en grève malgré le chantage de leur direction et du gouvernement et malgré les attaques furieuses des médias contre eux. Ils ont tenu face à toutes les pressions. Ils se sont considérés à juste titre comme des travailleurs en lutte ne se laissant intimider par personne.

Au nom de " l’union sacrée " autour du ballon rond, le patronat et le gouvernement voudraient paralyser ceux qui travaillent et qui revendiquent. Ils voudraient continuer à prendre en otage nos emplois et notre pouvoir d’achat sans que nous réagissions. Et ce sont nous, les routiers, les cheminots, les pilotes et tous les travailleurs qui serions des éléments irresponsables, prenant la France en otage parce que nous ne voulons pas encaisser les attaques des patrons et du gouvernement ! Mais leur habileté à inverser les rôles ne leur aura servi à rien face aux pilotes. Le refus de ce chantage par les pilotes est déjà en soi une victoire morale pour tout le monde du travail.

A la télévision on nous a assez seriné que les pilotes touchent des salaires élevés pour nous dresser contre eux. Mais on a moins parlé de leurs conditions de travail qui sont éprouvantes et ne cessent de se dégrader. Et de toute façon pourquoi devraient-ils continuer à se sacrifier, sous le prétexte de redresser l’entreprise, au moment où Air France vient d’annoncer un bénéfice record de 1,87 milliard de francs au cours de l’année passée ?

Depuis un an une double échelle des salaires existait à Air France entraînant une rémunération beaucoup moins importante des jeunes pilotes embauchés. L’ancien PDG Christian Blanc qui l’avait mise en place s’était engagé à la supprimer au 31 mai 1998. Mais l’actuel PDG Spinetta voulait profiter du contexte de la coupe du monde de football pour la maintenir. Bien plus il voulait, soit geler les salaires des pilotes pendant quatre ou cinq ans, soit diminuer la masse des salaires des pilotes de 500 millions de francs par an. L’opération envisagée consistait à baisser de 15 % le salaire brut des pilotes en échange de 10 % du capital de la compagnie dont une partie doit être mise en Bourse à l’automne prochain. Les pilotes ne veulent pas de ce marché de dupes et préfèrent garder un bon salaire plutôt qu’on leur refile de mauvaises actions.

Quel que soit le résultat des négociations avec leur direction, les pilotes ont de toute façon eu raison de riposter à ces mauvais coups contre eux. Ils savent parfaitement, comme tous les travailleurs, que si l’on cède sur un point ou un autre, tous les acquis sont rapidement attaqués et peuvent partir en lambeaux. En laissant leur PDG mener son offensive contre eux, ils se retrouveraient avec des salaires alignés sur ceux qui gagnent le moins. Dans la concurrence acharnée que se livrent les compagnies aériennes, ce sont uniquement les travailleurs, toutes catégories confondues, qui sont censés se sacrifier pour que les gros actionnaires puissent prospérer. Les pilotes de la compagnie américaine Delta Airlines l’ont très bien compris en affirmant leur solidarité avec ceux d’Air France et en refusant par avance de jouer les briseurs de grève.

Ceux qui tempêtent contre cette grève ont partie liée avec les patrons et en particulier tous ceux qui ont des intérêts financiers importants engagés dans le Mondial. Les éditorialistes de la presse aux mains des grands groupes financiers se sont déchaînés contre les pilotes. Ils les ont insultés au nom de " l’image d’Air France ", " l’image de la France à dix jours de l’ouverture du Mondial " et même au nom de " la défense d’un service public " dont par ailleurs ils appellent de leurs vœux la privatisation ! Leur hystérie contre les grévistes traduit la peur de leurs maîtres face au monde du travail. Tous ces gens s’inquiètent des risques de contagion de cette grève à d’autres catégories dans les aéroports et dans d’autres secteurs.

Du côté du gouvernement, c’est aussi la peur devant le mouvement audacieux des pilotes qui domine. Martine Aubry et le ministre des Transports Gayssot ont emboîté le pas au PDG d’Air France pour faire pression sur les pilotes afin qu’ils renoncent à faire grève. Gayssot a repris l’argument de Spinetta sur le chantage à la coupe du monde et il s’en sert de la même manière pour intimider les cheminots qui voudraient faire grève.

Pour le gouvernement et le patronat, les plus grandes difficultés avec les travailleurs en lutte sont à venir. Jospin le sait bien. Sa discrétion devant les sondages de popularité un an après son arrivée au pouvoir traduit surtout son inquiétude devant les futurs conflits sociaux. Pour Jospin et Gayssot qui sont dans le camp du patronat, le mouvement des pilotes est un mauvais présage de plus. Pour les travailleurs qui ne se laissent pas désarçonner par les chantages et les calomnies de la bourgeoisie et de ses serviteurs, c’est un encouragement à faire face à leurs responsabilités collectives : s’organiser et se battre pour leurs revendications et pour débarrasser la société de l’emprise des capitalistes.

 

Avec les sans-papiers contre l’ignominie du gouvernement

Alors que tous les officiels du pays congratulent Jospin et son gouvernement pour le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir, on peut constater les dégâts de sa politique notamment en ce qui concerne les sans-papiers.

La circulaire Chevènement, au début, a fait miroiter aux étrangers l’espoir de sortir de leur situation irrégulière. Des dizaines de milliers ont donné leurs noms, leurs adresses aux préfectures et sont désormais fichés. Après le 31 mai, date fixée pour la fin de l’examen des demandes de régularisation des étrangers sans papiers, on voit le résultat : sur les 145 000 dossiers déposés, 48 000 ont été régularisés, 40 000 sont toujours en instance et 45 000 ont été refusés. D’après le ministère la moitié des demandes ne seront pas satisfaites.

La grande masse des refus concerne essentiellement les célibataires pour lesquels l’administration a multiplié les obstacles. Ils devaient en effet fournir dans le jargon administratif " un faisceau d’indices sur l’intégration " : des déclarations d’impôts, des quittances de loyer et des preuves de la continuité de la présence en France depuis sept ans, impossibles à réunir puisqu’ils vivaient dans la clandestinité.

Maintenant les refusés tentent des recours en faisant appel au soutien individuel de personnalités, tout en sachant que l’administration n’a plus qu’à laisser traîner puisque si le ministère de l’intérieur n’a pas répondu au bout de quatre mois, la réponse est considérée comme négative. Les 75000 hommes et femmes concernés, de toutes les nationalités, rejoindront l’enfer de la clandestinité, seront à nouveau la proie des patrons des ateliers clandestins qui, eux, ne sont pas inquiétés. Et, Chevènement l’a annoncé, les expulsions du territoire seront poursuivies avec la méthode humaine des flics du ministre qui consiste à les faire embarquer de force, ligotés, scotchés et parfois drogués dans l’avion. A leur arrivée, c’est pour la plupart d’entre eux la prison directe en sortant de l’aéroport ou bien se retrouver sans aucun moyen de survie.

Certaines bonnes âmes au service du gouvernement se plaignent aujourd’hui que la circulaire a été " appliquée avec trop de zèle " provoquant des cas " aberrants ". Mais c’est la logique du gouvernement qui a fait le choix de la chasse aux étrangers qui est responsable et qui doit être combattue. Faute de combattre le chômage, ces politiciens de droite comme de gauche préfèrent détourner le mécontentement populaire contre les étrangers plutôt que contre les vrais responsables, les patrons bien français. Ils renforcent ainsi consciemment l’extrême droite.

Aujourd’hui, le gouvernement mise sur l’usure du temps et espère que les sans-papiers et tous ceux qui se sont engagés dans la lutte à leurs côtés depuis des mois vont se lasser. Mais des églises sont encore occupées. Les dix grévistes de la faim de Lyon, algériens et tunisiens ont tenu bon durant cinquante jours, refusant la double peine. Le gouvernement a fait durer au maximum, mettant leur vie en jeu, croyant qu’ils arrêteraient. Mais il a dû reculer, en leur accordant un sursis, une assignation à résidence avec droit au travail pour six mois ou un an. A Paris 200 personnes en majorité des Turcs et des Chinois ont investi un foyer protestant dans le 20e arrondissement. Des manifestations ont eu lieu au Havre, samedi 30 mai et à Paris le dimanche 31 mai, jour de la date butoir. Il est de la responsabilité de tous les militants ouvriers de ne pas laisser sombrer cette lutte dans le silence et l’oubli. Les travailleurs étrangers font partie de la classe ouvrière. L’injustice qui frappe aujourd’hui les plus démunis, les plus vulnérables concerne tous ceux qui font partie du monde du travail. Et ceux qui cherchent à nous diviser et à nous affaiblir sont nos ennemis.

 

Chevènement mène campagne contre les jeunes

Il y a peu dans un rapport sur la " prévention et le traitement de la délinquance des mineurs ", deux députés du PS rejetaient la responsabilité de la violence sur ceux-là même qui sont victimes de l’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion sociale, les jeunes et leurs parents. Chevénement continue son offensive pour mettre en place une législation plus répressive par rapport à celle qui existe déjà. Dans un courrier du 4 mai adressé à Jospin, il affirme qu’il faut " revenir sur la présomption d’irresponsabilité des mineurs " prévue par la législation de 1945 qui fait que les mineurs considérés en danger comme ceux qui ont recours à la violence sont jugés par un juge des enfants. Pourtant, la justice défendant la propriété en tout premier lieu permet déjà de " condamner un enfant de 14 ans à 20 ans de réclusion criminelle, ce qui traduit l’escroquerie intellectuelle que constitue le discours de Chevénement " comme l’ont rappelé dans une conférence de presse les syndicats des magistrats et des éducateurs en réponse à la volonté du ministre de l’intérieur de réprimer encore plus les jeunes des milieux pauvres. Le gouvernement n’a pas encore tranché puisque la réunion d’un conseil de sécurité intérieure, - au nom significatif -, prévue le 2 juin a été reportée au 8. Pour Chevénement qui monte au créneau, soutenu par Ségolène Royal, les choses sont claires : les jeunes que la société rejette et qui expriment leur désarroi et leur contestation dans la violence sont de la graine de criminels dont la société doit se protéger. En conséquence, ils doivent être jugés durement et les parents ne peuvent qu’être complices de leurs enfants et il faut donc les punir en ne leur versant plus directement les allocations familiales. Mais ce discours réactionnaire entraîne une levée de boucliers parmi ceux, juges ou éducateurs, qui sont directement aux prises avec la délinquance des mineurs. Quant à Jospin, il observe un silence gêné ne s’étant pas prononcé jusqu’ici sur les propositions de son ministre. En fait, il s’agit de voir jusqu’où il est possible d’aller dans une politique sécuritaire en fonction des réactions suscitées par une campagne qui vise à faire des victimes les responsables. Les juges et les éducateurs sont complètement dépassés par les retombées dramatiques de la misère engendrée par la crise et aggravée par la politique des différents gouvernements qui aident le grand patronat à s’enrichir par l’appauvrissement de toute la société. Mais ils ne veulent pas pour autant être transformés en flics et contribuer , dans leur travail, à remplir les prisons avec des jeunes révoltés par la société de plus en plus dure et inégalitaire. " Vieilles idées et mauvaises recettes ", déclarent les organisations syndicales concernées. Très vieilles idées en effet qui consistent à justifier le fait de priver une partie grandissante de la jeunesse de la possibilité d’avoir un avenir, de prendre sa place dans la société, d’avoir droit à ce qu’il y a de mieux dans la société en théorisant que si des jeunes des milieux pauvres ne voient que la violence pour exprimer leur révolte c’est qu’ils sont naturellement violents. Les cités laissées à l’abandon, le chômage, le mépris social touchent un nombre croissant de travailleurs et leurs enfants. Le système capitaliste fait des dégâts humains considérables et suscite une révolte qui n’a pas encore les moyens de s’exprimer dans une volonté collective et consciente de contester l’organisation sociale mais les jeunes qui n’ont plus rien à perdre parce qu’ils n’ont aucun droit ne pourront trouver des perspectives qu’en rejoignant le camp du monde du travail, leur camp.