éditorial



Face à la France du fric et des politiciens, le monde du travail et de ses luttes

Les pilotes d’Air France ont donc décidé de reprendre le travail après avoir signé un accord avec leur direction. Ils n’ont pas eu satisfaction sur leur revendication essentielle, le refus de toute baisse de salaire, puisque le salaire d’embauche des nouveaux pilotes est diminué, mais ils ont cependant fait reculer la direction et le gouvernement.

D’abord parce qu’en échange de la baisse des salaires, la direction accepte de prendre en charge les frais de formation des pilotes qu’ils devaient jusqu’ici payer eux-mêmes. Ensuite, parce qu’elle a dû accepter outre la grille unique des salaires, le principe du volontariat concernant l’échange d’une partie du salaire contre des actions.

Devant l’épreuve de force à laquelle la direction voulait les contraindre, les pilotes ont accepté un compromis. Ils n’auraient pu faire face à cette épreuve de force qu’à condition de rompre avec leur corporatisme, de se considérer comme des salariés comme les autres, conscients que la défense de leurs propres intérêts exigeait la défense des intérêts de tous les salariés.

Prisonniers de sentiments élitistes et corporatistes, les pilotes et leur syndicat n’étaient probablement pas en mesure de s’engager dans le bras de fer auquel la direction voulait les contraindre, les considérant en cela, elle, comme n’importe quels salariés grévistes.

Cette grève aura réussi l’exploit de disputer la une de l’actualité au Mondial. Tous les affairistes qui rêvaient de se remplir les poches sous un ciel serein comme les politiciens de la gauche plurielle qui espéraient un état de grâce footballistique ont dû s’y résigner ; les pilotes d’Air France, ont fait la démonstration à point nommé qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Comme le montrent aussi les luttes de bien d’autres salariés qui ont lieu en ce moment.

Tous ces affairistes et politiciens ne se sont pas privés, par l’intermédiaire des médias à leurs ordres, d’insulter et de calomnier. Feignant, à la façon Chevènement, une " honte " hypocrite devant ces " irresponsables " qui ternissent " l’image de la France " dont ils se font tous les défenseurs, de Robert Hue à Chirac, ils ont montré leur vrai visage.

L’image de la France qu’ils veulent défendre, c’est celle d’un pays où le cours des actions ne cesse de monter, parce que de l’autre côté, la misère, l’exclusion, le chômage s’accroissent, parce que les conditions de travail se dégradent, que les salaires stagnent, voire reculent.

L’image de la France qu’ils défendent, c’est l’image des privilégiés, de ceux qui vivent du travail d’autrui, des parasites qui détiennent les capitaux et exploitent le travail humain.

Les pilotes d’Air France ont troublé leur euphorie qui aurait voulu s’étaler cyniquement à l’occasion du cirque du football. Tant mieux, tous les travailleurs ne peuvent que s’en réjouir.

Ils ne manquent pas de culot, les dirigeants socialistes qui accusaient les pilotes d’être des égoïstes, des gens qui se fichent des intérêts généraux de la société, pour défendre leurs propres intérêts catégoriels. Quelle indignation mensongère ! Bien sûr, les salaires que certains d’entre eux touchent sont très élevés et dans l’ensemble ils sont très bien payés au regard des salaires de la plupart d’entre nous. Mais comment tous ceux qui font l’apologie de l’économie de marché pourraient-ils s’en étonner ? Les cire-bottes des capitalistes, politiciens ou journalistes, ne font l’apologie de l’économie de marché que quand celle-ci profite exclusivement à leurs maîtres. Si une catégorie de salariés, de par ses compétences techniques et son rôle, arrive à négocier de hauts salaires, cela leur devient insupportable.

Et surtout ce qui les a gênés dans cette grève, c’est que ces salariés, justement parce qu’ils sont très qualifiés, aient l’audace de refuser les attaques contre leurs salaires. Pour le PDG d’Air France, ne pas leur céder était une question de principe. Il paraît qu’Air France perdait chaque jour 100 millions de francs alors que l’économie réalisée sur la masse salariale des pilotes serait de 500 millions de francs par an. Mais il a dû s’y résigner devant la détermination des pilotes.

Les attaques contre les salaires des pilotes préparent de nouvelles attaques contre l’ensemble des salariés. C’est ce que beaucoup de salariés ont compris et qui explique leur sympathie pour la grève de ces aristocrates du monde du travail.

C’est aussi ce qu’a compris Jospin et c’est pourquoi, en bon gestionnaire des affaires de la bourgeoisie, il a fait, comme le lui demande le président du CNPF Seillière, " son travail ", en affirmant son " soutien " au PDG d’Air France dans sa lutte contre les pilotes, contre l’ensemble des salariés de la compagnie, au nom de la concurrence et de la compétitivité.

Aujourd’hui, l’agitation sur la question des salaires ou du manque de personnel touche d’autres secteurs des transports et des catégories de salariés bien plus modestes comme à la RATP, la SNCF, ou EDF-GDF. La question des routiers n’est, elle non plus, pas résolue. Et c’est aussi dans le privé que des mouvements ont lieu contre les licenciements ou pour les salaires.

C’est toute la question de l’inégalité dans la répartition des richesses qui est posée. Ce sont ceux qui les produisent qui en bénéficient le moins quand ils n’en sont pas exclus. Il est temps de mettre un coup d’arrêt à cette injustice, de s’en prendre aux profits financiers qui ne cessent de croître pour imposer une justice sociale qui garantisse à tous le bien-être.

Cela, c’est l’affaire de tous les salariés. Nous savons aujourd’hui que nous ne pouvons pas compter sur le Parti socialiste solidaire du gouvernement. Nous ne pouvons pas compter non plus sur le Parti communiste dont les dirigeants se livrent une nouvelle fois à un de leur exercice préféré, le grand écart.

Des luttes actuelles et de celles qui se préparent naîtra une nouvelle force politique capable de représenter en toute fidélité les intérêts du monde du travail. C’est à cette condition qu’elles porteront tous leurs fruits. Cela signifie que nous prenions conscience que tous les salariés sont indispensables à la marche de la société et qu’ils ont le même droit à jouir des richesses qu’ils produisent.

 

Hold-up sur l’épargne populaire

Le gouvernement de la gauche plurielle vient assurément de franchir un grand pas dans la lutte contre la spéculation financière en mettant fin à un scandale : celui des salariés modestes et des personnes âgées qui recevaient 3,5 % d’intérêts, nets d’impôts, lorsqu’ils plaçaient leurs économies à la Caisse d’Epargne. Avec un taux ramené à 3 %, les petits épargnants continueront tout de même de réaliser des profits éhontés, puisqu’en 1997 l’inflation n’a atteint officiellement que 1,1 % : un retraité disposant de 50 000 F sur son livret A fera encore 950 F de bénéfice sur l’année ! C’est proprement intolérable aux yeux du gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet.

Les arguments avancés sont les mêmes que ceux du gouvernement Juppé lorsqu’en janvier 1996 la rémunération du livret A avait été ramenée de 4,5 % à 3,5 %. Les cours de la Bourse continuent à progresser de manière spectaculaire, les actionnaires se remplissent les poches d’autant plus que les entreprises licencient, les revenus financiers demeurent bien moins taxés que les salaires et les retraites, mais bien sûr cela n’a rien de choquant. Ce qui est anormal, presque immoral, c’est la rémunération de l’épargne populaire !

Chacun sait bien que ce ne sont pas les nantis qui confient leurs économies à la Poste ou à l’Ecureuil : leurs placements financiers leur rapportent bien davantage. Ces dernières années, l’épargne dite de précaution a augmenté. Ce n’est pas que les classes populaires aient disposé de davantage d’argent, c’est que l’inquiétude de l’avenir, la crainte du chômage, le recul de la protection sociale et les menaces sur les retraites ont poussé les salariés à restreindre encore leur consommation et à mettre un peu d’argent de côté.

Cependant, l’actuel gouvernement a trouvé un autre argument auquel la droite n’avait pas pensé : le taux trop élevé de la rémunération des livrets A handicape la construction et la rénovation des logements sociaux, puisque les organismes HLM se financent pour l’essentiel auprès des Caisses d’épargne. Cet argument, qui nécessitait pour le moins un ministre " communiste " du Logement, est totalement inconsistant : peut-être les organismes de HLM bénéficieront-ils de taux un peu moins élevés, mais les fonds déposés auprès des Caisses d’épargne vont baisser. Au cours de l’année 1996, 75 milliards de francs s’étaient ainsi évadés vers d’autres placements.

En fait, le gouvernement répond à la revendication des banques qui, depuis des années, contestent le monopole de la Poste, du Crédit Mutuel et de la CNE sur le livret A. Les banquiers espèrent pouvoir détourner à nouveau une partie de l’épargne populaire vers leurs propres caisses.

Le hold-up sur les économies des salariés et des retraités montre une fois de plus que la " gauche plurielle " a choisi son camp : celui des spéculateurs et des profiteurs.

 

Le gouvernement socialiste lance les " fonds de pension à la française "

Ces derniers jours ont été publiés les décrets d’application des " contrats DSK ", initiales de l’actuel ministre des Finances. Ces contrats sont des contrats d’assurance-vie dont la moitié au moins doit être souscrite par des achats d’actions de sociétés françaises. Le but est de drainer vers la spéculation boursière des capitaux qui n’y étaient pas forcément destinés puisque 88 % des contrats d’assurance-vie – dont le montant est de 3200 milliards de francs, deux fois le budget de l’Etat français –, sont à l’heure actuelle souscrits en obligations, en emprunts d’Etat à taux fixes. Pour faciliter le transfert de ces capitaux vers la Bourse, le gouvernement autorise la conversion des actuels contrats d’assurance-vie en " contrats DSK ". Evidemment, il y a en prime une carotte fiscale : l’exonération de la taxe de 7,5 % sur les contrats d’assurance-vie.

Ces mesures ne sont évidemment pas destinées à des Smicards, à des Rmistes ou à des détenteurs de livret A. Les responsables des compagnies d’assurance estiment que ce " produit financier " n’est intéressant que si l’on y investit au moins un million de francs.

L’objectif du gouvernement est d’alimenter par ce seul biais, d’une centaine de milliards de francs la spéculation boursière la première année et de maintenir un flux de 50 milliards de francs les années suivantes.

Certaines compagnies d’assurances n’ont même pas attendu la publication des décrets d’application pour lancer leurs produits : la compagnie Cardif propose déjà deux formules : " objectif Action " et " Action plus " !

Strauss-Kahn est aux petits soins pour les boursiers comme le fut son prédécesseur socialiste Bérégovoy au début des années 80. Il précise aussi la répartition des rôles dans le gouvernement : lui se réserve l’annonce des cadeaux aux riches – il leur donne même son nom ! – et il laisse à Gayssot le soin d’annoncer aux travailleurs que le gouvernement leur fait les poches en baissant le taux d’intérêt des livrets A !