éditorial



Le poison du nationalisme et du racisme profite à ceux qui veulent sauver un système au bord de la faillite

Il est des " faits divers " qui en disent long sur l’état de la société actuelle et sur les dangers qui pèsent sur nos têtes si nous ne nous donnons pas les moyens de la changer radicalement.

Dans une petite ville du Texas trois repris de justice gorgés d’alcool et de haine raciste ont commis un crime atroce contre un Noir qui rentrait chez lui en faisant du stop. Après l’avoir battu, ils l’ont enchaîné derrière leur camionnette et traîné sur trois kilomètres. Son corps a été retrouvé décapité et démembré. Ces trois individus étaient membres d’organisations racistes comme le Ku Klux Klan.

La semaine dernière en France s’est ouvert le procès de trois membres du Front national qui au cours d’une séance de collage pour leur candidat Le Pen, en février 1995, ont agressé un groupe de jeunes Comoriens courant pour attraper un bus après une répétition de spectacle. L’un des lepénistes, un ancien de l’OAS, a abattu froidement Ibrahim Ali, un lycéen de dix-sept ans qui tentait d’échapper à ses balles. Aujourd’hui ces hommes de main du Front national poussent l’infamie jusqu'à plaider la thèse de la légitime défense avec le soutien de Mégret.

S’ils se sentent le culot de le faire, c’est parce que beaucoup de choses dans la vie politique et sociale les poussent à avoir la tranquille assurance de ceux qui prétendent " se faire respecter " en insultant, en tabassant, voire en assassinant ceux qui n’ont pas la même couleur de peau, la même nationalité ou les mêmes opinions qu’eux. Ce sont des mécanismes politiques et sociaux identiques qui ont poussé des voyous anglais racistes à brûler le drapeau tunisien à Marseille et à se livrer à diverses violences dans cette ville.

Bien des commentateurs et des hommes politiques clament leur indignation à l’occasion de tous ces actes de barbarie. Ils voudraient cacher leur responsabilité avec des discours sur la fraternité entre les hommes quelle que soit leur origine. Mais dans le même temps ils distillent et flattent les préjugés nationalistes et xénophobes.

Ils approuvent le ministre Chevènement qui refuse de régulariser les sans-papiers et veut les réexpédier dans des pays ravagés par la misère et gouvernés par des dictatures.

Il suffit qu’un navigateur français comme Tabarly disparaisse en mer pour qu’aussitôt les journalistes de la grande presse, du Figaro jusqu’à l’Humanité, nous vantent les vertus de la " Nation française ".

Il n’y a rien d’innocent dans toute cette propagande nationaliste qui est finalement engrangée par Le Pen et Mégret. La traduction en actes de l’ensemble de cette propagande aboutit aujourd’hui à des agressions racistes et xénophobes et prépare des conflits meurtriers dans l’avenir.

De la même façon la coupe du monde de football sert de prétexte à tous les nationalistes, qu’ils soient politiciens ou journalistes, pour dévoyer ce qui pourrait être tout simplement l’occasion de faire la fête et d’admirer des exploits sportifs dont les acteurs viennent du monde entier. Mais les choses ne se passent pas ainsi dans une société gangrenée par le fric et par tous les préjugés qui vont avec.

Dans un premier temps les commentateurs du Mondial nous ont servi une grande rasade de discours sur l’amitié entre les peuples. Ils sont allés dans le sens des aspirations à la fraternité humaine de la plupart des spectateurs pour leur " vendre " la coupe du monde. Mais ensuite ils leur ont casé en sous-main le poison nationaliste. Ils agitent bien fort le drapeau tricolore à chaque but marqué. Ils voudraient ligoter notre esprit à leur entreprise d’abrutissement chauvin.

Il y a une raison de fond qui amène ces gens-là à tendre le même piège aux spectateurs de tous les pays. Les grandes bourgeoisies et les Etats à leur service sont conscients que leur système économique est au bord de la faillite. Les profiteurs de ce système savent que le capitalisme ne pourra survivre qu’en imposant des sacrifices inouïs à l’ensemble des peuples. Ils craignent qu’un jour des révoltes sociales ne débouchent sur une révolution ouvrière par delà les frontières. C’est la raison pour laquelle ils ont besoin dès maintenant et à la moindre occasion de souffler sur les braises du nationalisme et du racisme, pour diviser les travailleurs, pour créer le maximum de haine entre eux, pour les rendre incapables de reconnaître leurs alliés de classe dans les luttes futures.

Libérés de toutes ces manipulations, rien n’empêche ceux qui aiment le football de prendre plaisir aux matchs du Mondial. Pour notre avenir à tous, l’essentiel est de reconstruire une force ouvrière dégagée de tous les préjugés et ouvrant des perspectives à toute l’humanité. C’est en s’unissant que les travailleurs de tous les pays construiront un autre monde.

 

Ceux qui manipulent et poussent au meurtre ne sont pas jugés

En ce moment a lieu le procès devant la cour d’Assises des Bouches-du-Rhône des trois colleurs d’affiches du Front national pour meurtre. Lors d’un collage pour leur candidat Le Pen, en février, dans les quartiers Nord de Marseille, ils ont poursuivi des jeunes qui sortaient d’une répétition d’un groupe de rap. L’un des lepénistes, Robert Lagier, ancien sympathisant de l’OAS, nostalgique de l’Algérie française où il a vécu trente ans avant l’indépendance, a abattu Ibrahim Ali, lycéen français de 17 ans, d’origine comorienne d’une balle dans le dos.

Ces hommes de main du Front national ont tenté de se faire passer pour de braves gens inoffensifs, plaidant pour la légitime défense, essayant d’excuser leur crime, comme étant un geste irraisonné d’auto-défense. Ce mensonge a été soutenu par Mégret à la barre mardi 16 juin. D’après lui, il n’y aurait rien à leur reprocher si ce n’est qu’ils n’ont pas suivi la consigne du Front National de ne pas porter d’armes. Il leur a décerné les qualificatifs de " bons militants ayant des convictions, un idéal ". Celui-ci a donc choisi de cautionner les assassins.

Mais cette thèse ne tient pas devant les faits et quelle que soit la conclusion du procès, leur culpabilité est déjà prouvée. Il est difficile pour eux de se faire passer pour les victimes alors que les jeunes n’étaient pas armés. Ils transportaient du matériel sono. Il est patent que les frontistes ont tiré froidement et lâchement à plusieurs reprises dans le dos de leurs victimes qui couraient pour prendre le bus. Ce sont de vieux habitués des armes à feu et ce n’est évidemment pas innocent s’ils sont allés coller, armés l’un d’un pistolet 22 long rifle, l’autre d’un pistolet 7,65. La petite fille de Lagier a confirmé que son grand-père a toujours été raciste, qu’il l’emmenait lorsqu’elle avait huit, neuf ans au stand de tir pour " apprendre à tirer sur les arabes ". Cette jeune de seize ans a voulu témoigner " en mémoire d’Ibrahim Ali et par respect pour sa famille ". Elle a ainsi battu en brèche les mensonges des coupables.

Ce drame montre que passer de la parole aux actes est un pas que peuvent toujours franchir ce genre de racistes dits " ordinaires ", ou qui se qualifient comme Lagier de " français moyen ", surtout lorsqu’ils sont bien gonflés et flattés dans leurs préjugés par le Front national.

Mais Lagier est une victime, victime de la sale guerre menée par la bourgeoisie française contre le peuple algérien, victime hier des démagogues de l’OAS, aujourd’hui manipulé par les démagogues d’extrême-droite. Même s’il est allé trop loin aux yeux de ses maîtres. Il est un instrument entre les mains de ceux qui le manipulent et dévoient la révolte aveugle des victimes de cette société de classe contre d’autres victimes plus faibles pour les intérêts des riches et des politiciens qui les servent.

 

Chute du yen : la guerre économique fait craquer le système de partout !

Blair, lors du sommet européen réuni à Cardiff a qualifié la crise provoquée par la chute du yen de " plus grand risque pour l’économie mondiale depuis 20 ans ". La dégringolade du yen (43 % de sa valeur depuis 95) a eu des répercussions dans le monde entier. Elle a d’abord entraîné une chute des autres monnaies asiatiques, relançant les risques d’une nouvelle crise monétaire. Elle a aussi provoqué une chute de toutes les principales places boursières aux Etats-Unis et en Europe et fait planer la menace d’un éclatement de la " bulle financière ", cette masse énorme de capitaux qui spéculent sur la hausse des actions.

Cette chute du yen s’accélère d’autant plus que personne ne semble décidé à l’enrayer : le gouvernement japonais après avoir dépensé en pure perte 20 milliards de dollars pour soutenir le cours du yen il y a quelques semaines, a fait appel à l’aide des Etats-Unis et des autres pays du G7. " Nous ne pouvons faire bouger les marchés seuls, il nous faudra naturellement rechercher la coopération des autres pays ", a déclaré le premier ministre japonais. A quoi Rubin, ministre des finances américain, a répondu que le Japon devrait se débrouiller tout seul : " le Japon doit procéder par des stimulants budgétaires, ouvrir ses marchés et déréglementer ". Les capitalistes américains veulent profiter des difficultés de l’économie japonaise pour renforcer leurs positions : dans la guerre économique acharnée que se livrent les différentes bourgeoises, c’est chacun pour soi, et cela ne fait qu’approfondir la crise.

C’est cette concurrence acharnée qui explique que le gouvernement japonais laisse chuter le yen. L’économie japonaise est en récession : sur un an, la production industrielle a reculé de 6,7 % et le produit intérieur brut de 1,3 %. Les commandes de biens d’équipement, les investissements, les crédits accordés par les banques aux entreprises sont en recul. Le taux de chômage a atteint son chiffre le plus haut depuis des dizaines d’années et l’inquiétude et la baisse des ressources pèsent sur la consommation intérieure. La chute du yen apparaît donc comme un moyen pour le gouvernement japonais de relancer l’activité économique en rendant les prix des produits japonais plus compétitifs par rapport à ceux de leurs concurrents. Mais il n’est même pas sûr que cela réussisse mieux que les milliards de yens injectés en vain dans des plans de relance successifs de l’économie japonaise : le gouvernement japonais prévoit pour l’année qui vient une hausse des exportations de 0,1 % seulement. Car pour vendre plus, il faudrait que le marché s’élargisse et c’est le contraire qui se produit notamment en Asie qui représente 60 % des exportations japonaises.

L’effet le plus immédiat de la chute du yen, c’est une relance de la guerre économique pour les exportations. Elle frappe d’abord les principaux concurrents des capitalistes japonais en Asie comme la Corée du Sud. " Un plongeon du yen risque de détruire l’économie coréenne " a déclaré un représentant du gouvernement coréen et il a chiffré cette menace : " les exportations coréennes baissent de 0,6 % chaque fois que le yen perd 1 % ".

Toutes les grandes entreprises coréennes sont touchées : Hyundai et Samsung, les deux premiers producteurs mondiaux de puces électroniques ont déjà imposé des mesures de chômage partiel alors que le gouvernement coréen espérait sortir de la crise économique en relançant les exportations.

Mais ce qui inquiète le plus gouvernements et financiers, ce sont les répercussions de cette crise monétaire sur la Chine. Les monnaies chinoises, le yuan et le dollar de Hong Kong ont été les seules à ne pas être dévaluées au moment de la crise asiatique. La concurrence accrue provoquée par la chute du yen a des répercussions sur l’économie chinoise et notamment les exportations qui représentent 20 % de sa croissance. Au mois d’avril, les exportations ont baissé de moitié par rapport à l’an dernier et la situation menace de s’aggraver. Pour faire face à une baisse de ses exportations qui se répercuterait sur l’ensemble de l’économie, la Chine n’aurait d’autre ressource que de dévaluer le yuan pour faire baisser le prix de ses produits, ce qui entraînerait une réaction en chaîne de toutes les autres monnaies asiatiques dont les répercussions seraient catastrophiques. La menace est suffisamment forte pour que les capitalistes occidentaux se méfient : les investissements étrangers en Chine n’ont augmenté que de 0,7 % pour les quatre premiers mois de l’année et un banquier occidental a déclaré : " la Chine est comme un navire sur une mer déchaînée dont le gouvernail ne répond plus ".

L’économie japonaise exporte aussi sa crise en Europe et aux Etats-Unis. Si le yen chute c’est que les capitalistes japonais les premiers, inquiets des menaces de krach bancaire dans leur pays, vont placer leurs capitaux dans des endroits qu’ils considèrent plus sûrs : à Wall Street et sur les Bourses européennes. Pour le seul mois d’ avril, les sorties de capitaux japonais ont atteint 172 milliards de francs, plus du dixième du budget annuel français ! Cela ne fait que gonfler cette masse financière énorme qui peut éclater brutalement si les perspectives de profits escomptées ne se réalisent pas.

Le système capitaliste est à la dérive : dès qu’une voie d’eau est colmatée, deux autres s’ouvrent. Ce sont les peuples et les travailleurs qui en paient les conséquences : les taux de chômage battent des records dans tous les pays d’Asie. Mais cette crise ne fait pas que créer des souffrances et des sacrifices pour les peuples, elle fait éclater le parasitisme et la folie du capitalisme et elle alimente ainsi les raisons de la révolte et de l’explosion sociale.