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Ralston : la combativité monte encore d’un cran

Depuis deux mois et demi que nous manifestons contre les licenciements à Ralston, la presse nationale pour la première fois samedi dernier a parlé de notre lutte, notamment de la journée ville morte du 13 juin. La manifestation dans les rues d’Elbeuf a rassemblé plus de 600 personnes, ce qui est un bon chiffre pour la ville. Les manifestants, déterminés, criaient : " Les patrons licencient, licencions les patrons ", " Energizer, la pile qui crée des chômeurs. " Pétards, banderoles, fumigènes, drapeaux rouges et " Internationale " donnaient son et couleur à notre cortège dynamique, à l’image de notre volonté d’aller de l’avant. Nous étions au coude à coude avec nos camarades de l’Association des Demandeurs d’Emploi du Bassin Elbeuvien, le Comité des sans-papiers d’Elbeuf, qui vient de se constituer, ainsi que des salariés d’autres entreprises, Renault, Conté, Teeds, Rhône Poulenc... A la fin de la manifestation, le porte-parole du Comité de lutte contre les licenciements à Ralston a proposé de nouveau un rendez-vous à tous ceux qui veulent constituer sur l’agglomération un comité de lutte contre le chômage.

Lundi 15 juin, nous sommes partis à 180 en deux cars pour nous rendre à Chatou, en région parisienne, pour montrer notre force au CCE, qui devait se prononcer sur le plan de licenciements de la direction. Nous avions posé un jour de congé. Fait nouveau et important, des camarades du conditionnement, pas directement visés officiellement par le plan de licenciements de la direction, étaient de la partie. Nous avons tous investi les locaux du siège social, où nous avons pique-niqué, à nos aises et dans une bonne ambiance. Au Comité Central d’Entreprise, le dirigeant de Ralston-Europe a dû entendre de vive voix nos revendications et encaisser l’expression de notre ras le bol contre les licenciements. Il a répondu qu’il n’y pouvait rien, que c’était la faute à la concurrence, que la direction du groupe faisait tout pour que les licenciements se fassent le moins brutalement possible... La direction n’a pas voulu montrer les documents qui prouvaient, à ses dires, que les coûts de production en France sont supérieurs aux coûts américains et suisses. C’est au nom de ces documents que le plan de licenciements a été décidé, et lorsque les délégués ont demandé à les voir, c’était tout de suite impossible. Dans ces conditions, les délégués ont refusé que se tienne le CCE. Celui-ci a été repoussé de quelques semaines...

Nous sommes allés ensuite sur Paris, et nous avons manifesté devant les locaux de TFI. Un de nos camarades a réussi à rentrer dans les locaux par une petite porte. Nous avons tous entonné en choeur le classique " Libérez notre camarade ! ". Patrick Poivre d’Arvor passant par là, s’est engagé à envoyer une équipe de reporters. Ceux-ci sont venus et le reportage est bien passé le soir-même au journal de 20 heures.

Il était alors 15 heures. Une camarade, qui ne voulait pas s’en tenir là, a entraîné tout le monde manifester au pied de la Tour Eiffel. Nous y avons fait un boucan du tonnerre avec nos pétards et nos slogans. Un journaliste anglais est venu nous interviewer, et nous avons raconté notre lutte à des supporters de l’équipe de football écossaise. Tout cela dans une ambiance de fête.

Le lendemain mardi, le CE de l’usine se réunissait pour entériner les non-décisions de la veille. Le Comité d’organisation de la lutte avait proposé un débrayage lors de l’assemblée générale hebdomadaire. Pendant deux heures le matin, puis deux heures pour l’équipe d’après-midi et de nuit, plus de 95 % des salariés ont fait grève. Il y avait toute la production, tous les bureaux, et toute la maintenance. Tout le monde était en grève, sauf une demi douzaine de chefs. Le matin, nous avons exigé que le directeur sorte du local du CE, vienne dans l’atelier et s’explique devant l’assemblée des 250 grévistes. Il nous a sorti ses litanies sur les reclassements et la concurrence mondiale. De toute façon, il n’a l’oreille de personne. Ces derniers jours, la combativité et du coup la solidarité se sont renforcées parmi nous.

Justice au service des patrons

Récemment trois salariés d’entreprises de la région bordelaise ont été licenciés pour des motifs ouvertement abusifs : l’un avait été licencié pour maladie de l’entreprise de commerce où il était employé, l’autre pour s’être présenté comme délégué CGT aux élections professionnelles dans une entreprise de récupération de métaux et le troisième, qui travaillait dans l’entreprise SED-Cordier depuis dix-sept ans, à la suite d’une provocation d’un cadre. Ils avaient décidé de poursuivre leur patron devant les prud’hommes. Fait exceptionnel à la suite d’un jugement aux prud’hommes, les trois salariés avaient été réintégrés. Les employeurs ont évidemment fait appel et les juges ont rendu leur verdict, annulant les jugements qui imposaient la réintégration de deux des trois salariés. Et il n’est même pas possible de parler de l’acharnement d’un juge puisque ce sont deux magistrats différents qui ont rendu leur arrêt. La loi est décidément à sens unique, elle donne le droit aux patrons de licencier mais quasiment jamais aux salariés licenciés de retrouver leur travail quelle que soit l’injustice qu’ils ont subie.

 

Exproprier les expropriateurs…

Il paraît que nous vivons dans une société moderne et démocratique. Mensonge quand on sait que, selon les statistiques les plus officielles, celles du conseil des impôts, 1 % des ménages détient 21 % de la richesse du pays.

Les 5 % les plus riches en détiennent 39 %, les 10 % en détiennent 53 % tandis que le tiers le plus démunis ne possède quasiment rien.

Voilà la société de classe ; une infime minorité s’approprie la plus grosse part des richesses au détriment de l’immense majorité de la population qu’elle spolie, qu’elle vole de l’essentiel.

 

Dentressangle : débrayage contre les licenciements

Pour nous opposer au nouveau plan social que la direction veut nous imposer et qui prévoit 23 suppressions d’emplois sur les 90 salariés des quatre dépôts de la région, nous sommes une quinzaine à nous être organisés en créant une section syndicale CGT avec l’aide des militants de la CGT de l’UL de Saint-Médard.

Ces suppressions d’emplois sont inacceptables d’autant que la direction invoque une baisse d’activité alors que les chiffres d’affaires, les bénéfices et le cours des actions de Dentressangle ne cessent d’augmenter... Il y a six mois, le patron nous a imposé un premier plan social avec cinq licenciements et une quinzaine de mutations. Six mois après, il veut nous en imposer un deuxième avec quatre fois plus de licenciements. Si nous le laissons faire, dans six mois il cherchera à nous en imposer un troisième. Les patrons n’ont qu’un but : accumuler le plus de profits possible, le plus vite possible, en nous licenciant, en aggravant nos conditions de travail, en s’attaquant à nos salaires. La seule chose qui puisse les arrêter, c’est que nous n’acceptions pas de subir leurs attaques sans réagir.

D’ailleurs la dénonciation des licenciements et la création d’une section syndicale CGT dont la déléguée a été élue par l’ensemble des syndiqués, inquiète visiblement la direction, comme les patrons des entreprises qui travaillent avec Dentressangle. La direction cherche à nous intimider en faisant courir le bruit que si nous faisons grève, il y aura le double de licenciements ; elle cherche à nous diviser entre les dépôts. Pour appuyer cette campagne, c’est le PDG d’UTL en personne qui est venu du siège social de Paris pour défendre son plan de suppressions d’emplois.

Devant notre mobilisation, les patrons s’inquiètent et s’agitent mais en vain, à tel point que les délégués du CE qui avaient voté le plan social et qui se faisaient les relais de cette campagne d’intimidation, ont dû s’engager à revenir sur leur vote lors du prochain CE, et à demander la nomination d’un expert comptable.

Nous nous sommes adressés avec l’aide des militants CGT des UL de Saint-Médard et de Bordeaux Nord, aux salariés des différents dépôts du groupe, à ceux d’UTL que Dentressangle vient de racheter, aux salariés de William Pitters qui travaillent avec nous, comme à ceux du dépôt " concurrent ", les Docks de France qui travaille avec Auchan. Malgré le chantage du patron, partout nous avons rencontré la solidarité de collègues partageant notre révolte contre ces suppressions d’emplois.

Mardi, sur le dépôt de Blanquefort, nous avons débrayé pour discuter de comment nous opposer à ces licenciements, et nous avons aussi organisé des réunions sur les deux autres dépôts. Ce qui est à l’ordre du jour désormais c’est de se préparer à la grève, notre seule arme vraiment efficace, celle que la direction craint le plus car celle qui touche son point sensible : son portefeuille !

 

Le gouvernement du côté des familles aisées

Vendredi 12 juin, Jospin a tenu une réunion baptisée " conférence de la famille " avec pas moins de huit ministres et les représentants des associations familiales, des parents d’élèves, des organisations syndicales etc. Selon le journal " le Figaro ", " le gouvernement et les organisations familiales se sont découverts avec un ravissement réciproque " à l’occasion des multiples réunions qui ont précédé. Rien d’étonnant. A cette conférence, Jospin a déclaré : " l’objectif nataliste qui fut souvent à l’origine des politiques familiales subsiste mais doit être la résultante d’une politique globale, ambitieuse, tenant compte des évolutions de la famille et respectueuse du choix des parents ". Le gouvernement a décidé de revenir sur la mesure prise en juin dernier supprimant le versement des allocations familiales pour les revenus élevés au profit d’une augmentation des impôts. La mesure démagogique consistant à supprimer les allocations familiales pour les hauts revenus visait à faire des familles privilégiées des boucs-émissaires alors que la véritable richesse est du côté des actionnaires dont les revenus boursiers ont augmenté de 35 % en 98 par rapport à fin 97. Désormais, le plafond du quotient familial sera abaissé de 16 380 F à 11 000 F par demi-part, ce qui concerne environ 500 000 familles dont les impôts augmenteront alors que la mise sous condition des revenus en touchait 310 000. Du point de vue des économies faites, elles seront équivalentes ( de l’ordre de 3,5 milliards ), mais en s’affirmant pour " une politique familiale de gauche ", le gouvernement prend à contre-pied son électorat de gauche pour plaire aux milieux petit-bourgeois et bourgeois. Il s’affirme le défenseur du rôle de la famille, sur le plan économique et social alors que la famille traditionnelle est de plus en plus dépassée par rapport à l’évolution de la vie elle-même. L’institution du mariage, imposée à l’ensemble de la société par la bourgeoisie qui seule y avait des intérêts financiers de transmission de ses privilèges, a prouvé son inadéquation à organiser la cohabitation volontaire de ceux qui s’étaient librement choisis et elle est aujourd’hui, dans les faits, largement dépassée : un tiers des enfants naît chaque année hors mariage et le nombre de divorces en 96 a été de 38,3 %. Mais le gouvernement reprend à son compte l’idéologie réactionnaire de la famille comme il se fait le champion d’une politique sécuritaire et en faveur de l’enrichissement des entreprises. En même temps, c’est au nom des vertus de la famille qu’il fait la morale aux travailleurs en réaffirmant la nécessité pour " les parents en difficulté d’assumer leurs responsabilités ". Martine Aubry, en dame patronnesse, est chargée de mettre en place des " réseaux d’appui, d’écoute et de conseil aux parents " qui n’auront comme résultat que de tenter de les culpabiliser alors que le chômage s’aggrave parce que les profits capitalistes flambent.

 

Hôpitaux : licenciements programmés ?

La loi qui permet le licenciement de fonctionnaires hospitaliers existe depuis 1986 mais personne n'avait encore osé sortir les décrets d'application.

Actuellement, l'application de la Réforme hospitalière s’accélère, entraînant de plus en plus de suppressions de postes et de fermetures de services. Pour accompagner ces restructurations, le gouvernement Jospin prépare la possibilité de nous licencier. Le projet de décret explique qu’en cas de suppression d'emploi dans un établissement, la direction s'en remet à l'Agence Régionale de l'Hospitalisation. Celle-ci propose aux fonctionnaires dont l'emploi est supprimé trois postes vacants, éventuellement dans une autre commune, un autre département.

Voici un extrait de l'article 4 de ce projet de décret : " Le fonctionnaire dont l'emploi est supprimé dispose d'un délai maximal d'un mois pour accepter ou refuser, par lettre avec demande d'avis de réception, chacun des trois postes qui lui sont proposés. Faute d'une réponse dans le délai prescrit, le fonctionnaire concerné est licencié. Il est également licencié s'il refuse le troisième poste proposé ".

Bref, c'est la mobilité forcée ou le chômage ! Pour défendre l'hôpital public et nos emplois, il est vital d'exiger le retrait total de ce projet de décret et au-delà, le retrait de la Réforme Hospitalière.

Soyons lucides, seule la lutte permettra d'imposer cela !

 

Clinique du Tondu (Bordeaux ) : grève du personnel soignant

Depuis le 10 juin, 95 % du personnel soignant, ainsi que lingères et cuisiniers de cette clinique de 260 lits de chirurgie sont en grève totale. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail par manque de personnel et les salaires bloqués depuis un an. Ces salaires, largement inférieurs à ceux, par exemple, du CHR, sont de 5400 francs pour une aide-soignante ou de 8000 francs pour une infirmière.

Les conditions de travail sont épuisantes : une infirmière seule, à partir de 16 heures, avec 24 malades, aidée par deux aide-soignantes ou le plus souvent une seule ; des lits ajoutés dans les chambres et des heures supplémentaires non payées…

Les chirurgiens actionnaires, qui n’ont aucun problème de fin de mois, ont récemment licencié les internes. Mais comme ces messieurs ne veulent pas entendre parler de permanences de nuit, il faut assurer sans présence médicale ; et si un problème se pose, on reçoit les consignes par téléphone. Vive la sécurité des malades !

Les revendications sont : 2,5 % d’augmentation pour tous, un 13ème mois à la place de la prime d’intéressement (qui, certaines années, est égale à zéro) et neuf embauches d’infirmières et d’aide-soignantes.

La direction joue l’épreuve de force et, dès le deuxième jour, elle exigeait un service minimum de quatre infirmières et de trois aide-soignantes pour… cent malades. Autant dire que les malades n’auraient pas été en sécurité, ce que tout le personnel a refusé. Du coup, le directeur a fait vider la clinique en envoyant tous les malades dans les services environnants.

Les représentantes de la CGT qui ont créé la section en mars dernier négocient avec la direction qui, pour l’instant, a promis six infirmières, quatre de jour et deux de nuit. Mais, pour les salaires, elle ne veut accorder que 1,5 %. Et encore, cette augmentation dérisoire sera noyée dans la prochaine augmentation prévue par la convention collective UHP.

A ce jour, mardi 16, rien n’est donc gagné et le sentiment général c’est la colère. Le directeur menace de faire appel à un médiateur et si certaines espèrent que cela pourrait débloquer la situation, pour la plupart ce médiateur ne pourrait qu’être favorable au patron.