éditorial



Ceux qui cultivent la " préférence " ou la " souveraineté " nationales sèment la violence

Toute la presse a fait ses unes des affrontements entre la police et des hooligans allemands qui ont eu lieu le week-end dernier à l’occasion d’un match de la coupe du monde à Lens. La brutalité avec laquelle un gendarme a été tabassé à mort, soulève l’indignation. Une indignation légitime mais qui ne permet pas de comprendre d’où vient cette violence, qui l’entretient et à quelles fins. Bien des politiciens et journalistes flattent cette indignation en mettant en valeur la folie de ces actes dont ils masquent les causes. Ils contribuent ainsi à priver les travailleurs de la possibilité de comprendre et donc, de trouver les seules et réelles solutions. Comprendre rend cette violence sécrétée par toute la société, l’idéologie et la morale du capitalisme encore plus insupportables.

Ces hooligans, qu’ils soient anglais, allemands, italiens ou français, n’oublions pas les casseurs du PSG, sont directement les produits monstrueux de l’idéologie nationaliste, chauvine voire raciste, qu’entretiennent bien des journaux et leurs bailleurs de fonds autour du football et du sport en général. Ces voyous sont aveuglés par l’individualisme, l’esprit de concurrence, subjugués par la force, tout ce qui conduit au mépris de l’autre, à la haine de ceux qui ne sont pas du même pays, du même groupe, du même milieu social. On voudrait nous faire croire qu’ils sont issus de milieux populaires. C’est pour l’essentiel faux. Ce ne sont pas les chômeurs de Liverpool, de Londres, d’Hambourg ou de Berlin qui peuvent se payer les frais de leur étrange aventure.

La presse a rapporté la présence de militants d’extrême-droite parmi les hooligans allemands, noté les chants nationalistes ou guerriers des uns et des autres, cela n’a rien d’étonnant, celle-ci flattant en permanence la violence, le nationalisme, le racisme.

Lundi dernier, le tribunal d’Aix en Provence a rendu son verdict contre un militant du Front National, meurtrier d’un jeune comorien, Ibrahim Ali. Le même jour, s’ouvrait à Bordeaux le procès de deux proches du même parti, vouant une même haine aux juifs et aux immigrés, coupables de trois crimes racistes dont celui d’avoir enlevé et assassiné un vendeur parce qu’il était juif.

Quel que soit son verdict à l’égard des meurtriers, la justice est bien incapable de faire le procès des véritables responsables qui poussent les plus déséquilibrés à passer à l’acte comme elle est incapable de faire le procès de l’idéologie, de la morale de la société de classe que l’extrême-droite pousse au bout de sa logique absurde et criminelle. Mégret est venu justifier devant le tribunal d’Aix le crime de son colleur d’affiche, mais lui n’est pas condamné.

C’est bien l’apologie de la concurrence entre les individus, cet esprit dévoyé de la compétition, qui vise à dresser les hommes les uns contre les autres, c’est bien l’apologie du nationalisme qui donne une prétendue raison d’être à cette féroce compétition, qui créent le climat incitant aux actes de violence tant individuels que collectifs.

Aujourd’hui, les idées de l’individualisme, de la concurrence, du nationalisme, sont largement défendues et mises au service de la guerre économique à laquelle se livrent les différentes bourgeoisies, ou les trusts entre eux. Et elles se répandent d’autant plus que le mouvement ouvrier, qui seul est réellement porteur des idées de progrès, de fraternité, de coopération entre les hommes et les peuples, a connu ces dernières années un profond recul parce qu’il a fait trop confiance aux partis socialiste et communiste dont les ministres aujourd’hui font l’apologie du profit et de la concurrence.

Oui, parce que les travailleurs ont fait confiance aux politiciens de gauche, ils se trouvent aujourd’hui désemparés devant cette brusque montée des idées réactionnaires que reprend à son compte une large fraction des politiciens de droite qui se font les apôtres des idées de " la préférence nationale ", pour la plus grande satisfaction de Mégret et de Le Pen.

Les travailleurs sont désemparés mais ils sont loin d’être désarmés.

Ils ont cédé du terrain mais ils n’ont pas encore réellement commencé à combattre, leurs forces sont intactes et leur puissance infiniment supérieure à celle de tous les hystériques, nostalgiques du nazisme, et de leurs sbires. Ce week-end, de puissantes manifestations ont eu lieu à Rome, à Madrid et à Berlin. Aujourd’hui, les travailleurs commencent à reprendre le chemin de la lutte, de l’organisation, et c’est là qu’est la solution, la seule solution pour que les premiers signes inquiétants de recul et de décadence sociale ne deviennent autre chose qu’un avertissement. Oui, pour faire barrage à cette violence aveugle qui dresse les hommes les uns contre les autres, le monde du travail doit s’organiser pour défendre et faire respecter ses propres idées, les idées de la solidarité, de la coopération entre les hommes et les peuples, opposées à celles de la concurrence et de la guerre économique des patrons et des financiers. Nous devons affirmer notre mépris des frontières nationales comme des frontières raciales, purs produits de la concurrence capitaliste, pour affirmer l’internationalisme qui unit le monde du travail par-delà les frontières.

 

Le SMIC maintenu au plus bas par Jospin et la flexibilité généralisée par Aubry : le patronat est gagnant sur toute la ligne

En annonçant une hausse du SMIC de 2 % à compter du 1er juillet, Jospin et Martine Aubry se sont livrés à leur prestation favorite d’une hypocrisie bien rodée. Ils se sont posés en arbitres au-dessus de la mêlée entre les salariés et les patrons. Ils disent avoir adopté une voie médiane, " équilibrée ", entre les exigences du CNPF et celles des syndicats. En fait, ils ont choisi le chiffre qui répondait le mieux aux vœux du patronat. Certes, le vice-président du CNPF, Georges Jollès, avait donné de la voix en réclamant que le gouvernement s’en tienne à une hausse de 1,5 % : " On ne voit pas comment il sera possible de concilier la réduction de la durée du travail avec la nécessaire modération salariale qu’elle implique pour ne pas dégrader la compétitivité des entreprises. " " Le Figaro ", qui est expert en la matière, a trouvé qu’il s’agissait d’une déclaration " somme toute modérée ".

La petite comédie que nous jouent le gouvernement et le CNPF se réduit à ceci : Jospin voudrait faire croire aux salariés qu’il ne peut pas faire plus sur le SMIC, étant donné qu’il leur a fait un cadeau royal sur les 35 heures qui risquerait d’être compromis dans les négociations à la rentrée avec les patrons. En fait le patronat va ramasser deux fois la mise. La loi Aubry va lui permettre de généraliser la flexibilité et de remettre en cause des conventions collectives sous prétexte de faire donnant-donnant. La faible hausse du SMIC va lui permettre de dégager un maximum de profits et de maintenir la pression à la baisse sur l’ensemble des salaires. A supposer que l’inflation augmente un peu dans les mois à venir et Jospin pourra se flatter d’avoir abaissé le coût de la main d’œuvre la moins bien payée avec son augmentation nominale de 2 %.

De leur côté les centrales syndicales ont adopté sur la question le profil le plus discret qui soit. Elles ont toutes réclamé " un coup de pouce " et agité le chiffre de 3 % de la croissance, ce qui laissait entendre qu’une augmentation de 3 % leur aurait semblé satisfaisante. Les dirigeants syndicaux se disent donc déçus, de même que Robert Hue qui réclamait 4 % d’augmentation se dira vraiment déçu et retrouvera très vite le sourire.

Les travailleurs prennent bonne note que l’augmentation du SMIC par la gauche plurielle correspond à 3 francs par jour tandis que les plus riches possédants voient depuis des mois leur fortune augmenter de plusieurs millions par jour. Celle de Liliane Bettencourt du groupe l’Oréal a augmenté de 63 millions par jour depuis un an. L’un explique l’autre. C’est parce que le patronat écrase la masse salariale avec la collaboration active du gouvernement et augmente la productivité des travailleurs aux dépens de leurs conditions de travail que les profits s’enflamment et attisent la spéculation boursière.

Manifestations en Espagne, Italie et Allemagne : l’avenir est à la convergence des luttes à l’échelle européenne

Samedi dernier ont eu lieu des manifestations dans trois capitales européennes, Rome, Madrid et Berlin.

Plus de 150 000 personnes ont manifesté à Rome pour exiger du gouvernement des mesures de lutte contre le chômage, qui touche 12,2 % de la population dans l’ensemble de l’Italie, et près de 30 % dans le Sud -40 à 50 % dans certaines régions-, d’où venaient la plupart des manifestants. A Madrid, les manifestants réclamaient une loi sur les 35 heures sans réduction de salaire, et ils étaient près de 40 000 bien que les directions des principales organisations syndicales, UGT et Commissions Ouvrières, n’y appelaient pas. Enfin à Berlin, près de 20 000 personnes ont dénoncé le chômage, et réclamé plus de justice sociale, en même temps que - élections obligent - un " changement politique ".

Quels que soient les calculs politiciens de ceux qui pensent pouvoir les utiliser pour leurs objectifs arrivistes, comme le maire de Naples ou les dirigeants sociaux-démocrates allemands, la coïncidence de ces trois manifestations le même jour met en évidence que la montée du mécontentement est générale en Europe, et les préoccupations des travailleurs communes, en premier lieu celle de la lutte contre le chômage.

La même logique conduit les gouvernements de tous les pays européens à s’attaquer de front au monde du travail pour servir les intérêts des trusts les plus puissants, qui exigent une rentabilité croissante de leurs capitaux pour faire face à la concurrence acharnée qui les oppose, sur un marché rétréci par l’appauvrissement des populations.

Ce sont ces trusts qui exigent et obtiennent l’ouverture complète des frontières à leurs capitaux, le démantèlement des monopoles nationaux et des marchés publics, pour que puissent s’exercer, sans entrave et sur l’échelle la plus large possible, leur parasitisme et leur pillage du travail collectif. Partout dans le monde et, pour ce qui nous concerne de plus près, en Europe. La prochaine mise en place de l’euro a pour objectif, en unifiant par une monnaie commune le marché européen, de leur permettre d’y imposer leur concurrence dévastatrice, exigeant d’ores et déjà, par le biais du respect des critères de convergences, que soient réduites toutes les dépenses publiques utiles à la population, abaissé le coût du travail et donc les salaires, aggravée l’exploitation.

En coordonnant leur politique anti-ouvrière par les objectifs communs que nécessitent la mise en place puis la " bonne santé " de l’euro - dans onze pays d’Europe pour l’instant -, les gouvernements contribuent, bien malgré eux, à la convergence future des luttes des travailleurs à l’échelle européenne.