éditorial



En Algérie comme en France, contre tous les intégrismes, seuls les travailleurs peuvent donner vie à une société démocratique

Le drame que vit quotidiennement le peuple algérien depuis six ans est revenu au premier plan de l’actualité avec l’assassinat du chanteur Lounès Matoub. En Kabylie de nombreux jeunes sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère aussi bien contre les intégristes islamistes que contre le gouvernement du général Zeroual qui a cherché à désigner tout de suite le GIA comme responsable de ce crime, alors que le pouvoir avait tout intérêt à sa disparition.

La popularité du chanteur qui se voulait avant tout le défenseur de la culture berbère tenait aussi au fait que pour mener son combat, il s’en était pris aussi bien aux intégristes qui l’avaient enlevé et failli le tuer en 1994 qu’au régime sanglant et corrompu actuellement en place.

Le gouvernement et les intégristes se font concurrence en faisant de la surenchère sur le terrain réactionnaire. C’est la raison pour laquelle le gouvernement algérien a décidé de rendre partout obligatoire la langue arabe classique que ce soit dans l’enseignement ou l’administration à partir du 5 juillet. Ce projet n’est pas nouveau puisqu’une loi datant de 1991 le prévoyait déjà. Mais vouloir l’appliquer est une provocation qui ne peut que réjouir les islamistes. En interdisant sous peine d’amende de parler ou d’écrire l’arabe courant, le français et la langue berbère, le pouvoir cherche à brimer toute la population algérienne mais plus particulièrement celle qui vit en Kabylie.

En allant à fond sur le terrain des mesures réactionnaires dans tous les domaines, en se servant de l’arabisation, de la religion et de tout un arsenal législatif pour opprimer les femmes, la dictature en place ne fait que renforcer les intégristes et leur ouvrir la voie vers le pouvoir.

Dans la rivalité entre ceux qui veulent accéder pleinement au pouvoir et ceux qui s’y accrochent, il est bien souvent impossible de savoir quelles complicités existent, qui a commis tel ou tel massacre car tous ces gens-là ont des points communs qui les unissent : la crainte des masses populaires et la volonté farouche de les diviser, de les exploiter et de les réduire à une misère extrême.

Les travailleurs en Algérie ont en effet déjà montré leur force à plusieurs reprises par des manifestations et des mouvements de grèves ; de même que la jeunesse s’est affrontée avec détermination aux forces de répression du pouvoir. Les ouvriers, les paysans pauvres et les jeunes constituent une menace pour la classe dirigeante et pour tous ceux qu’ils arment et associent à leurs profits.

Il n’est donc pas étonnant que l’armée et les milices pro-gouvernementales utilisent les mêmes méthodes ignobles que les commandos intégristes. Les crimes des uns servent de justification aux crimes des autres et de paravent à leurs trafics. Ils servent tous les intérêts des riches en Algérie et des hommes d’affaires français qui pillent les richesses de l’Algérie.

Mais les victimes sont toujours dans le même camp social. La terreur des uns et des autres s’exerce avant tout contre les pauvres des villes et des campagnes. Et dans la foulée elle vise tous ceux qui s’opposent sur un point ou sur un autre, comme Lounès Matoub, à leurs objectifs réactionnaires.

Le cauchemar que vit la population algérienne nous concerne tous à de nombreux égards. Après avoir subi le joug colonial français et une guerre pendant plus de sept ans pour obtenir son indépendance, le peuple algérien n’a pas connu autre chose qu’un régime dictatorial totalement dévoué aux intérêts des banques et des trusts français. Aujourd’hui la dictature de Zeroual bénéficie du soutien du gouvernement Jospin qui ferme les yeux sur ses crimes. C’est une raison de plus pour nous travailleurs, de nous détourner de cette gauche plurielle qui, comme la droite avant elle, s’accommode de toutes les dictatures pour que la bourgeoisie française puisse continuer tranquillement à leur vendre des armes et à piller les richesses du Tiers monde.

Mais la situation algérienne nous donne aussi le spectacle de ce que nous aurions à subir de ce côté-ci de la Méditerranée, si nous laissions tous les intégristes français, notamment du Front national, tous les politiciens réactionnaires prêts à faire alliance avec eux se renforcer afin de diviser profondément les rangs des travailleurs et de briser leur capacité de résistance face aux attaques du patronat.

En France aussi les classes dirigeantes seront tentées un jour d’écraser les libertés démocratiques élémentaires pour sauver leurs profits. Elles sont prêtes à les supprimer avec la collaboration des Le Pen et des Mégret pour sauver les bases de leur système d’exploitation. Nos ennemis, qui sont aussi les ennemis de toute démocratie, ce sont ceux qui opposent les Français aux immigrés, les Arabes aux Kabyles, les Blancs aux Noirs ou les hommes aux femmes.

Les travailleurs, toutes origines confondues, doivent rejeter ces oppositions stupides qui ne préparent que des bains de sang et la perpétuation du système capitaliste. Les progrès ne peuvent venir que de la classe ouvrière, consciente de son rôle.

Seuls les travailleurs de tous les pays peuvent créer les bases d’une société démocratique solidement établie, permettant la satisfaction des besoins matériels et culturels de tous.

Le gouvernement remet en cause le droit à se soigner

Les dépenses de santé ont augmenté de 6,3 %, hors dépenses hospitalières, sur les quatre premiers mois de l’année par rapport à 97. Il n’en faut pas plus au gouvernement pour s’emparer de ces chiffres pour déclencher une propagande tous azimuts contre cette hausse. " Ce n’est pas en se bourrant de médicaments qu’on est mieux soigné " a déclaré Martine Aubry, relayée par le ministre de la santé Kouchner, qui annonce que " nous ne sommes pas au bout de nos peines ". A nouveau il s’agit de culpabiliser les médecins qui doivent limiter leurs prescriptions, et accuser la population de jeter de l’argent par les fenêtres pour des dépenses inconsidérées. Fidèle au plan Juppé, le gouvernement veut à tout prix restreindre tout ce qui est du domaine de la santé. " La maîtrise des dépenses doit être un engagement de l’ensemble des acteurs du système " selon Martine Aubry qui se sert abusivement des chiffres pour mener tambour battant campagne contre le droit à se soigner. Alors que le taux de remboursement des actes médicaux est l’un des plus bas des pays européens, qu’il a baissé de 74,8 % en 80 à 74,4 % en 96, le gouvernement accuse la " surconsommation abusive " tout en déclarant que " nous ne pouvons pas aller en deçà " du taux actuel de remboursement. Alors pêle-mêle, la consommation d’antibiotiques et de tranquillisants est mise sur la sellette, l’augmentation des dépenses des spécialistes et la revalorisation prévue au 1er juillet des actes dentaires est annulée. Des " mesures fortes " seront annoncées vendredi 4 juillet préparant de nouveaux mauvais coups avant le vote du budget de la Sécurité sociale prévue en septembre. La dégradation des conditions d’existence de l’ensemble du monde du travail a pour conséquence une limitation contrainte et forcée du droit à se soigner, une possibilité moindre de consulter plus tôt et donc de rendre possible une véritable prévention, et pour les dépenses les plus mal remboursées comme les soins dentaires et d’optique, la privation pure et simple. Si la consommation d’antibiotiques est en augmentation, c’est bien la preuve que des pathologies bénignes non soignées à temps, s’aggravent et que la pression pour ne pas s’arrêter en maladie contraint à avoir recours aux antibiotiques, comme la prescription de tranquillisants est en relation directe avec le stress au travail en augmentation, de l’avis même de la médecine du travail. En accentuant la pression contre le droit à se soigner, le gouvernement s’apprête à ouvrir la voie à la privatisation de la Sécurité sociale lorgnée d’ores et déjà par des groupes d’assurances comme Axa qui y voient la perspective de faire des profits mirobolants. Pendant que les trusts privés de l’industrie pharmaceutiques continuent à s’enrichir et à prospérer à l’ombre de la bienveillance gouvernementale.

Citation : Karl Marx, Lettre à Weydemeyer, 5 mars 1852

" Ce n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert l’existence des classes dans la société moderne, pas plus que la lutte qu’elles s’y livrent. Des historiens bourgeois avaient exposé bien avant moi l’évolution historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l’anatomie économique. Ce que j’ai apporté de nouveau, c’est : 1° de démontrer que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiques déterminées du développement de la production ; 2° que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ; 3° que cette dictature elle-même ne représente qu’une transition vers l’abolition de toutes les classes et vers une société sans classe "...

Application des 35 heures : les patrons prennent les devants pour nous porter leurs sales coups, préparons la contre offensive

Les patrons qu’on a vus mener une guerre farouche contre la loi Aubry pendant qu’elle était discutée au parlement, se hâtent aujourd’hui d’ouvrir ou de programmer des négociations par branche pour son application.

Hostilité sur le fond, pragmatisme sur la forme ", commente le journal patronal Les Echos. Hostilité pour la galerie, plus contre la perspective de voir s’ouvrir des discussions risquant de constituer une brèche par laquelle les travailleurs pourraient avancer leurs propres revendications, que contre la loi elle-même dont ils savent qu’elle leur est favorable. Pragmatisme car les patrons comptent bien profiter de cette occasion pour attaquer sur les salaires - dont la loi incite à la " modération " - sur l’annualisation du temps de travail, les contingents d’heures supplémentaires, voire de remettre en cause l’ensemble des conventions collectives.

L’épreuve de force est engagée, donc, et comme les patrons ont pour eux d’être à la direction des affaires et d’être organisés, ils prennent les devants, pour essayer de faire entériner, à la va-vite et pendant l’été, les sales coups qu’ils comptent porter contre les salariés en s’appuyant sur les possibilités que leur donnent la loi et la passivité complice des directions syndicales.

Déjà les patrons des banques et de la chimie ont saisi l’occasion d’en remettre en cause la convention collective. Il y a les branches, disent Les Echos, " qui veulent obtenir des contreparties propres à leur secteur : l’annualisation du temps de travail et le travail du dimanche pour l’imprimerie, le temps partiel annualisé pour le jouet, la possibilité de négocier avec des élus sans étiquette syndicale pour les experts-comptables, ou la hausse du quota des heures supplémentaires pour la plupart des branches : Capeb (Bâtiment), textile, production agricole... "

Dans la métallurgie, les négociations sont ouvertes depuis mardi dernier. Le journal La Tribune fait état des projets patronaux, dont certains responsables syndicaux ont eu vent, sur les heures supplémentaires : " Le Code du travail fixe à 130 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires que les entreprises peuvent utiliser, sans autorisation de l'inspection du travail. Dans la convention collective de la métallurgie, le contingent annuel autorisé a été ramené à 94 heures, concession donnée aux syndicats en échange de l'annualisation. L'UIMM (syndicat patronal de la métallurgie) pourrait proposer, selon les syndicats, de porter à 188 heures, voire à 282 heures, le contingent d'heures supplémentaires, pour permettre aux entreprises de continuer à travailler 39 heures, sans embauches et sans nouvelle organisation du travail, tout en respectant un horaire théorique de 35 heures. Les 188 heures correspondent aux quatre heures entre 35 et 39 heures, multipliées par 47 semaines. En y ajoutant les 94 heures de dépassement déjà autorisé, on aboutit aux 282 heures ".

Un autre de leurs objectifs : imposer le développement de l’annualisation du temps de travail et de la flexibilité des horaires afin d’utiliser les machines le plus longtemps possible. Les patrons ne veulent pas investir dans l’achat de nouveaux équipements, et ils comptent user jusqu'à la corde et rentabiliser au maximum ceux existant déjà. En 97, leurs achats d’équipements étaient inférieurs de 25 % à ceux de l’année 90, tandis que la durée d’utilisation des machines dans l’industrie est passée de 48,7 heures en 1990 à 50,9 heures par semaine en 1997. Depuis 1982, cette durée d’utilisation s’est accrue de 0,6 % par an. Une rentabilisation qui se fait au prix de la multiplication des équipes, des horaires irréguliers, au vu desquels les 3 x 8, dont on sait qu’ils coûtent déjà 10 ans de sa vie à un ouvrier, seraient presque humains.

Enfin les salaires. Dans la plupart des branches, les patrons ont retardé les négociations salariales pour les mener en même temps que celles concernant l’application de la loi qui les autorise à la " modération ".

L’offensive patronale est ouverte, et la plupart des salariés des branches concernées voient bien de quoi il s’agit à travers cette application des 35 heures et à travers la loi elle-même. Les patrons bien sûr veulent nous prendre de vitesse, imposer de nouveaux textes qui conduisent tous à l’aggravation de nos conditions de travail et de salaire, en profitant de ce que nous ne sommes pas encore prêts à la contre-offensive, voire même à pouvoir nous défendre. Mais ces nouveaux accords en préparation, qui peuvent se trouver signés dans des délais brefs, ne nous lient pas les mains. Et si nous ne sommes pas en mesure de les empêcher, nous pouvons mettre à profit cette période où se discutent tous ces problèmes pour discuter nos propres revendications (les 35 heures sans flexibilité ni annualisation, les embauches, l’augmentation des salaires), nous regrouper autour d’elles, préparer nos forces en somme pour la contre-offensive.