Lettre de la Ligue Communiste Révolutionnaire aux camarades de Voix des travailleurs
Nous publions la lettre que nous ont remise les camarades de la LCR en réponse à notre courrier de septembre dernier. Cette lettre nous a été remise à l'occasion de la première rencontre de discussion entre nos deux courants.
Deux points étaient à l'ordre du jour, la situation politique et le rapport de force entre la bourgeoisie et la classe ouvrière puis les perspectives des révolutionnaires et la construction du parti. Cette réunion riche et fraternelle a surtout permis de mesurer les convergences sans épuiser les différences d'appréciations de la période - les camarades de la LCR pensent que nous avons une vision unilatérale, trop "optimiste" -, ni les différences de conception du futur parti, quel contenu donner à l'idée d'un parti large, quelle délimitation programmatique et organisationnelle. Ces questions demanderont d'autres débats, au-delà de nos seules tendances.
Cette lettre comme cette réunion indiquent la bonne évolution de nos relations. Nous nous en réjouissons. Nous tenons à préciser que ces discussions ont lieu d'un commun accord indépendamment de la perspective des élections européennes. Elles ont pour contenu, bien plus fondamentalement, les perspectives des révolutionnaires, du mouvement ouvrier, et la possibilité de jeter les bases d'un nouveau parti. Elles impliquent la possibilité de fusion de nos deux tendances, ce que nous souhaitons.
La question de l'Europe et le travail syndical seront à l'ordre du jour de notre prochaine rencontre de discussion.
Montreuil, le 16 novembre 1998
Cher(e)s camarades.
Le présent texte vient en réponse à celui que vous nous avez adressé et rendu public dans votre journal, et que pour notre part nous avons publié dans Rouge n°1799.
Celui-ci place la discussion engagée entre nous dans la perspective de " l'intégration de votre tendance à notre organisation ". C'est dire que cette discussion change quelque peu de nature et prend du sérieux. Il ne s'agit plus seulement, comme il est normal entre des courants partageant des références communes et des préoccupations semblables, de confronter expériences et positions, afin d'envisager des initiatives unitaires. Mais de bien plus que cela : par le débat et l'action, tester la compatibilité de nos projets et de nos positions et envisager la construction d'une même organisation.
Perspective qui mérite toute notre attention.
Certes, comme vous le soulignez, militer au sein d'une même organisation suppose un accord sur " les perspectives générales ", et non pas une identité de vue sur tous les problèmes, a fortiori sur les questions tactiques. Un cadre démocratique de fonctionnement doit permettre que la discussion se poursuive de manière permanente sur toutes les questions, y compris en usant des droits de tendance et de fraction qui assurent toutes les possibilités de défendre des positions spécifiques. C'est, comme vous le savez, le cas de la LCR, qui a su au cours de son histoire intégrer des courants et collectifs militants porteurs d'expériences différentes. Et même, comme actuellement, permettre la coexistence et la confrontation entre des perspectives différentes de " dépassement " de la LCR.
Cela dit, la notion de " perspectives générales ", pour juste qu'elle soit, demande à être précisée. Vous comme nous savons ce que construire une organisation, militer au quotidien, définir un projet politique et le défendre dans une situation à bien des égards difficile, implique de difficultés, génère de tensions et conflits. Et nous savons aussi qu'au-delà des références programmatiques et historiques communes, nous avons milité les uns et les autres, des décennies durant, dans des courants distincts, avec ce que cela signifie d'habitudes et de pratiques différentes, créant ce qu'on appelle parfois des " cultures " politiques.
Les références au marxisme-révolutionnaire, au trotskysme, au combat pour la révolution socialiste ne sauraient suffire à rendre viable une même organisation. La continuité de votre combat établit avec la LCR un socle commun programmatique, mais le choix de construire la LCR suppose une compréhension partagée des événements et des tâches entre nos deux courants, qui ne saurait résulter d'un choix fait par défaut. L'exclusion de LO que vous avez subie, les problèmes que vous vous posez à partir de la construction de VDT, comme les effets possibles d'une bonne campagne LO-LCR pour les européennes ne peuvent suffire pour résoudre à eux seuls le problème d'une intégration réussie à la LCR.
Si celle-ci se réalise, ce que nous souhaitons, elle signifiera en effet une rupture dans l'histoire de votre courant et dans sa dynamique, puisque de tendance du mouvement révolutionnaire, autonome, même si ce n'était pas de votre volonté, vous deviendrez une composante de la LCR.
Le choix de construire la LCR ne relevant pas alors d'un choix organisationnel seulement, mais bien d'une appréciation positive de ce qu'elle représente, de son programme et de son orientation, étant entendu que des désaccords peuvent exister et se maintenir dans le cadre de l'organisation. De ce point de vue, il nous paraît important de clarifier l'appréciation que vous portez à présent sur la politique récente de la LCR. Les choix de poser en termes nouveaux la construction d'un parti large, intégrant diverses expériences, peuvent être critiqués. Ils sont, au demeurant, objet de débat au sein même de la LCR, mais entre tendances et courants se réclamant d'un projet révolutionnaire. Il serait utile que vous nous disiez votre propre appréciation sur cette question.
Les discussions que nous engageons nous semblent avoir une importance primordiale pour nous permettre, les uns et les autres, d'évaluer le degré d'accord qui peut se dégager entre nous quant à la compréhension de la situation, des tâches que nous nous fixons par rapport à celle-ci, des projets de long terme que nous pouvons nous proposer... Et ce afin d'envisager, au-delà du rapprochement entre nos deux courants, la possibilité de militer dans le même cadre organisationnel que représente aujourd'hui la LCR.
La lecture des documents que vous nous avez communiqués nous confirme que les points de débat que nous avons fixés ensemble pour nos prochaines discussions doivent permettre d'approfondir la connaissance mutuelle entre nous et d'opérer ces vérifications indispensables.
Il s'agit, en effet, de la compréhension de la période historique et des rapports de forces entre classes à l'échelle nationale et internationale. Certes, la crise financière actuelle balaie bien des illusions et laisse augurer d'un approfondissement majeur de la crise du capitalisme. Ce qui offre des possibilités nouvelles pour le combat de classe et la recomposition des forces ouvrières. Mais, dans le même temps, les conditions générales de ce combat n'en demeurent pas moins marquées par des traits structurels négatifs : des décennies d'offensive capitaliste sans répit ont affaibli la classe ouvrière, l'internationalisation impétueuse du capitalisme, à l'échelle européenne et mondiale, rend plus difficiles les ripostes ouvrières. Par ailleurs, l'effondrement des régimes de l'Est a libéré le communisme de la gangue dans laquelle prétendait l'enfermer le stalinisme, mais les conditions dans lesquelles cet effondrement s'est produit ont aussi brouillé pour beaucoup les perspectives socialistes.
La construction européenne est à resituer dans ce contexte, pour comprendre que ses avancées ne se traduisent pas forcément par de plus grandes possibilités pour les classes ouvrières et les peuples du continent d'imposer leurs propres réponses. De ce point de vue, il nous semble que votre texte programmatique propose une lecture largement unilatérale des possibilités qu'offre aux travailleurs l'actuelle construction européenne, et par voie de conséquence sous-estime l'importance de la combattre et d'y opposer d'autres perspectives.
En ce qui concerne l'intervention politique, en particulier dans le travail de masse, sur le terrain syndical ou associatif, la discussion devrait permettre de mieux apprécier les conceptions des uns et des autres. Quelles sont les responsabilités et les tâches des révolutionnaires dans les organisations syndicales et les associations ? Quelles réponses proposent-ils en termes de revendications immédiates, de revendications transitoires, de projet de société ? Quelle conception défendent-ils en matière de démocratie dans l'action politique (dans le parti, dans les mouvements de masse, dans les relations entre les uns et les autres...) ?
Ces questions sont bien sûr déterminantes pour aborder la discussion décisive sur le Parti. La crise du mouvement ouvrier et la nécessité de refonder un projet révolutionnaire de transformation sociale amènent à poser en termes nouveaux cette question du parti à construire. Comment analysons-nous la crise actuelle du mouvement ouvrier et comment envisageons-nous le parti nouveau permettant de lui apporter une réponse ? Sur quelles bases, à partir de quelles délimitations stratégiques et programmatiques ? Quelle place et quelle fonction par rapport à une telle dynamique donner à des recompositions partielles, en particulier au niveau des forces révolutionnaires ? Autant de questions sur lesquelles il convient de confronter les élaborations des uns et des autres, y compris dans leur diversité et leurs limites, inévitables à l'étape actuelle.
Tous ces points, et sans doute d'autres qui surgiront dans le cours même du débat, devraient permettre que nous précisions mutuellement notre vision des tâches des révolutionnaires dans la période présente. Dans le même temps, le militantisme en commun, en particulier dans les deux villes où nous sommes plus particulièrement présents les uns et les autres, devrait permettre de vérifier plus concrètement les rapprochements souhaitables.
L'objectif ne saurait être de prétendre dépasser d'un coup les différences, ou de dessiner des formulations de compromis, qui seraient sans intérêt ni portée. Il est de mener une vraie discussion de fond, permettant aux uns et aux autres de progresser. Il s'agit, non pas de masquer ou d'escamoter les différences de points de vue, mais de les éclairer. Afin qu'au terme de cet échange, il soit possible de décider ensemble des choix organisationnels les meilleurs. La perspective d'une organisation commune, que nous souhaitons comme vous, donne toute sa portée à ce travail que nous entamons.
Cette même discussion est évidemment d'une importance directe et décisive pour vous et pour nous, mais on doit considérer que, au-delà, elle peut être utile et enrichissante pour tous les militants et travailleurs qui s'intéressent aux recompositions possibles au sein de l'extrême-gauche et du mouvement ouvrier. Raison de plus pour l'aborder avec sérieux et confiance.
Recevez, cher(e)s camarades, nos salutations les plus fraternelles.
Le Bureau politique de la LCR
"La jeunesse est la flamme de la Révolution" Karl Liebknecht
VOIX DE LA JEUNESSE REVOLUTIONNAIRE
Edité par des militants de VOIX DES TRAVAILLEURS
Cette semaine, les jeunes militants de "Voix des Travailleurs" éditent le premier numéro d'une feuille d'agitation parmi la jeunesse des lycées, des facs, des quartiers, des usines et de bureaux, " La voix de la jeunesse révolutionnaire ".
Cette feuille quinzomadaire se propose d'aider la jeunesse à renouer avec les idées de la contestation sociale, du marxisme, à se préparer aux luttes à venir. Le mouvement de la jeunesse des lycées a montré à quel point la jeunesse était prisonnière des faiblesses du mouvement ouvrier qui n'a plus d'expression politique, même déformée ou réformiste, mais aussi qu'elle avait un rôle déterminant à jouer dans l'indispensable renaissance d'une force politique, représentant authentique de la classe des salariés, des chômeurs, des exclus, des jeunes.
Elle aura dans cette voie à dépasser les timidités de lapolitisme, à prendre le droit de parler sa propre voix, affirmer sa propre personnalité en tournant le dos à l'individualisme bourgeois, à apprendre à agir politiquement, à sorganiser démocratiquement.
Nous voulons aider la jeunesse à prendre sa place pleine et entière dans le renouveau du marxisme révolutionnaire, à assumer ses responsabilités en solidarité avec les autres générations, dans la continuité des combats passés.
Curieuse, avide de connaître et de comprendre, elle saura s'emparer des idées de la lutte de classe, poser de nouvelles questions, ouvrir des voies nouvelles en faisant sa propre expérience.
La voix de la jeunesse révolutionnaire saura se faire entendre et trouver son écho Bonne chance et bon courage.
Rosa Luxembourg, extrait dun article paru dans le journal des femmes socialistes LEgalité paru le 1er janvier 1912, à propos dun empoisonnement collectif de sans-abris dans un asile de nuit de Berlin.
" Chaque jour des sans-abri sécroulent, terrassés par la faim et le froid. Personne ne sen émeut, seul les mentionne le rapport de police. Le prolétaire ne peut attirer sur lui lattention de la société quen tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. Même le dernier dentre eux, le vagabond, devient une force publique quand il forme masse, et ne formerait-il quun monceau de cadavres. Dordinaire, un cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que des flambeaux. Au lendemain des barricades du 18 mars 1848 en Allemagne, les ouvriers berlinois relevèrent les corps des insurgés tués et les portèrent devant le Château Royal, forçant le despotisme à découvrir son front devant ces victimes. A présent il sagit de hisser les corps empoisonnés des sansabri de Berlin, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang sur des milliers de mains de prolétaires et de les porter dans cette nouvelle année de lutte en criant : A bas linfâme régime social qui engendre de pareilles horreurs ! "