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CGT-CFDT : un rapprochement pour s’éloigner encore plus des intérêts des travailleurs

Le congrès de la CFDT qui se tient cette semaine à Lille se présente comme celui du triomphe de Nicole Notat. La ligne de celle que ses opposants appelaient naguère " la tsarine " se trouve d'autant moins contestée que, d'après les sources de la CFDT, les effectifs de ce syndicat seraient en progression et qu'il a amélioré son score aux élections prud'homales de l'an dernier. Du coup, Nicole Notat s'est félicitée sans vergogne d'avoir eu raison sur tout depuis le dernier congrès de mars 1995, en particulier en soutenant le plan Juppé et en soutenant la loi Aubry. L'appareil CFDT est en pointe dans la négociation d'accords par branche sur les 35 heures qui se retournent contre les travailleurs en permettant aux patrons d'appliquer la flexibilité et l'annualisation à tout va. La CGT, qui affirme de plus en plus sa rupture avec un syndicalisme " de contestation " pour un syndicalisme " de proposition ", ne veut pas laisser à la CFDT ce créneau.

Bernard Thibault, le futur secrétaire général de la CGT est venu apporter sa caution à Notat en lui serrant la main au premier jour du congrès. Pour ménager diplomatiquement les cégétistes hostiles à ce rapprochement, Thibault a déclaré que cette rencontre avait un " caractère normal " mais personne n'est dupe. Comme l'écrit un journaliste de l'Humanité, la CFDT " joue un rôle actif dans la conclusion d'accords sur les 35 heures, un terrain sur lequel elle se retrouve désormais souvent avec la CGT ". Du coup, " les relations CGT-CFDT ont désormais une qualité nouvelle. "

Tous ceux qui couvrent le congrès de la CFDT se plaisent à souligner la position difficile des responsables de l'opposition à Notat depuis novembre 1995, regroupée dans le courant " CFDT en lutte " et publiant le journal Tous ensemble. Le rapprochement avec la CGT, qu'ils appelaient de leurs vœux, semble leur couper l'herbe sous le pied. Certains ont continué à protester à juste titre contre l'attitude anti-grève de Notat en 1995 et contre ses déclarations en faveur d'un service minimum dans les services publics ou sur la " manipulation " des chômeurs. Le responsable du syndicat des assurances à Paris s'est fait huer parce que sa fédération a reçu des subventions patronales. Bref, un certain nombre de délégués n'accepte pas que leur syndicat soit aux petits soins pour les patrons et le gouvernement, sans parler des gratifications que reçoivent certains dirigeants CFDT pour prix de leur soumission. Dernier exemple en date, le secrétaire national chargé de l'action revendicative ( ! ), Jean-René Masson, assiste à son dernier congrès car il vient d'être nommé par Aubry conseiller social à l'ambassade de France au Maroc.

Mais apparemment, certains porte-parole de " Tous Ensemble " semblent prêts à dissoudre leur courant si Notat accepte qu'ils soient représentés dans les instances dirigeantes. Certes, ils ne risquent pas de trouver un appui auprès de Thibault qui a précisé lors de sa venue que " la CGT exprime l'intention de s'extraire de la culture du refus systématique et du tout-protestataire. "

Autant dire que les syndicalistes qui veulent rester fidèles à la défense bien comprise des intérêts des travailleurs n'ont rien à négocier, ni à attendre de Thibault et de Notat. Ils doivent se détourner d'eux pour prendre appui totalement sur les travailleurs syndiqués et non-syndiqués pour préparer avec eux démocratiquement les moyens de se défendre face aux attaques du patronat et de l’Etat.

 

" Inique, la modération salariale " dit la CGT en signant l’accord des MSA sur les 35 heures

L'ensemble des fédérations syndicales, sauf FO, vient de signer un accord sur la réduction du temps de travail pour les caisses de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Cet accord doit être maintenant agréé par le ministère. Les " experts " l'attendaient avec impatience puisqu'il servira de modèle dans les discussions à la Sécurité Sociale. Là, comme à la Sécu, le gouvernement entend bien continuer ce qu'il appelle : " la baisse des effectifs à l'occasion des départs naturels ", c’est-à-dire départs en retraite, démissions, etc. non remplacés.

L'accord signé va complètement dans ce sens.

Le point fort disent les signataires, c'est l'emploi avec l'annonce de 1000 postes. Mais derrière cette annonce, le texte précise : " maintenus ou créés ". Autrement dit, ils nous jouent la sérénade habituelle : celle des soi-disant sureffectifs. Quant on connaît les retards dans le traitement des dossiers, les mois d'attente pour obtenir des réponses indispensables au paiement des retraites, on est bien loin des fameux sureffectifs. Et c'est la même chanson que les directions de caisses font entendre aux employés de la Sécu.

Côté salaires, c'est le blocage des augmentations générales jusqu'en 2001. La prime d'ancienneté, elle, sera gelée à partir de juillet 99 et ce jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective soit renégociée. Ce qui reviendra dans les faits à payer les 35 heures 35 et non 39. Convention que les fédérations patronales des MSA ont dénoncée et on sait que les patrons de la Sécu rêvent de la même chose…

La Fédération CGT des organismes sociaux s'est tout de suite félicitée de cet accord à grand renfort de coups de trompette : un texte " qui permet à la MSA de renforcer ses missions de service public ", " le premier accord national qui chiffre les emplois " et elle ose dire que les salaires sont maintenus tout en jugeant " inique " la clause de " modération salariale ". Ainsi le blocage des salaires et la suppression de la prime d'ancienneté sont pour elle une simple modération. Ce qui est surtout modéré, ce sont les réactions de la CGT !

C'est la même fédération qui, en juillet, avait pris sa plume pour critiquer vigoureusement Martine Aubry : celle-ci trouvait alors que les employés de la Sécu avaient eu une trop forte augmentation de salaire dont il faudrait tenir compte dans les discussions sur la RTT. Mais, virage oblige, finies les critiques, la voilà maintenant en phase totale avec la CFDT et la CFTC pour implorer un rendez-vous à la même ministre, en assurant tous ensemble que le rapport patronal de Bruhnes sur la Sécu est excellent !

Par contre, la discrétion est de mise sur un accord qui vient d'être signé à la CPAM de Bastia et pour cause. Cet accord prévoit 32 heures hebdomadaires, 10 % de création d'emplois, le maintien des effectifs nouveaux pendant au moins 5 ans, le maintien de toutes les garanties conventionnelles en matière de salaires, primes, etc. Accord qui est maintenant sur le bureau de Martine Aubry.

 

Cofrablack, près de Bordeaux les groupes de travail sur les 35 heures s’enrayent

Dans le cadre des négociations sur la réduction du temps de travail, la direction avait proposé début novembre l'organisation de groupes de travail composés de salariés de chaque service. But non avoué : isoler les sections syndicales CGT et CFDT, imposer aux salariés de discuter annualisation, flexibilité ou toute autre forme de modulation. Notre première réaction fut de proposer de boycotter de telles réunions, mais après une consultation dans l’ensemble des services, où les revendications ont été clairement affirmées - embauche de CDI, pas d'annualisation, pas de flexibilité, pas de gel des salaires, il a été décidé de participer aux réunions pour défendre ces revendications.

La première séance de réunions de ces groupes de travail fut un fiasco pour le patron. L'animateur refusant tout débat autre qu'annualisation et flexibilité, il y eut des discussions animées allant jusqu'aux menaces de quitter la séance et de ne pas participer aux suivantes s'il devait en être ainsi. Le lendemain, la direction faisait le tour des services en s'excusant de la " maladresse " de l'animateur.

Le jour des élections professionnelles, la direction demanda un entretien aux délégués syndicaux présents. Elle nous fit part de " ses inquiétudes " sur la tournure qu'avaient prise les premières réunions des groupes de travail. L'entretien fut de courte durée, notre satisfaction plutôt voyante lui faisait faire la grimace. Le 25 novembre, nous apprenions que le même animateur venu pour la deuxième séance des réunions avait été ramené à l’aéroport, il était malade. Le bruit a couru qu'il aurait été remercié, un bruit que nous avons entretenu.

A ce jour, veille de ce qu'aurait été la troisième séance, nous n'avons plus aucune nouvelle des " groupes de travail sur les 35 heures " et personne n’en demande !

 

35 heures dans les entreprises publiques : l’Etat veut surtout réduire… les effectifs !

Quatre grandes entreprises publiques sont sur la sellette pour la négociation de la loi Aubry : la Poste, France Télécom, EDF-GDF et la SNCF. Les dirigeants de ces entreprises ont annoncé la couleur : ce sont les effectifs, voire les salaires qu’ils veulent avant tout réduire.

A France Télécom, la direction avait annoncé un plan de réduction de 2,7 % des effectifs par an. L’application des 35 heures dont elle attend la réduction de " la progression salariale " et un recours plus large au temps partiel, auraient comme effet que la réduction des effectifs se ferait au rythme de… 2 % par an ! Les dirigeants de l’entreprise qui fait le plus de profits en France - 15 milliards de francs pour l’année passée - n’ont pas encore eu le cynisme de dire s’ils demanderaient ou pas à bénéficier de l’aide financière de l’Etat au titre d’un " accord défensif "…

A la Poste, qui emploie 310 000 salariés, une nouvelle réunion doit avoir lieu le 10 décembre. Mais d’ores et déjà, les " expéri-mentations " sur la réduction du temps de travail faites sur 69 bureaux ont annoncé la couleur : les 35 heures, c’est sans embauche, voire, dans certains cas, cela permet de supprimer des postes. Au point que certains bureaux de poste " pilotes " ont déjà fait grève contre les mesures de la direction.

A EDF-GDF, ce sont 12 000 emplois sur les 142 000 existants que la direction veut supprimer. Ses propositions sont une telle provocation que l’ensemble des syndicats, de la CGT à la CGC, ont suspendu jeudi dernier leur participation aux négociations sur les 35 heures. Le cynisme de la direction est d’autant plus mal ressenti par les salariés qu’EDF vient d’acheter London Electricity pour 19 milliards de francs !

A la SNCF, si Gallois brandit aujourd’hui " la stabilité des effectifs " et déclare avoir renoncé aux 1500 suppressions d’emploi qu’il avait bel et bien programmées dans le prochain budget de l’entreprise, ce n’est qu'à cause de la grève des contrôleurs et du mécontentement de l’ensemble du personnel…

Les dirigeants de ces entreprises ont l’appui total de leurs " autorités de tutelle ", que ce soit Pierret, secrétaire d’Etat à l’Industrie ou Strauss-Kahn qui affirment que les entreprises publiques doivent " d’abord faire de la croissance ". Il s’agit bien sûr de la croissance des profits. Martin Vial, directeur général de la Poste, a déclaré qu’il comptait appliquer la RTT " conformément à l’esprit de la loi " et Strauss-Kahn a déclaré souhaiter pour EDF-GDF où la direction compte supprimer des milliers d’emplois, " un accord exemplaire " !

 

Grève du 3 décembre à la Poste, une vraie riposte se préparera à la base, démocratiquement

A l’appel de SUD et de la CGT, les postiers étaient invités à faire grève jeudi 3 décembre. En Ile-de-France, un rassemblement a eu lieu devant la délégation régionale, près de Montparnasse. Les revendications portaient sur deux axes principaux : arrêt des restructurations en cours, des suppressions de postes, de la précarité des embauches, et réduction du temps de travail pour tous, sans diminution de salaire et avec embauches correspondantes.

Bien qu’un appel d’une journée sur fond de bagarre d’appareils entre la CGT et SUD ne favorisait pas la mobilisation, un nombre non négligeable de postiers ont tenu à manifester leur désaccord face aux orientations de la Poste, qui se traduisent par un manque d’effectifs dans beaucoup de services, par des brimades et une pression constante sur les jeunes embauchés, et des conditions de travail qui se dégradent pour tous.

Environ un millier d’agents étaient présents au rassemblement. La grève a été suivie de manière inégale, plus dans les gros centres que dans les petits bureaux. Dans le Val-d’Oise, par exemple, la moyenne du département était de 13 % de grévistes, et le Centre de Tri de Pontoise était en grève à plus de 50 %.

Cette journée a aussi été l’occasion pour nous de montrer à la direction que les manœuvres qu’elle prépare avec les 35 heures ne passeront pas sans réaction. Pour l’instant, les 69 " sites pilotes " de l’ARTT (A pour Aménagement) ont été transformés en véritables laboratoires des nouvelles méthodes d’exploitation du personnel. A l’Isle-Adam, bureau-test dans le Val-d’Oise, depuis la mise en place de l’ARTT, on a compté jusqu’à 8 tournées à découvert (non remplacées) le même jour, sur 22 quartiers distribués en tout. La direction oblige les facteurs de secteur (responsables de plusieurs quartiers) à faire les tournées manquantes en heures supplémentaires l’après-midi !

Allongement des tournées des facteurs, suppression des remplaçants, allongement de la journée de travail, diminution des horaires d’ouverture des guichets... tout est bon pour se servir du prétexte de la réduction du temps de travail pour réorganiser les services en abaissant les conditions de travail.