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Front national : du rififi entre voyous de luxe avides de postes et de pouvoir

Cris et injures, interventions musclées du service d’ordre, dénonciation de trahison et de putsch, le conflit entre Le Pen et Mégret a tourné à la guerre ouverte lors du dernier Conseil national, samedi dernier. Deux proches de Mégret, qui avaient été auparavant licenciés de leur poste de permanent " pour raisons économiques ", puis suspendus du Front national, ont été expulsés de la salle où se tenait la réunion. Dimanche sur RTL, Le Pen a justifié ce " coup de torchon " contre ce qu’il a appelé " une minorité activiste et extrémiste ", " un petit groupe turbulent ", et a continué à faire tomber les têtes. Trois collaborateurs de Mégret avaient été exclus la semaine dernière, et mardi, quatre autres ont dit l’être également. Parmi eux, Serge Martinez, exclu pour avoir demandé la tenue d’un congrès extraordinaire, est l’ancien patron de " Minute ", et Pierre Vial, accusé par Le Pen d’être " coorganisateur " des événements au Conseil national, est professeur à l’université de Lyon et fondateur en 68 du "Grece", un cercle d’intellectuels se livrant à une propagande ouvertement raciste. Le Pen a fait donner ses proches, dont son gendre Maréchal et une de ses filles qui exige de Mégret qu’il désavoue les siens ou quitte le FN. De son côté, Mégret a annoncé mercredi dans une conférence de presse, qu’il souhaitait la convocation d’un congrès extrordinaire. Quelques heures après, il a été démis de ses fonctions de délégué général par Le Pen qui s’oppose à toute convocation de ce congrès.

Le déballage d’insultes et d’accusations, auquel se sont livrés les deux clans, comme les curriculum vitae de leurs responsables, confirment que les uns et les autres appartiennent à la même espèce de voyous arrivistes et racistes. Mégret et nombre de ses partisans actuels, anciens notables minables des partis de la droite traditionnelle, avaient rallié le Front national en 88, attirés par les succès que la politique de la gauche au gouvernement avaient offerts à l’extrême-droite, voyant là une possibilité de satisfaire leurs ambitions arrivistes. Les années suivantes, le Front national a augmenté encore ses scores, gagnant dans des couches populaires et même en partie ouvrières, un électorat qui croyait de cette manière pouvoir exprimer sa révolte et son écœurement des politiciens dont ceux de la gauche.

L’abondance de postes et de sinécures a assuré une unanimité de façade, en même temps qu’elle a aiguisé les appétits. La crise éclate alors que le mouvement de balancier qui avait fait s’exprimer une partie du mécontentement sur l’extrême-droite, repart dans l’autre sens, parce que la radicalisation d’une fraction du monde du travail ouvre de nouvelles perspectives dans le sens de la lutte, et rend beaucoup moins sûrs une nouvelle progression du Front national, comme l’objectif des 20 % affiché par Le Pen pour les prochaines européennes.

Mégret, alors qu’il voudrait profiter de la crise de la droite pour transformer le Front national en parti postulant à court terme à l’accès au gouvernement en alliance avec d’autres composantes de la droite, comme l’a fait Fini en Italie en transformant l’ancien MSI fasciste en Alliance Nationale plus respectable, trouve sur sa route un Le Pen qui n’entend pas se laisser déposséder du Front national.

S’il n’exclut pas les alliances avec la droite, à preuve celle de Gollnisch avec Millon en région Rhône-Alpes, ni même d’aller au gouvernement si on le lui proposait, Le Pen est en même temps incapable de se transformer en politicien aux allures plus respectables, ce qui lui interdit l’accès à court terme à la mangeoire gouvernementale.

La crise actuelle peut déboucher sur une scission au Front national, et Millon a déjà fait des appels du pied à Mégret et à ses partisans en proposant de les accueillir dans " La Droite ", le mouvement qu’il vient de créer, tandis que les autres leaders de droite se réjouissent de l’éclatement éventuel de leur principal concurrent.

Cette crise est le produit du tournant qui s’est opéré dans la situation sociale, alors que, dans les années précédentes, on avait touché le fond de la démoralisation du monde du travail, dont s’était nourrie l’audience du Front national. Mais quelle que soit la recomposition du ramassis de voyous réactionnaires qui la compose, le danger que représente l’extrême-droite pour les travailleurs et la population, ne pourra être balayé que par la naissance d’une force politique qui représente le monde du travail et lui ouvre la perspective d’une contre-offensive radicale contre la bourgeoisie et son Etat.

 

Allègre veut privatiser l’Université : les étudiants organisent leur riposte !

Allègre a maintenant réussi à s’être mis à dos tout le personnel de l’Education nationale. Après les enseignants, les lycéens, les chercheurs et les surveillants, les étudiants sont aussi en lutte contre la politique de la " gauche plurielle ". Les étudiants d’Amiens, Montpellier, Toulouse, Nancy sont déjà en grève et occupent leur fac depuis plus de trois semaines contre le rapport Attali. Celui-ci, réalisé à la demande d’Allègre, prévoit une quasi-privatisation de l’université par le désengagement financier de l’Etat qui laisserait sa place aux entreprises.

Le patronat, en la personne de Michel Edouard Leclerc, a d’ailleurs directement participé à la rédaction du rapport. Les grosses entreprises et les banques qui auraient les moyens de financer les universités pourraient imposer eux-mêmes quels enseignements sont nécessaires ou pas. Elles s’offriraient de la main d'œuvre pas chère en généralisant les stages diplômants, ce qui leur permet aussi de faire pression sur les salariés déjà embauchés.

Avec ce rapport qui glorifie la " culture entrepreneuriale ", Allègre s’apprête donc à livrer les universités à la loi de la rentabilité. On voit d’ici l’argument d’Allègre : il s’agit sans doute de mettre l’étudiant " au centre " de l’université. Avec sa démagogie naturelle, il serait même capable de dire que cette logique ultra-sélective est la version " moderne " de l’enseignement pour tous ! Mais face à ce mépris, la colère s’accumule. D'autant plus qu'en même temps, nous apprenons la diminution des postes offerts cette année aux concours de recrutement des enseignants (moins 2800). Dans certaines disciplines, enseigner est le seul débouché possible, et cette réduction des postes est inadmissible au moment où la jeunesse lycéenne descend dans la rue pour réclamer de meilleures conditions. Certaines disciplines sont directement menacées, comme la philosophie puisqu'en 3 ans, le nombre de postes offerts au Capes a diminué de… 80 % ! Mais à en croire Allègre, notre société manque plus de CRS et de curés que de philosophes : " des cours sur la drogue, la violence, la situation dans les quartiers difficiles et la morale civique sont plus importants que la philosophie " a t-il déclaré. " 2500 ans après Socrate, Allègre fait boire la ciguë " répondent les étudiants.

Une coordination des villes en luttes ou contactées se met en place et a décidé de deux journées d’action nationale, le jeudi 10 et le mardi 15 décembre. En début de semaine, le mouvement semble s’étendre en province : Nice, Limoges, Grenoble... se mettent en grève. A Rouen, ce sont des étudiants d’Amiens, accueillis par l’UNEF, qui ont eux-mêmes fait connaître leur lutte, improvisé une AG pour que le mouvement trouve des relais. Ils ont raconté toutes les difficultés qu’ils rencontrent, toute l’énergie qu’ils ont déployée pour les surmonter, et ont communiqué leur enthousiasme. L'AG de Rouen a réuni 400 étudiants : la grève a été votée avec comme revendications principales le rejet du projet Attali, l'augmentation des postes aux concours et... la démission d’Allègre, ce qui a suscité l'enthousiasme. Dès maintenant, nous occupons la fac. Les banderoles et affiches fleurissent partout " Attalisme, stade suprême du capitalisme ", ou " Amphi III occupé, au moins un que les patrons n'auront pas "… Pour jeudi, une manifestation est prévue. Avec les vacances qui se rapprochent, tous les étudiants sont conscients qu’il va falloir très vite montrer sa force pour sortir de l’isolement et répondre au ministre comme il le mérite.

 

Antisémitisme affiché d’un magistrat de la Cour de cassation : l’institution judiciaire, garante des intérêts de la bourgeoisie, est pénétrée des préjugés sociaux réactionnaires

Alain Terrail, avocat général de la Cour de cassation, la plus haute institution judiciaire, et président honoraire du syndicat APM (Association professionnelle des magistrats), fait l’objet de poursuites pour des écrits antisémites à l’égard d’Albert Lévy, substitut du procureur de Toulon. Celui-ci est la cible des attaques de l’extrême-droite depuis qu’il a remis à un journaliste le procès-verbal d’une audition liée à une enquête sur la mairie FN de Toulon, fait pour lequel il a été mis en examen. Le juge chargé de l’enquête lui avait imposé un contrôle judiciaire, lui interdisant de se rendre au Palais de justice de Toulon et l’avait condamné... à un traitement psychiatrique, dispositions annulées par la Cour d’appel de Paris.

Dans un article de la revue de l’APM, l’avocat général Terrail avait cru bon d’écrire : " Tant va Lévy au four... qu’à la fin il se brûle ". Ces propos ont provoqué la protestation du Mrap, de la Licra, de la Ligue des droits de l’homme et du Syndicat de la magistrature qui ont demandé des " sanctions exemplaires " contre Terrail. Elisabeth Guigou s’est dite " saisie d’indignation " et a envisagé sa " suspension immédiate " pour finalement demander " des sanctions disciplinaires appropriées ", approuvée par l’ensemble des députés, du PCF au RPR. L’APM, qui a publié les propos de Terrail et dont est membre le conseiller justice de Chirac, a " exprimé ses plus vifs regrets ", présentant leur auteur comme " un homme âgé et fatigué "...

Mais à l’occasion de cette affaire, certains magistrats ont dénoncé les " juges bruns " qui affichent leurs préjugés et distillent un racisme " ordinaire ". Un avocat général de Lyon raconte : " je le vois au quotidien, des magistrats se permettent d’employer des mots comme "bougnoules" ". A Nîmes, un arrêt de la Cour d’appel vient de justifier le refus de donner la garde d’un enfant à son père " français d’origine marocaine " car " sa culture nord-africaine ne se prête pas à la complicité avec une adolescente ". Lors des audiences et dans les couloirs des Palais de justice, des propos racistes se tiennent ouvertement.

Le Parquet semble aujourd’hui estimer que Terrail a " dépassé les limites acceptables ". Une partie des membres de la Cour de cassation ont dans un texte " fait part de leur émotion ", regrettant que le président de la Cour n’ait exprimé sa " désapprobation " qu’en " termes si alambiqués et sibyllins qu’il fallait vraiment être initié pour comprendre ".

Mais au-delà de Terrail, c’est l’institution judiciaire elle-même, dont le rôle est de garantir le droit de propriété et l’ordre bourgeois qui est, comme tout l’appareil d’Etat, pénétrée des préjugés de classe réactionnaires et de l’idéologie d’extrême-droite. Mille liens unissent les " hommes de justice " à la bourgeoisie. Ainsi, Georges Fenech, président de l’APM, était ce week-end au Gabon en tant que chef de la délégation invitée par Me Bourgi, membre du RPR, ancien protégé de Foccart et avocat personnel du dictateur Omar Bongo, pour " veiller au bon déroulement des élections ". Fenech pourra ainsi assurer en toute indépendance que Bongo, cet ami bien connu de la bourgeoisie française et des actionnaires d’Elf, a été très " démocratiquement " reconduit à la tête de l’Etat gabonais.

 

" Pas de classe sans professeur "... et pas de travail sans salaire

Le ministre de l’Education nationale, Allègre, avec sa manie de nous prendre pour des gogos, a inventé un " grand principe ", tout à fait louable, auquel se réfèrent sans arrêt notes et circulaires : " Pas de classe sans professeur ".

Ceci posé, il travaille d’arrache-pied à rendre impossible son accomplissement. Les moyens destinés à assurer les remplacements des professeurs absents diminuent comme peau de chagrin, et le " grand principe " est à la merci du moindre rhume, de la moindre convocation pour un stage de formation ou une préparation d’examen.

Alors, pour parer au plus pressé, les recteurs et autres sous-fifres se creusent la tête pour concilier l’inconciliable. Ainsi,le Recteur de l’Académie de Bordeaux avait pondu, il y a quelque temps, une note de service demandant que les professeurs chargés des préparations d’examens soient convoqués en priorité le mercredi après-midi ou le samedi, notant, très finement, que ces jours-là étaient " des journées peu chargées en heures d'enseignement ". Il avait même prévu les cas d’impossibilité, une petite phrase en bas des convocations disant : " Si cette convocation entraîne l’annulation de certains cours, vous voudrez bien reporter ceux-ci à une date ultérieure que vous aurez arrêtée en concertation avec votre Chef d’Etablissement ". Quant aux stages de formation, tout le monde sait que son rêve est qu’ils soient organisés pendant les vacances.

N’attendant plus rien des directions syndicales qui ont largement montré leur volonté de ne rien faire qui puisse mettre en difficulté le gouvernement Jospin, dans divers établissements, des militants ont pris l’initiative d’organiser la riposte. Au lycée les Iris de Lormont, une quarantaine de professeurs ont signé une déclaration annonçant qu’ils refuseraient de se rendre aux convocations des samedi ou de reporter les cours qu’ils ne pouvaient pas assurer pour cause de préparation d’examen ou de stage. Ils refusent d’assurer un double travail pour le même salaire, et demandent à l’administration de créer des postes de Titulaires remplaçants en nombre suffisant. Une coordination des enseignants de quelques établissements du secteur s’est constituée et la déclaration circule et est reprise. D’autres initiatives, qu’il est difficile de comptabiliser, ont été prises ailleurs.

Devant la pression, certains proviseurs, passant outre les consignes du recteur, se sont engagés auprès des représentants des enseignants à ne pas demander le report des cours non assurés du fait de convocations à des préparations d’examen ou à des stages de formation. Et, par une note récente, le Recteur lui même a fait savoir que, " suite à diverses informations " qui venaient de lui parvenir, il avait demandé à ses services de ne plus organiser de commissions de préparation d’examen le samedi.

Qui dit que l’information circule mal dans l’Education nationale ?