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Algérie : les travailleurs refusent le chômage et la misère que leur imposent le gouvernement et les capitalistes des pays riches

Le premier ministre algérien, Ouyahia, s’est vanté devant le Parlement du bilan économique de son gouvernement. Mais cet optimisme n’est que de façade : sa démission est imminente et le nom de son successeur, Hamdani, est déjà sur toutes les lèvres.

La situation économique est catastrophique : l’effondrement des prix du pétrole aggrave la position de l’Etat algérien à l’égard de ses créanciers occidentaux. La dette extérieure de l’Algérie est de 30 milliards de dollars. Elle a payé, en 1998, 5,6 milliards de dollars à ses créanciers et elle devra payer 6 milliards en 1999. Les sommes payées sur ces deux années représentent une année de recettes pétrolières sur la base d’un baril à 15 dollars, or le baril est descendu en-dessous de 10 dollars.

La dette extérieure représente plus de 60 % du PIB. Cette charge écrasante, qui profite aux banquiers et aux industriels des pays riches, est la cause fondamentale de la dégradation de la situation en Algérie. C’est le FMI qui a imposé en 1994, en échange d’un accord sur la dette, la politique de privatisation qui a entraîné la disparition de 1 011 entreprises et la mise au chômage de 383 773 salariés, aggravant un taux de chômage qui est aujourd’hui officiellement de près de 30 % de la population active.

Cette politique de privatisations profite, bien sûr, à la bourgeoisie algérienne. Mais elle ne peut récupérer que les morceaux délaissés par les capitalistes occidentaux. L’Etat brade méthodiquement tous les secteurs de l’économie : la Commission nationale de privatisations a mis en vente ces derniers jours 14 hôtels, le secteur des briqueteries, celui des brasseries. Mais ces secteurs de l’économie ne sont destinés qu’à des petits poissons. Ce sont de toutes autres richesses qui intéressent les banquiers et les industriels occidentaux. Le gouvernement algérien a organisé mardi dernier, dans une douzaine de capitales, des réunions avec les capitalistes des pays riches pour les convaincre de prendre une part accrue à l’exploitation des richesses pétrolières et gazières du pays, des mines d’or, de diamants, de phosphates. Le gouvernement algérien se plie à la loi des grands groupes industriels et financiers, met les richesses du pays à l’encan et impose à son peuple la dictature et la misère.

Mais les travailleurs algériens refusent cette politique qui contraint 22 % de la population à survivre en dessous du seuil de pauvreté. La misère est telle que, depuis plusieurs mois, une soixantaine de salariés licenciés se sont suicidés. Mais c’est la colère qui l’emporte et les salariés ripostent par des grèves aux attaques du gouvernement.

C’est notamment le cas des employés d’Air Algérie qui se sont mis en grève dimanche contre un plan de suppression d’emplois et n’ont cessé leur grève que contre l’assurance du retrait de ce plan. Les postiers ont aussi mené un mouvement national contre les menaces de privatisation et les licenciements qui les menacent. Les enseignants de l’université sont en grève et ont organisé des manifestations à Tizi Ouzou et à Alger. Les grèves touchent aussi des secteurs industriels : les métallurgistes annoncent une marche nationale pour le 10 décembre ; à l’usine de textile Cotitex dont les effectifs sont passés de 5 000 à 2 000 salariés et où un salarié s’est récemment suicidé à la suite d’un licenciement, les travailleurs ont fait grève et manifesté, malgré l’interdiction des autorités, pour exiger le paiement de leurs salaires d’octobre qui n’avaient pas été versés.

Toutes ces initiatives illustrent la colère des salariés. Les dirigeants syndicaux de l’UGTA, centrale syndicale unique liée au pouvoir, ont bien dû y répondre, à contrecœur. Le secrétaire général du syndicat, Sidi Saïd a menacé d’un appel à une grève générale sous la pression de milliers de militants syndicalistes réunis à Alger. Il a affirmé qu’il refuserait de jouer le rôle de " pompier comme nous l’avons toujours fait dans les moments de crise. ". Il est vrai qu’il y a quelques mois, Sidi Saïd a décommandé une grève générale qu’il avait dû convoquer devant le mécontentement des travailleurs. Mais depuis la colère s’est aggravée d’autant que le gouvernement algérien, qui avait établi son budget sur la base d’un baril à 15 dollars, a laissé prévoir des coupes drastiques. Il a annoncé la mise en retraite anticipée de 100 000 travailleurs de l’Etat mais a dû battre en retraite devant l’ampleur des protestations.

 

L’arrestation d’Ocalan à Rome embarrasse les gouvernements occidentaux

Le gouvernement italien d’Alema se serait bien passé du succès des fonctionnaires zélés qui, le 13 novembre, ont identifié et arrêté à Rome Abdullah Ocalan, principal dirigeant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Le gouvernement turc a immédiatement exigé que le " terroriste " lui soit livré puis, devant le refus italien, d’extrader Ocalan vers la Turquie où il risque la peine de mort, il a encouragé une virulente campagne nationaliste.

Les manifestations anti-italiennes se succèdent : drapeaux et produits italiens y sont brûlés. L’extrême-droite tente d’encadrer les manifestations comme à Kayseri et à Erzurum. Les flashs TV se succèdent tous les quarts d’heure pour appeler à " l’éradication " du PKK. Les militants du HADEP (parti kurde autorisé) sont privés d’expression et manquent de se faire lyncher lorsqu’ils tentent une apparition publique.

Sous couvert de venger l’insulte faite à la " mère patrie ", le pouvoir turc qui n’avait sans doute guère d’illusion sur ses chances d’obtenir l’extradition d’Ocalan tente surtout d’empêcher qu’il puisse bénéficier du statut de réfugié politique. L’embarras de tous les gouvernements occidentaux est extrême.

La Turquie est loin d’être un modèle de démocratie. Les militaires qui ont exercé directement le pouvoir de 1980 à 1983, surveillent étroitement les gouvernements civils. Les droits syndicaux comme la liberté de la presse sont constamment bafoués, les assassinats d’opposants sont fréquents, et surtout le régime mène une guerre sans merci contre les Kurdes dans le sud-est du pays.

Dans le même temps, la Turquie représente un réservoir de main d’œuvre à bas salaires pour les investisseurs, un marché de 70 millions d’habitants et un excellent client pour les marchands d’armes. Plus important encore, sa situation géographique aux frontières de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran et de la Russie en font un allié précieux pour les tenants du " nouvel ordre mondial " : elle est membre de l’OTAN qui dispose ainsi de bases militaires et d’un véritable " porte-avion " dans la région. Des atouts qui lui valent quelques indulgences sur le chapitre des droits de l’Homme.

Les sept millions de Kurdes qui vivent en Turquie en font la tragique expérience. Privés du droit élémentaire d’enseigner et de parler leur langue, ils sont des citoyens de seconde zone, en butte aux exactions de la police et de l’armée. Cependant, l’Etat turc n’a jamais pu venir totalement à bout de la résistance organisée depuis 1984 par le PKK, et cela malgré de nombreuses opérations militaires rappelant les méthodes de " la pacification " coloniale : bombardements, destructions de villages, déplacements de populations, et même périodiquement interventions en Irak contre les bases arrières de la guérilla. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le PKK jouisse d’un large soutien de la population kurde en Turquie, ainsi que dans l’émigration où ce parti collecte des fonds et recrute des militants.

Hors quelques vagues proclamations, le PKK ne cherche pas à se lier aux travailleurs turcs. Le PKK, même s’il se revendique du " marxisme-léninisme ", est un parti exclusivement nationaliste. Ses dirigeants n’en jouent pas moins un jeu trouble avec les gouvernements des pays voisins qui ménagent le PKK en espérant affaiblir la Turquie. C’est le cas de la Grèce, mais aussi de gouvernements qui oppriment leurs propres ressortissants kurdes comme l’Irak, l’Iran et la Syrie. Il faut dire qu’à ce cynisme des dirigeants du PKK, répond celui des chefs des deux partis nationalistes kurdes d’Irak, Mustapha Barzani et Jalil Talabani qui recherchent l’aide du gouvernement turc pour lutter contre Saddam Hussein.

Les seize millions de Kurdes, dont le territoire est divisé en quatre Etats qui tous leur dénient leurs droits élémentaires et où ils ne constituent qu’une minorité, n’ont rien à espérer des dirigeants nationalistes. Ayant même renoncé à l’objectif du Kurdistan, l’Etat de tous les Kurdes, ils ne visent chacun qu’à asseoir un pouvoir local. La solution de la " question kurde " ne pourra venir que de la lutte unie des peuples de la région pour mettre à bas les régimes oppressifs.

 

Marx, Le Capital

La naissance du paupérisme public est liée indissolublement à la naissance d’un volant de travailleurs sans emploi ; travailleurs actifs et chômeurs sont également nécessaires ; ces deux catégories conditionnent l’existence de la production capitaliste et de la richesse. La masse des chômeurs est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Mais plus cette réserve de chômeurs grossit comparativement à l’armée active du travail, plus grossit la surpopulation des pauvres. Voilà la loi générale absolue de l’accumulation capitaliste. "

 

Les prisonniers palestiniens font la grève de la faim pour exiger leur libération, soutenus par la population

Depuis dimanche dernier, plus de 2 000 palestiniens emprisonnés dans les geôles israéliennes font la grève de la faim pour exiger leur libération. Le mouvement lancé par les " clubs de prisonniers " qui existent dans tous les villages palestiniens, a démarré dans la prison de Nafhal, dans le désert du Néguev, pour gagner tous les autres centres de détention. Des familles de détenus ont aussitôt cessé de s’alimenter, déclarant qu’elles continueraient leur grève jusqu’à ce que leurs prisonniers mettent fin à la leur. Dans les territoires occupés, les nombreuses manifestations de soutien aux prisonniers ont été violemment réprimées par l’armée israélienne. A Naplouse, en Cisjordanie, c’est la police palestinienne qui a ouvert le feu contre 250 jeunes qui ont encerclé le commissariat, tirant en l’air et mettant le feu à des pneus, 19 ont été blessés. L’un d’entre eux a déclaré : " c’est là l’expression de notre colère et de notre protestation contre l’Autorité palestinienne car quand l’Autorité nous donne le droit de manifester en solidarité avec les prisonniers, elle ne doit pas nous réprimer dans la violence ".

La colère est grande devant l’attitude provocatrice du premier ministre israélien et celle, conciliatrice, de Yasser Arafat. Lors des négociations de Wye Plantation, le gouvernement israélien s’était engagé à relâcher 750 prisonniers en trois fois. Mais en novembre, parmi les 250 prisonniers palestiniens libérés, 150 d’entre eux étaient des détenus de droit commun, condamnés pour des vols de voiture ou travailleurs clandestins. Et le Premier ministre israélien a justifié sa forfaiture en déclarant qu’il refusait de libérer " quiconque a du sang juif sur les mains ". Un porte-parole américain a affirmé sa solidarité avec Netanyahou, en déclarant : " nous considérons que les Israéliens ont fait ce qu’ils avaient annoncé ". Les Etats-Unis et Israël veulent mettre, une fois de plus, la population pauvre palestinienne à genoux, étalant leur mépris et leur haine contre ceux qui, par leur révolte, les ont obligés à faire quelques concessions. Dans chaque famille palestinienne, il y a un prisonnier politique, souvent un jeune de 17 ou 18 ans qui a participé à la " révolte des pierres " contre les fusils de l’armée israélienne. Et la population est toute entière derrière ses prisonniers, elle a appris, durement, ces dernières années, que seule la révolte était payante. Elle ne compte que sur elle-même pour arracher la liberté pour ses prisonniers.

D’autant que le fossé entre la population et Yasser Arafat ne peut que continuer à se creuser. Le jour même où les détenus commençaient la grève de la faim, la police palestinienne lançait une campagne pour récupérer les armes non légalement déclarées dans les territoires qu’elle contrôle, donnant un délai de quinze jours pour les rendre. Elle a d’ores et déjà menacé de trois ans de prison ceux qui s’y refuseraient et de 7 500 dollars d’amende. Les membres du Fatah ont déclaré qu’il n’était pas question de livrer les armes. Si bien que Yasser Arafat qui, pour sa part, a respecté au pied de la lettre les conditions fixées par l’accord de Wye Plantation alors que Netanyahou les a violées, est de plus en plus isolé. La population sait que la révolte est la meilleure arme qu’elle détient pour obtenir la libération des prisonniers alors même que Clinton doit arriver samedi prochain pour une visite de quatre jours.