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Citation de Rosa Luxembourg

Quels que soient les préjugés, les théories bigarrées avec lesquelles les différents groupes se lancent dans l’action commune, la lutte même les soudera tôt ou tard en un parti social-démocrate homogène. L’histoire ici aussi procède de façon matérialiste, ne faisant naître la conception scientifique du socialisme qu’à partir de la lutte de classes effective du prolétariat dont elle est le reflet spirituel. "

Rosa Luxembourg, La social-démocratie en France, 1899

Nancy : la grève de fin d'année des chauffeurs de bus contre l'exploitation Vivendi

Le 16 décembre dernier, à l'appel de la CGT rejointe par FO, les chauffeurs de bus de Nancy ont voté la grève. Celle-ci a duré 16 jours, suivie par 60 à 70 % des conducteurs.

La compagnie de transports urbains, la CGFTE, est l'une des 1800 entreprises lorraines appartenant au groupe Vivendi. Alors que 35 postes ont été supprimés en 2 ans (certains trajets, qui auparavant se faisaient en une heure, doivent aujourd'hui être effectués en 45 mn), les chauffeurs réclamaient la création de 70 emplois par la mise en place des 35 heures et de la retraite à 55 ans, ainsi que l'embauche des intérimaires. La CGFTE travaille en effet en sous-traitance avec la compagnie de bus suburbains des Rapides de Lorraine et avec la boîte d'intérim Adecco, toutes deux également propriété de Vivendi. Sans compter le recours fréquent aux contrats de qualification : les jeunes sont formés pendant un an et, la 2ème année, ils font leurs 39 heures de conduite comme les autres, payés à peine plus de 3000 F et à 80 % par l'Etat. Enfin, les grévistes revendiquaient 7 % d'augmentation : la dernière augmentation, de 1,1 %, remontait à 97 – tandis que la " prime de Noël " du directeur pour avoir atteint les objectifs financiers s'est élevée à 600 000 F en 98 !

Vendredi 18 à l'aube, des piquets de grève ont pris place aux entrées des dépôts. Ils ont été levés, comme les jours suivants, à chaque fois que l'huissier appelé par la direction venait constater le blocage des sorties de bus. Mais chaque jour, un groupe de grévistes restait présent autour d'un feu de palettes et d'un pique-nique. Le 23, la tension est montée d'un cran quand la direction a fait appel, soi-disant pour protéger le matériel, à des vigiles accompagnés de chiens, dont l’un a mordu un gréviste !

Après avoir joué l'homme invisible, le directeur a fait savoir qu'en aucun cas il ne négocierait tant qu'il y aurait grève. Malgré ses déclarations, relayées par celles du maire, une bonne partie des usagers a soutenu les grévistes. Comme l'a dit une femme interrogée par le quotidien régional : " c'est logique que des travailleurs se défendent ; ce n'est pas parce qu'on a la chance d'avoir un emploi qu'il faut se satisfaire de n'importe quelles conditions de travail ". Une autre affirmait que : " si on s'y mettait tous comme ça, il y aurait du changement ".

Samedi 26, après ordre de levée des piquets par la justice, c'est une trentaine de chômeurs qui est allée bloquer les dépôts ! Les contacts avaient été pris les jours précédents pour voir si une action commune était possible, la revendication sur les embauches étant évidemment partagée par les chômeurs. Il y a eu un accueil sympa et les grévistes ont donné mille francs au collectif. Ce jour-là, les dépôts ont été bloqués jusqu'à 16 heures 30.

Le directeur a finalement dû accepter de discuter : les négociations ont débuté mardi 29 alors que la mobilisation était encore forte. Plusieurs fois, les délégués syndicaux ont suspendu les discussions pour dénoncer les propositions de la direction sur le passage aux 35 heures, des propositions qui visaient à faire des économies sur les salaires effectifs par la baisse du temps de travail quotidien et la suppression de primes de repas décalés ou de nuit. Contre cette RTT, les grévistes demandaient deux jours de repos en plus par mois.

Finalement, le 31 décembre, la grève s'est terminée avec l'obtention d'une prime, le paiement de trois jours de grève, la mise en place d'un calendrier de négociations sur le passage aux 35 heures, et un jour de repos supplémentaire par mois. Mais comme l'a dit un gréviste : " L'année prochaine on se battra pour le deuxième ".

Tricheurs et menteurs

Si on compare d’un jour sur l’autre les titres des journaux sur la situation économique et les prévisions pour les mois ou l’année à venir, on peut y lire tout et son contraire. On a entendu au cours des fêtes des discours ronflants et d’un optimisme délirant sur l’Euro et la Bourse, un bilan de l’année 98 très positif (pour les financiers et industriels bien sûr !) marqué soi-disant par la croissance. Nous n’en avons pas vu la couleur, à part celle du chômage et de la précarité.

Mais, dégrisés des fêtes, le gouvernement et les journalistes en écho, parlaient dans la semaine qui suivait le nouvel an de " ralentissement de la croissance ". Jospin annonçait qu’il allait débloquer 50 000 CES (contrats emplois solidarité) car la situation de l’emploi risque de s’aggraver dans les six mois à venir. Depuis, cela aurait été démenti. De toute façon, ils sont bien incapables de prévoir l’évolution du marché capitaliste, par définition anarchique et non maîtrisable, mais ils ont programmé de continuer les attaques en règle contre les travailleurs et les plus démunis.

Echos du bulletin d’entreprise commun " Front des travailleurs "

Grande Paroisse à Grand Quevilly édité par la LCR et VdT.

Mieux vaut être riche pour échapper à la justice

Depuis deux ans, la justice française cherche comment ont été détournés un milliard de francs. Alfred Sirven, ancien directeur des affaires générales d’Elf et ancien dirigeant de Elf Aquitaine International est le principal accusé. Les juges ont émis un mandat d’arrêt international contre lui le 5 mai 1997, mais aujourd’hui encore, un an et demi plus tard, il n’est recherché nulle part dans le monde sauf en France. En effet, la police française a oublié de prévenir Interpol. Aidés par la justice ou la police, les riches ont toujours un moyen de s’en sortir.

Mieux vaut être riche (et marcher dans des pompes à 11 000 F) pour échapper à la justice II

Dumas n’a pas été arrêté. Les juges n’ont pas réussi à démontrer un lien entre les 59 millions de commission de son amie Deviers-Joncour et les comptes de Dumas. Il pourra donc continuer à sourire à la télé, serrer la main des ministres.

Année record pour les fusions, produit et facteur aggravant de la crise économique

13 700 milliards de francs, neuf fois le budget annuel de l’Etat français, telle est la valeur des fusions et des concentrations opérées entre les principaux groupes capitalistes mondiaux au cours de l’année 98. Ces chiffres sont en augmentation de 50 % par rapport à l’année 97 qui déjà avait battu les records. Le phénomène s’est accéléré ces deux dernières années : en 94, la valeur des fusions et concentrations n’avait pas dépassé 200 milliards.

Les sommes consacrées aux transactions qui ont abouti aux plus grosses fusions sont comparables à des budgets d’Etats moyens ou même de pays riches : la plus grosse fusion jamais réalisée, celle d’Exxon et Mobil a coûté 490 milliards de francs, près du tiers du budget de la France ; la fusion entre les banques américaines Citicorp et Travelers représente une transaction de 420 milliards de francs, celle entre les groupes pétroliers et Amoco plus de 300 milliards de francs.

Cette concentration du capital affecte tous les secteurs essentiels de l’économie : le pétrole, les banques, l’automobile, les télécommunications, la pharmacie, l’aéronautique. Elle accentue la main mise d’un groupe toujours plus restreint de quelques dizaines de multinationales américaines, européennes et japonaises, véritables maîtres du monde et de l’économie mondiale.

La presse bourgeoise nous présente ces concentrations comme une rationalisation de la production et de l’économie et une preuve du dynamisme de l’économie capitaliste, capable de créer des unités de production d’une telle ampleur.

Mais la logique qui pousse à la concentration du capital, à l’accélération de ses fusions est à l’inverse de cette propagande. Ces fusions n’entraînent ni une croissance de la production, ni un élargissement des marchés, elles obéissent au contraire à la nécessité pour les capitalistes de s’assurer une part toujours plus grande de profits dans une économie qui pour 40 % de la population mondiale est déjà entrée en récession. Il est significatif que c’est dans le secteur pétrolier, le plus affecté par la baisse des prix résultant de l’entrée en récession d’une partie de l’économie mondiale, que les fusions et les concentrations ont été les plus importantes.

Ces fusions ne rationalisent pas le fonctionnement de l’économie en diminuant les ravages de la concurrence et de la guerre économique, elles ne font que les aggraver. Que Boeing et Airbus soient désormais les deux seuls constructeurs mondiaux d’avions ne fait qu’accentuer la guerre économique entre les deux groupes à l’échelle de la planète pour s’emparer des marchés, d’autant que la mise au point de nouveaux modèles d’avions nécessite toujours plus de moyens et de capitaux, que les armes économiques avec lesquelles se mène cette guerre sont plus puissantes.

Loin de résorber la crise, cette concentration des entreprises et du capital en accentue les contradictions. Les fusions se traduisent par des centaines de milliers de licenciements : dans le cadre de la fusion Boeing et Mac Donnel Douglas, 48 000 licenciements ont été programmés, le cinquième du personnel du nouveau groupe. Cette accentuation du chômage, si elle est pour les actionnaires un gage de profits immédiats, aggrave la crise, restreignant la consommation et la demande, renforçant les tendances à la récession et à la déflation.

L’accumulation de richesses en un nombre toujours plus restreint de mains se fait au prix de l’appauvrissement de continents entiers et affecte aussi la population des pays les plus riches. Les multinationales de la " Triade " (USA, Japon, Europe) mettent la planète en coupe réglée, oppriment les peuples, soumettent la classe ouvrière des pays les plus pauvres à une exploitation barbare, plient les Etats à leurs lois, se faisant accorder subventions et marchés, accaparant des pans entiers de l’économie de ces pays, bradés par leurs Etats aux multinationales sous la forme de privatisations.

Ce processus de concentration rend les ravages du capitalisme encore plus insupportables, en accentuant l’offensive des capitalistes contre la classe ouvrière à l’échelle de continents entiers, il crée les conditions des prochaines explosions sociales. La concentration des dizaines de milliers de salariés dans les mêmes groupes, leur regroupement dans le même processus de production à l’échelle de la planète ne font que rendre plus contradictoire et insupportable le fait que l’économie soit aux mains d’une minorité toujours plus restreinte de possédants qui décident du sort de milliards d’êtres humains en fonction des seuls intérêts de quelques milliers de parasites.

Stocks-options : projet d’un nouveau cadeau du gouvernement aux patrons pour la nouvelle année

Le journal le Canard enchaîné du 24 décembre annonçait que le gouvernement devait présenter le 13 janvier prochain un projet de loi allégeant les taxes sur les stock-options. On appelle ainsi ces actions spéciales que les entreprises réservent aux patrons et cadres dirigeants. Elles ont la particularité de pouvoir être achetées en-dessous de leur prix ; on peut s’en débarrasser si leur cours baisse sans perdre un centime. Elles sont donc gagnantes à tous les coups. C’est bien pourquoi quelques initiés des entreprises, ou le PDG seul, se les approprient. Ainsi Bébéar, patron d’AXA, s’est attribué 700 000 stock-options représentant en 93 un profit d’un demi milliard. Six patrons d’Elf se sont alloué 147 000 des 961 000 stock-options créées en 97 dont 60 000 réservées au président Jaffré. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Le gouvernement Juppé, pourtant bon copain des patrons, avait en 96 augmenté les taxes sur les gains réalisés par les stock-options de 40 % et l’entreprise devait payer 40 % de charges sociales sur la plus-value. Strauss Kahn, plus royaliste que le roi, se propose de baisser cet impôt pour le porter à 26 % (y compris les CSG, CRDS etc…) si les actions sont vendues après un délai non plus de cinq, mais de trois ans. Les charges sociales baisseront aussi à 10 % du prix d’achat de l’action. La seule contrepartie pour les entreprises serait de publier la liste des bénéficiaires de stock-options et leur montant. Elles auront mille façons de camoufler leur magot mais cela permet au gouvernement de présenter le projet dans le cadre de la loi sur l’innovation ( !), défendue par Allègre, toujours prêt à engraisser le mammouth patronal.