éditorial



La mêlée des politiciens, tous au service des riches et de leur carrière. Le monde du travail ne peut compter que sur lui même.

La fièvre qui agite tous les politiciens à propos de la présidence de la région Rhône-Alpes ressemble tout à fait à la fièvre qui agite certains jours les spéculateurs à la Bourse. Dans un cas, on se demande s’il faut voter comme ci ou comme ça pour gagner de l’influence ou des bonnes places. Dans l’autre, on s’affole pour savoir s’il faut vendre ou acheter telle ou telle action pour réaliser une bonne affaire.

Les politiciens se battent pour des parts d’électorat et de pouvoir, tout comme les capitalistes se battent pour des parts de marché et de profits. Au gré de leurs intérêts du moment, ils s’affrontent ou il font alliance. Les uns sont bien à l’image des autres. Ils sont de mèche, ils sont du même monde et ils défendent le même système dont souffre toute la société. Les politiciens qui nous infligent actuellement le spectacle de leurs cabrioles boursicotent avec les " valeurs de gauche " ou avec les " valeurs de droite ". Parfois ils mélangent les unes et les autres pour déclarer fièrement qu’il s’agit des " valeurs républicaines " ou des " valeurs citoyennes ". Ils voudraient nous faire croire qu’ils sont des gens de progrès et qu’ils s’opposent à l’extrême droite. C’est un écran de fumée pour cacher leur arrivisme et le fond réactionnaire de leur politique.

Les querelles au Conseil régional de Rhône-Alpes ont finalement accentué la déconfiture de la droite et montré la débandade des élus de gauche votant comme un seul homme pour la candidate de l’UDF sous prétexte de " front républicain " contre le Front National. Alors que les lepénistes et les mégrétistes se déchirent pour récupérer le fonds de commerce d’un FN momentanément affaibli, les élus de gauche et de droite s’ingénient de différentes façons à leur sauver la mise. Ils se servent du FN comme d’un faire valoir sans le combattre. Ils donnent le spectacle de politiciens magouilleurs totalement indifférents aux intérêts de la population travailleuse, ce qui offre un créneau à la démagogie de l’extrême droite. Au-delà des intérêts politiciens dans la région Rhône-Alpes, les états-majors des partis traditionnels préparent les élections européennes de juin prochain comme tremplin aux élections présidentielles de 2002. Le taux de chômage, le taux de misère, le taux de désespoir dans la population qui pendant tout un temps a nourri l’ascension de Le Pen, ils s’en moquent tous. Ce n’est pas cela auquel les uns et les autres veulent s’attaquer. Leur seul souci est de duper un maximum d’électeurs pour garder ou pour reconquérir le pouvoir.

Dans leur concurrence en vue des prochaines élections présidentielles, Jospin et Chirac sont bien obligés de temps à autre d’ajouter un petit peu de " sel de gauche " ou de " poivre de droite " dans leurs propos. Mais sur la politique à mener pour donner pleine satisfaction aux milieux de la finance et de l’industrie, l’accord est total entre eux. La France des riches parle d’une seule voix que ce soit Chirac qui prenne la parole ou Jospin. Et aucun ministre ne bronche sous la férule du maître Jospin, ni Voynet qui se préoccupe avant tout de son environnement ministériel ni Gayssot qui applique consciencieusement toute une série de mesures contre les travailleurs du secteur des transports.

La pression des milieux d’affaires s’exerce à fond sur le gouvernement et l’ensemble du personnel politique à leur dévotion. Jospin et ses ministres veulent avant tout plaire aux milliardaires et à tous les nantis de cette société. Et ils y parviennent incontestablement. Chevènement les rassure avec son discours sécuritaire, nationaliste et de fait anti-jeunes et anti-immigrés. La gauche plurielle est pour l’instant le meilleur garant politique de l’ordre établi et la mieux en mesure de déconcerter et de paralyser le monde du travail. Jusqu’à temps qu’elle soit usée et qu’elle passe la main.

Face à une extrême droite en recul et à une droite en décomposition, le PS, le PC et les Verts s’empressent d’occuper le terrain… à droite et d’intensifier leur politique anti-ouvrière. Cela prépare le retour en force dans l’avenir de la droite et de l’extrême droite.

Devant cette gauche irresponsable et soumise aux intérêts de ceux qui nous exploitent et nous licencient, nous autres, travailleurs et chômeurs, devons occuper pleinement le terrain social et politique. Ce ne sont pas des petits politiciens carriéristes qui se disent indûment socialistes ou communistes et votent pour une carriériste de droite qui peuvent faire barrage à l’extrême droite ou qui peuvent briser l’offensive de la bourgeoisie contre nous. Mais des dizaines de milliers de travailleurs et de chômeurs, renouant avec les idées socialistes et communistes, soudés par un programme de transformation radicale de la société en auront la force.

L’objectif de construire un tel mouvement pour préparer des luttes décisives est à notre portée. Bon nombre de travailleurs prennent conscience que la situation sociale n’est plus tenable et que les progrès ne peuvent venir que d’en bas, de femmes et d’hommes du monde du travail prêts à s’en prendre aux bases du pouvoir de la classe des milliardaires.

Délinquance des jeunes : incapables d’enrayer le développement du chômage et de la précarisation, causes de l'insécurité, Chirac, Jospin et Chevènement affichent leurs préjugés réactionnaires

Depuis le début de l’année, Chirac, Jospin et Chevènement affichent de concert un discours sécuritaire bien significatif du camp dans lequel ils se situent : celui des possédants. C’est l’unanimité entre eux pour s’affirmer partisans de l’adoption de nouvelles mesures répressives. Chirac avait lancé cette campagne réactionnaire dans son intervention télévisée du 31 décembre ; depuis, il ne perd pas une occasion de revenir à la charge, comme la semaine dernière, où il a encore déclaré : " le devoir de l’Etat est de faire respecter la sécurité des personnes et des biens. J’appelle à se mobiliser pour lutter contre un fléau qui menace la cohésion nationale, un fléau qui s’attaque aux fondements mêmes de notre société ." Oui, il y a bien aujourd’hui, un fléau qui remet en cause la cohésion sociale, c’est l’ordre social capitaliste responsable de la permanence et de l'augmentation du chômage, de l’appauvrissement de la classe ouvrière, de la détérioration des conditions de vie matérielles et intellectuelles pour toute une fraction de sa jeunesse.

Le gouvernement Jospin, en servant les intérêts des patrons, participe à l’envolée des inégalités sociales et aujourd’hui, il se retourne contre les jeunes des milieux populaires qui expriment leur ras-le-bol de cette société dans une violence aveugle et désespérée en en faisant des boucs-émissaires. En multipliant les déclarations sur leur volonté d’accroître la répression contre ces jeunes, qui, à les en croire, représenteraient un danger dans la vie quotidienne de la population, Jospin et Chevènement véhiculent les préjugés les plus crasseux et, en bons larbins des intérêts des privilégiés, annoncent plus de répression. Mardi dernier, Jospin a ainsi déclaré : " nous voulons briser la culture de la violence qui s’installe dans certains quartiers et qui est un élément de ségrégation et de marginalisation. " Interrogé complaisamment par le journaliste Michel Field sur TF1 dimanche, Chevènement s’indignait : " le discours compatissant vis-à-vis des délinquants, c’est un faux discours de gauche. Moi, j’ai plutôt de la compassion pour tous ceux qui vivent dans l’insécurité. " L’un comme l’autre défendent le préjugé comme quoi, " quand on veut, on peut " et s’en prennent aux plus faibles, les accusant d’être responsables et coupables.

Le prétexte à ce qui annonce des mesures " concrètes ", selon les termes de Chevènement, dans le sens de plus de dureté contre les jeunes délinquants, en a été les voitures brûlées lors des nuits de Noël et du Nouvel An que la télévision a largement montrées et qui ont entraîné l’investissement de cités populaires, comme à Strasbourg, par des compagnies de CRS. La loi, telle qu’elle est, s’est appliquée avec le maximum de rigueur : par exemple, à Carcassonne, un jeune de 20 ans, soupçonné d’avoir mis le feu à une poubelle, a été condamné à 6 mois de prison ferme et à Strasbourg, deux jeunes de 18 et 21 ans dont l’un était au chômage et l’autre ouvrier, ont écopé de 4 mois ferme et ont été maintenus en détention. Le policier de Toulouse, responsable de la mort du jeune Habib a été traité avec autrement de clémence puisqu’il a été libéré sous caution. Dans cette société, la mort d’un jeune est moins grave que la détérioration d’une voiture ou d’une poubelle !

La loi au service de la propriété est appliquée dans toute sa rigueur. En même temps, on voudrait nous faire croire que l’arsenal répressif ne suffit plus à juguler la montée de la violence et des chiffres sur la montée de la délinquance s’étalent dans la presse. Le Monde du 5 janvier faisait état de l’augmentation de 20 % de la délinquance des jeunes sur les 11 premiers mois de 98 par rapport à 97… tout en notant que la délinquance avait reculé de 95 à 97. Selon l’administration pénitentiaire, le nombre de mineurs incarcérés pour des actes de délinquance s’est accru d’environ 12 % entre 97 et 98. Ces chiffres ne reflètent aucune réalité concrète puisque statistiquement, la délinquance des jeunes concerne aussi bien des homicides que des graffitis sur les murs ou des incendies de poubelle. Ils ne sont là que pour tenter de donner une justification à la soi-disant nécessité de réprimer davantage.

Le gouvernement a annoncé qu’il allait réunir, le 27 janvier prochain, un " Conseil de sécurité intérieur " pour décider de nouvelles mesures. D’ores et déjà, tant Chevènement que Guigou et Jospin, ont annoncé la couleur : il s’agit de revenir sur la mesure prise par le ministre de droite de la justice, Chalandon, en 87, qui avait interdit la détention provisoire pour les mineurs de moins de 16 ans ayant commis un délit et de remettre en service les anciennes maisons de redressement. Le mot lui-même, significatif de barbarie sociale, n’est pas utilisé : Chevènement parle de " centres de retenue " et Guigou de centres à " encadrement renforcé ". Mais il s’agit bel et bien de traiter les enfants des milieux populaires victimes de la dureté de cette société, comme des ennemis intérieurs.