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Zones franches... ment rentables pour les patrons !

Lancées avec force publicité par Juppé, quand il était premier ministre en 96, les zones franches urbaines (ZFU) devaient favoriser l’implantation d’entreprises dans les zones d’habitation les plus défavorisées et créer des emplois pour la population locale très fortement touchée par le chômage. Deux ans plus tard, le bilan est très maigre côté emplois créés, mais s’avère très juteux du côté des entreprises qui bénéficient d’importantes exonérations de charges sociales et d’impôts sur les bénéfices, sans qu’elles aient subi le moindre contrôle ni la moindre contrainte du gouvernement pour créer des emplois.

Un rapport de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, qui tire un bilan chiffré des zones franches, dénonce l’échec de cette initiative et les multiples abus au profit des patrons. La grande opération médiatique de Juppé est bien loin de correspondre à ce qui avait été annoncé : " l’effet est presque nul sur l’emploi ", note le rapport de l’IGF et les transferts d’activités des entreprises vers ces zones n’ont correspondu qu’à la perspective pour les patrons d’alléchantes exonérations fiscales.

44 zones franches ont été créées depuis leur annonce en 96 : au total moins de 10 000 emplois créés dont un tiers seulement parmi la population des zones, c’est-à-dire en moyenne 80 emplois par zone. A Sarcelles par exemple, 200 emplois ont été créés pour les 6 700 chômeurs officiellement recensés.

Comme le gouvernement Juppé n’avait imposé aucune condition de statut et de durée de travail pour les emplois créés, quelques heures de ménage chez un médecin ou un avocat comptent dans les statistiques des créations d’emplois. A Grigny dans l’Essonne, la majorité des contrats sont à majorité à durée déterminée, d’une durée moyenne d’un mois, " parfois deux jours " selon l’ANPE locale...

Par contre, ces résultats minables pour l’emploi coûtent une fortune à l’Etat : 1,5 milliard en 98 (le montant avait doublé en un an) et 2 milliards prévus pour 99, le coût de chaque emploi s’élevant à 150 000 F.

Martine Aubry a dénoncé cette " politique-ghetto de subvention particulière ", faisant semblant d’oublier que c’est la gauche qui a ouvert la voie à cette manne financière pour les entreprises, en créant en 1991, 546 " zones urbaines sensibles ", ancêtres des zones franches, dans lesquelles les entreprises étaient exonérées de taxe professionnelle.

Mais malgré ces déclarations hypocrites, le gouvernement ne semble pas envisager de remettre en question la politique des zones franches, qui servent aussi les intérêts des politiciens, entretiennent le clientélisme. C’est ainsi que Juppé a créé dans la banlieue de Bordeaux dont il est le maire, la plus grande zone franche, qui couvre trois communes de la banlieue en plus de quartiers défavorisés de Bordeaux et qui ne correspond à aucun des critères définis, revenu par habitant ou taux de logements sociaux par exemple. Le chômage de longue durée n’a cessé d’augmenter depuis 97 et le chômage des jeunes y a moins diminué que dans le reste de la communauté urbaine. Mais pour les patrons, le bilan est largement positif !

Les 35 h à EDF : le " syndicalisme de proposition ", c’est surtout bon pour la direction et pour le gouvernement !

L’accord EDF-GDF sur les 35 heures sera le deuxième accord de portée nationale, signé par l’ensemble des confédérations syndicales. La nouveauté, c’est que la CGT, après avoir gagné à l’automne dernier la bataille juridique pour l’annulation de l’accord de janvier 9, accepte de signer un accord qui a les mêmes caractéristiques.

La direction et les confédération syndicales mettent l’accent sur les " créations d’emploi " mais l’aspect le plus important de l’accord, c’est que la direction augmente la flexibilité des horaires et atteint son objectif : l’ouverture des agences six jours sur sept avec une amplitude minimum de 11 heures par jour. Perpective à laquelle la direction de la CGT ne s’oppose plus : " nous ne sommes pas opposés lorsqu’un besoin existe à ce qu’une agence soit ouverte le samedi, par exemple dans les centres commerciaux ".

La direction obtient aussi la généralisation du passage aux 32 heures sur cinq jours hebdomadaires minimum, avec une baisse de 3 % du salaire, qui pourra être imposée de façon collective pour les équipes où la majorité des salariés aura accepté le passage aux 32 heures avec réduction de salaires. Elle exerce son chantage en subordonnant le nombre d’embauches au nombre de salariés acceptant de travailler à temps partiel, comme elle l’avait fait dans le précédent accord.

Quant aux embauches, voilà ce qu’en dit Denis Cohen, secrétaire général de la fédération CGT de l’énergie : " la direction est loin d’être perdante. Elle va disposer d’une pyramide des âges rajeunie. Le passage de 38 à 35 heures en tenant compte des 20 000 personnes travaillant déjà à 35 heures aurait dû permettre la création de 14 000 personnes. Nous n’en avons obtenu que 3 à 5 000 . EDF-GDF ne compense pas le manque d’effectifs loin de là et gagne en productivité. A cela s’ajoute une modération des salaires sur trois ans. "

C’est donc en toute connaissance de cause que la CGT signe cet accord et en fait, dans un de ses bastions syndicaux, un des secteurs les plus combatifs en décembre 95, un geste symbolique de son changement d’orientation, d’un " tournant politique " comme le dit " le Monde " .

La date n’est pas choisie au hasard, à quelques semaines de son Congrès qui doit entériner le passage du " syndicalisme de contestation " au " syndicalisme de proposition " et " au moment où, selon Cohen, la droite se requinque " et où " l’état de grâce dont bénéficie Jospin marque le pas ".

L’accord sur les 35 heures à EDF-GDF est le premier accord signé par la CGT dans l’entreprise depuis 1982, l’année où Mauroy chef du gouvernement qui réunissait socialistes et communistes, était venu annoncer en plein congrès CGT le blocage des salaires. Un souvenir que bien des travailleurs et des militants syndicaux n’ont pas oublié. Beaucoup se rappellent ce que cette politique a coûté aux salariés et aux militants syndicaux.

Air France : un accord " exemplaire " contre les travailleurs

Quatre syndicats, FO, CFDT, CGC, CFTC, ont signé l’accord sur les 35 heures concernant les 35 000 salariés du personnel au sol d’Air France. La CGT aurait été prête à signer un accord partiel et a souligné les " avancées " du texte mais s’est finalement refusée à signer le texte. Le syndicat Sud et le SNMSAC, un syndicat de mécaniciens, ont exprimé leur désaccord. Quant à la direction d’Air France, elle exulte : " c’est un bon accord pour les salariés, car il va permettre de réduire leur temps de travail ; pour l’entreprise, qui va pouvoir respecter ses objectifs économiques et obtenir les souplesses nécessaires, comme pour les clients qui profiteront des horaires élargis."

Il y a plus de vérité dans les propos de la Direction que dans les propos emberlificotés des syndicats qui ont signé l’accord. Car l’essentiel de l’accord est bien là : la direction réussit à imposer à des milliers de salariés l’annualisation des horaires et le gel des salaires.

L’amplitude des horaires sera de 43 heures par semaine avec la possibilité de la porter à 45 heures par semaine quatre semaines par an. Dans un secteur où les charges de travail sont très variables, c’est la possibilité pour la direction de faire l’économie d’un bon nombre d’heures supplémentaires.

Le gel des salaires pour trois nouvelles années se rajoute aux six ans de blocage des salaires depuis 93, c’est dire que l’accord est dans la continuité des attaques de la direction contre le pouvoir d’achat des salariés. Pas étonnant dans ces conditions que le directeur général d’Air France se réjouisse que l’accord s’inscrive dans les objectifs économiques de l’entreprise et " notamment dans le cadre du plan d’économies de trois milliards de francs ".

Restent les 4 000 emplois qui ont fait les gros titres de la presse. Ce n’est en rien une concession de la direction. Tout d’abord, ces embauches se feront sur trois ans et représentent un peu plus de 1 000 embauches par an. Ensuite parce que cela est loin de compenser toutes les suppressions d’emploi imposées par la direction depuis des années. La direction d’Air France, comme celle de nombreuses entreprises du public et du privé qui n’ont cessé de licencier depuis des années, est contrainte d’embaucher aujourd’hui et il s’agit la plupart du temps de remplacer des retraités par de jeunes embauchés aux salaires plus bas. D’autre part, ces embauches ne se feront que dans les secteurs commerciaux : aucune embauche n’est prévue dans les secteurs comme la maintenance industrielle et l’informatique et le fret verra même le nombre d’emplois diminuer. Ces 4000 embauches sont donc vraiment un " effet d’annonce " de la direction pour cacher les mauvais coups qu’elle porte aux salariés .

Quant à la baisse réelle du temps de travail, elle ne concernera pas les 13 000 salariés, le tiers du personnel concerné par l’accord, qui, selon le syndicat Sud " sont en horaires décalés et ont pourtant les conditions de travail les plus difficiles."

Spinetta, le PDG d’Air France, avait dit à propos de la loi Aubry : la vraie question n’est pas d’être pour ou contre la réduction du temps de travail, mais de savoir si on la subit ou si on l’organise ". Il aurait bien voulu donner l’impression aux futurs actionnaires avant l’ouverture du capital prévue en mars 99 que le calme social était revenu à Air France. Les salariés de la maintenance de Roissy ont répondu à leur manière : à l’appel de la CGT et d’un syndicat de mécaniciens, ils ont déclenché, dès la signature de l’accord, une grève-surprise et retardé de 45 minutes le départ du Concorde à destination de New York !

Le pétrole baisse donc le carburant augmente, merci Jospin !

Le prix du pétrole est à son cours le plus bas… depuis plus de 25 ans. Mais ce 11 janvier, le gouvernement a décidé une hausse de 2,9 % du gazole et de 0,9 % du super plombé. Vraiment plombé, puisque les taxes sur ces carburants représentent plus de 80 % de leurs prix à la pompe.

Une bonne pompe pour les finances de l’Etat puisque les consommateurs subissent une double taxation à l’achat : la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) et la TVA. Au total, TIPP + TVA sur les carburants constituent la troisième source fiscale de l'Etat (en 1997, cela représentait 163 milliards pour la TIPP et près de 38 milliards pour la TVA), avant même l'impôt sur les sociétés.

Mais cette année, l’augmentation a de bonnes raisons : c’est par pur souci écologique que le gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet a augmenté les carburants polluants uniquement, alors que le GPL, lui, a baissé. Et si vous pensez que la baisse du GPL ne concerne presque personne, vous avez vraiment mauvais esprit.

Prime au départ volontaire : un moyen pour supprimer des postes dans les hôpitaux

Depuis des années, les gouvernements successifs ont fermé des lits, des services, et tenté de supprimer bien des hôpitaux de proximité. Cette politique s’accompagne de suppressions d’emploi par l’arrêt de toute embauche et le non-remplacement des départs en retraite.

Mais cela ne suffit pas, le gouvernement a pris le 30 décembre un décret organisant le départ "volontaire " contre une prime. Ce n’est pas un hasard si ce décret sort au moment où le ministre de la santé, Kouchner, vient d’annoncer la fermeture programmée de 34 000 lits hospitaliers.

Au CHU de Bordeaux, cette possibilité de départ volontaire fait beaucoup discuter. Certains d’entre nous, en effet, après 20, 30 ans de service, alors que les conditions de travail ne cessent de se dégrader et que l’usure se fait sentir, ne rêvent que d’une chose : partir. Mais a y regarder de plus près, les conditions de ce départ volontaire sont une véritable arnaque.

D’abord, impossible pour ceux qui sont à 2 ans de la retraite d’y avoir droit. Et cette prime, calculée selon le nombre d’années de travail effectuées, ne pourra pas être supérieure à 300 000 F brut.

Certains collègues qui pourraient en bénéficier ont fait leur calcul : exemple pour l’un d’entre nous, âgé de 49 ans, avec 30 ans d’ancienneté, la prime représenterait 4166 F par mois, pendant les 76 mois nécessaires pour arriver aux 55 ans de la retraite. Mais sa retraite, bien sûr, sera amputée, puisqu’elle ne comptera que pour les 30 ans effectués.

Alors, pour beaucoup d’entre nous, c’est clair : le gouvernement veut faire partir ceux qui lui coûtent le plus cher, en supprimant carrément les postes ou en n'embauchant que des jeunes en contrat précaire avec un salaire minimum ou des emplois-jeunes à la place.

Et comme Kouchner voudrait accélérer la fermeture de nombreux hôpitaux de proximité et qu’il craint la colère des employés, sans doute espère-t-il, avec ces primes au départ, désamorcer le mécontentement et faire passer en douce ses mauvais coups.

Mais comme disait une collègue : " rien n'est joué d'avance, à nous de ne pas nous laisser faire. "