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Flers : les hésitations du gouvernement favorisent les intégristes de tout bord contre les enseignants et la population.

Les enseignants du collège Jean Monnet de Flers ont décidé de se mettre en grève vendredi 8 janvier pour protester contre la présence d'une élève turque de douze ans portant le voile islamique. En effet, à la rentrée scolaire, les deux principaux des deux collèges de la ville avaient refusé son inscription. Mais les parents se sont pourvu en justice et le gouvernement, soucieux d'étouffer l'affaire avant que le bras de fer ne s'engage contre les militants intégristes, a ordonné autoritairement au collège mi-décembre de réintégrer la jeune fille voilée. Le Ministère a ensuite envoyé le recteur d'Académie, Maryse Quéré, face aux enseignants mobilisés pour les convaincre d'accepter l'état de fait. " Je leur ai fait comprendre que le respect de la loi en tant que fonctionnaires et leurs opinions personnelles de citoyens étaient deux choses bien différentes "…Mais la loi justement a reculé sur ce problème : les mobilisations qui avaient eu lieu il y a quelques années (en particulier en 93 et 94) avaient débouché sur la " circulaire Bayrou " qui, bien que floue, permettait aux chefs d'établissements d'avoir une position ferme car elle précisait que les " signes ostentatoires " étaient interdits. Mais depuis les intégristes semblent avoir marqué des points, puisqu'en 1996 le Conseil d'Etat rendait un avis affirmant que " le port d'un signe distinctif d'appartenance religieuse n'est pas incompatible avec la laïcité " ! Il est maintenant facile à l'extrême droite intégriste de s'appuyer sur cet avis pour tenter de réussir une nouvelle " affaire du foulard " et l'imposer dans les faits aux collégiennes. Il s'agit pour eux d'une bataille militante et malgré leurs premiers échecs, ils n'entendent pas lâcher prise. Les enseignants et le personnel du collège l'ont bien compris, d'autant que dès le lendemain de sa réintégration, une seconde collégienne s'affichait elle aussi voilée… C'est au nom des droits de la femme et de l'enfant que les enseignants ont dénoncé ce signe de soumission aux hommes, qui humilie les valeurs de liberté et dignité qu'ils défendent. La communauté turque locale a tenu elle aussi à se désolidariser d’une famille qu'ils jugent vraisemblablement prise en main par les intégristes, puisqu'un militant " conseillait " le père lors de l'entretien où il rencontrait la médiatrice.

Le jour de la grève, une autre extrême droite, mégrétiste cette fois, se précipitait en charognard pour tenter de récupérer l'affaire. Mais les enseignants ont déjoué sa manœuvre, annulant le meeting prévu pour ne pas lui donner un public. C'est sous les jets d'œufs et de boue que Mégret a du quitter la ville, protégé par un solide cordon de gendarmes et policiers…

Peu après, Ségolène Royal rendait son verdict : " dans un esprit de souplesse et d’ouverture, nous tendons la main (…) ", la collégienne est acceptée en cours, mais sera exclue si elle ne se soumet pas au règlement intérieur de l'établissement, qui l'oblige par exemple à retirer son voile en cours de sport. Un jugement de capitulation puisque les parents, qui ont déjà déclaré qu'une telle tenue était " impudique ", lui procureront un certificat médical de " dispense ". Le gouvernement a tout fait pour faire " rentrer dans le rang " les enseignants mobilisés : par " souci d'apaisement " il a fait pression pour que la manifestation prévue soit annulée et " pour calmer les esprits " envoyé une médiatrice qui relayait le discours gouvernemental et son mépris en déclarant, à propos des enseignants : " ils n'ont pas de discours sur la question. Ils préféreraient ne pas avoir à gérer une situation qui les plonge dans un véritable désarroi ".

Les interviews des enseignants, entendus à la télévision, ne manifestaient pourtant aucun désarroi… mais au contraire un discours déterminé sur le droit de la femme et leur volonté à le défendre !

Automobile : " Les constructeurs veulent se renforcer pour résister à la prochaine récession "

C’était le titre d’un article du journal " Le Monde " de la semaine dernière, qui révèle clairement la confiance qu’ont les dirigeants de l'économie dont les journalistes expriment l'opinion dans l’avenir immédiat du capitalisme.

Les fanfaronnades d’un Strauss-Kahn annonçant une croissance de 2,7 % en 1999 en France ne sont prises au sérieux par personne, au contraire, une étude publiée lundi prévoit que le ralentissement de 1998 va se poursuivre, et que, à l’échelle mondiale, la croissance devrait tourner à peine autour de 1,3 %. C’est dire que pour quelques pays qui auront encore pendant quelques mois une réelle croissance, le nombre de ceux qui vont entrer en récession va aller croissant. Et les conséquences de ce recul de l’économie se font déjà sentir, notamment dans le secteur de l’automobile.

Si en France ou aux Etats-Unis, 98 a été une bonne année pour les ventes (+ 13,5 % en France, mais après une année 97 redescendue au niveau de 1975 !), les pays qui ont été les plus touchés par la crise financière ont vu les ventes régresser dans ce secteur : - 55 % en Corée, - 20 % au Brésil, - 9 % au Japon.

Avec le recul du marché, la concurrence s’exacerbe. Pour que les constructeurs soient " rentables ", c’est-à-dire pour qu’ils puissent à la fois faire face aux investissements nécessaires pour développer de nouveaux modèles et tenir leurs promesses aux actionnaires d’augmenter leurs profits d’environ 15 % par an, il leur faudrait produire et surtout vendre plus de quatre millions de véhicules par an. Sur les 15 constructeurs qui en vendent plus d’un million par an aujourd’hui, seuls 5 (General Motors, Ford, Toyota, Volkswagen et Daimler-Chrysler qui avaient fusionné à l’automne dernier pour arriver à cette " taille critique ") dépassent les quatre millions. Et Jack Nasser, PDG de Ford, prédisait récemment sur la télé interne du trust, qu’il ne resterait d’ici quelques années que cinq constructeurs produisant chacun plus de cinq millions de véhicules. D’autres prévoient, pour la période 1999 - 2003, un recul des ventes de deux millions de véhicules par an, pour cinquante quatre millions vendus en 1997, soit l’équivalent de la disparition d’un constructeur comme Renault tous les ans.

C’est dire si du côté des dirigeants des trusts les plus importants de l’économie mondiale (GM compte plus de 600 000 salariés, Daimler-Chrysler plus de 420 000 etc.) leur certitude est faite que les mois et années à venir vont être ceux d’une récession de l’ensemble du marché mondial. L’un d’entre eux disait " c’est comme les chaises musicales, il n’y en aura pas pour tout le monde ".

Pas étonnant alors si, à l’occasion du salon de l’automobile de Détroit aux Etats-Unis, les rumeurs se sont multipliées sur les rachats et fusions dans le secteur. Volvo devait être racheté par Fiat, ou par Ford. Renault s’emparerait de Nissan. Ford allait absorber BMW et Honda, ou Volvo… Tous ces bruits étant aussitôt suivis des démentis des futurs acheteurs ou achetés… car dès qu’un groupe est en position d’être racheté, le cours de ses actions s’envole, et l’acheteur y perd.

Ainsi Volvo, au centre de bien des appétits en tant que plus petit des constructeurs, avec une production de 400 000 véhicules en 98, a vu ses actions gagner 23 % depuis le 1er janvier, sous le seul coup des rumeurs de rachat, à la suite aussi de l’annonce de 5400 suppressions d’emploi, gage pour les financiers de la volonté du groupe d’accroître sa rentabilité… et la hauteur des dividendes versés.

Ford qui, de son côté, a plusieurs usines au Brésil, vient de licencier sans préavis 2800 ouvriers dans une usine de plus de 13 000 de la banlieue de São Paulo pour cause de surproduction, les ventes ayant reculé dans ce pays de 2 millions de véhicules en 97 à 1,4 millions en 98. 200 000 véhicules seraient en ce moment sur les parkings des différentes usines du groupe, en attendant d’être vendues. Le trust n’est évidemment pas au bord de la ruine… et s’il est au centre de bien des rumeurs de fusions, c’est qu’il disposerait d’une trésorerie de 21 milliards de dollars inemployés !

Les 2800 licenciés par Ford, à São Bernardo, occupent l’usine tous les jours, depuis le 26 décembre, et ils paralysent toute la production. Leur lutte sera dure, mais face à la récession qui frappe le Brésil et qui commence déjà à s’étendre, seules les luttes des travailleurs peuvent préparer l’étape de la reprise en main de toute l’économie par la classe ouvrière.

Scandale de la ville de Paris : le Président menacé par l’ancien Maire

La plainte d’un militant écologiste parisien a relancé l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Fin 98, le tribunal administratif de la ville de Paris et le Conseil d’Etat avaient estimé que ce militant ne pouvait porter plainte à la place de la ville de Paris, qui après tout, était elle aussi lésée dans cette affaire, parce que les pièces produites par le plaignant n’étaient constituées que " par les articles d’un hebdomadaire (le Canard Enchaîné) et le contenu d’un ouvrage publié par deux de ses collaborateurs " (au titre évocateur de " Paris Mafia "). Pourquoi le conseil d’Etat mettait-il si peu d’empressement à reconnaître cette plainte légitime, et pourquoi la ville de Paris elle-même ne portait-elle pas plainte ? Tout simplement parce que les faits incriminés remontent à la décennie 1988-98, et que de 1988 à 1995, c’est un certain Jacques Chirac qui était maire de Paris. Un de ses anciens protégés a révélé le pot-aux-roses : l’ancien directeur général de la ville de Paris chargé du personnel municipal entre 1983 et 1998, lui-même. Et que dit-il ce " repenti " du " système Chirac " : tout simplement que la ville de Paris a compté du temps de la Chiraquie jusqu’à 300 emplois de cabinets fictifs. Chirac semblait avoir le sens de la famille et de la solidarité puisqu’il aurait placé à ces postes non seulement les copains de Corrèze et du RPR, mais aussi quelques élus recalés du suffrage universel, en mal de reconversion sans doute. Le coût de ces largesses chiraquiennes se monterait entre 80 et 100 millions de francs entre 1983 et 1988. Ce sont les révélations de cet ancien protégé du système.

A qui obéit l’ancien collaborateur de Chirac ? On le saura peut-être un jour. Ce qui est certain, c’est que cette affaire n’arrange aucun des partis en place ou en présence. Chirac avait réussi à faire traîner l’affaire Xavière Tibéri en échange du silence du couple infernal sur certaines choses qui se sont produites lorsqu’il était maire de Paris : emplois fictifs, HLM de la ville de Paris, financement du RPR. Le Parti socialiste n’insistait pas sur la question en échange de la complaisance silencieuse de la droite dans l’affaire Dumas, qui au-delà du personnage met en cause Elf, un pilier essentiel du capitalisme et de l’Etat français.

L’obstination d’un militant Vert et de quelques juges vont-ils balayer cette " loi du silence ", ou provoquer l’enlisement des procédures judiciaires ? Toujours est-il que les associations ou les militants isolés ont bien raison même si sur le terrain judiciaire, il est bien difficile de coincer les politiciens et les hommes d’affaires.

Le monde politique et les milieux d'affaire unanimes réclament d’ailleurs une loi protégeant davantage un secret de l’instruction qui pourrait les couvrir et limiter les moyens d’investigation des juges, sans compter ceux qui, parmi les juges comme parmi les classes dominantes voudraient une mise au pas définitive de l’ensemble des juges, y compris de gauche, afin d’en faire des instruments complètement fiables de leurs petites et grandes affaires, comme de leur domination de classe.

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Ce que disait Karl Marx, à propos de la Commune de Paris de 1871, dans " La guerre civile en France "

" La Commune fut composée des conseillers municipaux(…). Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres étaient naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. (…) Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour des salaires d’ouvriers. Les pots-de-vin traditionnels et les indemnités de représentations des hauts dignitaires disparurent avec ses hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d’être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l’administration municipale, mais toute l’initiative jusqu’alors exercée par l’Etat fut remise aux mains de la Commune. (…) Les fonctionnaires de la justice furent dépouillés de cette feinte indépendance qui n’avait servi qu’à masquer leur vile soumission à tous les gouvernements successifs(…) Comme le reste des fonctionnaires publics, magistrats et juges devaient être électifs, responsables et révocables ".