page 6



Euro, yen et dollar : pour ne pas être soldats et victimes d’une guerre économique qui mène le monde à la catastrophe, préparons les Etats-Unis démocratiques et socialistes d’Europe.

La semaine dernière, alors que " l’europhorie " battait son plein, Chirac, Jospin et Strauss-Kahn se voyaient déjà à la tête de la plus grande puissance économique mondiale, avec un euro capable de rivaliser avec le dollar. Le jour de l’An, Chirac prédisait : " L’euro sera l’une des grandes monnaies internationales avec le dollar et le yen...la monnaie de la première puissance économique ". Le 4 janvier, alors que la Bourse de Paris était en hausse de plus de 5 %, Strauss-Kahn y allait de son couplet : " C’est un salut des marchés à la création d’une grande devise internationale... Aujourd’hui, on s’est largement libéré de l’influence déstabilisatrice du dollar ". Et le 6, alors que le Premier ministre japonais débutait en France sa visite en Europe, Jospin lançait : " Pour l’Europe, il s’agit d’affirmer une nouvelle monnaie internationale fondée sur une puissance dynamique, celle de l’Union Européenne, et d’échapper à la domination du dollar. " C’est pour servir les mêmes intérêts que par le passé qu’ils troquent aujourd’hui leurs rêves de grandeur nationale contre des rêves de grandeur européenne, les intérêts des Dassault, Lagardère, Pinault et autres Alcatel, qui ont prospéré à l’ombre de l’Etat français, mais ne peuvent continuer à s’enrichir, face à la concurrence américaine, qu’en élargissant leur domination et leur parasitisme à l’échelle d’un continent.

Depuis 1945, c’est le dollar, parce que monnaie de l’économie la plus puissante, qui règne sur le monde : 55 % de l’ensemble des réserves des banques centrales, la moitié des échanges commerciaux dans le monde, et la plus grande part des actions et obligations, sont libellés en dollars, contre environ 15 % pour le mark allemand et le yen japonais. C’est cette position de quasi monopole qui permet à la monnaie américaine de faire la pluie et le beau temps. Lorsque le dollar baisse fortement, ce sont les autres pays, qui payent toutes les matières premières en dollars, qui perdent de leur pouvoir d’achat, tandis que les USA peuvent inonder le monde de leurs exportations. Lorsqu’il monte, les productions américaines sont moins concurrentielles mais les capitaux qui recherchent la sécurité de leurs placements affluent de façon encore plus massive aux Etats-Unis. Ils peuvent ainsi se payer le luxe d’être l’Etat le plus endetté du monde, avec 1500 milliards de dollars de dette, et de trouver toujours de quoi emprunter pour se financer. Lorsque le dollar est en crise, c’est toute l’économie mondiale qui est menacée d’instabilité.

C’est pourquoi Strauss-Kahn et Jospin rêvent d’un euro libérant de la " domination " ou de " l’influence déstabilisatrice " du dollar. Tout comme de leur côté, les dirigeants japonais se posent le problème d’une internationalisation du yen, pour que celui-ci pèse davantage face au dollar. Les uns et les autres réclament une réorganisation du système monétaire international, sans y croire, sachant bien que ce sont les rapports de force et de concurrence qui décideront seuls du poids des uns et des autres, les Etats-Unis n’étant pas prêts à se laisser déposséder d’une arme aussi puissante que le dollar en tant que monnaie internationale.

Il n’est pas impossible que l’euro devienne à côté du dollar une monnaie de réserve, et serve à 30 % des échanges mondiaux comme s’en vante par avance le commissaire européen aux affaires monétaires, De Silguy, et que les financiers, en particulier les financiers asiatiques, convertissent une grande part de leurs avoirs, de dollars en euros. Mais le plus probable est que, sans pour autant détrôner le dollar de sa position de monnaie internationale, chacune de ces monnaies règne dans sa zone continentale. Les dirigeants japonais tentent actuellement de détrôner le dollar en Asie où il régnait en maître jusqu’à la crise de l’été 1997, et l’euro a toutes les chances de s’imposer en Europe. La concurrence entre les trois unités d’une Triade Amérique-Europe-Asie n’en serait que renforcée, une véritable guerre économique qui ne peut qu’aggraver la crise mondiale, et dont les populations sont les premières victimes.

Une semaine à peine après la naissance de l’euro, et l’embellie boursière des places européennes, l’euro " fort " est passé en-dessous de sa barre de cotation initiale, les bourses européennes sont en baisse, et le dollar et le yen subissent de fortes fluctuations. L’ensemble des marchés financiers de la planète est à nouveau secoué par des turbulences où convergent toutes les crises en cours : faillite du fonds spéculatif chinois GITIC, où sont engagés des capitaux du monde entier, et en particulier de banques japonaises et européennes, menace de banqueroute du Brésil qui pourrait entraîner une catastrophe aux Etats-Unis, récession au Japon, et croissance mondiale révisée à la baisse par chaque nouvelle étude statistique. Face à cette situation, c’est à une offensive redoublée contre le monde du travail et les populations que se préparent les trusts du monde entier.

L’existence de l’euro est l’expression du fait que le cadre national est devenu trop étroit pour les bourgeoisies européennes, et qu’il leur faut agir à l’échelle continentale. Mais ce cadre lui-même n’est pas assez vaste pour permettre le libre développement des formidables moyens modernes de production, que seule rendra possible la coopération entre les peuples du monde entier, débarrassée de la domination de ces oligarchies financières qui mènent l’humanité à la catastrophe.

Les bourgeoisies européennes posent elles-mêmes le problème d’une unification de l’Europe, mais c’est dans l’objectif de mener, au prix de sacrifices sans limites pour les populations, une guerre destinée à l’enrichissement d’une poignée de privilégiés. C’est une toute autre perspective que les travailleurs pourront ouvrir en construisant des Etats-Unis démocratiques et socialistes d’Europe, qui tendront la main aux exploités du monde entier, pour le renversement d’un système générateur de crises et de guerres, et l’avènement d’un monde sans exploitation ni frontières.

La prétendue neutralité de l'ONU au service de la " démocratie américaine " contre le peuple irakien

Les médias viennent de révéler que les Etats-Unis ont profité de la commission spéciale de l’ONU chargée de désarmer l’Irak, intitulée l’UNSCOM (commission de désarmement mise en place après la guerre du Golfe) pour espionner l’Irak. Tout le monde le savait, tout du moins le petit monde diplomatique et journalistique, mais le journal américain Washington Post et à sa suite les journalistes du monde entier viennent de rendre le fait public. La comédie des envoyés de l’UNSCOM chargés soi-disant de surveiller l’Irak est révélée au grand jour. Ces inspecteurs du gouvernement américain ont servi à préparer l’opération militaire.

Rien de plus normal rétorquent les autorités américaines qui veulent continuer à envoyer leurs ambassadeurs spéciaux de l’UNSCOM en Irak ! On comprend qu’elles veuillent conserver cet outil bien pratique pour elles étant donnée l’imbrication entre l’UNSCOM et les services secrets américains. On se souvient que la décision de bombarder l’Irak s’est faite sur le rapport de Butler dirigeant de l’UNSCOM et que ce diplomate australien a quasiment rédigé celui-ci sous la dictée du département d’Etat américain. Scott Ridler, l’un des inspecteurs américains les plus détestés par les Irakiens et qui a démissionné, a révélé avoir livré des renseignements à Israël. Il a raconté aussi comment Butler, qui s’était bien gardé de consulter ou d’informer les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, était en contact permanent avec les membres du Conseil national de Sécurité des Etats-Unis " qui lui demandaient de durcir le ton de son rapport pour justifier les bombardements ".

Védrine, ministre des Affaires étrangères français, a demandé lors du Club de la Presse dimanche qu’un nouvel organisme de contrôle soit mis sur pied. Peu téméraire, il s’était bien gardé de le dire avant, alors qu’il était bien au courant des agissements de l’UNSCOM pour la bonne raison que les services secrets français bénéficient également de ses renseignements. De la même façon, c’est seulement maintenant qu’il se hasarde à dire que les bombardements anglo-américains sur l’Irak n’ont servi à rien. Tout ça pour placer en meilleure position les entreprises françaises, Bouygues ou autres sur le marché irakien ! Mais ce ne sont pas ces rodomontades bien tardives et bien timorées qui vont impressionner le gouvernement américain.

En représentant de la puissance dominante de la planète, Clinton et son entourage croient avoir tous les droits sur les peuples. L’opération " Renard du désert " était un coup monté pour tenter de restaurer la crédibilité du président américain fortement remise en cause aux USA. Cela coûte des vies humaines, peu importe ! Le dictateur Hussein est toujours en place, peu importe ! Les dirigeants américains se sont toujours accommodés de sa dictature. La position de Clinton a-t-elle été restaurée par cette agression meurtrière ? Pas aux USA où la procédure de destitution de Clinton est toujours en route ni au Moyen-Orient où la haine du gouvernement américain s’est encore accrue chez les peuples arabes et palestinien du Moyen-Orient.

Mais Clinton et son gouvernement s’obstinent dans la même voie. Des forces militaires américaines sont maintenues dans le Golfe, prêtes à intervenir à tout moment. Des avions américains survolent l’espace aérien irakien. Les sanctions contre l’Irak sont maintenues ainsi que l’embargo. Seul " l’accord pétrole contre nourriture " est autorisé. Mais l’état lamentable des équipements pétroliers irakiens ne permet pas de produire suffisamment pour acheter la nourriture dont le pays a besoin, d’autant moins que les cours du pétrole baissent sans cesse. Tant pis si cette politique met à genoux toute une population en la soumettant à la pénurie, à la sous-alimentation, au chômage. Dans Bagdad, la capitale, on manque de tout, d’eau potable, de nourriture, de vêtements, de médicaments. Les premières victimes sont les enfants et les personnes âgées. Des estimations ont chiffré à 1 200 000 le nombre d’Irakiens morts des suites de l’embargo. De tels ravages ont été provoqués par un Etat impérialiste pourrissant qui veut affirmer en permanence sa toute-puissance.