Les financiers et les politiciens construisent lEurope du chômage et de la guerre. Préparons lEurope démocratique et socialiste des travailleurs
Les images de la tuerie de Racak, ce petit village albanais du Kosovo, en Yougoslavie, où 45 civils ont été assassinés par des policiers serbes, ont fait la une des journaux ce lundi, éclipsant le Congrès de Versailles où les députés et sénateurs sapprêtaient à voter la révision de la constitution permettant la ratification par la France du Traité dAmsterdam sur lEurope.
Cest au nom de l'anticommunisme et de la démocratie, dans lobjectif de se tailler en Yougoslavie des zones dinfluence ouvertes aux trafics et aux affaires de leurs trusts que les grandes puissances européennes, aujourdhui unanimes à dénoncer les " assassins serbes ", ont créé et entretenu les rivalités nationales, encouragé et armé les ambitions des chefs de guerre. Cette folle logique défie ses instigateurs qui en ont perdu le contrôle et ensanglante tout un peuple aux frontières de lUnion européenne.
La construction européenne, dont les politiciens réunis aujourdhui à Versailles tentent daccréditer la fiction d'un havre de paix et de prospérité, sert les intérêts de ces mêmes groupes financiers et industriels dont les visées continuent à produire leurs ravages en Yougoslavie.
Derrière la comédie de la ratification des Traités ou des élections prochaines du Parlement de Strasbourg - parlement postiche sans aucun pouvoir, mais seule institution européenne à être élue -, lEurope réelle qui se met en place, cest celle de leuro et de la Banque Centrale Européenne, dont lobjectif est doffrir aux groupes financiers et aux trusts un champ daction plus large pour leur pillage et leur parasitisme, une force de frappe plus efficace pour faire face à leurs concurrents américains et asiatiques.
Au niveau européen, les politiciens jouent le même rôle que dans chaque pays, y servent les mêmes intérêts, ceux des milliardaires qui règnent sur léconomie, noubliant pas au passage, là non plus, de se servir eux-mêmes, comme ces fonctionnaires de la Commission européenne, dont lancien premier ministre de Mitterrand, Edith Cresson, soupçonnés davoir procuré des sinécures européennes à leurs amis, et tout aussi vite disculpés par les députés de Strasbourg.
Leur construction européenne, cest celle des fusions et des restructurations, et leurs vagues de milliers de licenciements, qui en même temps quils vont précipiter des pans entiers de la population dans le chômage et la misère, accroîtront les profits des trusts et les dividendes de leurs gros actionnaires, les Dassault, Bettencourt, Pinault et autres Lagardère ou Bouygues.
Cest parce quelle est au service de ces intérêts que la majorité des politiciens sont favorables à cette Europe de la Banque Centrale Européenne, quils le soient de longue date, ou récemment convertis comme les Seguin du RPR, ou participation gouvernementale oblige, les dirigeants du Parti communiste.
Quant aux Le Pen et aux Pasqua, ils sont tout autant dans le camp des riches, et sils dénoncent lEurope, cest dans lespoir que leur démagogie réactionnaire puisse dévoyer le mécontentement populaire sur le terrain du chauvinisme, sans danger pour les responsables du chômage et de la misère.
Mais il ny a aucune fatalité à ce que les transformations en cours débouchent sur laggravation catastrophique des conditions dexistence de la population, ou sur le renforcement, à la faveur du désespoir créé par ce recul de la société, dune extrême-droite qui pourrait se hisser au pouvoir en flattant les préjugés les plus réactionnaires.
Tout dépend du rapport de forces que le monde du travail saura et pourra établir avec le camp adverse, celui des financiers et des trusts. Cette question politique se résume dans la capacité du monde du travail à lutter contre le chômage, à imposer les mesures radicales qui permettront de mettre en uvre les droits fondamentaux des chômeurs, des exclus, des salariés et des jeunes : un salaire minimum garanti pour tous, avec ou sans emploi ; laugmentation générale des salaires ; linterdiction des licenciements, des embauches massives dans le privé comme dans le public, et la réduction du temps de travail à concurrence de ce qui est nécessaire pour que tous les chômeurs soient embauchés.
Le monde du travail a la force dimposer ces mesures à condition quil ne se laisse arrêter ni par le respect dune propriété privée qui permet à une minorité privilégiée de sapproprier toutes les richesses que lui-même crée, ni par ses défenseurs. Aux prochaines élections européennes, nous pourrons affirmer ce choix, en même temps que celui dune Europe démocratique et socialiste des travailleurs, en soutenant la liste présentée par Arlette Laguiller de Lutte Ouvrière et Alain Krivine de la Ligue Communiste Révolutionnaire, en nous regroupant dans les entreprises ou les quartiers autour des idées qu'elle représente, pour nous donner les moyens de peser réellement dans la vie sociale et politique, en construisant par nous-mêmes un véritable parti des travailleurs.