échos des entreprises et des luttes
PSA Peugeot-Citroën, - et bientôt peut-être Renault, entreprises qui font aujourdhui des milliards de bénéfices -, vient dobtenir du gouvernement des milliards daides pour licencier 12 500 travailleurs âgés et embaucher seulement 8 700 jeunes. Le projet daccord sur les 35 heures signé également ne prévoit que 3 % de la diminution du temps de travail - qui passera de 38 h 30 à 36 h 40, par la suppression des pauses qui ne sont plus considérées comme du temps de travail, du temps où, selon la direction, le salarié est " à la disposition de lentreprise " -, au lieu de 6 %. Quà cela ne tienne, le patron touchera quand même des aides de lEtat pour mettre dehors des travailleurs âgés. Pour cela, lEtat lui concoctera un régime spécial pour lautomobile sur le modèle de lARPE étendu à des travailleurs ayant cotisé moins de 40 ans mais ayant travaillé à des postes particulièrement pénibles. Dans la presse, les représentants patronaux se réjouissent que ces mesures sen prennent au " vieillissement de la pyramide des âges ", car ils se plaignent que la moyenne soit de 43 ans par exemple chez Peugeot. La direction dit que, pour elle, le rajeunissement des effectifs est un moyen très efficace pour améliorer la productivité, les salariés les plus âgés étant " improductifs ", expliquant quun travailleur sur deux de plus de 55 ans est inapte au travail à la chaîne. Cest pour augmenter la productivité que les patrons ont fait travailler des ouvriers jusquà ce quils soient usés par le travail. Ils ont trouvé le moyen à présent de sen débarrasser puisquils ne rapportent plus assez de profit et d'embaucher des jeunes plus " productifs " et payés 25 % de moins.
Pour cela, le dispositif prévoit aussi que les patrons ne soient plus obligés dembaucher un jeune pour un travailleur de plus de 51 ans licencié, mais quils puissent licencier quatre travailleurs âgés pour nembaucher quun seul jeune. Les représentants patronaux se réjouissent que les négociations sur les 35 heures aient accéléré la mise en place de ce dispositif que les patrons revendiquaient déjà sous Juppé, mais quil ne leur avait pas accordé pour cause de " coût budgétaire ". Avec lembauche dun jeune pour quatre travailleurs âgés mis à la porte, jeune payé à un salaire inférieur de 25 % à celui des travailleurs licenciés aujourdhui, il ny a plus dobstacle " budgétaire " à lavidité des patrons et à lempressement du gouvernement à les servir. Laccord sur les 35 heures qui vient dêtre signé dans lautomobile leur est aussi très favorable en ce qui concerne la flexibilité, les samedis travaillés comme nimporte quel jour de la semaine, la direction prévoyant ainsi, par exemple, de travailler 23 samedis sur lannée.
Le coût humain du profit à Renault Douai
En décembre dernier, la CGT de Renault Douai a fait une conférence de presse pour dénoncer le coût humain du profit dans cette usine qui compte 6 000 salariés. Les chiffres sont alarmants puisque pour lannée 1998, il y a eu 27 décès dont 6 suicides.
Le dernier décès était dailleurs tout à fait révélateur de ce qui se passe à Douai. Un travailleur est resté plusieurs heures à lusine alors quil avait eu des malaises qui lont conduit à linfirmerie. Il na pas été jugé utile de le faire hospitaliser. Il est mort dune crise cardiaque chez son médecin traitant. Il avait 38 ans.
En recherchant la productivité maximale, la direction a pris des mesures : laménagement du temps de travail. Il impose 30 minutes de plus par jour, la pause repas est quasiment supprimée et cest sans compter le travail obligatoire douze samedis par an et laugmentation des cadences. A cela sajoute la pression permanente qui est exercée sur les travailleurs, sorte de harcèlement moral pour les faire produire toujours plus, étant sous-entendu que si la performance maximum nest pas atteinte, cela nuit à la bonne marche de lentreprise. Cest à coup dentretiens individuels, de coups de téléphones à domicile pour soi-disant " prendre des nouvelles " des malades ou accidentés du travail que la direction fait passer son message : une productivité maximum avec en plus la volonté de parvenir au " zéro accident, zéro arrêt de travail ". Et cette surexploitation a évidemment des conséquences sur la santé des travailleurs mais cest bien le dernier des soucis de la direction de Renault qui a lindécence de toujours utiliser comme slogan : " Renault, une usine à vivre ".
Ford se porte bien, donc licencie
Ford, 360 000 salariés et un chiffre daffaires de 815 milliards de francs en 98, vient de publier ses résultats pour 1998.
Les bénéfices annoncés sont en baisse, passant de 39 milliards en 97 à 33,5 milliards en 98. Les pertes en Amérique du Sud sélèvent à 1,3 milliards, suite à la crise. Le nombre de véhicules vendus est passé de 6,94 millions en 97, à 6,82 millions en 98, soit 120 000 de moins.
Mais il ne faudrait pas croire que tout va mal.
Le résultat dexploitation est en hausse de 10 %. Les ventes aux USA nont jamais été aussi bonnes depuis 20 ans. Ford est toujours à la tête dun trésor de guerre de 80 milliards, prêts à être employés pour racheter un concurrent. Mais surtout, ce dont les dirigeants sont le plus fiers, cest que la réduction des coûts a dégagé 12,5 milliards déconomies, deux fois plus que ce quils avaient prévu !
Alors, si le trust annonce des bénéfices en baisse, cest que ses dirigeants ont mis de côté 4,2 milliards de francs pour financer 9 000 suppressions demplois (2200 aux USA, 2000 en Europe, 4800 en Amérique Latine).
La réduction des coûts, cest-à-dire la baisse des effectifs, lutilisation du travail précaire, laugmentation dingue des cadences, cest laggravation générale de lexploitation des salariés, cest toute la politique actuelle des trusts pour pouvoir continuer à augmenter les copieux dividendes de leurs actionnaires, malgré la récession annoncée du marché de lautomobile.
De Carbon : un recul sonnant et trébuchant de la direction
Les salariés de De Carbon, filiale de Delphi (General Motors) qui veut mettre 147 dentre eux à la porte, avaient prévenu que lopération péage gratuit du samedi 16 janvier servirait à constituer une petite caisse de soutien en cas de grève.
Et ils ont tenu parole : le mardi 19 à laube, ils ont commencé la blocage de lusine. Le but était de faire reculer encore la direction sur la prime additionnelle de licenciements. Ils exigeaient 250 000 francs par travailleur licencié, et nen avaient obtenu que 70 000. Ce mardi, dès laube, les portes restaient ouvertes pour ceux qui voulaient travailler, et sur 500 personnes environ, seule une quarantaine sest rendue à son poste. En revanche, le piquet, qui regroupait entre 100 et 200 personnes, empêchait toute sortie des camions.
Dans la journée, la direction acceptait de recevoir une délégation. Elle proposait, le soir, de monter la prime additionnelle à 110 000 francs. En assemblée générale, les travailleurs en lutte votèrent pour la poursuite du mouvement. Ils organisèrent le piquet de nuit, qui regroupa une centaine de personnes.
Le lendemain matin, mercredi, la direction proposait 130 000 francs. Lassemblée générale des trois équipes se réunit. Sur 260 personnes environ, la moitié se prononça pour la poursuite du mouvement, lautre moitié contre. Finalement, cest la suite de la grève qui fut décidée.
Dans la matinée, la direction lâchait 140 000 francs, plus 10 000 francs pour ceux qui retrouveraient un travail dans les six mois, auxquels il faut ajouter lindemnité conventionnelle de licenciement. En outre, la direction sengageait à proposer deux offres valables demploi. Pour ceux qui relèvent des mesures dâge, la direction acceptait de payer une indemnité conventionnelle de licenciement minimum de 60 000 francs. En fin de matinée, le mercredi 20 janvier, lassemblée générale des grévistes vota la reprise du travail. Au moment du vote, certains crièrent " Victoire ! ", dautres pleuraient tout en chantant " Ce nest quun début, continuons le combat ! ". La reprise se fit dans une joie unanime.
On se demanda pourquoi la direction avait lâché si vite (36 heures) ces 140 000 francs. Une des raisons principales, cest que Renault-Sandouville, qui reçoit les amortisseurs de De Carbon, était en rupture de stock, du fait du flux tendu, et envisageait de mettre lusine en chômage partiel dès le jeudi.
Les choses sont allées vite, ce qui renforce la motivation des travailleurs de De Carbon, qui sont loin dêtre fatigués et démobilisés. Ils nont même pas eu le temps de se servir de leur petite caisse de soutien constituée au péage gratuit ! Si on retire les mesures dâge et certains départs individuels, il reste une soixantaine de travailleurs qui nont pas de solution. Leur solution, elle est dans les coffres de De Carbon et il faudra continuer à se battre pour que tout le monde garde un emploi.
Des militants de la LCR et de VDT
Compte rendu dune réunion CGT sur les retraites
Jeudi 21 janvier, à Artigues (près de Bordeaux), la CGT organisait une journée détudes sur le financement de la retraite. Nous étions à peu près quatre-vingt militants de tout le département pour en discuter avec un des responsables de la direction nationale chargé de négocier les accords sur les régimes de retraites.
Après un rappel des origines de la retraite par répartition et une explication du système par capitalisation, il a développé lidée que les deux systèmes resteraient confrontés au même problème pour leur financement : le vieillissement démographique ! Et il a longuement disserté sur ce thème et sur les rapports entre nombre dactifs et de retraités, en ne disant pas un mot sur la principale cause de réduction du nombre des actifs.
Aussi une première réaction est venue dun militant qui exprimait son inquiétude de voir que le représentant de la CGT ne parle que de démographie et pas du chômage. De nombreuses autres interventions ont fusé dans le même sens, pour parler des vrais problèmes, laugmentation du chômage dun côté, de la productivité et des richesses de lautre Une autre camarade, enfin, dénonçait les prévisions sur quarante ans, disant " bien malin celui qui en 58 aurait pu prévoir la situation daujourdhui " !
Le démographe contesté a repris la parole pour " recentrer le débat ", concédant des " bien sûr " à la salle, mais disant quil ne fallait pas tout mélanger ! Ce qui na guère convaincu
Les 35 heures dans la restauration collective : plutôt salées que sucrées !
Laccord de branche dans la restauration collective vient dêtre signé : il donne la possibilité aux patrons de renforcer la flexibilité dans un secteur où les conditions de travail étaient déjà particulièrement difficiles. Lapplication de la loi Aubry a entraîné une dégradation importante des conditions de travail comme dans lentreprise " Sud Ouest restauration " qui emploie 70 salariés, et où un accord dentreprise est en vigueur depuis septembre dernier.
La modulation des horaires est à son maximum : flexibilité (amplitude horaire de 0 à 48 h), annualisation. Ce qui signifie concrètement que les heures cocktails (effectuées en dehors des heures de travail pour des manifestions exceptionnelles, apéritifs, réceptions et quil est fortement conseillé de ne pas refuser !) entrent directement dans les heures normales : plus dheures supplémentaires ou de repos complémentaires. Le responsable dunité a 48 h pour nous prévenir dun changement dhoraire, sil respecte ce préavis, parce quil faut sattendre au pire au vu des pressions exercées dans les petites unités (2 ou 3 personnes parfois) où le chef a tous les pouvoirs y compris celui de vous mener la vie dure (chantage, mutation ). Cela veut dire que, si pendant un service, il y a une baisse exceptionnelle de clients, le chef peut demander à un ou plusieurs employés de partir plus tôt pour rester plus tard une autre fois, ce sera à son bon vouloir ! Cest de cette manière que cela va se passer.
De plus, même si les 35 heures sont payées 39, les parties signataires sengagent à la modération salariale pendant un nombre dannée non défini. Il faut savoir que dans les chaînes de restauration, le SMIC est de rigueur, les temps partiels à la mode, les CDD et les intérims en grande majorité. Le patronat sengage à embaucher à hauteur de la loi mais selon les gains ou perte de marchés : ça veut dire quil fera ce quil voudra au nom de la productivité et compétitivité de lentreprise !
Annualisation, flexibilité, gel des salaires, pas dembauches, voilà ce que nous réservent les petits et grands patrons de la restauration !
Pour nous y opposer, nous avons bien des difficultés à vaincre, la première étant notre éparpillement sur différents sites. Les patrons sarrangent pour éviter toute rencontre, essayant même de monter les unités contre les autres (par rapport aux salaires, aux conditions de travail, etc.). Cest tout cela quil nous faudra surmonter pour combattre les conditions esclavagistes que nous imposent les patrons au service de gros actionnaires des grands groupes de restauration (ACCOR, ELIOR et bien dautres).