Le premier ministre cambodgien, Hun Sen vient de céder à la pression des grandes puissances occidentales en sengageant devant lONU à faire juger les Khmers rouges, au pouvoir entre 1975 et 1979 et responsables du génocide qui fit 1,7 million de morts. En décembre dernier, la reddition au gouvernement cambodgien des deux anciens dirigeants khmers rouges Khieu Samphan et Nuon Chea, lieutenants de Pol Pot, avait soulevé lindignation hypocrite des politiciens et de la presse occidentale. Les dirigeants impérialistes, auxquels Chirac sest empressé de faire écho, réclament un procès des anciens tortionnaires, alors quils ne se sont jusque-là livrés quà une mascarade dexcuses publiques, déclarant avec cynisme quils étaient " très désolés, non seulement pour les vies humaines, mais aussi pour les vies animales perdues pendant la guerre ".
Khieu Samphan et Nuon Chea sont les deux derniers chefs de la guérilla khmer à se rendre et à rallier le régime actuel, qui était dautant plus prêt à les réintégrer dans son giron que la plupart des dirigeants en place sont eux-mêmes des " transfuges " khmers rouges ou anciens alliés qui, au cours des dernières années ont, les uns après les autres, abandonné une guérilla exsangue pour réintégrer le pouvoir. Cest le cas de lactuel premier ministre Hun Sen, dautant plus enclin à prôner la " réconciliation nationale et le pardon " des ex-polpotistes quil est lui-même ancien khmer, ex-cadre militaire de larmée de Pol Pot, qui partagea le pouvoir avec ceux quon lui demande aujourdhui de juger.
Les politiciens et la presse occidentale ont fait semblant de sindigner de laccueil officiel réservé aux deux " bourreaux " par Hun Sen qui avait alors déclaré préférer " la politique des fleurs et non pas des menottes " et à qui il avait donné lassurance quils ne seraient pas arrêtés. Le roi Norodom Sihanouk, longtemps allié des khmers rouges après leur renversement, sétait lui aussi félicité de " cette nouvelle victoire dune politique de réconciliation nationale " et de " la très bonne nouvelle du retour à la société de son excellence Khieu Samphan et de son excellence Nuon Chea ", avant de faire volte-face, dadopter un ton plus mesuré et dannoncer quil leur refuserait lamnistie... en bon serviteur de ses protecteurs impérialistes.
Ces derniers feignent de sétonner, cherchant à masquer le fait quils sont obligés de composer avec les dirigeants actuels du Cambodge quils ont eux-mêmes portés au pouvoir en imposant, en 1991, sous légide de lONU, un régime de " réconciliation nationale " intégrant danciens dirigeants khmers sur lesquels ils sappuient aujourdhui contre les masses cambodgiennes. Ils montrent dautant plus du doigt les responsables du génocide, au nom de la démocratie et de la paix, quils essaient de masquer la responsabilité directe de limpérialisme dans la dictature sanglante du régime de Pol Pot. Cest limpérialisme français, lancienne puissance coloniale de la région, qui commença par mener une guerre meurtrière contre lindépendance des peuples de la région, relayé par limpérialisme américain après la défaite française. Les bombardements américains qui, de 1973 à 1975 firent plus de 600 000 morts, ravagèrent le pays, ruinèrent son économie, transformèrent le grenier à blé quétait le Cambodge en un pays de famine, et cest de ce pays exsangue quhéritèrent les nationalistes khmers qui arrivèrent au pouvoir en 75 et tentèrent de développer une économie nationale en débarrassant le pays de la corruption et du pillage impérialiste. Le pouvoir de Pol Pot, la violence exercée contre les masses au nom du développement national qui se parait du drapeau du communisme, les crimes sanglants perpétrés par une peur des masses poussée à son paroxysme, sont le produit direct de la domination impérialiste française puis américaine, qui a taillé les frontières de cette région dans la chair des peuples, les a spoliés et a ruiné leurs économies, les privant de toutes possibilités démocratiques.
Alors, un hypothétique procès des khmers par un tribunal international chapeauté par les grandes puissances, sil se tient un jour, mais rien nest moins sûr, ne sera quune mascarade dans laquelle laccusateur serait le principal responsable, limpérialisme.
Les mineurs roumains font reculer le gouvernement et ouvrent la voie à dautres luttes
Les mineurs roumains après trois semaines de grève et cinq jours de marche sur Bucarest ont obligé le président Constantinescu et son gouvernement à reculer. Ils ont envoyé les forces de lordre contre les " gueules noires ". Ils ont brandi la menace dutiliser larmée, les chars et de décréter létat durgence, en vain. Ils nont pas réussi pour autant à arrêter les mineurs qui ont franchi les barrages lors daffrontements violents faisant plus de cent blessés parmi les policiers. La combativité des ouvriers, leur organisation, leur courage mais aussi le soutien quils ont rencontré auprès de la population ont obligé le premier ministre Vasile à négocier avec les représentants des mineurs. Une répression sanglante risquait de provoquer une explosion sociale. Il nétait même pas certain que larmée, formée de conscrits issus de la population pauvre, ait obéi aux ordres de réprimer les mineurs. Le gouvernement roumain a eu peur de ce mouvement et il a été contraint de désamorcer le conflit en accordant une augmentation de salaire de 30 % (les mineurs demandaient 35 %) et en arrêtant le projet immédiat de fermeture de deux mines qui avait mis le feu aux poudres. Les mineurs, fiers à juste titre de leur action, ne se font sans doute pas dillusions pour autant sur leur victoire. A qui seront réellement attribuées les augmentations de salaires ? Que vaudront-elles avec linflation ? Ils savent que la partie nest pas gagnée et que le plan de fermeture de 140 mines pour les années à venir nest sûrement pas abandonné par le gouvernement. Les résultats sont dautant moins clairs que les négociations ont été menées en sous main par le dirigeant des mineurs Cozma et les autorités dans un protocole devant rester secret durant un mois. Le seul engagement quil reconnaît avoir pris face aux autorités, cest de réduire de 20 % par an les pertes de la compagnie nationale de la houille, afin quelle devienne rentable dici cinq ans. Cest une fois de plus la preuve que les travailleurs nont pas intérêt à laisser leur mouvement entre les mains de dirigeants quils ne contrôlent pas.
Sa récente adhésion à un parti dextrême droite a été mise en avant par toute la presse occidentale. Les journalistes se sont saisi de ce fait pour discréditer un mouvement de la classe ouvrière. Il est très à la mode dans ces milieux de présenter les ouvriers roumains et particulièrement les mineurs comme une masse informe, non pensante, manipulable, et de les faire passer pour danciens privilégiés du régime de Ceaucescu. Ceci est parfaitement faux car ils ont mené des grèves sous la dictature. Il est choquant de parler de privilèges à propos de travailleurs qui risquent chaque jour leur vie en la gagnant depuis des dizaines dannées, et qui vivent pauvrement dans la vallée du Jiu où aucun journaliste ne voudrait rester ! Ils expriment là leur solidarité avec les exploiteurs au-delà des frontières et affichent leur profond mépris social. La personnalité douteuse dun de leur dirigeant nenlève rien au fait que la lutte des mineurs est légitime et ils ont raison de se battre pour leur survie et que les milliers de mineurs en lutte nadhèrent pas pour autant aux idées de Cozma. La popularité de celui-ci ne vient dailleurs sans doute pas de sa nouvelle appartenance mais plutôt de son passé et du fait quil a été emprisonné après le mouvement des mineurs de 91 qui avait fait chuter le premier ministre de lépoque, Petre Roman. Le fait quun tel démagogue puisse gagner la confiance des ouvriers révèle le vide politique et la rupture avec les idées du mouvement ouvrier qua provoquée le stalinisme.
Par contre, toutes ces bonnes âmes ne voient aucun inconvénient à ce que les gouvernants roumains mettent en place des réformes qui font mourir à petit feu toute la population ! Le gouvernement baptisé de centre-droit qui a remplacé celui dIliescu en 96, a en effet accéléré une politique de réformes pour soumettre la Roumanie à léconomie de marché. Les restructurations industrielles et les privatisations sont conduites à marche forcée. Cela se traduit par des fermetures dentreprises en chaîne. LEtat roumain aux ordres du FMI et de la banque mondiale se débarrasse des secteurs non rentables détenus jusquà maintenant par lEtat. Cest catastrophique pour toute la population qui doit supporter en plus de la misère chronique et des salaires très bas, linflation, la hausse des prix, les licenciements, le chômage. Tant pis, lessentiel est que les financiers internationaux empochent les intérêts des prêts et que les mafieux locaux prélèvent leur dîme au passage.
Les mineurs ont commencé à sopposer au régime en place et rien nest réglé. Le soutien matériel et moral de la population tout au long de leur marche, est une raison de plus despérer. Leur détermination était telle quils peuvent recommencer. La peur du gouvernement face à leur force collective peut encourager dautres secteurs à lutter, leur redonner espoir et envie de mettre un coup darrêt à la machine infernale à broyer la population quest léconomie de marché.
Dumas-Chirac : " passe moi léponge, je te renvoie lascenseur ", ou le bon fonctionnement de la démocratie bourgeoise
Le Conseil constitutionnel, " linstitution essentielle de la République ", selon Jacques Chirac lui-même, présidé par Roland Dumas vient, au détour dune déclaration, daffirmer que le président de la République était à labri de toute poursuite pénale pendant la durée de son mandat. Tout le monde saccorde à voir là un prêté pour un rendu de Dumas à légard de Chirac. Le président du Conseil constitutionnel est englué jusquau cou dans les affaires de pots-de-vin en liaison avec la vente darmements à Taïwan ou des trusts comme Elf. Par sa déclaration, il protège le président de la République qui aurait pu être inquiété par la justice à propos du financement du RPR par la mairie de Paris. Dumas devait bien ça à Chirac puisque ce dernier avait, cet été, mis un terme aux pressions qui visaient à le faire démissionner du Conseil constitutionnel en déclarant que son " bon fonctionnement nétait pas en cause ".
Dans le monde des autorités politiques et juridiques, certains sindignent de cette interprétation de la constitution et dautres sen félicitent. Le député RPR Devidjan a par exemple déclaré que le système politique français, au contraire de celui des Etats-Unis, " heureusement " " ne permettait pas quon porte atteinte à la fonction présidentielle pour des histoires de braguette ". En loccurrence, il sagit plutôt dhistoires de portefeuille, et les trémolos sur la " fonction présidentielle " nempêchent pas les " mécanismes institutionnels " dapparaître tout nus dans cette affaire.
La démocratie bourgeoise, cest avant tout une série de mécanismes pour empêcher le tout venant de mettre son nez dans les affaires des puissants. La " séparation des pouvoirs " est une vaste blague. Ils ne sont séparés que du peuple. Entre eux et avec la haute bourgeoisie, ils sont en perpétuelle communication, et ils ne cessent de séchanger les postes et les services.
Le Conseil constitutionnel, dont les membres sont choisis par les présidents de la République, de lAssemblée nationale et du Sénat, nest absolument pas indépendant. Simplement, comme dautres institutions, il est là pour corriger les éventuels dérapages de ceux qui ont été élus. On la vu quand il a amené Mitterrand et le gouvernement Mauroy à augmenter les prix du rachat des actions des entreprises que la gauche avait nationalisées en 1981. Une autre de ses fonctions, comme dans le cas présent, cest dempêcher les échelons inférieurs, moins sûrs, de la justice dinquiéter des personnages quils veulent hors de son atteinte. Il existe toute une série dorganismes ou de juridictions spéciales, dont les membres ne sont jamais élus et jamais contrôlés, qui sont autant de garde-fous pour les hommes et la classe au pouvoir. Le Conseil dEtat, pour les décisions administratives et gouvernementales ou la Cour de Cassation pour les décisions de justice sont remplis de hauts fonctionnaires triés sur le volet, sélectionnés pour leurs liens avec la bourgeoisie et leurs compétences à son service.
Il ny a pas à sétonner de léchange de services rendus entre Chirac et Dumas. Lun et lautre ont fait leur devoir : où irait lEtat bourgeois si les plus hauts fonctionnaires devenaient responsables de leurs actes, sils étaient tous élus, contrôlables et révocables par ceux au nom de qui ils dirigent ? Cela serait alors les éléments dune démocratie véritable et ce nest absolument pas la fonction des institutions de la république bourgeoise.