éditorial



Face aux attaques des capitalistes et du gouvernement, préparons le renouveau du mouvement ouvrier et de la lutte de classe

A leur façon, les deux camps sociaux fondamentaux ont tenu la une de l’actualité le week-end dernier. Dans celui des travailleurs, il y a eu les manifestations d’enseignants face aux attaques du gouvernement qui se préparent contre eux ; et il y a eu le début du congrès de la CGT.

Dans le camp des privilégiés, des nantis rebelles à tout progrès social, il y a eu la manifestation anti-PACS où s’est retrouvée la fine fleur réactionnaire des diverses églises, de la droite et de l’extrême-droite. Rien de très impressionnant pour l’instant. Ces gens-là ne sont pas encore très sûr d’eux. Ils ont peur du ridicule. Ils ont enveloppé leurs idées réactionnaires dans un emballage anodin. Ils ont donné à leur manifestation un air de fête paroissiale avec musique techno, singeant la Gay Pride ou la Love Parade pour mettre à l’aise la jeunesse des manoirs et des beaux quartiers.

Chirac et certains leaders de droite ne tenaient pas à ce que les manifestants anti-PACS en fassent trop, de peur que la partie moins arriérée de leur électorat ne se détourne d’une droite qui passe déjà suffisamment pour la plus bête et la plus émiettée du monde. Le PACS ne choque vraiment que les plus bornés des réactionnaires. Ce n’est pas un sujet suffisamment consistant pour permettre à la droite de se refaire une santé électorale.

L’ennui pour la droite, c’est que la gauche plurielle ne lui laisse aucun créneau, aucun thème porteur. Le gouvernement Jospin fait la politique de la droite. Il privatise à tour de bras, il applique le plan Juppé dans la santé, il subventionne le patronat à un niveau inouï et il mène une campagne " sécuritaire " à rendre Pasqua et Debré pâles de jalousie. La droite a du mal à affirmer sa différence parce que la gauche plurielle s’efforce de satisfaire, avec encore plus de zèle, tous les désirs du petit monde de la finance et de l’industrie.

Les ministres et secrétaires d’Etat qui se sont réunis samedi sous la houlette de Jospin se sont félicités de conduire une politique " moderne ". C’était une façon détournée de reconnaître qu’ils sont sponsorisés par les capitalistes. Eux aussi n’ont que ce mot–là à la bouche. Ils appellent " moderne " tout ce qui leur permet d’accumuler davantage de profits : la flexibilité, l’augmentation de la charge de travail pour les salariés, les plans de licenciement pour réduire la masse salariale, la suppression des acquis et des moyens de défense des travailleurs qu’ils jugent évidemment " archaïques ".

Les fusions actuelles entre banques et entre trusts industriels vont porter les attaques contre les salariés à leur paroxysme tandis que Jospin et ses ministres continueront à afficher un sourire béat.

Face à l’agression générale de la bourgeoisie et à la menace latente du regroupement des forces les plus réactionnaires, il y a un besoin urgent que nous les travailleurs, nous reprenions confiance dans les idées du mouvement ouvrier et dans ses forces, pour préparer les luttes.

Le congrès de la CGT qui se déroule cette semaine à Strasbourg peut-il y contribuer ? En lui-même, non. Les dirigeants de la CGT sont bien trop liés au gouvernement. Fondamentalement ils plient devant les exigences du patronat comme les autres leaders syndicaux. La poignée de mains entre Bernard Thibault et Nicole Notat scelle leur unité pour tromper les travailleurs et pour leur faire croire que leur talent de négociateurs est plus efficace que les luttes ouvrières.

Le nouveau secrétaire de la CGT nous est présenté comme un homme d’ouverture voulant un syndicalisme de " proposition " et non de " protestation ". Il prétend rénover la CGT. Mais dans quel sens ? Ces derniers temps, les dirigeants de la CGT ont montré leur esprit d’ouverture à l’égard du patronat et du gouvernement en signant plusieurs accords sur les 35 heures qui ouvrent de larges brèches permettant aux patrons d’introduire la flexibilité. Dans d’autres secteurs comme chez PSA Peugeot-Citroën, ils ont refusé pour l’instant, comme les autres syndicats, grâce à la pression des travailleurs.

Cela montre bien que les responsables syndicaux livrés à eux-mêmes, sans l’action et le contrôle des travailleurs, sont aussitôt sous la pression des patrons et du gouvernement. Cela montre que la rénovation dans le bon sens de la CGT comme des autres syndicats ne peut venir que de la base. Elle sera l’œuvre des travailleurs du rang redonnant un esprit démocratique et un souffle de lutte de classe à toutes les structures syndicales.

Les dirigeants syndicaux sont prêts à être " tous ensemble " pour ouvrir leurs bras aux propositions patronales. Mais si tous les travailleurs syndiqués et non syndiqués s’unissent pour rénover le mouvement ouvrier et en faire un mouvement de lutte de classe, ils seront invincibles face à la bourgeoisie et à ses serviteurs qui ne leur proposent qu’une société de chômage et de misère.

La recrudescence de la guerre commerciale entre les USA et le reste du monde, cadre d’un renforcement de l’offensive contre les travailleurs

Au sommet de Davos, la délégation américaine conduite par Al Gore, le vice-président américain et les principaux ministres de Clinton, a vanté la réussite de l’économie américaine et adressé une mise en demeure au Japon et aux pays européens : " l’Amérique ne peut être l’importateur en dernier ressort " a dit Al Gore qui a menacé de prendre des mesures de rétorsion, notamment contre les produits japonais si le Japon n’ouvrait pas plus largement son marché aux produits américains.

Les représentants de la bourgeoisie américaine, dont les multinationales pillent les peuples sur tous les continents, se présentent donc comme un modèle économique, seule oasis de croissance dans un monde déchiré par les crises financières et la récession économique : " jamais depuis cinq cents ans, une économie n’a dominé le monde comme les Etats-Unis aujourd’hui " a déclaré le secrétaire d’état adjoint au Trésor. Ce qui est bon pour la bourgeoise américaine est donc bon pour le monde entier, affirment les hommes politiques américains.

Et ils réclament la possibilité d’exporter en Europe les bananes et les veaux aux hormones commercialisés par les firmes américaines, ils condamnent les importations d’acier japonais, brésilien ou russe, ils demandent l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations commerciales, pour imposer au monde entier des règles qui leur seraient encore plus favorables, un libre-échange à sens unique et tout à leur avantage.

Cette guerre commerciale et les menaces dont elles s’accompagnent permettent de justifier les attaques contre la classe ouvrière et de leur donner un dérivatif nationaliste, comme cela avait déjà été fait par le passé notamment pour justifier les licenciements massifs dans l’automobile américaine. C’est par exemple la concurrence de l’acier japonais qui est utilisée par les dirigeants de l’US Steel pour licencier des centaines de salariés et fermer plusieurs hauts fourneaux dans plusieurs villes américaines.

Car si les bourgeois américains et leurs représentants se vantent d’avoir une croissance record, des taux d’inflation et de chômage très faibles, il y a un autre record dont ils se vantent moins : depuis novembre 98, le nombre de licenciements annoncés est de 575 000, soit 50 % de plus qu’en 97 et proche du " record " de 1993.

En procédant à des licenciements massifs dans les plus grandes entreprises, il s’agit pour eux de " baisser les coûts de production ", de " faire des gains de productivité " pour sauvegarder les profits qui alimentent la spéculation boursière à Wall Street.

Car la santé de l’économie américaine repose sur des bases plus fragiles que ne le prétendent les bulletins de victoire commentant les derniers indices économiques. La consommation intérieure, moteur " sain " selon eux de la croissance américaine est en grande partie alimentée de façon artificielle, encouragée par la hausse des cours de la Bourse. Un banquier estime que la hausse de la Bourse " a valorisé d’environ huit milliards de dollars le patrimoine net des ménages au cours des six dernières années " et c’est l’assurance que la hausse des cours se poursuivra qui est à la base de cette hausse de la consommation. Que les actions baissent sensiblement et tout l’édifice peut être remis en cause.

C’est pour sauvegarder ces profits et maintenir la hausse des actions à Wall Street quoi qu’il en coûte que la bourgeoisie américaine lance ses menaces à la fois contre les bourgeoisies concurrentes, contre les peuples des pays asiatiques et européens et contre les travailleurs américains.